par Henry Bonner
Le PDG récent de Disney, plus grosse société de divertissement au monde, vient d’être relevé de ses fonctions.
Bob « Chapstick » (baume à lèvres) Chapek a atteint le plus haut poste au pire des moments – juste avant l’arrivée du virus et de l’hystérie qui a mené aux confinements. Il l’a perdu ce mois-ci. Son prédécesseur, Bob Iger, l’a remplacé. Le sort de Chapstick montre que le « woke » ne protège pas des aléas du monde des affaires…
Les sociétés ont toujours besoin de faire des bénéfices – même quand elles soutiennent le parti du président américain. Cependant… l’histoire de l’échec du PDG va au-delà du « woke. »
En fait, elle indique un changement d’humeur dans les marchés. Un changement d’ère. À cause de cela, les fortunes de Disney et de beaucoup d’autres boîtes risque de tourner au vinaigre. Le remplaçant de Chapstick risque fort d’empiler les déceptions…
La donne a changé.
Cela fait partie de notre thèse du moment, sur laquelle j’écris avec l’auteur Simone Wapler dans notre lettre d’investissement : pour faire court, SFGate a sans doute raison : « M. Chapek est un bouc-émissaire qui tombe à point ».
Avec les fermetures des parcs à cause des confinements, Disney a sauté à pieds joints sur les services de streaming… À première vue, elle a réussi. Elle a même surpassé son plus gros compétiteur, Netflix, en termes d’abonnés, atteignant plus de 160 millions de comptes dans le monde sur Disney+. Avec ses offres alternatives à Disney+ (qui ne sont pas disponibles hors des États-Unis), la société est à plus de 220 millions d’abonnements.
Pourtant, Disney décroche en Bourse cette année, perdant la moitié de sa valeur. Le comité de direction a renvoyé Chapstick, lui faisant porter toute la responsabilité. Les médias et analystes pointent du doigt les coûts du streaming. Le service fait 1,5 milliards $ de pertes au dernier trimestre… le double de la même période de l’année d’avant. Cela réduit donc la trésorerie de Disney, et le marché n’a plus l’appétit pour des pertes de cette ampleur.
Vous le savez peut-être : les taux d’intérêt sont en train de grimper. La thèse que nous élaborons dans nos écrits est la suivante : cette hausse va continuer bien plus longtemps que quelques mois, ou même un an.
Selon nous, cette hausse, entraînée par l’inflation, sera l’une des tendances les plus importantes de la prochaine décennie et au-delà.
Les remous chez Disney montrent que ce resserrement a des effets au-delà des bilans et de la finance. Il vient de causer le départ du PDG d’une des plus grosses sociétés du monde. Ses effets atteindront tout le monde d’une manière ou d’une autre.
Disney en souffre car la société a accumulé une masse de dettes d’environ la moitié de son chiffre d’affaires annuel, et bien plus élevée que son bénéfice annuel. La charge (voir graphique ci-dessous) vient surtout de 2019, l’ère de la direction sous le précédent PDG, M. Iger, qui vient de reprendre les rênes. Il a emprunté des milliards pour des acquisitions. À l’époque, les marchés faisaient peu attention à la dette et ont approuvé la stratégie.
Mais sur les 12 mois à octobre 2022, le bénéfice net chez Disney était de 3,5 milliards $. De cela, les nécessités de trésorerie pour supporter la dette ont réduit l’excèdent réel à seulement 1 milliard $… et la compression à cause de la dette va grimper avec les taux d’intérêts, que nous pensons voués à aller bien plus haut, comme nous l’écrivons souvent.
Mauvais conseils de spéculateurs
Jusqu’à cette année, le marché n’a pas eu de soucis pour la dette, ni les pertes. En fait, les investisseurs de Wall Street ont même demandé à la société de dépenser encore plus, sans se soucier de générer des marges.
En effet… jusqu’à cette année, le marché ne faisait pas très attention aux bénéfices. Pour cette raison, l’action Disney a surperformé, alors que ses résultats financiers n’ont pas battu la moyenne.
Selon des analystes sur Seeking Alpha, la performance du titre Disney au cours des 10 dernières années (près de +300%) ne vient pas de ses bénéfices ni de la croissance de ses revenus.
Ils ne sortent pas du lot, en fait.
Tout provient en réalité d’une hausse de la valorisation des bénéfices et des revenus par le marché. En somme, les marchés ont donné plus de valeur à Disney en pariant sur sa capacité à croître, et pas à cause de ses résultats réels.
Dan Loeb, investisseur milliardaire et fondateur de Third Point, a par exemple pris une position à hauteur de près de 1 milliard $ en 2020 sur l’action Disney. Il a alors écrit une lettre ouverte aux gérants – à l’équipe de Chapstick – pour réclamer de poursuivre la stratégie de la croissance du streaming, même au coût des marges et du dividende. Soit la stratégie à l’origine des problèmes d’aujourd’hui !
Dans sa lettre d’octobre 2020, M. Loeb explique :
« Regardons l’exemple du film Hamilton, dont la sortie sur Disney+ ajoute, d’après les estimations, 2 millions d’abonnés à la plateforme, soit des centaines de millions de dollars de valeur pour Disney [en supposant qu’un abonné vaut plus de 100 $ à la société].
« Ce sont des retours importants par rapport aux 75 millions $ qu’a coûté l’acquisition des droits du film. Nous avons pleine confiance qu’il faut porter ces efforts d’investissement à des milliards de dollars, en se concentrant sur des marques du portefeuille Disney comme Marvel, Star Wars, Pixar et Disney Animation, ainsi que d’autres acquisitions, ce qui tirera le nombre d’abonnés vers le haut, tout en créant de la valeur pour les actionnaires de Disney.
« [Ces investissements dans le contenu] vont alimenter le nombre d’abonnements, réduire les désinscriptions, et permettront d’augmenter les prix, ce qui va créer des centaines de milliards $ une fois que la plateforme aura atteint une plus grande échelle.
« Pour comparaison, le marché attribue en ce moment une valorisation de 1200 $ par abonné à Netflix. »
À cette valorisation par abonné, le marché devrait évaluer Disney+ à environ 200 milliards $ aujourd’hui… plus que la valeur totale de la société (qui comprend ses parcs, ses films en salles, ses séries-télé, jouets, etc.) qui est d’environ 180 milliards $ à l’heure où j’écris.
Souvenez-vous qu’en fin 2020, le marché offrait des valorisations semblables pour les utilisateurs de Peloton, la société qui perd de l’argent en vendant des vélos stationnaires. Vous savez peut-être que cette « pépite » de l’époque des confinements a chuté de 94% depuis fin 2020. Chapstick a donc suivi les vœux du marché et des spéculateurs en 2020… Il a délivré la croissance demandée. Et il n’a pas fait attention aux marges – tout comme le marché semblait le vouloir.
Puis, les choses ont changé. La nouvelle tendance, que je suis, aux côtés de Simone, dans nos écrits, a mis fin à la recherche de la croissance d’utilisateurs à tout prix. Les taux d’intérêts ont entamé leur hausse. L’optimisme de la Bourse a disparu… et le nouveau PDG – arrivé pile à temps – a porté la responsabilité pour les échecs.
M. Iger, qui reprend le rôle de PDG, bénéficie d’une bonne image. Il a quitté la société juste avant les confinements, et avant les pertes à cause de la stratégie du streaming.
Il annonce une réorganisation « qui met plus de décisions entre les mains des équipes créatives ». Ce genre de programme fait sans doute plaisir aux employés, surtout aux « équipes créatives ». Mais en réalité, Chapstick compte sans doute assez peu dans la débâcle. Il a présidé durant un changement d’ère dans les marchés. La faute à pas de chance.
Comme nous l’écrivons souvent dans nos lettres, nous pensons que les drames vont continuer. PDGs déchus. Faillites. Licenciements de masse (déjà en cours chez les plus gros groupes de technologie). Aucune quantité de « woke » ne sauvera les entreprises du resserrement de taux sur le marché.
source : Hashtable
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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