source originale : Celia Izoard pour https://reporterre.net/Un-enjeu-cache-de-la-guerre-en-Ukraine-les-matieres-premieres?
*
L’Union européenne a conclu en juillet 2021 (avant l’intervention Russe) un partenariat avec l’Ukraine pour les métaux stratégiques et les batteries, une coopération amorcée et progressivement renforcée depuis 2014 après l’arrivée au pouvoir des gouvernements pro-occidental de Porochenko puis de Zélinsky.
Ce partenariat UE/Ukraine permet d’assurer des importations de zirconium utilisé aux trois quarts pour le nucléaire tel par EDF et Areva-Orano comme matériau dans la fabrication des réacteurs nucléaires, le gainage (crayons) des pastilles de fission atomique utilisés dans les réacteurs atomiques à eau pressurisée (REP) participant à la réaction atomique lors du bombardement neutronique, et l’arsenal atomique militaire (sous-marins, blindage,…)
Dans un crayon ce sont plusieurs centaines de pastilles d’uranium enrichi qui sont empilées dans un tube en alliage de zirconium. Le zirconium et ses sels sont généralement considérés comme ayant une toxicité systémique (granulomes cutanés, alvéolites cutanées, fibroses pulmonaires, atteintes de la cornée et irritations oculaires, hypersensibilité allergique; de plus il traverse la barrière placentaire et passe dans le lait maternel).
Cet alliage de zirconium purifié (notamment épuré de l’hafnium qui est un « poison » pour le bombardement neutronique) représente 90 % de la production minière de zirconium métal mais ne représente qu’un faible pourcentage de l’élément zirconium (de l’ordre de 1 %) au final.
Toxicité civile et militaire
Le transport des « crayons » usagés après avoir servit dans les réacteurs atomiques est un des transports les plus dangereux du cycle nucléaire qui s’effectue dans des containers blindés spéciaux. Selon l’ASN, ces emballages sont susceptibles de transporter des crayons aux gaines fissurées et donc « inétanches ». Or la présence de fissures et donc d’eau « accélère la production d’hydrogène » avec un risque en cas de dépassement du seuil d’inflammabilité de l’hydrogène (comme lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima-DaÏchi).
La fiche toxicologique internationale du zirconium recommande d’éviter de disperser les poussières, de prendre en revanche de sérieuses précautions contre l’incendie et l’explosion, affirme l’obligation du port de gant et lunette de protection pour les travailleurs manipulant le zirconium, l’interdiction de manger ou boire ou fumer durant sa manipulation.
Le zirconium (1) est aussi utilisé sous forme d’alliages tels que le Zircaloy (avec de l’étain, du fer et du chrome) ou de verre de zircon employé pour le confinement des déchets radioactifs en sarcophage, tel du plutonium, dont la nucléocratie assure mensongèrement qu’il pourrait contenir la radioactivité au moins durant 2 000 ans, ce qui est encore loin du minimum de 100 000 ans requis pour les déchets radioactifs les plus dangereux.
Le site Techniques de l’ingénieur rappelle la synergie entre nucléaire militaire et nucléaire civil : « La volonté de construire des sous-marins à propulsion nucléaire a conduit à retenir le zirconium comme seul élément de structure pouvant convenir pour la construction d’un réacteur (embarqué) compact. » La technologie des réacteurs nucléaires REP a dés le début été développée par la firme états-unienne Westinghouse pour les sous-marins de l’US Navy, et elle équipe désormais 93 % des réacteurs nucléaires français.
Chaque année, la France importe près de 23 000 tonnes de zircon – minéral « lourd » classé hautement critique pour sa fabrication du « combustible » nucléaire. En 2018, ce zircon provenait à 59 % d’Afrique du Sud ( 2ndproducteur mondial derrière l’Australie), à 20 % du Mozambique et à 6 % du Sénégal. Autant de pays pollués à tout jamais.
Et difficile de trouver un chiffre sur les dizaines (centaines ?) de millions de tonnes de matières à extraire pour obtenir une tonne de zirconium. Selon l’US Geographical Service (USGS), la quantité de roches déplacées chaque année pour l’extraction des 25 minéraux dont le zirconium correspond à environ 7.000 pyramides de Gizeh. A présent l’industrie nucléaire française veut élargir les contaminations à l’Ukraine et à l’Europe.
Pollution et destruction de l’environnement, et risque pyrophorique
L’extraction du zircon contenu dans des sables spécifiques saccage les paysages naturels, accélère la désertification et anéantit la vie de milliers de personnes aux confins de l’économie-monde, loin des centres de pouvoir.
Dans la mine l’attaque du minerai est effectuée par du chlore en présence de carbone à 1 200 °C. Puis le chlorure de silicium est séparé des chlorures de zirconium et hafnium par condensation. La séparation zirconium hafnium s’effectue suivant les procédés soit liquide mettant notamment en œuvre la réaction de Kroll utilisant le magnésium liquide à 800 °C, soit le procédé par distillation extractive mis au point en France. Autant d’étapes polluantes et destructrices de l’environnement. Le produit de séparation obtenu est une masse métallique spongieuse appelé « l’éponge de zirconium » (tel effectué par Framatome à Jarrie dans l’Isère) qui constitue le point initial du raffinage ultérieur du métal.
Dans la suite des étapes industrielles, l’usinage du zirconium requiert de grandes précautions car il est instable, inflammable, pyrophorique, explosif: la température d’auto-inflammation est inférieure à la température ambiante et la matière peut donc s’enflammer spontanément aux températures ambiantes. On se souvient de l’alerte incendie conduisant à l’évacuation du personnel qui a eu lieu chez Framatome (ancienne propriété d’Areva devenue filiale d’EDF) à Romans-sur-Isère (Drôme) le 21 septembre 2022 vers 16h30.
Au terme de leur terrifiant usage au coeur des réacteurs nucléaires, les gaines de zirconium font partie des déchets radioactifs à vie longue (qui émettent pendant plusieurs siècles ou plusieurs millions d’années des rayonnements ionisants à raison de 1 térabecquerel par gramme) et ne sont pas recyclables.
Les appétits de EDF en Ukraine : zirconium et hydrocarbures
« Au large de la Crimée en 2013/2014, à la suite de la découverte d’importants gisements pétroliers et gaziers en mer Noire, Exxon Mobil, Shell et Chevron ont obtenu en 2012 des permis d’exploration de la part du gouvernement ukrainien. Fin novembre 2013, l’Ukraine a également signé avec EDF et l’italien ENI un accord pour l’exploitation d’hydrocarbures à l’est de la Crimée visant à produire 3 millions de tonnes de pétrole par an ».
« À partir de 2016, le gouvernement a commencé à vendre ses permis miniers par le biais d’enchères électroniques. »
Chaque réacteur nucléaire à eau pressurisée (REP) français contient autour de 29 tonnes de zirconium.
(1) les propriétés physico-chimiques du zirconium sont : résistance à la corrosion, résistance à l’irradiation, grande pénétrabilité des neutrons lents, conservation des propriétés à haute température
« Le 16 novembre 2022, à Bruxelles, le Premier ministre ukrainien, Denys Shmyhal, et le ministre des Ressources naturelles, Ruslan Strilets, ont participé à la Semaine des matières premières en présence de Maroš Šefčovič, commissaire européen et initiateur du partenariat sur les métaux avec l’Ukraine.
Ce dernier a rappelé à cette occasion les termes du partenariat : « Il aidera l’Ukraine à intégrer l’UE, et il représente pour l’Union européenne un élément essentiel pour consolider notre approvisionnement en matières premières et notre statut géostratégique. » Le ministre de Zelinsky, Ruslan Strilets, a assuré que la réforme du Code minier était presque terminée et que le cabinet qui délivre les permis était opérationnel, « au service des investisseurs qui se présenteront après la guerre, et même avant la victoire ». Jürgen Rigterink, vice-président de la Banque européenne de développement, a précisé que celle-ci était le principal investisseur dans le pays, à hauteur de 19 milliards d’euros, des fonds grâce auxquels « l’Ukraine pourrait devenir une superpuissance des ressources ». »
Privatisation des mines et de l’industrie en collaboration avec l’UE et les USA et pour leurs entreprises privées
Les mines de graphite de la région de Mykolaïev, dans le sud du pays, ont été attribuées à l’entreprise australienne Volt Resources. »
Après le passage de la Crimée sous drapeau russe après le référendum que l’occident ne reconnu pas, le géant russe DFa été dessaisi et expulsé de ses mines de titane, au même moment ou le gouvernement ukrainien interdisait l’enseignement du russe sur son territoire, la fermeture des écoles/collèges/lycées proposant des cours de langue russe, la destruction des oeuvres artistiques et statues de poètes et artistes d’origine russe..
Les autres gisements miniers du pays sont désormais exploités par l’entreprise ukraino-étasunienne Velta Resources.
Ces gisements dont ceux de zirconium sont aussi stratégiques pour les pays de l’Otan (notamment les 3 pays nucléarisés USA, France, Grande-Bretagne) qu’ils le sont pour la Russie. La dépendance des acheteurs occidentaux à ces matières premières est telle que la bourse des métaux de Londres a renoncé à interdire la vente de métaux russes.
Celia Izoard
Image en vedette : zircon
voir l’article complet de Celia Izoard pour https://reporterre.net/Un-enjeu-cache-de-la-guerre-en-Ukraine-les-matieres-premieres?
et aussi : https://greenwashingeconomy.com/zircon-lindustrie-nucleaire-participe-au-carnage-en-afrique/
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca