La guerre en Ukraine a révélé les lacunes systémiques des forces armées russes mais a aussi démontré l’inadéquation de la logistique de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) à un conflit asymétrique (hybride) et la surévaluation mercantile de systèmes d’armes à l’efficacité fort mitigée sinon limitée.
Durant des décennies, l’OTAN était donc non préparé à une guerre de haute intensité avec l’ex-URSS. En face, le défunt Pacte de Varsovie n’était pas mieux préparé et une confrontation entre les deux blocs sur le théâtre européen aurait abouti à une série de désastres tactiques et un désordre indescriptible lesquels aurait accéléré l’escalade vers l’usage des Armes de Destruction Massive (ADM). Un éventuel échange de missiles tactiques à charges non conventionnelles (nucléaire) sur le théâtre européen aurait eu pour résultat dans un premier temps une destruction des infrastructures énergétiques et les voies de communication en Europe centrale et orientale puis une série de disruptions affectant à des degrés divers l’ensemble des régions s’étalant de l’Oural jusqu’aux frontières du Rhin et bien au-delà, notamment si les îles britanniques auraient été ciblées en priorité.
Un tel conflit aurait laissé une Europe affaiblie et désorganisée et donc susceptible d’être envahie non pas par les fameuses hordes soviétiques comme le propageait la propagande de l’époque mais par des forces plus ou moins organisées venant de ce que l’on appelle actuellement le Sud Global (SG) et donc l’ancien Tiers-Monde.
Pendant des décennies, des centres de recherche et les médias ont promu le fameux “hiver nucléaire” et l’extinction de la vie sur terre en cas de conflit thermonucléaire global. Or, si cette thèse erronée avait peut être le mérite de dissuader les décideurs de tout aventurisme guerrier impliquant l’usage de l’arme nucléaire et par conséquent promouvoir la paix mondiale mais d’un point de vue scientifique, elle surestimait l’action anthropique et sous-estimait la formidable capacité de résilience de la nature et des groupements humains. En d’autres termes, un conflit thermonucléaire global n’aurait pas abouti à la destruction de la planète et encore moins à la mort à terme de plus de 300-400 millions d’individus (chiffre théorique maximal) dans le scénario le plus apocalyptique. Non seulement des États survivront à un tel conflit mais ces derniers auraient assez de capacités, même fractionnées et suivant de nouvelles formes d’organisations plus primitives, de continuer la guerre sans vecteurs stratégiques. Le scénario le plus probable étant celui d’une Eurasie et d’une Amérique du Nord détruites. Ce qui ouvrira la voie à l’émergence de nouvelles puissances dans l’hémisphère Sud.
Ironiquement, l’affrontement hybride entre l’OTAN dirigé par les États-Unis d’Amérique et la fédération de Russie en Ukraine commence déjà à épuiser les ressources militaires et économiques des pays de l’OTAN au point où certains pays comme l’Allemagne et la Grèce, à titre d’exemples concrets, ont épuisé de manière significative leurs stocks de munitions en Ukraine (deux semaines de munitions en cas de conflit pour l’Allemagne et trois jours pour la Grèce). D’autres pays comme les pays Baltes, la Bulgarie, la Pologne et la Roumanie sont déjà en situation de vulnérabilité extrême. Pays membre de l’OTAN, Türkiye pourrait exploiter ce moment historique pour envahir en un temps record son partenaire et non moins rival grec (un tel scénario brisera l’alliance atlantique en deux car des pays comme la France soutiendront la Grèce tandis que d’autres iront avec la Turquie).
Il suffirait à une force tierce n’appartenant ni à l’OTAN (ou Occident collectif) ni à la Russie de faire irruption sur certaines parties du théâtre européen sans défense pour en envahir les territoires avec une facilité déconcertante. Le nombre de pays européens membres de l’OTAN qui sont actuellement susceptibles d’être facilement envahis par des forces compactes aux capacités modestes avec une logistique minimaliste ne cesse de s’accroître.
Pour le moment, seul le complexe militaro-industriel US et certaines oligarchies financières profitent au maximum du conflit hybride en cours usant les ressources eurasiennes et mettant en danger les alliés européens, relégués une case plus bas qu’auparavant. À ce rythme, cette stratégie égoïste conduira à démilitariser l’Europe et l’exposer à de nouvelles formes de conflits sans pour autant pouvoir y intervenir comme en 1941-1949 car les États-Unis sont également en déclin militaire et leur machine de guerre n’est pas plus adaptée que celle de la machine de guerre russe aux conflits post-modernes et encore moins à ceux du futur proche.
Il ne faut pas oublier que l’OTAN a subi sa plus grande défaite historique en Afghanistan, pays sous-développé et enclavé d’Asie, ravagée par quatre décennies de guerres, face à des guérillas déguenillés dotées d’armes archaïques. Ce scénario est susceptible de se reproduire à tout moment non pas dans les lointaines montagnes afghanes mais dans une partie des territoires de l’OTAN.
Au 7e siècle de l’ère chrétienne, l’Empire romain d’Orient et l’Empire Sassanide, les deux principales puissances mondiales de l’époque, guerroyaient sans répit aucun des confins du Caucase jusqu’en mer rouge jusqu’à ce que des cavaliers arabes galvanisés par une foi nouvelle déferlent sur l’ancien monde emportant tout sur leur passage.
Qui jouera ce rôle aujourd’hui? Qui passera outre les codes archaïques et le diktat des fabricants d’armes inneficientes et fort onéreuses et dont la tactique bride au plus haut point l’art militaire postmoderne? Qui dispose des capacités technique disruptives et de la démographie nécessaire pour mettre fin à un monde ancien essoufflé et sans perspectives d’avenir ?
C’est la question à 1000 milliards de dollars US anciens qui hante aujourd’hui la plupart des stratèges des puissances déclinantes.
Un autre mensonge du 20e siècle est en train de s’effondrer devant nous. Au suivant…
Photographie d’illustration: une scène du film “Doctor Stranglove” (Docteur Folamour), de Stanley Kubrick, 1964.
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