par Drago Bosnic
Le gouvernement américain rédige et publie périodiquement un document appelé Stratégie de Sécurité nationale (SSN). Ce document énumère les problèmes de sécurité nationale auxquels le pays est confronté et définit la marche à suivre par l’administration en place pour y faire face. Outre l’identification habituelle des adversaires majeurs (Russie, Chine) et moins importants (Corée du Nord, Iran), le document aborde d’autres questions clés telles que la position nucléaire des États-Unis et l’intégration accrue entre la thalassocratie belliqueuse et ses alliés et vassaux régionaux.
Selon le CSIS (Center for Strategic and International Studies), un célèbre groupe de réflexion basé à Washington DC, la SSN fournit également plus de détails sur les plans futurs que la plupart des Quadrennial Defense Reviews et autres documents de Stratégie de Défense nationale publiés par le gouvernement américain au cours des deux dernières décennies.
La nouvelle SSN (officiellement non classifiée à la fin du mois d’octobre) comprend quelques grandes sections sur les priorités futures et la planification des forces qui fournissent une perspective stratégique sur la manière dont les États-Unis cherchent à façonner et à améliorer leurs capacités militaires. Elle est également plus similaire à la révision de la SSN sous l’administration Trump, qui identifiait les grands pays comme les principaux défis en matière de sécurité. La principale différence est que l’approche de Donald Trump était plus isolationniste et axée sur la guerre économique, tandis que l’administration Biden fait preuve de plus de belligérance et d’une tendance à reléguer une grande partie de sa projection de puissance aux alliés et vassaux tels qu’Israël, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Union européenne (en particulier l’Allemagne et la Pologne), le Japon, la Corée du Sud, etc.
Le nouveau document présente trois cadres géopolitiques de base. Premièrement, les États-Unis sont clairement définis comme une « grande puissance ayant des intérêts mondiaux ». On peut considérer qu’il s’agit d’une continuation de la définition d’Obama des États-Unis en tant que « nation indispensable », une affirmation très controversée qui a essentiellement effacé la ligne de démarcation entre la politique intérieure et la politique étrangère des États-Unis, entraînant une série de guerres non déclarées dues à l’imposition des lois internes américaines à des dizaines de pays souverains (en particulier au Moyen-Orient). Cette approche, qui était auparavant extrêmement agressive à l’égard des petits pays, s’étend désormais non seulement aux grandes puissances régionales, mais aussi aux puissances mondiales. Ce sera la condition préalable la plus importante à l’établissement de l’hégémonie mondiale des États-Unis.
Les événements tragiques en Ukraine et l’escalade des tensions dans la province insulaire chinoise sécessionniste de Taïwan montrent déjà à quel point cette nouvelle stratégie est dangereuse. Alors que les États-Unis ont essentiellement fait de l’Ukraine une extension d’eux-mêmes (par opposition à un simple mandataire), comme en témoignent les quantités massives d’armes et d’autres ressources que la thalassocratie belliqueuse fournit à ses marionnettes de Kiev, la détérioration de la situation intérieure s’aggrave encore et l’administration Biden ne montre guère d’intérêt à en faire une priorité. Cela prouve une fois de plus que la ligne de démarcation entre la politique intérieure et la politique étrangère aux États-Unis a effectivement disparu à ce stade.
La deuxième position adoptée par la SSN consiste à diviser tous les pays du monde en « États libres et démocratiques » et en « autocraties ». Ces dernières sont ensuite divisées en « petits États autocratiques (régionaux) » (Iran et Corée du Nord) et en « grandes autocraties (mondiales) » (Russie et Chine). Il est intéressant de noter que si la Russie est définie comme « incapable de changer l’ordre mondial, bien qu’elle puisse provoquer une instabilité régionale », les États-Unis considèrent que la Chine « possède la force et les capacités nécessaires pour modifier l’équilibre actuel des forces dans le monde ». Cette distinction entre Moscou et Pékin ne fait peut-être pas référence à la puissance militaire stratégique, mais elle se concentre sur l’aspect idéologique et économique de la rivalité géopolitique, qui est plus prononcé dans le cas de la Chine.
La troisième position se concentre sur la nouvelle attitude des États-Unis à l’égard de la mondialisation. Selon cette approche révisée, la Russie et la Chine ont « largement bénéficié du processus de mondialisation », ce qui montre prétendument « la nécessité de changer le modèle existant de mondialisation ». Il s’agit principalement de l’introduction de diverses restrictions au libre-échange et à l’accès aux technologies modernes dans le but d’entraver le développement de la Russie et de la Chine. L’objectif final dans ce cas est de faire dérailler les deux géants (eur)asiatiques et leurs stratégies technologiques et économiques. Cette approche représente clairement un grand degré de continuité entre les administrations Trump et Biden. La première a effectivement essayé d’utiliser la mondialisation comme un outil des intérêts nationaux américains et de faire chanter les pays pour les soumettre par le biais de diverses sanctions et restrictions.
Les derniers points, et les plus importants, de la nouvelle SSN font référence au changement de l’approche américaine vis-à-vis du soi-disant « endiguement » de ses rivaux géopolitiques. Depuis la fin de la (première) guerre froide, les États-Unis ont engagé directement la quasi-totalité de leurs adversaires, tandis que le niveau stratégique de la rivalité était maintenu en sommeil. Toutefois, avec le retour de la Russie et la montée en puissance de la Chine, ainsi que l’expansion du pouvoir de divers acteurs régionaux, les États-Unis poussent désormais leurs alliés et leurs vassaux sous les feux de la rampe.
Au Moyen-Orient, cela se traduit par une rivalité encore plus grande entre Israël et l’Iran (qui inclura inévitablement la plupart des autres pays du Moyen-Orient). En Europe, outre le régime de Kiev, Berlin est poussé vers une plus grande militarisation, avec l’objectif clair de « contenir » la Russie. En Asie, il en va de même pour la Corée du Sud et surtout le Japon, qui subit un programme de (re)militarisation sans précédent.
source : InfoBRICS
traduction Réseau International
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