Limites du Simulacre-Ultime
• L’attaque contre Makeyevka (86 morts au décompte actuel, contre les 400-600 morts selon les Ukrainiens) sert de “carotte” sanglante pour relancer les affirmations des “bâtisseurs du simulacre” que la prochaine et assurée défaite russe posera surtout des problèmes pour le dépeçage du pays. • Ainsi voit-on aujourd’hui de prestigieux académistes du Système argumenter longuement et pompeusement sur la façon de liquider la Russie, le peuple russe et toute l’histoire qui va avec. •On savait depuis longtemps la proximité entre la barbarie moderniste et la connerie de tous les temps mais l’épisode actuel remise l’élection du ‘Speaker’ de la Chambre au rayon des accessoires. • Le problème devient alors : certes, nous avons battu la Russie à très-plate couture (aussi plate que la terre), mais comment poursuivre le simulacre jusqu’au Suprême pour que les plus intelligents parmi les menteurs et les croyants n’aient pas l’impression d’être vraiment des zombies hallucinées ? • C’est le problème lorsque la “guerre de choix” devient la “guerre existentielle” des USA. • Clausewitz rechigne.
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7 janvier 2023 – Le 6 janvier, l’excellent commentateur Brian Berletic (alias Tony Cartalucci, de ‘NewAtlas’ et l’une des sources souvent citées par Mercouris) commençait son commentaire par ces observations, en référence à l’attaque de Makeyevka qui a fait 86 morts selon le bilan précis des Russes (d’abord 63 morts, puis 86 après que les gravats de l’immeuble détruit aient été dégagés). Les Ukrainiens s’en sont tenus à leurs 400-600 morts sur lesquels il n’était pas question de revenir lorsqu’on constata la “consommation” qu’on faisait de ces chiffres dans la situation courante du simulacre…
C’est bien de cela qu’il nous faut parler : “la situation courante du simulacre”, qui nécessite une gloutonne “consommation” de la narrative choisie avec divers assortiments, condiments, assaisonnements, etc. (Voir aussi Larry Johnson sur les réactions du bloc-BAO concernant Makeyevka.)
Brian Berletic (Tony Cartalucci) donc :
« Il y a maintenant une semaine que cette attaque du 31 décembre a eu lieu et les médias occidentaux continuent à en parler, comme dans cet article de ‘Politico’ le présentant comme un coup terrible au moral des Russes, comme “l’attaque la plus meurtrière de la guerre”, ce qui n’est pas vrai, ce qui serait vrai si l’on acceptait les évaluations données presque sur l’instant de l’attaque par les Ukrainiens de 400 à 600 tués. Cela est faux tandis que le bilan donné par les Russes est beaucoup plus raisonnable, et [le sens donnée à] l’appréciation n’a finalement aucune valeur quand vous considérez que plusieurs centaines de soldats ukrainiens meurent chaque jour au combat… »
On dispose ici d’un des très nombreux signes d’une soudaine relance de ce que nous désignons décidément comme le ‘simulacre-ukrainien’, quasiment d’une façon officielle, comme il existe des choses portant le même nom dans le domaine des armements, lorsque vous parlez des F-35 qui décollent le plus souvent pour pouvoir être cloués au sol où les nouveaux porte-avions que l’US Navy n’arrive pas mettre en service par manque de catapulte (L USS ‘Gerald Ford’ est du genre).
Le “simulacre-ukrainien’ est une arme essentielle de l’arsenal du bloc-BAO, ou du ‘Collective West’ et il importe qu’il soir régulièrement ‘updated’, remis à niveau, revigoré, etc., comme il l’a été lors de l’attaque de Makeyevka, version-400/600-morts. C’est un peu un super-HIMARS de la communication, avec autorisation d’utiliser des missiles à longue portée.
L’on constate parallèlement une (re)floraison d’analyses extrêmement sophistiquées, partant toutes d’une donnée quasiment présentée pour acquise, – soit de la défaite catastrophique de l’armée russe, soit de l’effondrement catastrophique de la Russie de Poutine. Pour illustration de très haut niveau ; on trouve un exemple de cette sorte d’analyse dans un article du dernier numéro de ‘Foreign Affairs’ (janvier-février 2023) où il nous est révélé que le véritable danger de la guerre en Ukraine n’est pas l’armée russe, mais la défaite russe dont il va falloir aménager les conséquences. La courageuse civilisation occidentale, nous disent Liana Fix et Michael Kimmage, saura mener cette tâche à bien comme elle le fit avec l’Allemagne nazie vaincue, dans l’article :
« Putin’s Last Stand, – The Promise and Peril of Russian Defeat »,
Tant il va de soi qu’il faut bien “faire avec” puisque malgré la complète imprévisibilité de la guerre, la chose est acquise selon laquelle le “totale prévisibilité” de cette guerre est bien la défaite de Poutine, et de la Russie accessoirement… Car la défaite est “bien sûre” puisqu’on nous affirme que « Ce qui est moins sûr, c'est la forme que prendra cette défaite », – adorable coquetterie de logique dans le cadre de l’admirable constance dans les esprits de la vigueur du “simulacre-ukrainien” (en soi, un événement à catégoriser historiquement comme le “Forum du Dévot”)…
« La guerre est par nature imprévisible. En effet, le déroulement du conflit a permis d'invalider les pronostics initiaux largement répandus selon lesquels l'Ukraine tomberait rapidement ; un retournement de situation est impossible à écarter. Il semble néanmoins que la Russie se dirige vers une défaite. Ce qui est moins sûr, c'est la forme que prendra cette défaite. Trois scénarios de base existent, et chacun d'entre eux aurait des ramifications différentes pour les décideurs politiques en Occident et en Ukraine. »
Cette affaire des pertes russes suivant l’attaque de Makeyevka est particulièrement marquante et très significative. Ici, on a les observations directes de Larry Johnson, particulièrement intéressantes en raison des accointances de cet ancien officier de renseignement, venu de la CIA, mais ayant travaillé avec le département d’État et la DIA puisqu’il a fait partie d’une unité antiterroriste intégrant des éléments de divers services. Johnson semble avoir eu des informations directes sur les sources de la DIA notamment, concernant les pertes russes, – et ces sources sont… ukrainiennes ! (Sans doute, le SBU, le service de renseignement).
Les remarques (effarées) de Johnson sont particulièrement intéressantes, puisqu’affectant directement les sources des services de renseignement. Johnson emploie l’expression “Dutch Uncle” (intraduisible sinon stupidement par “oncle néerlandais”), qui est un idiome indiquant une personne qui a l’habitude de vous dire sans ménagement les réalités et les vérités…
« J'ai la confirmation que la Defense Intelligence Agency s'appuie uniquement sur l'Ukraine pour obtenir des renseignements sur les pertes russes et ukrainiennes. En d'autres termes, si l'Ukraine dit à son officier de liaison DIA que l'Ukraine a tué 400 Russes dans sa dernière frappe HIMARS, c'est ce que la DIA dit au général américain commandant l'EUCOM. C'est plus que troublant. C'est dangereux… […]
» Je comprends que les politiciens puissent mentir sur une politique qui échoue. Mais il est inexcusable pour les professionnels du renseignement de permettre ce mensonge. Le meilleur antidote est l'analyse factuelle et objective. Surtout une analyse basée sur des sources multiples. Les politiciens ont besoin d’un “Dutch Uncle” qui leur dise les vérités qui dérangent. Ce n'est pas le cas. Un de ces jours, la réalité du carnage que subit l'Ukraine deviendra impossible à dissimuler et l’habituelle fiesta de la recherche d'un bouc émissaire commencera à Washington. Devinez quoi ? On parlera d'un échec du renseignement. Les politiciens chercheront frénétiquement à échapper à toute responsabilité dans la débâcle de la “perte de l'Ukraine” et la communauté du renseignement sera désignée comme coupable. Dans ce cas, la communauté du renseignement aura mérité sa culpabilité. Ce sont des lâches qui refusent de se faire leur travail et de dire la vérité. »
Pour bien mesurer l’hystérie communicationnelle et d’auto-intoxinformation régnant dans nos contrées, il faut mesurer l’extraordinaire silence qui a accueilli les nouvelles sur la « révolution diplomatique » en cours au Moyen-Orient, où le Syrien Assad est complètement réhabilité par rapport à tous les pays voisins qui furent embrigadés contre lui par le “Collective West”. Se rappelle-t-on l’extraordinaire hystérie anti-Assad qui occupa nos jours et nos plateaux-TV pendant cinq ans, de 2011 à 2016 ? Cela valait bien l’anti-poutinisme du jour. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Qui parle de ce tournant extraordinaire qui fait d’Assad désormais un homme plus que fréquentable, un homme qu’il importe de fréquenter ? Mercouris s’exclame, indigné !
« C’est un silence radio complet à propos de cette affaire [de la réhabilitation d’Assad] ! Quasiment aucune couverture [de la presse britannique] du fait que les Syriens et les Turcs se sont rencontrés à Moscou, quasiment un silence total sur le fait qu’Assad et Erdogan vont se rencontrer prochainement… C’est comme si toute la lumière qui a inondé la Syrie, sur Assad, sur le siège d’Alep, avait été complètement coupée et oubliée… Et à nouveau, c’est parce que tout le vaste projet des neocons s’est achevé en un échec abject… »
Mais tout cela s’est dissipé en fumée, y compris nos larmes de crocodiles croquant notre compassion, nos dizaines de milliers de manifestants condamnant le “boucher de Damas”, notre ministre des affaires étrangères (le ci-devant Fabius) changeant régulièrement de cravate ; tout cela est balayé par l’Ukraine et les nouveaux démons, un simulacre chasse l’autre… Mais non, après tout ! Il s’agit bien du même simulacre, qui ne cesse de franchir les étages, de monter vers le sommet de notre Tour de Babel, pour atteindre enfin la perfection du Simulacre-Ultime… Assad, Erdogan, Poutine-Syrie, Zelenski, Poutine-Ukraine, tout cela est orienté vers un seul et unique but qui est notre-accomplissement, le Simulacre-Ultime qui, enfin, aura raison de la VdS ultime, la vérité-de-situation infâme.
La “guerre de choix” devenue “existentielle”
Alors, prenons en route le dernier texte d’Alastair Crooke où il détaille les grandes lignes de ce qui nous a conduit au conflit ukrainien. Il représente la conception de Washington de la guerre d’Ukraine rationnellement perçue, – nous doutons qu’elle ait été rationnellement décidé, mais jouons le jeu, – comme une “guerre de choix”, dans le but de détruire la Russe. Mais la guerre tourne comme elle tourne, – cette fois, nous laissons le simulacre aux gens des plateaux-TV et rejoignons la VdS des véritables combats… Où en sommes-nous ? Ainsi conclut-il…
« On considère généralement que la guerre en Ukraine relève de la première catégorie, celle des “guerres de choix”. Mais est-ce exact ? Les événements sont loin de se dérouler comme prévu à la Maison Blanche. L'économie russe ne s'est pas effondrée, – comme on l'avait prédit avec suffisance. Le soutien du président Poutine reste élevé, à 81 %, et le collectif Russie s'est consolidé autour des objectifs stratégiques plus larges de la Russie. En outre, la Russie n’est pas du tout isolée au niveau mondial.
» Pour l'essentiel, l'équipe Biden s’est peut-être laissée aller à une pensée réductrice, projetant sur la Russie actuelle, culturellement orthodoxe et très différente, des opinions qu’elle s’était forgée à l'époque de l'Union soviétique.
» Il se peut que le calcul de l'équipe Biden se soit révélé erroné avec la compréhension naissante de ces résultats imprévus ; et, en particulier, la démonstration que le du défi militaire lancé par les USA et l'OTAN est inférieur à sa réputation.
» C'est une crainte que Biden a effectivement exposée lors de sa rencontre à la Maison Blanche pendant la visite de Zelenski avant Noël. L'OTAN survivrait-elle à une telle franchise ? L'UE resterait-elle intacte ? Graves considérations. M. Biden a déclaré avoir passé des centaines d'heures à discuter avec les dirigeants européens pour atténuer ces risques.
» Plus précisément, les marchés occidentaux survivraient-ils à une telle franchise ? Que se passera-t-il si la Russie, au cours des mois d'hiver, amenait l'Ukraine au bord de l'effondrement ? Biden et son administration fortement antirusse se contenteraient-ils de lever les mains(“on se rend”) et de concéder la victoire à la Russie ? Au vu de leur rhétorique maximaliste et de leur engagement en faveur de la victoire ukrainienne, cela semble peu probable.
» Le fait est que les marchés restent très volatils alors que l'Occident est à l'aube d'une contraction de la récession qui, selon le FMI, causera probablement des dommages fondamentaux à l'économie mondiale. En d'autres termes, l'économie américaine se trouve au moment le plus délicat, au bord d'un possible gouffre financier.
» Biden ne pourrait-il pas dire explicitement que les sanctions contre la Russie ne sont pas susceptibles d'être levées, que la perturbation des lignes d'approvisionnement va persister et que l’inflation et les taux d’intérêt vont augmenter, ce qui suffirait à pousser les marchés au bord du gouffre ?
» Ce sont des inconnues. Mais l’inquiétude touche à la “survie” des États-Unis, c'est-à-dire à la survie de l'hégémonie du dollar. De même que la guerre de la Grande-Bretagne contre l'Allemagne n'a pas permis de réaffirmer ou de restaurer le système colonial (bien au contraire), de même la guerre de l'équipe Biden contre la Russie n'a pas permis de réaffirmer le soutien à l'ordre mondial dirigé par les États-Unis. Au contraire, elle a déclenché une vague de défiance à l'égard de l'ordre mondial.
» La métamorphose du sentiment mondial risque de marquer le début d'une spirale vicieuse : “L'assouplissement du système des pétrodollars pourrait porter un coup significatif au marché des obligations du Trésor américain. La baisse de la demande de dollars sur la scène internationale entraînera automatiquement une dévaluation de la monnaie ; et, de facto, une baisse de la demande de bons du Trésor de Washington. Et cela entraînera, – mécaniquement, – une hausse des taux d'intérêt”.
» Dans de telles eaux agitées, l'équipe Biden ne préférerait-elle pas empêcher le public occidental de prendre connaissance de l'état incertain des choses, en poursuivant la narrative “l’Ukraine gagne” ? L'un des principaux objectifs a toujours été de réduire les craintes en matière d'inflation et de taux d'intérêt en faisant miroiter l'espoir d'un effondrement de Moscou. Un effondrement qui ramènerait la sphère occidentale à la “normale” d’une énergie russe abondante et bon marché et de matières premières abondantes et bon marché.
» Les États-Unis ont un contrôle extraordinaire sur les médias occidentaux et les plateformes sociales. Les membres de l'équipe de la Maison-Blanche espèrent-ils continuer à aveugler les voies d’eau, à retenir le déluge, dans l'espoir que l'inflation puisse, d'une manière ou d'une autre, se modérer (grâce à un Deus ex Machina indéfini) et que l'Amérique soit épargnée par l'avertissement de Jamie Dimon à New York en juin dernier, lorsqu'il a modifié sa description des perspectives économiques, passant de la tempête à l'ouragan ?
» Tenter d'atteindre les deux objectifs d'une Russie affaiblie et de maintenir intacte l'hégémonie mondiale du dollar n'est peut-être pas possible. On risque de n'atteindre ni l'un ni l'autre, comme l'a découvert la Grande-Bretagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Au lieu de cela, la Grande-Bretagne a constaté qu’elle s’était “sabordée”. »
Voilà résumé le dilemme : ce qui n’état qu’une “guerre de choix” comme la promenade de santé et de démonstration que les belles dames de Washington faisaient en calèche pour admirer (d’assez-loin, tout de même) le spectacle des batailles de la Guerre de Sécession, est peut-être bien une “guerre de nécessité” pour les USA, – “guerre de choix” devenant “guerre existentielle”, Moscou aura cette fois imposé ses propres règles. Et comme l’on sait depuis les immortelles paroles du sage Obama, « la Russie a l’avantage de l’escalade dans un conflit ukrainien ».
Les USA ne sont-ils pas au seuil d’un risque existentiel incroyable ? Faire continuer la marche de la machine à simulacre avec des articles et des vidéos sur la défaite et l’effondrement russes si les Russes décident de faire quelques incursions dans Kiev et viennent hypersoniquement chatouiller les bases US en Pologne ou en Roumanie ? La chanson de marche “L’Ukraine gagne” rythmée par la presseSystème et les hallucinés des think tanks cantonnés à Bruxelles et à Washington D.C. (et à Paris, certes !) fera-t-elle encore marcher quelqu’un ? Les neocons ne commenceront-ils pas à demander l’asile politique au Nicaragua, en Syrie ou en Russie ? Les USA persisteront-ils encore à exister tels qu’on les connaît ?
Notes de PhG-Bis : « Et il y aura encore un oiseau de mauvais augure, PhG pour ne pas le nommer, pour dire et redire ces phrases d’un autre temps qui, soudain, redeviendraient d’actualité, comme si le passé prétendait faire la leçon à nos ambitions futuristes-modernistes :
» “Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant .” (Abraham Lincoln)
» “Les États-Unis sont destinés à remplacer et à surpasser l’histoire merveilleuse des temps féodaux ou ils constitueront le plus retentissant échec que le monde ait jamais connu…” (Walt Whitman). »
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org