Preuves qu’un coup d’État à Kiev a été soutenu par les États-Unis — Joe LAURIA

Preuves qu’un coup d’État à Kiev a été soutenu par les États-Unis — Joe LAURIA

NewsGuard [équivalent américain du Décodex] a donné à Consortium News une note rouge pour avoir « publié du faux contenu » sur l’Ukraine, notamment en affirmant qu’il y a eu un coup d’État soutenu par les États-Unis à Kiev en 2014. Voici la preuve détaillée de Consortium News.

NewsGuard, l’agence de notation des médias, allègue que Consortium News a publié du « faux contenu » en rapportant qu’il y a eu un coup d’État soutenu par les États-Unis en Ukraine en 2014 et que les néo-nazis ont une influence importante dans le pays.

NewsGuard a contesté l’article du 20 février 2022 « Ukraine : pistes de réflexion », [qui] affirmait : « D’où l’inflation du comportement russe en Ukraine où Washington a organisé un coup d’État contre un gouvernement démocratiquement élu parce que nous n’aimions pas sa couleur politique)… »

Ajoutant ensuite :

« Les États-Unis ont soutenu la révolution de Maïdan qui a chassé le président ukrainien de l’époque, Viktor Ianoukovitch (sic), en 2014 – y compris une visite de John McCain à Kiev en décembre 2013 pour soutenir les manifestants – mais rien ne prouve que les États-Unis aient « organisé » un « coup d’État ». Au contraire, il [le Maïdan] présente tous les signes d’un soulèvement populaire, précipité par des manifestations largement couvertes contre la décision de Ianoukovitch de suspendre les préparatifs de la signature d’un accord d’association et de libre-échange avec l’Union européenne. »

Viktor Ianoukovitch a été démocratiquement élu président de l’Ukraine en 2010 lors d’une élection validée par l’OSCE, un fait qui n’est pas mentionné dans les écrits de NewsGuard sur le changement de gouvernement en Ukraine. Même si M. Ianoukovitch avait accepté un règlement politique de l’UE et des élections anticipées, la violence l’a forcé à fuir la capitale le 21 février 2014. Signalant que le groupuscule néonazi Secteur Droit [Pravy Sektor] était à l’avant-garde de ce renversement violent, le New York Times (noté en « vert » par NewsGuard) a écrit plus tôt dans la journée :

« Dmytro Yarosh, le leader de Secteur Droit, une coalition de groupes nationalistes purs et durs, a réagi de manière provocante à la nouvelle de l’accord, suscitant de nouveaux applaudissements de la foule.

« Les accords qui ont été conclus ne correspondent pas à nos aspirations, a-t-il déclaré. Secteur Droit ne déposera pas les armes. Secteur Droit ne lèvera pas le blocus d’un seul bâtiment administratif tant que notre principale revendication n’est pas satisfaite – la démission de Ianoukovitch ». Il a ajouté que lui et ses partisans étaient « prêts à assumer la responsabilité de la poursuite du développement de la révolution ». La foule a crié : « Bien ! Bien ! »

Selon une étude sur la violence utilisée pour renverser le gouvernement, réalisée par le professeur Serhiy Kudelia, politologue à l’université Baylor (Texas), le renversement a réussi en raison de « la présence de groupes violents » dans une manifestation non violente. La violence a commencé le 1er décembre 2013 lorsque ces groupes violents ont attaqué la police avec « des chaînes de fer, des fusées éclairantes, des pierres et des bombes à essence » et ont tenté de faire passer un bulldozer à travers les lignes de police. La police a violemment riposté ce jour-là.

Comme l’International Business Times (noté en vert) l’a écrit à propos de ces groupes à l’époque :

« Selon un membre de l’Union antifasciste Ukraine, un groupe qui surveille et combat le fascisme en Ukraine, « Il y a beaucoup de nationalistes ici [EuroMaidan], y compris des nazis. Ils sont venus de toute l’Ukraine, et ils représentent environ 30 % des manifestants ».

« Différents groupes [anarchistes] se sont réunis pour une réunion sur le Maïdan. Pendant qu’ils se réunissaient, un groupe de nazis est arrivé en plus grand nombre, ils avaient des haches, des battes de baseball et des bâtons, des casques, ils ont dit que c’était leur territoire. Ils ont traité les anarchistes de juifs, de noirs, de communistes. Il n’y avait même pas de communistes, c’était juste une insulte. Les anarchistes ne s’attendaient pas à ça et ils sont partis. Les gens qui ont d’autres opinions politiques ne peuvent pas rester dans certains endroits, ils ne sont pas tolérés », poursuit un membre du groupe. »

Les violences perpétrées par les groupes d’extrême-droite ont manifestement été tolérées par le sénateur John McCain, qui a exprimé son soutien au soulèvement en s’adressant à la foule du Maïdan plus tard dans le mois. La secrétaire d’État adjointe Victoria Nuland et l’ambassadeur étasunien de l’époque, Geoffrey Pyatt, se sont rendus sur la place après le début des violences.

Le compte-rendu des événements du 21 février 2014 par NewsGuard indique que même si Ianoukovitch a accepté les élections anticipées, « les manifestants en colère ont exigé la démission immédiate de Ianoukovitch », et il a fui ce jour-là après que « des centaines de policiers gardant les bâtiments du gouvernement ont abandonné leurs postes. » NewsGuard affirme ensuite que « les manifestants ont pris le contrôle de plusieurs bâtiments gouvernementaux le lendemain. »

Bâtiments gouvernementaux saisis

Mais les manifestants avaient déjà saisi des bâtiments gouvernementaux dès le mois de décembre 2013. Le 24 janvier, des manifestants ont fait irruption dans le bâtiment du ministère de l’Agriculture à Kiev et l’ont occupé. Le même jour, des barricades ont été érigées près du siège de la présidence. Des bâtiments gouvernementaux dans l’ouest du pays avaient également été occupés. The Guardian (noté en vert) a rapporté le 24 janvier :

« Des événements dramatiques ont eu lieu dans l’ouest du pays jeudi lorsque des centaines de personnes ont pénétré de force dans le bureau du gouverneur régional de la ville de Lviv et l’ont forcé à signer une lettre de démission. Oleh Salo, nommé par M. Ianoukovitch dans une ville où le soutien au président est très faible, a déclaré par la suite qu’il avait signé la lettre sous la contrainte et qu’il annulait sa démission.

Des milliers de personnes ont également pris d’assaut le siège de l’administration régionale à Rivne jeudi, défonçant les portes et exigeant la libération des personnes détenues dans le cadre des troubles, selon l’agence de presse Unian. Dans la ville de Cherkasy, située à 200 kilomètres au sud de Kiev, environ 1 000 manifestants ont occupé les deux premiers étages du bâtiment principal de l’administration et ont allumé des feux à l’extérieur du bâtiment.

Des actions similaires ont eu lieu à Ternopil, Ivano-Frankivsk et Khmelnytsky dans l’ouest et le centre de l’Ukraine, ainsi que dans certaines parties du nord-est, d’après le Parti des régions. »

Les manifestants avaient commencé à occuper l’hôtel de ville de Kiev en décembre, avec un portrait du leader fasciste ukrainien de la Seconde Guerre mondiale, Stepan Bandera, suspendu aux chevrons. Dans la nuit du 21 février, le chef du groupuscule néofasciste Secteur Droit, Andriy Parubiy, a annoncé que la Verkhovna Rada (le parlement), l’administration présidentielle, le cabinet des ministres et le ministère des affaires intérieures étaient tous passés sous le contrôle des manifestants.

NewsGuard a donc publié du « faux contenu » en rapportant que les bâtiments du gouvernement avaient été occupés le lendemain de la fuite de Ianoukovitch de la capitale. Ils devraient publier un correctif.

Le lendemain de la fuite de M. Ianoukovitch, la Rada a voté sans la présence de son parti – le plus important du pays – pour le mettre en accusation après son renversement violent. NewsGuard a omis le fait essentiel que le vote d’impeachment a été entaché par l’absence du parti de Ianoukovitch et que cet impeachment a été largement invalidé par le fait que que les violences l’ont forcé à fuir la capitale.

Un dirigeant démocratiquement élu peut être destitué par une défaite électorale, un impeachment ou un vote de défiance, et non par la violence. NewsGuard écrit que « des centaines de policiers gardant les bâtiments du gouvernement ont abandonné leurs postes » le jour où Ianoukovitch a été forcé de partir, mais ne dit pas pourquoi. Comme le rapporte le magazine Jacobin (noté en vert par NewsGuard) :

« Quoi que l’on pense des manifestations du Maïdan, la violence croissante des personnes impliquées a été la clé de leur victoire finale. En réponse à une répression policière brutale, les manifestants ont commencé à se battre avec des chaînes, des bâtons, des pierres, des bombes à essence, et même un bulldozer – et, finalement, des armes à feu, le tout culminant en février dans ce qui était effectivement une bataille armée qui a fait treize morts parmi les policiers et près de cinquante parmi les manifestants. La police « ne pouvait plus se défendre » contre les attaques des manifestants, écrit le politologue Sergiy Kudelia, ce qui l’a amenée à battre en retraite et a précipité la sortie de Ianoukovitch. »

NewsGuard appelle ces événements une « révolution », mais les révolutions dans l’histoire ont généralement été contre des monarques ou des dictateurs, et non contre des dirigeants démocratiquement élus. Par exemple, la Révolution américaine de 1776, la Révolution française de 1789, la Révolution russe de 1917, la Révolution égyptienne de 1952, la Révolution iranienne de 1979 et d’innombrables autres étaient dirigées contre des monarques. Les coups d’État ont été menés contre des dirigeants élus et non élus. Les révolutions changent les systèmes politiques, généralement en passant de monarchies à des républiques. Le système politique de l’Ukraine n’a pas changé, seulement son dirigeant.

Ce qu’un lecteur, Adrian E. a commenté ainsi sous cet article :

« Lorsqu’un mouvement soutenu par environ la moitié de la population et auquel s’oppose environ l’autre moitié de la population renverse violemment un gouvernement démocratiquement élu, on peut lui donner différents noms (par exemple, coup d’État), mais il ne s’agit certainement pas d’une « révolution populaire ».

Le mouvement du Maïdan n’a jamais été soutenu par plus de la moitié de la population ukrainienne. Il a été soutenu par une vaste majorité dans l’ouest de l’Ukraine, par très peu de personnes dans l’est et le sud du pays, avec une répartition plus égale dans le centre et le nord. Il est clair qu’il ne s’agissait pas d’un gouvernement qui avait perdu le soutien de la population à un point tel qu’il y avait un consensus général pour qu’il démissionne. C’était le cas d’un camp politique représentant environ la moitié du pays qui avait perdu les dernières élections et qui imposait sa volonté par une violence brutale et mortelle. »

À tous égards, l’éviction de M. Ianoukovitch a constitué un changement de gouvernement anticonstitutionnel. Son impeachment sans la présence de son parti pour le vote a eu lieu après la saisie des bâtiments du gouvernement et après que la violence l’a chassé de la capitale.

Preuves indirectes

Dans sa version de ces événements, NewsGuard ne fait référence qu’à des preuves circonstancielles [ou indirectes] du coup d’État, l’interprétant comme un « soutien » des États-Unis à une « révolution » contre un président démocratiquement élu.

NewsGuard omet de signaler que McCain, le sénateur démocrate Christopher Murphy (Connecticut) ainsi que Nuland sont montés sur scène au Maïdan avec Oleh Tyahnybok, leader du parti néo-fasciste Svoboda, anciennement connu sous le nom de Parti Social-National.

NewsGuard n’examine pas comment de tels événements seraient perçus aux États-Unis si un haut-fonctionnaire du ministère russe des Affaires étrangères, deux législateurs russes de premier plan et l’ambassadeur de Russie aux États-Unis apparaissaient sur scène avec un leader américain d’extrême-droite pour s’adresser à une foule sur le Washington Mall dans le but de renverser un président américain élu. Si ce président était violemment renversé, les Américains penseraient-ils qu’il s’agit d’un coup d’État soutenu par la Russie ?

NewsGuard parle du discours de Nuland en 2013 dans lequel elle a révélé que depuis 1991, les États-Unis avaient dépensé 5 milliards de dollars pour aider à concrétiser les « aspirations » de l’Ukraine. Ce qu’elle omet de souligner, c’est que les aspirations américaines étaient de tourner l’Ukraine vers l’Ouest et de l’éloigner de la Russie. Et les États-Unis avaient du pain sur la planche.

Dans un sondage réalisé en 2008, 17 ans après le début des efforts américains, et l’année où les États-Unis ont déclaré que l’Ukraine rejoindrait un jour l’OTAN, 50 % des Ukrainiens étaient opposés à l’adhésion à l’OTAN, contre seulement 24,3 % qui y étaient favorables. Un sondage Gallup de 2010 a montré que 40 % des Ukrainiens considéraient l’OTAN comme une menace plutôt que comme un protecteur. Seuls 17 % étaient d’un avis contraire. Le défi des États-Unis consistait donc à renforcer la société civile par le biais d’ONG financées par les États-Unis afin de favoriser l’Occident.

NewsGuard ne mentionne pas qu’une partie des 5 milliards de dollars dépensés par les États-Unis était destinée à aider à organiser les protestations. Il y avait un véritable mécontentement populaire à l’égard de Ianoukovitch que la NED a entretenu et formé. Jacobin a rapporté les événements de 2014 :

« Les responsables américains, mécontents de l’accord européen avorté, ont vu une chance similaire dans les manifestations du Maïdan. Deux mois à peine avant qu’elles n’éclatent, le président de la NED de l’époque, soulignant l’ouverture européenne de Ianoukovitch, écrivait que « les opportunités sont considérables et que Washington pourrait apporter une aide importante ».

En pratique, cela signifiait financer des groupes comme New Citizen, qui, selon le Financial Times, « a joué un rôle important dans la mise en place de la manifestation » dirigée par une figure de l’opposition pro-UE. Le journaliste Mark Ames a découvert que l’organisation avait reçu des centaines de milliers de dollars d’initiatives américaines de promotion de la démocratie. »

Écrivant dans Consortium News six jours après l’éviction de Ianoukovitch, [Robert] Parry a rapporté qu’au cours de l’année précédente, la National Endowment for Democracy (NED), qui finance les ONG dans les pays que les États-Unis ciblent pour un changement de régime, avait financé 65 projets en Ukraine pour un total de plus de 20 millions de dollars. Parry l’a appelé « une structure politique fantôme de médias et de groupes d’activistes qui pourrait être déployée pour susciter des troubles lorsque le gouvernement ukrainien n’agirait pas comme souhaité. »

Le 25 février, au lendemain de l’invasion russe, la NED a supprimé tous les projets qu’elle avait financés en Ukraine, et qui sont archivés ici. La NED s’est immiscée dans la politique ukrainienne en 2004 lors de la soi-disant Révolution Orange. Le Washington Post (noté en vert) a écrit en 1991 que ce que la C.I.A. faisait autrefois en secret – déstabiliser et renverser des régimes – la NED le faisait maintenant ouvertement.

Les coups d’État dirigés par la C.I.A. ou la NED ne sont jamais inventés de toutes pièces. Les États-Unis travaillent avec de véritables mouvements d’opposition dans un pays, parfois des soulèvements populaires, pour les financer, les former et les diriger. Les États-Unis ont une longue histoire de renversements de gouvernements étrangers, les exemples les plus tristement célèbres étant l’Iran en 1953, le Guatemala en 1954 et le Chili en 1973.

En septembre 2013, avant le début du soulèvement du Maïdan, Carl Gerhsman, chef de longue date de la NED, a qualifié l’Ukraine de « plus gros lot » dans un article d’opinion du Washington Post, et a averti que « les Russes, eux aussi, sont confrontés à un choix, et Poutine pourrait se retrouver du côté des perdants, non seulement hors de Russie, mais aussi en Russie même. »

En 2016, il a déclaré que la NED était impliquée en Ukraine depuis les années 1980 et il a fait l’éloge du « renversement de Ianoukovitch. »

Omission de l’enregistrement de Nuland-Pyatt

Plus important encore, dans sa tentative de réfuter l’implication des États-Unis dans le coup d’État, NewsGuard omet l’appel téléphonique de 2014 intercepté et divulgué entre Nuland et Pyatt, alors ambassadeur des États-Unis en Ukraine, dans lequel les deux discutent de la composition du nouveau gouvernement quelques semaines avant le renversement de Ianoukovitch.

Sur cet enregistrement (1) qui a fait l’objet d’une fuite, Nuland et Pyatt parlent de la mise en place d’un nouveau gouvernement, du rôle du vice-président Joe Biden et de l’organisation de réunions avec des politiciens ukrainiens pour y parvenir. Nuland dit que le premier ministre devrait être Arseniy Yatsenyuk, et en effet il est devenu premier ministre après le coup d’État.

À l’époque, la BBC (notée en vert) a écrit au sujet de la fuite : « Les États-Unis affirment qu’ils travaillent avec toutes les parties à la crise pour parvenir à une solution pacifique, notant que « finalement, c’est au peuple ukrainien de décider de son avenir ». Cependant, cette transcription suggère que les États-Unis ont des idées très claires sur ce que devrait être le résultat et qu’ils s’efforcent d’atteindre ces objectifs. »

Le département d’État n’a jamais nié l’authenticité de la vidéo, et a même présenté des excuses à l’Union Européenne après que Nuland ait été entendue sur la bande-son disant « Fuck the EU ! ». À l’époque, les médias grand public se sont concentrés presque exclusivement sur cette remarque désobligeante pour détourner l’attention de l’importance plus grande de l’ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures de l’Ukraine.

Pourquoi Nuland a-t-elle dit « Fuck the EU ! » ? Au moment où elle l’a dit, la France, l’Allemagne et la Pologne travaillaient pour l’UE à un règlement politique de la crise du Maïdan avec la Russie qui laisserait Ianoukovitch au pouvoir.

En effet, l’UE avait négocié un accord avec M. Ianoukovitch, qui avait accepté la tenue d’élections anticipées d’ici décembre 2014, le rétablissement de la Constitution de 2004 et une amnistie pour tous les manifestants, ce qui permet aujourd’hui de ne tenir personne pour responsable de l’éviction violente. M. Ianoukovitch a annoncé l’accord, avec des représentants de l’Union Européenne à ses côtés à Kiev, le 21 février 2014. Plus tard dans la journée, il a été violemment chassé du pouvoir.

Laisser de côté le rôle historique de la NED et la conversation essentielle entre Nuland et Pyatt dans son reportage est une omission de preuves par NewsGuard, typique des médias aux mains d’intérêts privés. L’omission d’éléments cruciaux dans une histoire en modifie le sens et, dans ce cas, discrédite le compte-rendu que NewsGuard fait des événements de 2014 .

C’est un excellent exemple de la raison pour laquelle Parry a créé Consortium News : pour rapporter des informations cruciales que les médias corporatifs omettent parfois délibérément et de manière trompeuse pour changer le sens d’une histoire. C’est NewsGuard qui doit corriger son article sur le coup d’État, et non Consortium News. NewsGuard invite ses lecteurs à demander des corrections en leur envoyant un e-mail à corrections@newsguardtech.com.

Raisons probables du coup d’État

Wall Street et Washington ont débarqué en 1991 après la chute de l’Union soviétique dirigée par un Boris Eltsine malléable (ayant bénéficié d’une aide directe des États-Unis pour se faire réélire en 1996) pour dépouiller les anciennes industries d’État, s’enrichir, enrichir une nouvelle classe d’oligarques et appauvrir le peuple anciennement soviétique.

L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine à la veille du Nouvel An 1999 a progressivement commencé à réduire l’influence des États-Unis dans la Russie post-soviétique, surtout après son discours prononcé à la conférence de Munich sur la sécurité en 2007, dans lequel il a critiqué l’agression unilatérale des États-Unis, notamment en Irak.

Finalement, Poutine a rétabli la souveraineté sur une grande partie de l’économie russe, retournant Washington et Wall Street contre lui. (Comme le président Joe Biden l’a maintenant précisé à plus d’une occasion, l’objectif des États-Unis est de le renverser).

Dans son livre publié en 1997, The Grand Chessboard : American Primacy and Its Geostrategic Imperatives, l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Zbigniew Brzezinski, écrivait :

« L’Ukraine, nouvel espace important sur l’échiquier eurasien, est un pivot géopolitique car son existence même en tant que pays indépendant contribue à transformer la Russie. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire eurasien. La Russie sans l’Ukraine peut encore aspirer au statut d’empire, mais elle deviendrait alors un État impérial essentiellement asiatique. »

Ainsi, la « suprématie » des États-Unis, ou la domination mondiale, qui anime toujours Washington, n’est pas possible sans le contrôle de l’Eurasie, comme Brzezinski l’a soutenu, et ce n’est pas possible sans contrôler l’Ukraine en poussant la Russie dehors (prise de contrôle de l’Ukraine par les États-Unis lors du coup d’État de 2014) et en dominant Moscou comme c’était le cas lorsque ceci a été écrit dans les années 1990.

L’implication profonde de l’Occident dans la politique et l’économie ukrainiennes n’a jamais cessé depuis ces premiers jours post-soviétiques. Lorsque M. Ianoukovitch a agi en toute légalité (avec l’aval de la Rada) et a rejeté l’accord d’association avec l’Union européenne en faveur d’un paquet économique russe assorti de meilleures conditions, cela a menacé de réduire l’implication économique occidentale. M. Ianoukovitch est alors devenu une cible.

M. Ianoukovitch avait déjà fait du russe une langue officielle, il avait rejeté l’adhésion à l’OTAN et était revenu sur la décision de son prédécesseur pro-occidental de glorifier les collaborateurs nazis. Le prédécesseur de M. Ianoukovitch, le président Viktor Iouchtchenko, avait fait de Stepan Bandera, le leader fasciste ukrainien de la Seconde Guerre mondiale, un « héros de l’Ukraine ».

Un véritable mécontentement populaire, principalement parmi les Ukrainiens de l’Ouest, existait à l’égard de M. Ianoukovitch. Il s’est intensifié et est devenu violent après son rejet de l’accord européen. En quelques mois, il a été renversé.

Après le coup d’état

Le gouvernement installé par les États-Unis à Kiev a mis hors la loi les partis politiques, y compris le parti communiste, et a supprimé le russe comme langue officielle. Le Parti des Régions de M. Ianoukovitch a été interdit dans plusieurs oblasts et a fini par s’effondrer. Une citoyenne étasunienienne est devenu ministre des finances et le vice-président Joe Biden est devenu le vice-roi virtuel de Barack Obama en Ukraine.

Des vidéos sont apparues montrant Biden donnant des instructions au président nominal de l’époque, Petro Porochenko. De son propre aveu, Biden a forcé la démission de Viktor Shokin, le procureur général d’Ukraine.

Shokin a déclaré sous serment qu’il était sur le point d’enquêter sur Burisma Holdings, la société dans laquelle le fils du vice-président a obtenu un poste lucratif au sein du conseil d’administration quelques mois seulement après le coup d’État soutenu par les États-Unis.

Biden, d’autres responsables américains et les médias de l’époque ont menti en disant que Shokin avait été démis de ses fonctions parce qu’il était corrompu. Des mémos du département d’État publiés cette année par Just the News (noté en vert) font en fait l’éloge de Shokin pour son travail de lutte contre la corruption. La question de savoir si le dirigeant d’une nation étrangère a le droit de révoquer le procureur d’un autre pays a été enterrée.

Huit jours après que près de 50 manifestants anti-coup d’État à Odessa ont été brûlés vifs le 2 mai 2014 par des contre-manifestants d’extrême-droite dominés par Secteur Droit, les provinces de Louhansk et de Donetsk, dans la région du Donbass, ont déclaré leur indépendance de l’Ukraine. La Russie a commencé à les aider et, après une visite à Kiev de John Brennan, alors directeur de la CIA, Porochenko a lancé une guerre contre les séparatistes qui a duré huit ans, tuant des milliers de civils, jusqu’à ce que la Russie intervienne dans le conflit civil en février.

Après le coup d’État, l’OTAN a commencé à armer, à entraîner et à mener des exercices avec l’armée ukrainienne, faisant de celle-ci un membre de facto de l’OTAN. Ce ne sont pas seulement les intérêts d’une partie de l’Ukraine qui ont été servis, mais ceux de puissants acteurs étrangers. Cela s’apparente à une prise de contrôle colonial d’un pays digne du 19ème siècle.

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Joe Lauria est rédacteur en chef de Consortium News et ancien correspondant aux Nations Unies pour le Wall Street Journal, le Boston Globe et de nombreux autres journaux, dont The Montreal Gazette et The Star of Johannesburg. Il a été journaliste d’investigation pour le Sunday Times de Londres, journaliste financier pour Bloomberg News et a commencé sa carrière professionnelle à 19 ans en tant que pigiste pour le New York Times. Il peut être joint à l’adresse joelauria@consortiumnews.com et suivi sur Twitter @unjoe.

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(1) Voici la transcription traduite en français de la conversation téléphonique entre Nuland et Pyatt :

Victoria Nuland : Qu’est-ce que vous en pensez ?

Geoffrey Pyatt : Je pense que ça se goupille bien. La pièce Klitschko [Vitaly Klitschko, l’un des trois principaux leaders de l’opposition] est évidemment l’électron compliqué ici. En particulier, l’annonce de sa nomination au poste de vice-premier ministre et vous avez vu certaines de mes notes sur les problèmes du mariage en ce moment, nous essayons donc de savoir très rapidement où il en est dans ce domaine. Mais je pense que l’argument que vous devez lui présenter, que vous devrez faire, je pense que c’est le prochain appel téléphonique que vous voulez organiser, est exactement celui que vous avez présenté à Yats [Arseniy Yatseniuk, un autre leader de l’opposition]. Et je suis heureux que vous l’ayez en quelque sorte mis sur la sellette pour savoir où il se situe dans ce scénario. Et je suis très heureux qu’il ait dit ce qu’il a dit en réponse.

VN : Bien. Je ne pense pas que Klitsch devrait entrer au gouvernement. Je ne pense pas que ce soit nécessaire, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

GP : Oui. Je suppose… En ce qui concerne le fait qu’il n’entre pas dans le gouvernement, laissez-le en dehors faire ses devoirs politiques et autres. Je pense juste qu’en terme de processus, nous voulons garder les démocrates modérés ensemble. Le problème sera Tyahnybok [Oleh Tyahnybok, l’autre leader de l’opposition] et ses hommes, et je suis sûr que cela fait partie des calculs du [président Viktor] Ianoukovitch dans tout cela…

VN (l’interrompant) : Je pense que Yats est le gars qui a l’expérience économique, l’expérience du gouvernement. Il est le… ce dont il a besoin, c’est de Klitsch et Tyahnybok à l’extérieur. Il doit leur parler quatre fois par semaine, vous savez. Je pense juste que Klitsch va entrer… il va être à ce niveau en travaillant pour Yatseniuk, ça ne va pas marcher.

GP : Ouais, non, je pense que c’est ça. OK. Bien. Voulez-vous que nous organisions un appel avec lui comme prochaine étape ?

VN : Ce que j’ai compris de cet appel – mais c’est vous qui me le dites – c’est que les trois allaient avoir leur propre réunion et que Yats allait proposer dans ce contexte une… conversation trois plus un ou trois plus deux avec vous. Ce n’est pas comme ça que vous l’avez compris ?

GP : Non. Je pense… Je veux dire que c’est ce qu’il a proposé mais je pense que, connaissant la dynamique qu’il y a eu entre eux où Klitschko a été le chef de file, il va mettre du temps à se montrer pour n’importe quelle réunion qu’ils ont organisée et il est probablement en train de parler à ses gars à ce stade, donc je pense que le fait de lui tendre la main directement aide à gérer la personnalité entre les trois et ça te donne aussi une chance d’avancer rapidement sur tous ces trucs et de nous mettre derrière avant qu’ils ne s’assoient tous et qu’il explique pourquoi il n’aime pas ça.

VN : OK, bien. Je suis contente. Pourquoi ne pas lui tendre la main et voir s’il veut parler avant ou après ?

GP : OK, je le ferai. Merci.

VN : OK… un autre problème pour vous Geoff. Je ne me souviens pas si je vous l’ai dit, ou si je l’ai seulement dit à Washington, mais quand j’ai parlé à Jeff Feltman [Secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les affaires politiques] ce matin, il avait un nouveau nom pour le type de l’ONU Robert Serry… Est-ce que je vous ai écrit ce matin ?

GP : Ouais, j’ai vu ça.

VN : D’accord. Il a maintenant obtenu de Serry et de Ban Ki-moon [Secrétaire général des Nations Unies] que Serry puisse venir lundi ou mardi. Ce serait donc formidable, je pense, pour aider à faire coller cette chose et pour que l’ONU aide à la faire coller et puis, vous savez, que l’UE aille se faire foutre !

GP : Non, exactement. Et je pense que nous devons faire quelque chose pour qu’il reste soudé, car vous pouvez être sûr que s’il commence à prendre de l’altitude, les Russes travailleront en coulisse pour essayer de le torpiller. Et encore une fois, le fait que cela soit sorti maintenant, j’essaie toujours de comprendre dans mon esprit pourquoi Ianoukovitch (brouillé) cela. Entre-temps, une réunion de la faction du Parti des régions se déroule en ce moment même et je suis sûr qu’il y a une discussion animée dans ce groupe à ce stade. Mais quoi qu’il en soit, nous pourrions atterrir du côté de la gelée sur cette affaire si nous agissons rapidement. Laissez-moi donc travailler sur Klitschko et si vous pouvez continuer… nous voulons essayer de faire venir quelqu’un avec une personnalité internationale pour aider à gérer cette affaire. L’autre question est une sorte d’approche de Ianoukovitch, mais nous nous regrouperons probablement sur ce point demain, lorsque nous verrons comment les choses commencent à se mettre en place.

VN : Donc, à ce sujet, Geoff, quand j’ai écrit la note, [Jake] Sullivan [le conseiller à la sécurité nationale du vice-président américain] m’a répondu directement, disant que vous aviez besoin de [Joe] Biden [le vice-président américain] et j’ai dit probablement demain pour le feu vert et pour obtenir les détails auxquels s’en tenir. Donc Biden est prêt.

GP : OK. Super. Merci.

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À la lecture de cet article, il est impossible de continuer à croire que le Maïdan a été une révolution populaire… Désolé mais ce n’était pas autre chose qu’un coup d’état orchestré par une puissance étrangère, dans la droite ligne du coup d’état au Chili en 1973. Le rôle qu’a joué la junte militaire chilienne a été repris à Kiev par une constellation de groupuscules néofascistes et si au contraire d’Allende, Ianoukovitch a eu la vie sauve, c’est parce qu’il a eu la bonne idée de mettre les bouts.

La présence manifeste d’officiels américains sur le théâtre des évènements et leur implication active dans le cours desdits évènements laissent peu de doute sur l’identité de ceux qui tirent les ficelles. Ils sont de tous les mauvais coups

Une telle ostentation conduit à se poser quelques questions sur une profession qui, à rebours de tous les principes directeurs codifiant sa pratique, se fait fort de ne rien voir, de ne rien entendre et de ne surtout rien dire.

Alors, pourquoi les journalistes de la presse dominante ne font-ils/elles pas leur boulot ?

Pourquoi n’informent-ils/elles pas le grand public sur la réalité de la situation en Ukraine ?

Pourquoi, au lieu de faire leur travail dans le cadre de la charte de Munich, créent-ils/elles des officines de vérification de l’information dont le but est exactement inverse à l’objectif déclaré : verrouiller et dissimuler la vérité ?

Pourquoi, ce faisant, mettent-ils/elles des bâtons dans les roues des rares journalistes qui ont une conscience ou des citoyen(ne)s qui font un travail qu’ils/elles ont abandonné par docilité ou par intérêt bassement matériel ?

(XP)

»» https://consortiumnews.com/2022/12/29/evidence-of-us-backed-coup-in-kiev/

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À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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