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par Sputnik Afrique
Une grande partie du monde célébrant ce 1er janvier l’arrivée du Nouvel An, cette date est d’autant plus importante pour Haïti. En 1804, ce jour a apporté à l’île l’indépendance par rapport à la France. En 2023, la population haïtienne se sent-elle à 100% libérée ?
Il y a 219 ans jour pour jour, Haïti s’est débarrassé de la dépendance de la France pour devenir la première république noire. Or, plus de deux siècles plus tard, ce pays continue de ressentir l’ingérence occidentale.
Auprès de Sputnik, l’historien canadien d’origine haïtienne Jean Fils-Aimé revient sur la notion de néocolonialisme, qui a « vite remplacé » le colonialisme disparu depuis les années 1950.
« Les anciens pays colonisateurs [continuent] de projeter l’idée de s’être retirés, tandis qu’ils continuent de gérer notre destin en se servant de politiciens qu’ils placent eux-mêmes pour exécuter leur agenda chez nous, en formant une élite intellectuelle ».
Pour s’en débarrasser, « il faut être conscient que nous sommes encore dans un contexte de contrôle » et « identifier les outils » utilisés par le néocolonialisme « pour nous maintenir dans la sujétion », estime le spécialiste.
« Souvenirs de racisme »
L’expert précise que l’image de la France qu’a la population haïtienne aujourd’hui « dépend de la couche que l’on consulte ». Les intellectuels, qui ne représentent que 2 ou 3% de la population totale, perçoivent l’Hexagone comme un modèle.
Or, « aux yeux de la majorité, […] c’est un pays corsaire, mafieux qui a empêché le développement d’Haïti et continue de [le faire] aujourd’hui encore. En plus d’être responsable du coup d’État [contre le] seul président légitimement élu en Haïti », à savoir Jean-Bertrand Aristide, en 2004.
« N’oublions pas que la France a quand même imposé à Haïti une rançon de 150 millions de francs, qui est l’équivalent aujourd’hui de 27 milliards d’euros, pour handicaper son indépendance ».
En outre, malgré son indépendance, Haïti a survécu à une occupation américaine de 19 ans, au début du XXe siècle. « Ce sont des souvenirs de racisme », souligne M.Fils-Aimé.
« [Les Américains] sont allés directement à notre banque centrale et ils ont volé notre réserve d’or. […] C’est une image de pillage [que l’on retient], […] de division, […] d’assassinats non discriminés. Les Américains ont quand même assassiné 7000 paysans. C’est aussi le souvenir de la crucifixion de Charlemagne Péralte, l’un des résistants à l’occupation ».
Menace, anomalie, défi
Qui plus est, le statut indépendant d’Haïti signifie en même temps « une menace, une anomalie et un défi », observe Jean Fils-Aimé, qui emprunte les propos de l’historien afro-américain et militant panafricain Rayford Logan.
Ce triptyque reflète l’interprétation de l’indépendance haïtienne par les puissances esclavagistes qui ont perdu leur colonie et les esclaves.
« C’était une anomalie aussi parce que ce n’est pas normal qu’une armée non-européenne ait vaincue la plus grande armée du monde », explique-t-il par ailleurs.
Suite à la Révolution, entre 1791 et 1804, l’armée haïtienne a alors vaincu les armées britannique et espagnole, puis celle de Napoléon arrivée sur l’île pour réprimer la révolte.
Or, l’indépendance est aussi « un défi » pour la population haïtienne elle-même, puisqu’elle devait comprendre ce qu’elle allait « pouvoir réussir ce qu’elle a proclamé le 1er janvier 1804 ».
Ainsi, « c’est une date extraordinaire pour les Haïtiens. Même si nous passons par un épisode terrible, nous continuons d’être fiers d’avoir fait le 1er janvier 1804 », se félicite l’historien.
source : Sputnik Afrique
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