Vous le savez certainement : une bombe a éclaté cette semaine et elle a eu des répercussions jusque dans le monde de l’éducation. Je pense, bien entendu, à ChatGPT, cet outil d’intelligence artificielle de la compagnie OpenAI.
D’usage facile et gratuit, ChatGPT, qui a accès à de phénoménales quantités d’informations qui sont dans le domaine public, peut, sur demande et presque instantanément, produire un texte sur un sujet donné. « Écris une fable à la manière de La Fontaine à propos d’une théière et d’un chat. » « Explique ce qu’est la relativité générale. » « Pourquoi les entreprises devraient-elles se préoccuper de développement durable ? » « Explique en quoi Prévert est le plus grand écrivain du XX siècle. » Et c’est parti.
Les résultats sont parfois spectaculaires. On aurait évalué le QI de ChatGPT à 82, ce qui pourrait être sous-estimé… Les textes produits permettraient, en tout cas, de réussir des épreuves dans des cours au cégep ou à l’université.
Mais il est aussi vrai qu’un dirigeant de OpenAI (Sam Altman) assure que bien qu’il soit impressionnant, ce serait une erreur de se fier à ChatGPT pour des choses importantes. En attendant, il semble qu’il utilise les feedbacks de ses utilisateurs pour corriger ses erreurs.
Que faut-il en penser en éducation ? J’hésite à écrire ce qui suit, m’imaginant me relire dans 28 ans et en être gêné. Mais il faut ce qu’il faut quand on tient chronique.
Modestes avis
Je me rappelle l’arrivée d’Internet et de tous ces débats parfois virulents entre technophiles (« Ça va tout changer ! ») et technophobes (« Pas de ça chez nous ! »). Il fallait de la nuance, se préparer à l’imprévu, prendre la décision d’encadrer, d’évaluer et se donner le temps de voir venir.
Ça n’a pas beaucoup été le cas.
Je soumets que cette prudence est l’attitude à adopter cette fois encore. D’autant que la gestion du cellulaire à l’école, une application nettement moins avancée que l’IA, représente déjà un gros défi pour bon nombre d’établissements scolaires et que plusieurs recherches en ont montré les effets négatifs sur le rendement des élèves…
Il est prévisible qu’il y aura des imprévus et que le sens, la nature d’activités comme écrire, apprendre, enseigner ou évaluer, de même que les institutions et les personnes qui les font, devront être repensées et adaptées, parfois dans des directions pour le moment encore insoupçonnées. Les dimensions éthiques de tout cela vont aussi vite nous rattraper, notamment avec la tricherie et la question de la valeur des diplômes. Mais ce sera aussi l’occasion de préciser ce qui confère à ces activités la valeur que nous leur accordons ou devrions collectivement leur accorder. Et de dire comment la préserver.
Une autre chose me semble s’imposer : donner aux élèves et aux étudiantes et étudiants une « littératie digitale » qui leur permettra de comprendre comment fonctionnent ces outils, quelles en sont les possibilités, mais aussi les limites et les dangers, et comment rester critique face à eux et en être un usager responsable.
Il ne faudrait surtout pas oublier, dans cette déjà complexe équation, que nous vivons dans le système économique qui est le nôtre et que des choses comme la propriété intellectuelle, le travail, la démocratie, les frontières, les cultures, notamment nationales, vont être affectées.
Cette fois encore, cela se fera dans des directions parfois imprévues. Et il serait déplorable de laisser aux seules compagnies qui créent ces outils le soin de décider des dangers qu’ils représentent et des moyens à déployer pour les contrer.
Il y a longtemps que devant tout ce qui précède, je suggère qu’on crée une sorte de ministère des GAFAMs ou quelque chose d’équivalent. Ce serait en ce moment, il me semble, plus que jamais, une bonne idée.
Se relire
Parlant de se relire 28 ans plus tard, je me suis rappelé un article que j’avais signé en ces pages le 8 février 1994, alors que j’y étais chroniqueur en éducation et professeur à l’UQAM. J’y suis retourné. Je ne suis pas gêné du tout.
Je rappelais que dans le cadre du certificat en enseignement, j’avais dans mes classes des ingénieurs, des biologistes, des historiennes, des détenteurs de maîtrise en diverses disciplines, tous désireux d’enseigner au secondaire. Mais ce certificat n’admettait plus d’étudiants ! Je rappelais que cette réforme s’était effectuée beaucoup trop rapidement et a souvent donné lieu, au sein de l’université, à une lutte plutôt bassement marchande pour l’appropriation des cours.
Vingt-huit ans plus tard, on a une pénurie d’enseignants que les facultés d’éducation n’ont pas vue venir ; ceux et celles qu’elles forment, depuis des années, quittent la profession en grand nombre ; on propose comme solution une coûteuse (pour le public, car c’est aux études supérieures que ça se passe) maîtrise qualifiante qui semble interminable et attire peu de candidats. Imaginez l’équivalent de tout cela dans une faculté de médecine…
Qu’attend-on pour imposer le retour du certificat en enseignement secondaire ? Et pour s’assurer que la formation offerte est de qualité, cours et stages compris ?
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Source : Lire l'article complet par Le Devoir
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