Moscou-Minsk font nuke en commun
• Poutine en Biélorussie hier : il a annoncé une forme nouvelle d’intégration, avec l’“ombrelle nucléaire” russe protégeant désormais son allié et l’équipant comme les USA ses alliés de l’OTAN. • dde.org et M.K. Bhadrakumar
M.K. Bhadrakumar nous décrit la visite de Poutine en Biélorussie et, surtout, l’accord qui installe ce pays (la Biélorussie) sous “l’ombrelle nucléaire” de la Russie. Désormais, comme le pratiquent les USA depuis des dizaines d’années avec ses alliés de l’OTAN, des avions de combat alliés seront qualifiés pour emporter une arme nucléaire tactique pour des missions de guerre, selon la technique de la “double-clef” (accord du pays nucléaire et du pays porteur de l’arme nucléaire). Cette pratique renforce les capacités de dissuasion en compliquant la tâche d’un attaquant nucléaire et l’on n’est pas sans remarquer qu’elle est décidée par les Russes au moment où il est beaucoup question de “première frappe” de “décapitation”.
C’est une première pour la Russie, ex-URSS. Du temps de la Guerre Froide, et malgré que les USA aient confié des armes nucléaires aux alliés européens, l’URSS n’en fit rien de son côté, à l’intérieur du Pacte de Varsovie. Poutine a donc franchi un pas important ? Il pourrait être suivi d’autres pas de cette sorte, si l’on se place dans la logique de certaines organisations dont la Russie ferait partie. D’une certaine façon, on pourrait dire que, pour la Russie, c’est sortir le diable de sa bouteille pour obtenir un vin de bonne civée ; et l’on pourrait faire l’hypothèse que le même processus pourrait être suivi avec d’autres pays alliés, et de plus en plus alliés…
De même pour les armements. Poutine a conclu avec Loukachenko la livraison de systèmes sol-air très puissants du type S-400 et la livraison de missiles de croisière sol-sol hypersoniques à portée courte-moyenne (500 kilomètres et plus) ‘Iskander’. Il est probable également, pour cela aussi, que la Russie ne va plus se montrer pusillanime dans ses livraisons, puisque, – “à la guerre comme à la guerre !”.
Ces types d’armement très avancés (le S-400 déjà livrés à la Chine, la Turquie, l’Inde) pourraient être livrés à d’autres, parmi les “nouveaux amis” très proches, arrangés selon les circonstances, – citons par exemple l’Iran et l’Arabie, ou bien encore l’Algérie qui risque de devenir, avec son contingent de plusieurs millions de citoyens déjà déployés en France, un des meilleurs “ennemis” sur le flanc Sud de la France. On voit dans telle ou telle situation, l’intelligence extrême de s’“atlantiser” aveuglément et hystériquement dans les bras des fous de ‘D.C.-la-folle’, au point où la France macroniste s’est faite devenir comme on se fait tatouer, une cariucature monstrueuse d’elle-même aux couleurs de la bêtise érigée en totem…
Notes de PhG-Bis : « Grognement de PhG, qui a connu une France d’un autre temps, et il y a quelques mots de cette sorte, que je rapporte comme je peux : “Pour parvenir à observer et mesurer une telle connerie qu’on nommerait ‘une bêtise française’ presque comme le titre d’une grande superproduction filmée, il faut tout de même se pincer salement et tordre la morsure pour ne pas trop pleurer sur mon ô pays bien-aimé.” Pinçons-nous donc, Macron. »
Voici le texte de M.K. Bhadrakumar sur son site ‘Indian Punchline’ du 21 décembre 2022. Le titre original est « La boussole nucléaire de l’OTAN n’est plus d’actualité »
dde.org
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La Russie à l’école otanienne
La visite du président russe Vladimir Poutine à Minsk lundi, en compagnie du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et du ministre de la Défense Sergueï Shoigu, s'est avérée extrêmement importante pour la sécurité européenne.
M. Poutine a attiré l'attention sur ce point de manière plutôt indirecte lors de sa conférence de presse avec le président du Belarus, Alexandre Loukachenko, à la fin de sa déclaration initiale, lorsqu'il a révélé en filigrane la décision spectaculaire de la Russie de fournir un "parapluie nucléaire" de facto au Belarus. Poutine a formulé cette décision historique de la manière suivante :
"Je pense qu'il est également possible de continuer à mettre en œuvre la proposition du président Loukachenko sur la formation des équipages des avions de combat de l'armée biélorusse qui ont été rééquipés pour l'utilisation potentielle de munitions lancées par voie aérienne avec des ogives spéciales. Je tiens à souligner que cette forme de coopération n'est pas notre invention. Les États-Unis, par exemple, mènent des activités similaires avec leurs alliés de l'OTAN depuis des décennies. Ces mesures coordonnées sont extrêmement importantes compte tenu des tensions aux frontières extérieures de l'État de l'Union [Russie et Belarus]".
Moscou s'inquiète depuis longtemps du fait que les États-Unis conservent des armes nucléaires en Europe et fournissent aux alliés de l'OTAN la capacité technique de lancer des ogives nucléaires avec des chasseurs certifiés nucléaires. Les forces aériennes de l'OTAN exercent régulièrement leurs capacités de dissuasion nucléaire.
En fait, sans tenir compte des tensions accrues actuelles, l'OTAN a organisé une "activité d'entraînement de routine récurrente" pendant la quinzaine du 17 au 30 octobre dans le cadre d'un exercice au-dessus du nord-ouest de l'Europe auquel ont participé 14 pays et jusqu'à 60 avions de différents types, dont des avions de chasse de quatrième et cinquième génération, ainsi que des avions de surveillance et de ravitaillement, et, comme les années précédentes, des bombardiers américains à long rayon d'action B-52 volant depuis la base aérienne de Barksdale en Louisiane.
La Russie n'a cessé de protester contre ces actes effrontés des États-Unis et de l'OTAN, en violation du traité de non-prolifération nucléaire de 1970, qui vise à empêcher la dissémination des armes nucléaires et de leur technologie. Apparemment, le Kremlin a décidé de réagir à la belligérance américaine, même si c'est de manière modeste et quelque peu apologétique.
Certes, dans le contexte de l'implication directe de l'OTAN dans le conflit ukrainien et de la nouvelle politique de l'administration Biden autorisant le "premier usage" des armes nucléaires, Moscou n'a pas le choix.
Au cours des deux dernières décennies, on a assisté à une prolifération constante des armes nucléaires dans le monde et les stocks nucléaires ont augmenté dans le monde entier, tandis que les relations internationales qui pourraient limiter leur prolifération se sont dégradées. Et au cours des derniers mois ou des dernières semaines, la menace que représentent ces armes n'a jamais été aussi grande depuis la fin de la guerre froide.
Le 28 mars, plus d'un mois après l'éclatement du conflit en Ukraine, la Maison-Blanche a annoncé que le président Joe Biden avait approuvé une révision de la stratégie de défense et de la politique en matière d'armes nucléaires des États-Unis, menée par le Pentagone pendant des mois, et transmis au Congrès la version classifiée de la stratégie de défense nationale, qui comprenait en annexe la Nuclear Posture Review (NPR) et la Missile Defense Review (MDR).
La NPR reflète la remise en question de Biden de ne pas donner suite à sa promesse électorale de 2020 de déclarer que le seul but des armes nucléaires était de dissuader une attaque nucléaire. En bref, la nouvelle pensée de Biden laisse ouverte l'option d'utiliser des armes nucléaires non seulement en représailles à une attaque nucléaire, mais aussi pour répondre à des menaces non nucléaires.
La politique de Biden déclare que le rôle fondamental de l'arsenal nucléaire américain est de dissuader une attaque nucléaire, mais elle laisse ouverte l'option que les armes nucléaires puissent être utilisées dans des circonstances extrêmes pour défendre les intérêts vitaux des États-Unis ou de leurs alliés et partenaires. Le Wall Street Journal a rapporté, en citant des responsables américains, que ces circonstances extrêmes pourraient inclure l'utilisation de l'arme nucléaire pour décourager les attaques conventionnelles, biologiques, chimiques et éventuellement cybernétiques de l'ennemi.
Bien que la guerre froide soit terminée et que les plans de guerre nucléaire aient été réduits depuis le milieu des années 1990, les États-Unis et la Russie maintiennent leurs forces stratégiques dans une posture de "lancement en cas d'attaque". On peut imaginer que la dernière décision de M. Biden a été influencée par la confrontation imminente avec la Russie au sujet de l'Ukraine.
Moscou prendrait un risque énorme en ignorant la possibilité que les États-Unis recourent à une frappe nucléaire contre une menace non nucléaire dans le conflit ukrainien, comme, par exemple, l'utilisation par la Russie d'armes hypersoniques, que l'OTAN n'a tout simplement pas la capacité de contrer.
Il suffit de dire qu'en fournissant un parapluie nucléaire au Belarus, Moscou renforce à la fois sa capacité de dissuasion contre une attaque occidentale et sa capacité de deuxième frappe. Il ne s'agit en aucun cas d'une décision impromptue.
Rétrospectivement, la visite inopinée du ministre de la Défense, M. Shoigu, au Belarus, le 3 décembre, est mise en perspective. Au cours de cette visite, M. Shoigu et son homologue biélorusse Viktor Khrenin ont signé un protocole portant sur les modifications apportées à l'accord de sécurité régionale conjointe conclu entre les deux pays en 1997.
Aucune des parties n'a divulgué le contenu de ce protocole secret. La cérémonie de signature s'est déroulée sur la base aérienne de Machulishchy, à l'extérieur de Minsk, ce qui est plutôt inhabituel. La base aérienne de Machulishchy, dans l'oblast de Minsk, servait autrefois de base de bombardiers stratégiques et d'intercepteurs pour l'Union soviétique. Elle était l'un des neuf principaux sites d'exploitation du Tupolev Tu-22 Blinder au milieu des années 1960, le premier bombardier supersonique à entrer en production en Union soviétique.
Après la cérémonie de signature, Shoigu s'est rendu à Minsk et a rencontré Lukashenko. En effet, des rumeurs circulent selon lesquelles une attaque russe sur la région occidentale de l'Ukraine et sur Kiev (à 100 km de la frontière biélorusse) n'est pas à exclure lors d'une prochaine offensive hivernale.
Quoi qu'il en soit, avant sa visite à Minsk, M. Poutine a présidé une réunion avec les membres permanents du Conseil de sécurité, par vidéoconférence, vendredi dernier, afin de "passer en revue les questions actuelles relatives à la sécurité nationale dans différents domaines… [et] discuter également de notre interaction avec les voisins sur certains aspects très importants".
Et samedi, M. Poutine a rendu visite à l'état-major de toutes les branches militaires participant à l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, afin d'être informé par les commandants des futures opérations dans une perspective à court et moyen terme. En effet, les choses se déroulent selon les prévisions.
Le 3 juillet dernier, voici ce qu'a déclaré Loukachenko dans un discours prononcé lors de la cérémonie de dépôt de gerbe à l'occasion de la fête de l'indépendance du Bélarus : "Nous sommes le seul pays qui soutient les Russes dans cette lutte. Ceux qui nous font des reproches savent-ils que nous avons l'alliance la plus étroite avec la Fédération de Russie ? Avec un autre pays avec lequel nous construisons un État unique, puissant et indépendant, – un État de l'Union. Avec deux nations indépendantes dans l'Union.
" Ne savent-ils pas [les USA] que nous avons créé depuis longtemps un groupe unique de forces armées dans l'union de la Biélorussie et de la Russie ? En fait, une armée unifiée. Ils savent tout cela, alors pourquoi nous faire des reproches aujourd'hui ? Nous étions et nous continuerons à être ensemble avec la Russie fraternelle. Notre participation à l'"opération spéciale" a été déterminée par moi il y a longtemps."
De même, lundi, M. Loukachenko a annoncé le déploiement de systèmes de missiles S-400 et Iskander. Dans l'ensemble, il est possible de considérer la visite de Poutine à Minsk, la première en trois ans, sous l'angle de l'offensive hivernale attendue de la Russie. L'OTAN a été mise en garde contre la capacité de dissuasion du Belarus.
M.K. Bhadrakumar
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org