Résolution du Conseil scientifique de la Société militaire historique russe : pour une libération totale de l’Ukraine

Résolution du Conseil scientifique de la Société militaire historique russe : pour une libération totale de l’Ukraine

Un article prospectif intéressant de Karine Béchet-Golovko.

La Société militaire historique russe est une organisation publique autonome, qui s’occupe de la recherche historique militaire et de sa popularisation. Après 10 mois d’opération militaire et son actuelle stagnation, une réflexion profonde est apparue nécessaire, tout d’abord quant à la nature de cette « Opération spéciale militaire », qui est une véritable guerre – en tout cas, les pays de l’Axe atlantiste font la guerre à la Russie, eux.

Il découle de cela alors toute une série de remarques et propositions, intégrées dans une résolution, qui vient d’être publiée et mérite d’être analysée. Cela montre bien que si certaines hésitations engluent le processus de décision politique, avec ce constant combat des élites en Russie, il reste des forces saines, qui ont elles une vision parfaitement claire et du but et des moyens institutionnels indispensables pour atteindre ce but.

Le Conseil scientifique de la Société militaire historique russe a adopté une résolution concernant la guerre, qui se mène actuelle par le monde entier sur les terres ukrainiennes (voir le texte en russe ici). Cette résolution présente le mérite de prendre le problème de ce conflit sous toutes ses dimensions et d’en tirer les conséquences à la fois sur le plan institutionnel, éducatif, historique et juridique.

La base de cette réflexion structurée repose sur une reconsidération de la nature des combats en cours, et donc de leur géographie politique :

« Au cours de la discussion, une opinion a été exprimée, approuvée par la majorité des participants, quant à la nécessité de changer le statut de l’Opération militaire spéciale, qui acquiert de plus en plus les caractéristiques de la guerre Patriotique, de Libération et Sainte de notre peuple. Cette nécessité est dûe à la croissance rapide des menaces d’escalade du conflit du côté des pays de l’OTAN, qui continuent à fournir à l’Ukraine les derniers types d’armes, ainsi qu’aux déclarations publiques des dirigeants des pays de l’Alliance de l’Atlantique Nord sur leur désir d’affaiblir, de détruire, de démembrer la Russie – en substance, d’imposer à notre pays un scénario de guerre totale d’anéantissement de l’État russe. »

L’on peut dégager quatre grandes lignes, dont la plus importante est institutionnelle, découlant de la reconsidération du statut de cette « Opération spéciale ». Et cela passe impérativement par une véritable formulation des buts stratégiques, le vague des formulations lancées en février n’étant plus adapté, la situation ayant changé.

« 1. Formuler clairement les buts et objectifs stratégiques de la Russie et de ses forces armées dans le cadre de l’opération militaire spéciale en Ukraine.

L’objectif est la libération complète de l’ensemble du territoire de l’Ukraine du pouvoir du régime terroriste criminel néo-nazi de Kiev, des forces d’intervention militaire étrangère menées sous la direction des États-Unis et de l’OTAN, le démantèlement complet de l’actuel régime néo-nazi, en tant qu’incarnation d’un quasi-État terroriste criminel.

La tâche immédiate est la libération complète du territoire de la Russie (régions de la RPD, de Zaporojie et de Kherson) en tant que tâche pour la campagne militaire de 2023.

La prochaine tâche est la libération complète du territoire de l’Ukraine, en tant que tâche pour la campagne de libération de l’armée russe en 2024.

Parmi les autres tâches, il est à souligner :

  • une détermination sans faille à réaliser la démilitarisation (c’est-à-dire la défaite militaire, le désarmement et le démantèlement de toutes les forces armées ukrainiennes, le démantèlement de ses usines militaires, l’exclusion d’une éventuelle action militaire de l’Ukraine contre la Russie à l’avenir) et la dénazification finale de l’Ukraine ( c’est-à-dire l’élimination de tous les centres d’une éventuelle renaissance de l’idéologie et de la pratique de Bandera et du fascisme national, l’identification et la punition des criminels de guerre) ;
  • l’inadmissibilité lors de la poursuite des combats des négociations et de la coopération économique avec le régime terroriste criminel (jusqu’à ce que les dirigeants ukrainiens signent l’acte de reddition inconditionnelle);
  • l’impossibilité d’extrader (échanger) des criminels de guerre avec les prisonniers de guerre (respect du principe de l’inévitabilité de la peine). »

Ces quelques éléments sont fondamentaux pour l’avenir de la Russie. D’un côté, parce qu’il est essentiel de savoir où aller pour y arriver, et cette connaissance des buts réels ne doit pas être le privilège de quelques élus. Ils doivent être connus et reconnus de tous, notamment de ceux qui se battent et savent alors pour quoi ils se battent, ainsi que de la population, qui alors peut comprendre si « tout se passe comme prévu » – réellement. Il s’agit et d’une motivation pour les forces combattantes, et d’une responsabilisation du pouvoir, et d’un contrôle de la société, qui obtenant des droits, a alors également des obligations en contre-partie. 

Mais en plus de cela, ces premiers éléments sont fondamentaux, car ils obligent le pouvoir à devoir faire enfin un choix idéologique clair, ce qui est loin d’être encore le cas. Et nous le voyons au quotidien dans de nombreux domaines, notamment l’enseignement et la recherche, mais aussi très concrètement dans le domaine juridique, qui accompagne cette guerre : échanges de prisonniers russes avec des criminels de guerre ukrainiens ou des mercenaires étrangers au lieu de les juger, quand cette catégorie permet en réalité la participation au sol de membres parfaitement entraînés des pays de l’OTAN ; négociations perpétuellement menées au détriment des intérêts russes, dès les premiers jours du conflit ; absence de stratégie judiciaire à long terme (où a disparu le fameux tribunal de Mariupol ?).

Concrètement, il s’agit surtout de la mise en place, sur la base du Conseil de sécurité russe d’un Comité de défense nationale, devant institutionnellement centraliser la politique étatique, comme ce fut le cas lors de la guerre contre le Japon ou de la Seconde Guerre mondiale. 

Sur le plan judiciaire, il est proposé de créer plusieurs mécanismes : une Commission publique d’exception, devant enquêter sur les crimes commis par les néonazis ukrainiens et les mercenaires sur le territoire ukrainien et le territoire russe temporairement occupé ; utiliser l’expérience des procès de 1943 dans plusieurs villes de l’URSS contre les prisonniers de guerre nazis, pour préparer des procès publics et médiatisés début 2023 contre les prisonniers de guerre ukrainiens, ayant commis des crimes de guerre.

Parallèlement, un travail de popularisation et de rétablissement de la vérité historique, notamment dans les territoires libérés, mais pas uniquement, doit être réalisé : diffusion de travaux scientifiques en la matière, réédition d’ouvrages classiques, envoie d’enseignants dans les nouveaux territoires russes, réinstallation des monuments historiques, popularisation des travaux réalisés sur les crimes commis en Ukraine contre les civils par ce pouvoir, etc. Parce qu’une guerre se gagne aussi dans la tête des gens et qu’il est fondamental de lutter sur les territoires ukrainiens et nouvellement russes contre des années de propagande active atlantiste, qui ont conduit à une reprogrammation surréaliste des esprits, mais aussi en Russie, où la propagande atlantiste continue à oeuvrer.

Une forme d’épuration mitigée est proposée dans la fonction publique éducative, puisque c’est à l’école, puis à l’université, que l’on forme l’avenir d’une Nation, ses cadres, les futurs adultes, qui seront cette « opinion publique ». Dans les milieux universitaires, beaucoup ont été pris en main à la fois grâce aux programmes étrangers de recherche et d’enseignement, mais aussi parce que la participation à ces programmes était très largement incitée par les pouvoirs publics, sans parler des réformes néolibérales réalisées depuis 20 ans et non remises en cause. Les enseignants et les chercheurs ont ainsi pu acquérir les modes de pensée nécessaires au monde global, son langage et sa grille de lecture, et beaucoup semblent absolument incapables de penser le monde en dehors des axiomes de la globalisation (managment au lieu du politique, intégration internationale – à tout prix au lieu de la souveraineté, tout-numérique au lieu d’une utilisation rationnelle des technologies, gender contre normalisation des relations humaines, etc.), qui conduisent inexorablement à un affaiblissement de l’homme, de la société et de l’Etat. Ce processus est incontournable dans un monde globalisé, où les Etats ne doivent qu’être des structures d’exécution et non de prise de décisions politiques, où les sociétés doient être uniformisées et acculturées et où l’homme doit sagement disparaître dans un Global village d’individus interchangeables. 

L’on voit déjà quelques têtes sauter dans l’éducation et la recherche, timidement et sans véritable système. Le virage étatiste que la Russie est en train de prendre grâce à son entrée dans le conflit, se fait parfois même semble-t-il, malgré la volonté des élites. Il est proposé de revenir à l’étatisme de manière conscience, volontaire et contrôlée :

« Afin d’empêcher la propagation parmi les citoyens de la Fédération de Russie, y compris parmi les lycéens et les étudiants, d’une idéologie hostile à l’État, prendre les mesures suivantes au niveau législatif à l’égard des personnes, qui se sont prononcés publiquement (à la fois verbalement et par écrit , y compris des déclarations collectives dans les organes des médias reconnus comme agents étrangers) contre la conduite de l’Opération militaire spéciale et / ou en faveur d’organisations interdites en Fédération de Russie, reconnues comme extrémistes ou agissant comme agents étrangers, ainsi que pour des personnes qui sont des employés d’organisations étrangères financées par des États hostiles à la Fédération de Russie :

  • interdiction d’occuper des postes de direction, administratifs et autres dans les institutions publiques et les organisations budgétaires à profil scientifique et éducatif;
  • interdiction de participer à des travaux et projets scientifiques dans le cadre de missions étatiques avec des financements budgétaires et ciblés ;
  • interdiction des activités d’enseignement dans le domaine des disciplines historiques, sociales et humaines dans les établissements d’enseignement secondaire, secondaire professionnel et supérieur, les bibliothèques, les musées et les autres établissements culturels et éducatifs de la Fédération de Russie. »

La résolution ici adoptée par le Conseil scientifique de la Société militaire russe propose une alternative aux hésitations politiques, que nous observons. De toute manière, la Russie va devoir faire un choix : soit accepter pleinement le conflit en Ukraine et revenir à l’étatisme, revenir dans son cours historique, l’assumer, et avoir alors une chance de gagner et de participer à la mise en place d’un nouvel ordre international ; soit rester engluée dans des hésitations idéologiques, utilisant les combats pour faire monter les enchères lors des négociations, et donc ne pas affirmer de buts réels, ce qui démoralise à terme les forces combattantes et effrite la confiance de la population dans le pouvoir en place. 

Elle ne peut alors que perdre. Et il y a plusieurs manières possibles de perdre, qui n’entraînent pas toute la disparition géographique totale de la Russie. Mais la Russie disparaîtra comme Etat et comme puissance. Ce qui serait une catastrophe pour le Continent européen. Et Macron l’a parfaitement exprimé :

« le chef de l’État a confirmé sa position concernant les négociations qui, il l’espère, auront lieu un jour pour mettre fin au conflit en Ukraine. « Le jour de la paix supposera des discussions. En premier chef pour les garanties envers l’Ukraine, pour son intégrité territoriale, sa sécurité dans la durée », a déclaré Emmanuel Macron. « Mais aussi pour la Russie, comme une partie qu’elle sera à un traité d’armistice et de paix. »

Un traité d’armistice a lieu après une guerre, quand une des parties a gagné et que l’autre a perdu. Une période de paix succède toujours à une période de guerre, mais pour les uns c’est la paix des vainqueurs, pour les autres c’est la paix des vaincus. Et ces paix sont très différentes. Si Macron veut donner des garanties de sécurité à la Russie, c’est qu’il voit l’Axe atlantiste vainqueur, pour pouvoir justement déterminer les garanties octroyées à la Russie, qu’elle acceptera pour sauver la face. Sinon, ce sera à la Russie de proposer ses garanties de sécurité pour les pays de l’Axe. Ce sont des « paix » très différentes pour les parties au conflit. 

Karine Bechet-Golovko 

Source 

Source : L’Echelle de Jacob

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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