par Alexandre Lemoine.
L’UE a officiellement renoncé au pétrole russe. L’Allemagne tente de persuader l’Inde de faire front uni avec l’Occident contre le pétrole russe. Pendant ce temps, Moscou achète sur le marché des centaines de pétroliers. Quelles actions sont insensées et quelles actions porteront leurs fruits?
Le 5 décembre sont entrés en vigueur le plafonnement des prix du pétrole russe et l’embargo pétrolier de l’UE. Cela promet des changements radicaux sur le marché pétrolier mondial. Toutefois, l’embargo pétrolier était un évènement connu d’avance, alors que le prix plafond a été convenu par les pays de l’UE littéralement à deux jours de la date butoir.
Le plafond a été adopté seulement par les pays du G7 et l’UE. Une coalition peu nombreuse. L’Occident n’a pas réussi à forcer l’Inde et la Chine, principaux acheteurs du pétrole russe, à y adhérer. Cependant, l’Allemagne ne semble pas perdre espoir. Du moins, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a déclaré à la veille de sa visite à New Dehli au média The Hindu que Berlin comptait sur le soutien de l’Inde à l’adoption d’un plafond des prix sur les livraisons du brut russe.
Mais la probabilité de cela est infime. Premièrement, l’Allemagne n’est pas un acteur capable de pousser l’Inde à changer d’avis. Son poids politique est insuffisant sur la scène internationale. L’Inde pourrait accepter d’entendre seulement les États-Unis.
Plus tôt, Washington avait déjà appelé l’Inde à adhérer à cette coalition pétrolière antirusse, mais New Delhi avait ignoré ces appels.
Deuxièmement, comme à d’autres pays européens, il n’est pas bénéfique pour l’Allemagne de forcer l’Inde à adhérer au plafond des prix du pétrole russe. Si l’Inde refusait d’acheter le pétrole russe au prix du marché, la Russie mettrait ses menaces à exécution en cessant d’approvisionner les Indiens. Alors que l’Inde est devenue le plus grand acheteur du pétrole russe par voie maritime.
La Russie est devenue encore en octobre le plus grand fournisseur de pétrole à l’Inde, devançant l’Arabie saoudite et l’Irak dominants sur le marché indien. Il est question de presque 1 million de barils par jour.
Si la Russie était contrainte de renoncer à livrer une telle quantité à l’Inde et réduire les exportations de 1 million, les Européens devraient concurrencer les Indiens pour le pétrole restant sur le marché de l’Irak, de l’Arabie saoudite et d’autres pays. En d’autres termes, du point de vue économique, il n’est pas bénéfique pour les Allemands de forcer l’Inde à rejoindre la coalition du G7 et de l’UE sur le plafonnement des prix.
L’Allemagne et la Pologne veulent introduire d’ici 2023 au niveau national l’interdiction d’acheter du pétrole russe via le gazoduc Droujba. Ce dernier n’est affecté pour l’instant par aucune restriction, que ce soit en matière de plafond ou d’embargo. Cependant, les capacités du port allemand de Rostock et du gazoduc allant jusqu’aux raffineries allemandes sont insuffisantes pour charger entièrement les raffineries du pays. L’Allemagne devra réserver une partie des capacités du port de Gdansk afin d’acheminer le pétrole non russe par Droujba vers ses raffineries. C’est cher et surtout cela engendrerait une dépendance de la Pologne.
Quant à la Russie, ses dirigeants ont dit à plusieurs reprises qu’en aucune circonstance ils ne vendraient le pétrole à des prix non commerciaux, c’est-à-dire au niveau du plafond. La position de Moscou reste inchangée.
La Russie ne restait pas les bras croisés et se préparait à pouvoir acheminer son pétrole aux nouveaux marchés. S’il est possible de régler le problème de l’interdiction d’assurer de tels transports grâce à ses propres compagnies d’assurance avec des garanties de l’État, le problème de pétroliers qui transporteront le brut russe en dehors des conditions du plafond établi par l’Occident est réglé grâce à l’achat de tels cargos.
La Russie a créé « en douce » une flotte « parallèle » de plus de 100 pétroliers afin de contourner le plafond des prix. Ces navires ont en général entre 12 et 15 ans et ils peuvent être facilement retirés du service dans quelques années, écrit le Financial Times. Sachant que d’après Rystad, la Russie a besoin de plus de 240 pétroliers pour maintenir les exportations actuelles. Toutefois, Moscou n’a pas encore terminé les achats et continuera d’accroître sa flotte.
Selon une analyse de Braemar, les opérateurs russes pourraient acquérir 29 très grands pétroliers transporteurs de brut (VLCC) d’une capacité supérieure à 2 millions de barils chacun, 31 pétroliers de classe Suezmax d’environ 1 million de barils et 49 pétroliers de classe Aframax de 700.000 barils. Sachant que la Russie n’a probablement pas fini d’acheter des cargos.
Cette information est officieuse et il est difficile d’analyser pour savoir combien de pétroliers la Russie possède déjà et combien il lui faut encore acheter.
source : Observateur Continental
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