Il est la source principale des médias occidentaux qui multiplient les accusations contre la politique chinoise menée au Xinjiang mais aussi le pilier majeur de la thèse selon laquelle Pékin aurait perpétré un génocide sur l’ethnie ouïghoure. Son nom : Adrian Zenz. Qui est-il ? Pourquoi s’intéresse-t-il tant au sort des Ouïghours ? Ses accusations sont-elles vraiment fondées ?
Né en 1974, Adrian Zenz est un chercheur allemand, qui a émigré aux États-Unis et coopère activement à la Fondation pour les Victimes du Communisme, une organisation anti-communiste et d’extrême-droite fondée en 1994 à Washington et parrainée par le gouvernement américain.
Selon Benjamin Bak, auteur de l’article Ouïghours : Adrian Zenz au service du China-bashing, « Si l’entourage d’Adrian Zenz ne l’encourage pas à avoir une vision objective des événements, ses convictions personnelles posent également question, quand elles ne font pas carrément peur. » Toutes les informations rendues publiques montrent, en effet, qu’Adrian Zenz est un évangéliste fondamentaliste proche des évangélistes américains. A l’en croire, il serait guidé par Dieu pour une mission contre Beijing. « Je me sens très clairement conduit par Dieu à faire cela », a-t-il déclaré au Wall Street Journal. L’homme est homophobe, il est hostile à l’égalité des sexes et soutient la « fessée scripturaire » des enfants (référence aux « Saintes Ecritures »).
Accusations sans preuves dignes de foi
Adrian Zenz est surtout connu pour ses recherches sur les politiques chinoises, en particulier celles liées au Xinjiang. Depuis 2018, il n’a cessé de publier des rapports accusant notamment la Chine d’avoir créé des « camps d’internement » ou « camps de rééducation » dans lesquels « un million de Ouïghours sont détenus » ; d’avoir organisé « un travail forcé d’envergure » dans les champs de coton au Xinjiang ; ou encore d’avoir pratiqué la stérilisation forcée des Ouïghoures, ce qui constitue une entrave aux naissances, preuve, selon lui, d’un « génocide démographique ».
Trois questions se posent ici. D’abord, comment Adrian Zenz est-il parvenu au chiffre d’un million de détenus ouïghours ? Des sources concordantes montrent que sa conclusion provient d’un seul reportage d’Istiqlal TV, une structure médiatique ouïghoure en exil, basée en Turquie. Le reportage a publié un tableau non vérifié des « chiffres des détenus en rééducation », qui aurait été « divulgué » par le gouvernement chinois et selon lequel un total de 892 000 personnes de 68 districts du Xinjiang auraient été détenues au printemps 2018. Un chiffre toutefois gonflé, qui a été par la suite cité dans un reportage de Radio Free Asia, une agence de presse financée par les États-Unis et créée par la CIA pendant la guerre froide pour la propagande anti-chinoise. En rassemblant des sources douteuses car tendancieuses, Zenz extrapole une estimation selon laquelle « entre plusieurs dizaines de milliers et un peu plus d’un million sont détenus dans les camps de rééducation ». Tout en admettant qu’« il n’y a aucune certitude » quant à son estimation, il insiste sur le fait qu’il est néanmoins « raisonnable de supposer cela ». En tout cas, la méthode de travail de Zenz nous paraît trop peu sérieuse pour permettre d’accorder le moindre crédit au résultat de ses recherches. D’autre part, ce que Zenz appelle des camps d’internement ou de rééducation sont, en réalité, des centres d’enseignement et de formation professionnels mis en place au Xinjiang en vertu du droit, qui sont similaires aux centres de dé-radicalisation en France et dans d’autres pays, et observent strictement les principes fondamentaux du respect et de la protection des droits de l’homme inscrits dans la Constitution et la loi chinoises. La liberté personnelle des stagiaires y est pleinement garantie. Les centres sont gérés comme des internats et les repas halal y sont fournis. Ceux qui y suivent la formation peuvent rentrer chez eux régulièrement et demander des congés pour s’occuper de leurs affaires personnelles. Ils peuvent utiliser les langues et les écritures de leur propre ethnie. Les coutumes de tous les groupes ethniques ainsi que la liberté de croyance religieuse sont pleinement respectées et protégées. Grâce à l’apprentissage de la langue commune du pays, des connaissances juridiques et des techniques professionnelles, les stagiaires qui étaient influencés par des idées extrémistes et avaient commis de petits délits peuvent se défaire des idées extrémistes, acquérir des compétences et se réintégrer dans la société.
Il est à noter que pendant 26 ans, de 1990 à 2016, des forces terroristes, extrémistes et séparatistes ont sévi au Xinjiang, provoquant plus d’un millier d’incidents violents. Le 5 juillet 2009 par exemple, l’attaque d’Urumqi a fait 197 morts et 1700 blessés parmi les civils innocents. Grâce à une série de mesures anti-terroristes menées avec efficacité, dont la mise en place de centres d’enseignement et de formation, le Xinjiang n’a plus connu d’attaque terroriste depuis quatre ans.
Deuxième question : quelle est la réalité de ce que Zenz appelle « un travail forcé d’envergure » dans les champs de coton au Xinjiang ? A en croire Zenz, « dans le cadre d’un transfert forcé de main-d’œuvre et d’un programme de lutte contre la pauvreté, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs des minorités ethniques ont été forcés à cueillir le coton à la main ». Toujours selon Zenz, aujourd’hui encore, « 70% du coton est ramassé manuellement dans le Xinjiang, […], sous la surveillance d’officiels locaux et de policiers ». Or en réalité, la récolte du coton est déjà largement mécanisée au Xinjiang depuis 2020, avec un taux de mécanisation atteignant 69,83% en moyenne, voire 95% dans le centre et le nord de la région. Par ailleurs, il n’a jamais été question de transfert forcé de main-d’œuvre pour effectuer la récolte du coton. Il y a quelques années, au moment de la récolte du coton, à l’automne, de nombreux paysans originaires des provinces du Henan et du Sichuan se rendaient au Xinjiang pour y cueillir le coton. C’était un travail dur, certes, mais bien rémunéré ; de plus, la nourriture et le logement étaient pris en charge. A tel point que des habitants locaux issus des minorités ethniques vivant dans le sud du Xinjiang acceptèrent de se joindre à eux sur la base du volontariat, sous contrat. Et pendant la saison de la récolte, qui durait près de 50 jours, chaque travailleur pouvait gagner quelque 10 000 yuans (1 358 euros). Mais depuis que le niveau de rémunération a augmenté dans les provinces intérieures de la Chine, le nombre de Chinois se rendant au Xinjiang pour la récolte du coton a diminué. En clair, l’accusation de « travail forcé […] dans les champs de coton au Xinjiang » est sans fondement. Et comme le signalent de nombreuses personnes, qui s’avèrent être au fait de la réalité en Chine, comme ailleurs dans le monde, l’accusation d’Adrian Zenz viserait à inciter les forces anti-chinoises étrangères à sanctionner, restreindre et réprimer l’industrie du coton au Xinjiang, à priver les cultivateurs et cueilleurs de coton locaux de leurs droits légaux au travail, et à perturber la stabilité sociale et la prospérité dans la région.
Enfin, troisième et dernière question : sur quelle base s’est fondé Adrian Zenz pour accuser la Chine d’une pratique génocidaire au Xinjiang ? En exploitant l’Annuaire des statistiques sanitaires chinoises 2019, Zenz a conclu qu’en 2018, « 80% de toutes les nouvelles insertions de dispositifs intra-utérins (DIU) en Chine […] ont été effectuées au Xinjiang ». Mais l’analyse objective de l’Annuaire permet de constater que le nombre de nouvelles insertions de DIU au Xinjiang en 2018 ne représentait que 8,7% du total chinois. En effet en 2018, le nombre total d’insertions de DIU effectuées dans tout le pays était d’environ 3,77 millions, dont environ 330 000 au Xinjiang. Surtout, la méthode d’analyse de Zenz n’a pas tenu compte d’une donnée essentielle : la mise en place du planning familial au Xinjiang, visant à améliorer le niveau de vie des habitants. Selon le professeur Asatar Bair, qui enseigne l’économie à l’université de Riverside City (Canada), Zenz construit son argumentation en « gonflant et en manipulant à dessein des mesures ordinaires relevant du planning familial, qui sont appliquées depuis longtemps par la Chine aussi bien auprès des populations d’origine Han qu’auprès des minorités – bien que de façon plus contraignante pour les Hans ! D’ailleurs, relève le professeur Asatar Blair, ces « génocidaires » de Chinois ont récemment levé l’interdiction d’avoir plus de 1 enfant par famille en ville, et 2 dans le monde rural, restrictions qui ne s’appliquaient qu’aux Han car les minorités avaient droit à 2 enfants en ville et à 3 dans le monde rural. Asatar Baïr montre comment des statistiques, qui ne sont par ailleurs guère étonnantes, sont présentées par Zenz en des termes dramatiques tels que « déclin drastique » et « mesures draconiennes de contrôle des naissances », pour amener à conclure que « les perspectives futures semblent sombres ». A noter également que les statistiques officielles chinoises montrent que la population ouïghoure a doublé au cours des quatre dernières décennies, de 1978 à 2015, pour passer de 5,5 millions à 11,68 millions d’habitants, ce qui représente environ 46,8% de la population totale de la région. Combien de pays dans le monde ont vu leur population doubler en 40 ans ? Est-ce là le résultat d’un génocide ?
Payé pour dénigrer la Chine
Dans son article intitulé Adrian Zenz a été accusé d’avoir reçu d’énormes dons politiques pour salir le Xinjiang, publié le 9 décembre 2021, le journaliste Beaumont Lefebvre a rendu publiques de nombreuses révélations sur l’identité et les noms des personnes qui ont payé Adrian Zenz pour ses travaux de recherche clairement orientés contre la Chine. Il se réfère à « […] trois documents écrits, alléguant que le sénateur américain Marco Rubio et l’ancien stratège en chef de la Maison Blanche et conseiller principal du président américain d’alors Stephen Bannon ont apporté un soutien financier à Zenz par le biais de la Memorial Foundation for Victims of Communism (Fondation pour les victimes du communisme) pour laquelle travaille Zenz. « Dans deux documents, la Memorial Foundation for Victims of Communism a certifié avoir payé à Adrian Zenz 275 000 $ et 350 000 $ pour ses travaux de recherche au cours des exercices 2019 et 2020, respectivement. L’autre document est une lettre du sénateur Marco Rubio à Adrian Zenz datée du 10 décembre 2019, déclarant : « Ce fut un grand plaisir de vous rencontrer la semaine dernière à Washington à l’occasion de votre audition à la sous-commission des affaires étrangères sur le sujet de l’autoritarisme avec des caractéristiques chinoises : défis politiques et religieux des droits de l’homme en Chine. Vous êtes une grande ressource pour notre activité. Restez fort et bien connecté avec notre Alliance interparlementaire sur la Chine ainsi qu’avec le Comité sur le danger actuel Chine. Je suis un grand sponsor pour vous, avec mon bon ami Bannon. N’hésitez pas à me contacter pour toute assistance. » »
Au vu de telles révélations, qui peut encore croire à l’objectivité des travaux de Zenz ? Qui peut encore croire à la véracité des propos de Zenz ? Rien d’étonnant qu’un nombre croissant de chercheurs, chinois et étrangers, affirment que les accusations de Zenz mettant en cause les politiques chinoises au Xinjiang sont sans aucun fondement et, plus grave encore : il est payé pour servir les causes anti-chinoises.
Aveux compromettants pour les États-Unis
Non moins compromettantes sont les preuves, fournies par de hauts responsables américains eux-mêmes, démontrant comment ceux-ci ont fabriqué la question des Ouïghours. Voici trois exemples parmi tant d’autres.
En 2015, dans une interview-vidéo, Sibel Edmonds, une ancienne interprète du FBI, a expliqué comment les États-Unis avaient planifié et agi pour déstabiliser le Xinjiang. Selon elle, « le Xinjiang est une grande artère de l’énergie en Chine. Nous voulons, progressivement et en interne, jouer la carte du genre et la carte de la race. Nous disons que les minorités ethniques du Xinjiang n’ont pas leurs propres terres, que nous allons les aider, qu’elles sont opprimées, et que les Chinois les abattent et les torturent ». Le plan des États-Unis est de copier les tactiques utilisées en Afghanistan, en Ukraine et en Irak dans le Xinjiang, en créant un problème à partir de rien et en l’exploitant. Et elle a ajouté : « Nous espérons que le Xinjiang sera la prochaine Taiwan. En tant que pays occidentaux, nous ne nous sommes jamais souciés des gens. Cela ne relève pas de notre domaine d’intérêt, à moins qu’ils puissent être utilisés, capitalisés pour atteindre notre objectif. »
En août 2018, Lawrence Wilkerson, directeur de cabinet de l’ancien secrétaire d’État Colin Powell et colonel à la retraite de l’armée de terre américaine, a, lors d’un discours au Ron Paul Institute sur les trois objectifs de la présence américaine en Afghanistan, déclaré sans détour : « La troisième raison pour laquelle nous étions là [en Afghanistan] c’est parce qu’il y a 20 millions d’Ouïghours [au Xinjiang]. La CIA voudrait déstabiliser la Chine et la meilleure façon de le faire consisterait à fomenter des troubles et se joindre à ces Ouïghours pour faire pression sur les Chinois Han à Beijing depuis des zones internes plutôt qu’externes. » (voir vidéo).
En janvier 2021, Sheila Carey et Andrew Chira, responsables du département économique et politique du consulat général des États-Unis à Guangzhou, ont, lors d’un cocktail, confié à des chefs d’entreprises américains : « Il n’y a pas de problème au Xinjiang (« Nothing is wrong about Xijiang »), et nous le savons tous. Mais organiser un battage médiatique sur le travail forcé et le génocide au Xinjiang et attaquer (la Chine) sur le front des droits de l’homme constituent un moyen efficace dont l’objectif est de plonger définitivement le gouvernement chinois dans un profond bourbier. » (voir documents ci-joints).
Que faut-il conclure ? Il est clair que la question des Ouïghours a été montée de toutes pièces par des dirigeants américains afin de déstabiliser la Chine de l’intérieur. Et, pour parvenir à leurs fins, ils ont utilisé Zenz comme outil de propagande anti-chinoise. Maintenant que la stratégie américaine est révélée au grand jour, à quoi bon, pour Zenz, continuer à fabriquer de fausses preuves ? A moins qu’il ait toujours besoin d’argent pour survivre…
Daisy BROWN
Daisy Brown est Américaine, spécialiste de géopolitique et professeur honoraire à l’université de Qianghua (Chine).
EN COMPLEMENT PAR LGS
Zenz antisémite ? Extrait de son livre : « Worthy to escape ».
A lire, sur la question des Ouïghours : « Ouïghours, pour en finir avec les fake news », Maxime Vivas, Editions la route de la soie », 2020, 173 pages, 14 euros.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir