par Le Courrier des Stratèges
Pour beaucoup, la désastreuse séquence d’un passe sanitaire mis en place par un président décidé à « emmerder » les non-vaccinés demeure comme le souffle d’un boulet totalitaire qui a frôlé de nombreuses tempes. La haine qu’ont nourri des « intellectuels » comme Michel Onfray à l’endroit des mêmes non-vaccinés demeure un sujet de réflexion. Mais, plus profondément, cet épisode traumatique a aussi permis de révéler un système D, qu’on pourrait appeler ordre spontané de la société, bien mieux organisé que l’ordre vertical d’Emmanuel Macron. De ce point de vue, le passe sanitaire est une bénédiction : il a conscientisé de nombreux quidam sur la supériorité d’une société où le contrat volontaire entres les individus remplace avantageusement les lois imposées par la hiérarchie.
Bien sûr, il y a l’histoire officielle de la crise sanitaire et de sa gestion, brillante réussite selon l’équipe Macron, dont certains de ses membres se réjouissaient que les Français soient des veaux prêts à tout abandonner pour continuer de boire des bières à la terrasse des cafés. Selon la propagande de cette petite clique, les choix proportionnées et intelligents, consistant à « emmerder les non-vaccinés » ont permis de maîtriser le COVID.
Dans la réalité, l’histoire est un peu différente, et mérite d’être racontée : alors que la gestion de la crise sanitaire est une suite d’incompétences extrêmement coûteuses pour le contribuable, les non-vaccinés, sans aucun moyen, sont parvenus à dégager spontanément une « défense » clandestine qui leur a permis de tenir plusieurs mois malgré la rigueur policière mise en place par le Président. C’est l’histoire de cette supériorité propre à l’ordre spontané qu’il faut comprendre pour identifier les changements à long terme que Macron, guidé ou plutôt égaré par Mc Kinsey, a fait naître dans la société française.
Macron et le naufrage de l’ordre vertical
La propagande s’emploie à fabriquer le mythe d’une gestion exemplaire de la crise sanitaire par Macron, Véran, et leur dream team. La réalité est évidemment tout autre. Nous l’avons évoquée récemment en citant les statistiques officielles.
Dans la pratique, les Français n’ont cédé à la contrainte de la vaccination que pendant 6 mois. Je rappelle ici les chiffres évocateurs : le 12 juillet 2021, jour où Macron a annoncé le passe sanitaire, 30 millions de Français avaient reçu deux doses de vaccins. 8 millions de plus en avaient reçu une première. Début octobre, les chiffres officiels annonçaient près de 50 millions de doubles vaccinés.
Autrement dit, de 12 à 20 millions de Français ne sont entrés dans le schéma vaccinal complet que sous la contrainte. Le 14 février 2022, la France ne comptait que 38 millions de vaccinés trois doses, soit autant que de vaccinés une et deux doses avant la mise en place du passe vaccinal.
Pour passer de 60% aux 85% de vaccinés, soit pour gagner 25 points, il a fallu diviser le pays et créer un climat détestable de haine dont l’impact profond est encore inconnu (mais risque bien, tôt ou tard, de créer de mauvaises surprises à certains). Et cette division n’a produit qu’un bénéfice éphémère, puisque, massivement, les Français ont refusé la troisième dose, obligeant le gouvernement à reculer.
Le coût financier de l’ordre vertical
Pour arriver à ce résultat contestable, il a fallu cliver… et dépenser des centaines de milliards € (240 milliards € selon Bruno Le Maire) qui ont ruiné le pays. La stratégie du « quoiqu’il en coûte » a consisté à « indemniser » massivement les Français du préjudice que le confinement absurde leur faisait subir, après avoir quotidiennement assisté à un spectacle comique où le gouvernement a dit tout et son contraire sur les masques, pour faire oublier son incurie dans les commandes.
Bref, le système vertical, fondé sur des règles à appliquer sous la contrainte, ruine l’Etat parce que la « compensation » a apporté à la population pour qu’elle obéisse sans se révolter est colossale. En outre, ce système ne produit que des résultats éphémères, le temps que la contrainte dure.
Il est ici frappant de voir que, malgré la débauche de moyens utilisés pour faire accepter le vaccin (la propagande incessante, le passe sanitaire, puis vaccinal), une masse de 15 millions de personnes ait fini par refuser la troisième dose malgré la menace directe de bannissement de la vie sociale. Ce chiffre n’intègre pas les 15% d’irréductibles officiels qui ont refusé la moindre dose de vaccin. Il n’intègre pas non plus la masse inquantifiable de tous ceux qui ont fait l’objet d’une fausse vaccination, enrôlés malgré eux dans les chiffres officiels de la vaccination.
Comment les non-vaccinés ont monté une organisation clandestine efficace
Pendant que le gouvernement mobilisait l’État pour vacciner massivement avec les déconvenues que l’on connaît désormais, et qu’il consommait une masse à peine croyable de moyens pour y parvenir, les non-vaccinés se sont organisé sans chef, sans moyen, sans structure officielle.
Les formes de la résistance ont été nombreuses.
Certains ont monté des réseaux de fausses vaccinations, avec la complicité de médecins parfois bénévoles, parfois grassement rémunérés. On parle de centaines d’euros dépensés parfois pour obtenir un certificat de complaisance. Mais la répression aidant, la filière de fausse vaccination clandestine s’est raréfiée, voire a disparu compte tenu des risques colossaux que les médecins encouraient.
Alors des réseaux alternatifs ont vu le jour pour obtenir des certificats bidonnés. L’un des réseaux les plus efficaces, regroupant plusieurs centaines de personnes, peut-être plusieurs milliers, consistait à s’échanger des glaçons contaminés dans lesquels, une fois fondus, on trempait les tests salivaires – sésame pour obtenir un certificat de rétablissement.
Et que dire des échanges de passes sanitaires sous le manteau, et autres opérations dites de « système D », cette fameuse débrouille qui a permis de contourner massivement les interdictions ?
Tout cela s’est mis en place sans qu’aucune autorité, sans qu’aucune intelligence officielle, sans qu’aucun moyen ne servent la cause. Les gens se sont organisés en quelques semaines, parfois en quelques jours, pour résister. Le plus souvent, ils se sont appuyé sur les réseaux sociaux pour imaginer une infinité de passerelles qui leur ont permis de servir des millions de « bénéficiaires » malgré l’ordre vertical imposé par l’État.
Un réseau plus complexe que le réseau officiel
L’une des caractéristiques marquantes des réseaux clandestins qui se sont organisés sans aucun moyen et dans des temps records tient à leur extrême déconcentration. Alors que le « camp d’en face » s’appuyait sur un centralisme extrême, les non-vaccinés ont organisé leur résistance sans aucun gouvernement légal, et sans aucune organisation pyramidale.
De mon point de vue, le secret de sa réussite tient à cette inorganisation, ou à cette invertébration. Tout ici a relevé de la spontanéité et de ce qu’on appelle couramment le système D. Des gens se sont mobilisés pour aller à la pêche aux bonnes adresses, et pour se les échanger « de bouche à oreille », en évitant d’être repérés par les forces de l’ordre.
Des connexions inattendues se sont faites : la mère de famille quinquagénaire d’une banlieue chic a fait réseau avec des ouvriers du 9-3, des jeunes racailles, et des retraités parisiens. Ces gens-là n’avaient que très peu de probabilité de se connaître, mais la nécessité de survivre, de lutter, les a rassemblés.
Pour beaucoup, ce fut une découverte. Rares étaient ceux, dans les milieux anti-vax, qui avaient milité avant de se retrouver. Rares étaient ceux qui avaient participé à une manifestation ou qui avaient désobéi. Et soudain, tous ces gens ont changé de peau et ont organisé une clandestinité redoutablement efficace, sans aucun chef pour leur dire quoi faire ou quoi ne pas faire.
Il s’agit là d’un formidable exemple de « kosmos », d’ordre spontané tel que Friedrich Hayek l’a évoqué dans son ouvrage Droit, législation et liberté.
« Les ordres spontanés ne sont pas nécessairement complexes, mais à la différence des arrangements délibérés des hommes, ils peuvent avoir n’importe quel degré de complexité. L’une de nos thèses majeures sera que des ordres extrêmement complexes, comprenant plus de faits distincts qu’aucun cerveau n’en peut constater ou manipuler, ne peuvent être produits qu’à travers des forces poussant à la formation d’ordres spontanés. »
Cette citation, tirée de la page 45 de l’édition PUF, résume en peu de mots l’essentiel de ce que nous avons vu pendant la gestion sanitaire du COVID : les systèmes verticaux, dès qu’il s’agit d’opérations complexes, sont beaucoup moins efficaces que les systèmes « horizontaux » ou spontanés.
Le contrat est supérieur à la règle
Une différence fondamentale explique la supériorité d’un système spontané et clandestin sur un système vertical et officiel.
Dans le système clandestin et inorganisé, les relations se tissent non pas à partir d’une règle exogène imposée par une autorité supérieure, mais à partir d’un contrat informel entre les individus : chacun a besoin de l’autre pour atteindre un objectif, et leur relation est tissées à travers un lien tacite qui suppose un engagement libre.
L’expérience du COVID a rappelé que cette relation contractuelle implicite constituait un moteur très puissant, plus efficace que la simple obéissance à une règle imposée de façon coercitive. Elle est aussi beaucoup moins coûteuse à mette en oeuvre.
Si nous avons une leçon politique à retirer de cette succession d’événements douloureux, elle est là : l’organisation des non-vaccinés a surclassé l’organisation officielle précisément parce qu’elle n’était pas organisée… Voilà un élément qui mérite d’être longuement médité et bien pris en compte.
source : Le Courrier des Stratèges
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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