«Ces leçons de morale, biaisées, sont juste de l’hypocrisie», a asséné Gianni Infantino, à la tête de l’instance suprême du football mondial depuis 2016 et seul candidat à sa succession en 2023.
«Pour tout ce que nous, les Européens, avons fait pendant 3 000 ans, nous devrions nous excuser pendant les 3 000 prochaines années avant de commencer à donner des leçons de morale aux gens.»
(Gianni Infantino, président de la FIFA)
Résumé
Le Qatar est un pays qui a jailli du néant en tant que nation il y a cinquante ans. Si les reproches à faire sont nombreux, notamment sa capacité de nuisance, cette réflexion fera l’inventaire rapide de ce que fait le pays pour sa visibilité. Nous mettons en évidence l’hypocrisie de l’Europe qui tente de brouiller le déroulement de la Coupe du monde qui se fait correctement. En effet, des pays qui représentent à peine 10% de la population mondiale se veulent être, à tort et par pure hypocrisie, la conscience du monde. Il s’agit de faire la part des choses concernant les efforts du Qatar pour avoir une visibilité à 220 milliards de dollars et au prix d’efforts.
Cette critique tardive n’a un écho qu’en Europe. Des footballeurs qui «pensent» avec leur pied se découvrent une conscience sur les droits humains, avec leur vision hémiplégique qui ne leur fait pas voir la dérive de la morale et des vrais droits humains concernant les enfants palestiniens qui meurent ou végètent dans les prisons israéliennes. Mais là, circulez, y a rien à voir !
Plus largement, nous allons décrire cette fièvre entretenue, à savoir la footballisation des esprits, véritable gisement inépuisable qui fait le miel du libéralisme qui invite les citoyens, ces victimes consentantes, à dépenser et non à penser, rappelant les moments de décadence de l’Empire romain qui offre des diversions panem et circenses (du pain et des jeux de cirque) aux foules pour les détourner des vrais enjeux.
Introduction
Avec une rare violence, les médias mainstream européens se sont donné le mot. Depuis plusieurs mois, la question du boycott de la Coupe du monde au Qatar battait son plein. Cette mise à l’index laisse néanmoins entrevoir une indignation à géométrie variable. Faut-il boycotter la Coupe du monde au Qatar ? Des accusations qui ne tiennent pas la route près de 140 mois après la décision de la FIFA d’accorder l’organisation de la Coupe du monde au Qatar. De quoi s’agit-il ? Le Qatar dénie des droits aux ouvriers qui travaillent dans des conditions difficiles. La construction ds stades a provoqué une grande pollution et enfin on n’est pas libre de venir au Qatar bafouer les règles d’hospitalité et appliquer les standards de la Vieille Europe !
Le Qatar, un colosse gazier avec un sabre nain
Le monde a assurément le tournis et les valeurs que l’on croyait gravées dans le marbre telles que le travail bien fait, l’abnégation, la sueur, sont battues en brèche par les richesses indûment acquises non pas du fruit de leur sueur mais soit du loyer de l’argent et du scandale de la spéculation financière bâtie sur du vent et sur la façon de tromper l’autre, de le dévorer s’il perd pied, ce que le langage néolibéral appelle une OPA. Soit par une rente imméritée, c’est le cas des pays arabes pétroliers installés dans les temps morts et qui prennent en otage leurs peuples, les condamnant à regarder filer à toute vitesse le train. On peut comprendre le mépris dans lequel sont tenus ces potentats bien nourris pendant que la misère s’avère être la calamité la mieux partagée pour des centaines de millions, voire des milliards de besogneux, quelles que soient leurs latitudes. Non, les Arabes ne sont pas que cela !(1) On estime les réserves de pétrole du pays à 26,8 milliards de barils. 25,37 milliards de mètres cubes de gaz. Le Qatar est par ailleurs le premier émetteur mondial de CO2 par habitant, le PIB par habitant atteint 78 260 $ en 2010. Cet émirat détient le plus grand fonds souverain de la planète, environ 700 milliards de dollars ! Pour ce pays, le souci existentiel autorise toutes les alliances. Olivier Delage qualifie la diplomatie du Qatar par l’expression «des yeux plus gros que le ventre».
«D’où vient donc cette assurance qui permet au Qatar, un petit pays de quelque 400 000 habitants dont environ 150 000 nationaux, de tenir tête à ses voisins et de se brouiller tour à tour avec la plupart des pays arabes ? (…) Aujourd’hui, le Qatar abrite le plus grand dépôt d’armes américaines du monde hors du territoire des États-Unis. Un bureau commercial israélien a été ouvert à Doha en septembre 1996. Le soutien sans faille des États-Unis explique largement l’assurance dont le petit émirat fait preuve face aux critiques de ses voisins. (…).(2)
La diplomatie du dollar touche aussi la culture. L’argent n’ayant pas d’odeur, le Qatar restera dans l’histoire comme une machine à perversion, un générateur de corruption à laquelle il est apparemment difficile de résister. Lena Lutaud écrit : «Son Excellence Mohamed al-Kuwari a décoré le dessinateur Jean Plantu et Amirouche Laïdi, président du club Averroes, du prix ‘’Doha capitale culturelle arabe’’. Ce soir, l’ambassadeur décorera les poètes André Miquel, Bernard Noël et Adonis. De Jack Lang à Jean Daniel, en passant par Dominique Baudis, Edmonde Charles-Roux, Renaud Donnedieu de Vabres et Anne Roumanoff, un total de 66 personnalités françaises de la culture auront été décorées par le Qatar en 2010. Toutes sont reparties avec un chèque de 10 000 dollars.»(2) (3)
Les réalisations objectives du Qatar pour la réussite de la Coupe du monde
Le plaidoyer du ministre des Affaires étrangères qatari tout en équilibre revient sur les multiples critiques dont l’émirat fut l’objet à deux semaines du début de la compétition : «Il y a beaucoup d’hypocrisie dans ces attaques, qui passent sous silence tout ce que nous avons accompli. Elles sont colportées par un tout petit nombre de personnes, dans dix pays tout au plus, qui ne sont pas du tout représentatifs du reste de la planète. C’est franchement malheureux. La réalité, c’est que le monde attend cette célébration avec impatience. Plus de 97% des tickets ont été vendus. Parmi les dix pays qui ont acheté le plus de billets, on trouve des pays européens comme la France. La Coupe du monde a été attribuée au Qatar en 2010.
Nous avons reconnu les problèmes concernant le bien-être des ouvriers. Nous avons même invité les ONG à venir observer notre système. Nous avons parcouru un long chemin pour remanier notre législation. De telles réformes demandent du temps. Cela vaut pour n’importe quel pays, ce n’est pas propre au Qatar. Pourquoi ce deux poids deux mesures ? Je pense que certaines personnes n’acceptent pas qu’un petit pays du Moyen-Orient accueille un tel événement planétaire. Chaque décès est une tragédie. Au Qatar, nous collectons et publions les chiffres de la mortalité chaque année, avec des distinctions par âge, genre, causedu décès et typed’emploi. Ce qui est clair, c’est que les chiffres cités par les médias sont faux ou fallacieux.»(4)
Dans un édito percutant de Martin Buxant de la chaîne belge Ln24.be, nous lisons :
«Alors que le monde est feu, qu’il y a une guerre en Ukraine, les principaux ministres du gouvernement vont se réunir pour voir si oui ou non un membre éminent du gouvernement, voire le roi en personne aura le droit de se rendre au Qatar (…) Ce qui est malfaisant, dans ce débat, c’est qu’on frappe sur la tête du Qatar comme des sourds depuis des mois, mais qu’en même temps, on vient mendier auprès du même Qatar la possibilité d’acheter du gaz pour nous chauffer et nous éclairer. Ce qui est hypocrite, c’est de ne pas dire aux Belges que plus de 15% de leur production énergétique est importée du Qatar. Le terminal de Zeebruge, c’était plus de 300 millions d’euros, oui, mais vous me direz : le Qatar, c’est l’anti-écologie, on doit boycotter ! Un peu d’humilité et de modestie : quasi 80% des émissions de gaz a effet de serre viennent de chez nous, les pays développés. Oui, me direz-vous, mais les droits des travailleurs sont bafoués… Peut-être, probablement. Mais je note aussi que la Confédération internationale des syndicats, le pire ennemi du Qatar, pointe les progrès «incroyables» effectués par le Qatar dans le respect des droits des travailleurs et incite ses membres à aller sur place durant le Mondial.»(5)
L’aspect neutralité carbone
Le Qatar est un pays en sursis climatique. Une grande partie des villes du golfe Persique risquent de devenir inhabitables en raison de la chaleur :
«D’ici 2100, le Qatar ne sera plus qu’un vaste désert inhabité. En octobre 2018, il est tombé l’équivalent d’une année de pluie en moins de 24 heures à Doha. En moyenne, il tombe 77 millimètres de pluie annuellement, alors qu’il en est tombé 84 en une journée. Le Qatar possède un indice de stress hydrique maximal, ce qui se traduit par une faible disponibilité en eau.» Paradoxalement, le Qatar est le plus gros émetteur de CO2 par habitant au monde (près de 50 tonnes de CO2/an). Dans le cadre de sa vision nationale 2030, le Qatar s’engage à réduire sa dépendance aux combustibles fossiles.»(5)
L’arme fatale brandie est le bilan carbone : «160 trajets en avion-navette chaque jour, en plus des 100 hôtels, de la ligne de métro et des 7 stades avec climatiseurs géants : s’il est évident que la construction des stades et le déroulement des matchs vont ‘‘coûter’’ en émission de CO2, le Qatar est le premier pays, à mon sens, qui a fait le bilan de ce qu’il émet. Pour ‘‘compenser’’ la totalité des émissions du Mondial au Qatar, «la Coupe du monde au Qatar sera la première de l’histoire dont le bilan écologique sera neutre en carbone». La Fifa et le pays hôte promettent de compenser chaque émission de GES liée au Mondial en investissant – via l’achat de crédits-carbone – dans des projets susceptibles de réduire d’autant les émissions, le tournoi devrait générer 3,6 millions de tonnes équivalent CO2. Pour se faciliter la tâche, le comité d’organisation de la Coupe du monde a créé son propre organisme d’émission de crédits : le Global Carbon Council (GCC). Les autorités qataries lui ont assigné l’objectif de compenser la moitié de l’empreinte carbone du tournoi, soit de générer 1,8 million de crédits. La FIFA s’occupera du reste. Les pays qui ont organisé les coupes France, Russie n’ont pas mis en place une structure pour compenser le CO2 émis.(6)
Le bilan carbone des clubs de football dans le monde
Le réquisitoire contre le Qatar est à sens unique. On ne dit rien quand en Europe on chauffe les stades en hiver. Depuis plus de 50 ans, les stades dans les pays scandinaves sont chauffés, y compris leur gazon. Le gazon cultivé dans des conditions énergivores couvre les pelouses des stades européens. Pourquoi on ne parle pas du bilan carbone de la Coupe du monde en Corée et au Japon ? S’agissant, à titre d’exemple, du bilan CO2 des clubs de football, Alexis Lepage écrit : «L’industrie du foot est un poste important au niveau de la planète. Avec, il faut le constater, les stars qui gagnent des centaines de millions de dollars dans leur carrière ne se sentent pas concernées par la compensation carbone. Le football ! c’est 250 millions de personnes dans le monde et 30 000 matchs tous les week-ends en France pour 15 000 clubs. L’impact du football en matière d’émissions de gaz à effet de serre et sa contribution au changement climatique sont très importantes. Pourtant, à ce jour, il n’existe aucune étude ayant calculé le bilan carbone du football au niveau mondial.»(7)
On estime que chaque match est à l’origine de l’émission de plus de 3 tonnes de CO2. L’étude Playing Against the Clock avance 10 millions de tonnes de CO2 pour le sport mondial qui ne sont pas compensés ! Le bilan CO2 hebdomadaire du foot en France pour les 30 000 matchs avec 3 tonnes de CO2 par match près de 100 000 tonnes de CO2/semaine, soit 40 semaines, près de 4 millions de tonnes non compensés autant que le Qatar qui ne fait cela qu’une fois, qui construit 7 stades et qui compense d’une façon déclarée contrôlée…
On estime que 82% des équipes professionnelles en France utilisent des vols privés pour leurs déplacements. La Coupe du monde en Russie a, par exemple, engendré l’émission de 2,2 millions de tonnes de CO2 ; l’Euro 2016 en France a engendré 2,8 millions de tonnes de CO2.
Les efforts faits par le Qatar dans le domaine des conditions de travail
Les ONG dialoguent avec les autorités qataries depuis l’attribution de la Coupe du monde. Depuis 2020, les autorités qataries ont aussi effectué des réformes dans le droit du travail, qui incluent un salaire minimum de 1 000 riyals (274 euros), une durée maximale de travail hebdomadaire de 60 heures, un jour de repos, et une pause obligatoire lorsque la température dépasse 40°C.
Le gouvernement a aussi créé des tribunaux spécialisés en droit du travail, ainsi qu’un fonds d’indemnisation en cas de non-paiement des salaires, qui aurait versé, depuis sa création en 2018, plus de 160 millions de dollars à près de 40 000 travailleurs de différents secteurs. Dans les faits, peu de travailleurs portent plainte, Human Rights Watch ou Amnesty International, pour ces raisons, n’appellent pas au boycott de la Coupe du monde.
Hypocrisie, haine et races supérieures
Malgré toutes les preuves et engagements, l’acharnement des médias aux ordres a été lancinant. Le président de la FIFA Gianni Infantino s’en est vivement pris samedi aux «hypocrites». Écoutons-le :
«(…) Je sais ce que cela veut dire d’être discriminé, d’être harcelé, en tant qu’étranger.»
Gianni Infantino a aussi fustigé les critiques sur l’alcool alors que le Qatar et la FIFA l’ont finalement interdit autour des stades. «Je pense personnellement qu’on peut survivre sans boire de bière pendant trois heures.» Pour les Qataris : «Parmi les grandes entreprises qui gagnent des milliards au Qatar, combien ont réglé la question du sort des travailleurs migrants ? Aucune, parce qu’un changement de législation veut dire moins de profits. Mais nous, nous l’avons fait. Pourquoi personne ne reconnaît ces progrès ?»(8)
On ne peut pas écarter cet atavisme raciste qui plonge ses racines dans le mythe des races supérieures, fruit d’une invasion impunie par l’Occident de pays faibles. La colonisation a disparu, elle est remplacée par le paternalisme. C’est le racisme et l’islamophobie des pays occidentaux qui expliqueraient ce Qatar bashing requalifié par la chaîne Al Jazeera de «qatarophobie» dont fait l’objet «le premier Mondial organisé dans un pays arabe et musulman. L’argument du racisme et de l’islamophobie n’est toutefois pas dénué de vérité. L’image du bédouin nouveau riche colle trop souvent aux pays du Golfe, dont les habitants sont régulièrement dépeints en Occident en individus incultes, dont le savoir est exclusivement religieux et qui pensent pouvoir tout acheter avec leurs pétrodollars. (…) La réponse politique, et surtout morale, demeure ainsi l’apanage des pays du Nord».(9)
Le boycott est un exutoire pour déverser toutes les haines, la jalousie, l’impuissance d’un petit pays qui a colonisé les grandes capitales européennes par les achats des bâtiments prestigieux et historiques. Même le journal satirique français le Canard Enchaîné, en mal d’audience à l’instar de Charlie Hebdo, s’engouffre dans le filon de l’islamophobie (ça permet de vendre du papier). Tahar Mansour en parle :
«Le Canard Enchaîné se fait encore remarquer par des caricatures portant atteinte à tout ce qui est musulman et arabe notamment en publiant des dessins représentant les footballeurs qataris affublés de barbes hirsutes, de ceintures explosives, de fusils et de sabres avec, en prime, le visage menaçant faisant penser à des terroristes qui s’attaqueront aux paisibles joueurs européens dans les stades. Outre les caricatures, le ‘’canard’’ a cité des clichés antimusulmans et haineux envers le Qatar et, à travers lui, l’ensemble des musulmans. Le Canard Enchaîné, en publiant ces caricatures, démontre toute la haine et le racisme de citoyens d’un pays qui se dit jaloux des droits de l’Homme et qui se porte en juge de ceux qu’il accuse de les avoir bafoués. Mais personne ne parle des droits des Palestiniens bafoués par l’entité sioniste qui leur dénie même le droit de vivre !»(10)
Les vrais droits humains qui n’intéressent pas les donneurs de leçons
Justement, ces bonnes âmes doivent certainement savoir que des détenus, y compris des enfants, sont soumis à des actes de torture dans les centres de détention en Israël. Depuis le début de l’année, 37 enfants palestiniens ont été tués, dont 19 lors des intenses combats entre Israël et le Djihad islamique :
«La haute commissaire de l’ONU chargée des droits de l’Homme, Michelle Bachelet, s’est alarmée du nombre ‘’inadmissible’’ d’enfants palestiniens qui ont été tués ou blessés cette année, et a demandé que tous les incidents fassent l’objet d’une enquête approfondie. Il est profondément troublant de blesser un enfant au cours d’un conflit, et le meurtre et la mutilation de tant d’enfants cette année sont inadmissibles. L’utilisation généralisée de balles réelles par les forces israéliennes lors d’opérations de maintien de l’ordre en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est, en 2022, a entraîné une augmentation alarmante des décès parmi les Palestiniens.»(11)
Qui en parle ? Où sont les défenseurs des droits humains ? Hugo Lloris, capitaine de l’équipe de France, se découvre une âme de redresseur de torts et avec ses camarades constate que les droits humains au Qatar sont foulés aux pieds ! Quelles actions font-ils pour soutenir les 800 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde ?
Qu’en est-il réellement du football business nouvelle religion ?
Cela nous amène à parler du football, cette drogue dure ! Cette religion du paraître, le money-théisme, le football, représenté par la FIFA, a ses prêtres, ses règles, ses dieux que l’on doit adorer ou haïr, selon une mercuriale bien huilée avec des vassaux consentants et des médias serviles dont le rôle est d’empêcher le citoyen-consommateur de réfléchir ; son rôle n’est pas de penser mais de dépenser et de prendre au quotidien sa drogue en se shootant au foot. Il n’est que de voir comment les médias de droite, de gauche, du Nord, du Sud, des idéologues de tout poil sacrifient au veau d’or de la planète foot. Le foot business entretenu par les sponsors et tous ceux qui puisent dans la manne pétrolière à des degrés divers, cela va de l’entreprise pétrolière qui puise dans le viatique des générations futures en faisant le «bon prince aux vendeurs de bavardages par portables interposés» qui, avec la complicité des médias, fabriquent ou démolissent des joueurs dont on cache pudiquement les «exigences en terme de cachet» pour amuser les foules. Les sponsors voient leur chiffre d’affaires augmenter et les joueurs leur servent d’appât pour faire vendre.
Pour le journal français L’Équipe, par exemple, le Mondial fait gagner sur l’année 1% à 2% de chiffre d’affaires et 5% de publicité. Quand un joueur gagne en match le gain de toute une vie pour un besogneux, il ne faut pas s’étonner de l’échec des sociétés sous-développées qui déifient des soporifiques éphémères qui leur donnent l’illusion que ce sont des sociétés évoluées où il fait bon vivre.
La footballisation des esprits
La question fondamentale qu’on se pose bien sûr est celle-ci : tout cela a-t-il un sens ?
«Le foot encourage et récompense les comportements déviants, en leur donnant une prime. (…) Du pain et des jeux, proclamait Jules César pour calmer la plèbe. Deux mille ans après J.-C., les jeux sont planétaires et la malnutrition frappe plus d’un milliard d’êtres humains. Les jeux sont devenus hypermédiatisés et utilisés pour détourner l’attention des peuples et l’endormissement généralisé des masses, le sport de haut niveau devient l’opium du pauvre… Phénomène sociologique majeur qui exacerbe le nationalisme du spectateur avec son petit drapeau qu’il agite, qu’il porte en maillot ou qu’il s’est peint sur la figure. Ces joueurs, gamins impolis et immatures, élevés comme du bétail, avec des salaires indécents, et, pour finir, comble de l’ironie, les chômeurs et les smicards applaudissent avec frénésie cette farce qu’ils alimentent. Le football écrase la concurrence. Ce sont les médias, le public et les sponsors qui décident au final qu’il faut investir sur le football, qu’il faut montrer du football parce que cela attire le public. Cet engouement planétaire fait partie de la stratégie du néolibéralisme qui crée des besoins chez l’individu — esclave du divin marché, pour reprendre l’expression du philosophe Dany Robert Dufour. Justement, pour parler de l’indécence des sommes colossales perçues, il faut savoir, par exemple, que pour cette saison 2022-2023, Kylian Mbappé devrait toucher 125 millions de dollars, Cristiano Ronaldo 113 millions de dollars, Lionel Messi, Neymar, 110 et 91 millions de dollars, soit en moyenne 300 000 $/jour, pour Mbappé contre 2$/jour en moyenne pour un Sahélien.»(12)
On est loin de l’aspect noble du sport. On peut penser valablement que cette dimension du sport pour le sport avec les «magiciens» du ballon s’est arrêtée avec, il y a une vingtaine d’années, pour laisser place au vedettariat et aux salaires démentiels. Lors de la Coupe de 1982, les guerriers du foot algérien, en déconstruisant le mythe de l’invincibilité de l’Allemagne, se sont vu offrir une télé couleur ou un frigo. On rapporte que le mathématicien russe Grigori Perelman a ignoré le prix d’un million de dollars qui lui était attribué par l’Institut mathématiques de Clay pour avoir prouvé l’hypothèse de Poincaré. Le Russe s’était déjà vu décerner en 2006 la médaille Fields, considérée comme le Nobel en mathématiques, qu’il avait refusée. «Que vais-je faire avec un million de dollars, je sais comment fonctionne l’univers», déclare celui qui vit dans un HLM avec un confort basique avec sa maman.
Dans les pays du Sud, l’école ne fait plus rêver. Elle ne joue plus son rôle d’ascenseur social et ne discrimine plus entre «ceux qui jaillissent du néant» et les laborieux et les sans-grade. De ce fait, certains parents l’ont bien compris en fonction de leur statut social, c’est soit l’école privée avec la perspective d’une carrière à «l’extérieur» ou la rampe de lancement la plus juteuse en termes de fortune rapide, le meilleur club pour inscrire leurs enfants. Quelle est la valeur ajoutée pour le pays d’un joueur par rapport à un universitaire besogneux qui doit se réincarner, à titre d’exemple, plusieurs fois pour atteindre la prime donnée en une fois à un joueur lors de cette Coupe du monde ?»(13)
Conclusion
Certains Européens sont encore persuadés de détenir la vérité et veulent l’imposer aux autres, à défaut de la force, par l’invective. C’est un fait, l’Europe, et plus largement le monde occidental américano-européen, s’en tient à une vision passéiste dictant la norme. Une uberisation de la culture est notamment brandie par l’Europe qui n’arrête pas de faire la morale. Bref, le monde doit obéir à leur caprice. Ils n’ont pas compris qu’ils ne «comptent» plus pour longtemps ayant leur soi-disant magister moral sur le mal et le bien il est quand même paradoxal que 10% à peine de 8 milliards de la planète veulent dicter la norme. Leur hypocrisie est ambivalente. Quand il s’agit de vendre des biens pour semer la mort, il n’y a pas de morale. Quand François Hollande conseille à Macron de ne pas aller au Qatar, il oublie les contrats pharamineux, lui qui vantait pourtant la «crédibilité» du Qatar en 2015, année où vingt-quatre Rafale avaient été vendus à l’émirat. Les investissements à Dubaï, les petits accommodements tels que le sauvetage du Paris Saint-Germain en plein naufrage financier par le Qatar. La maire de Paris, qui oublie tout ce que le Paris Saint-Germain a drainé en flux financiers et en emplois directs et indirects, refuse de mettre des écrans géants aux sans-dents qui, eux, vont au stade enrichir les riches.
Nous venons de montrer que le boycott est une affaire montée de toutes pièces, 10 ans après la désignation du Qatar. Pourquoi pas avant ? La dimension hypocrite fait que la compétition ayant démarré, chacun essaie d’en tirer le meilleur quitte à encourager leurs équipes d’une façon chauvine à gerber ! Le Qatar a dépensé 220 milliards de dollars pour cette Coupe du monde et les retombées financières sont évaluées à 20 milliards de dollars à peine. Cette Coupe du monde est une campagne de pub à 200 milliards de dollars ! Les reproches faits au Qater l’ont amené à faire de grands efforts ; le Qatar aura plus progressé que ses voisins. Cependant, la capacité de nuisance de ce pays est toujours actuelle. Après avoir enfourché le dada des Frères musulmans et sponsorisé des guerres avec ses dollars, il est à se demander s’il y a une limite à son hubris.
En fait, ce que l’on reproche au Qatar, c’est de ne pas rentrer dans le moule occidental permissif. Quand le Qatar interdit la vente d’alcool, c’est l’halali. Comment ose-t-il empêcher les beuveries ? Le Qatar a fait d’immenses efforts concernant les conditions de travail des ouvriers en reformant le code du travail et les pratiques des entreprises du bâtiment. Dix ans plus tard, les efforts du Qatar sont supervisés par l’Organisation internationale du travail (OIT), ces efforts ont conduit au démantèlement des dispositions de l’ancien code du travail. Depuis, les travailleurs étrangers n’ont plus besoin d’obtenir l’assentiment de ce tuteur pour changer d’emploi ou voyager à l’extérieur de l’émirat.
L’Occident mise sur le Qatar assis paresseusement sur un gisement de gaz, dont il a besoin. C’est un fait, les dollars sont l’émanation des gisements de gaz. Car le Qatar a réussi la prouesse de devenir le premier acteur mondial de l’industrie du gaz naturel liquéfié. Du fait que l’Europe, malgré ses rodomontades, est prise à la gorge et du fait des sanctions contre le gaz russe, le gaz qatari vaut de l’or. Plus largement, la footballisation des esprits est une réalité, car le néolibéralisme vole d’opium en opium en «extrayant de la valeur» au passage, laissant l’individu-sujet consommateur sous influence en pleine errance avec des réveils amers, où il retrouve la précarité, la mal-vie, en attendant un autre hypothétique soporifique. La valeur d’un individu, c’est de plus en plus ce qu’il peut rapporter ou consommer et non ce qu’il recèle comme culture et savoir. Ainsi va le monde.
Prof. Chems Eddine Chitour
Cet article a été publié initialement sur le site Le Soir d’Algérie
Notes :
1.https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/l-enigme-du-qatar-un-colosse-104990
2. OlivierDaLage http://mapage. noos. fr/odalage /autres/qat.html
3. Lena Lutaud : L’offensive culturelle du Qatar, Le Figaro. 20 12 2010
4. ChemsEddine Chitour https ://www .agoravox. fr/actualites/international/article/l-enigme-du-qatar-un-colosse-104990
5. Benjamin Barthe et Clément Martel https: //www.lemonde.fr/international/ article/2022 / 11/04/la-coupe-du-monde-au-qatar-est-comme-n-importe-quel-evenement-sportif-dans-le-monde_6148433_3210.html
6. Martin Buxant https://www.ln24.be/2022-10-26/boycott-du-qatar-et-si-arretait-lhypocrisie
7. https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/ BMAnalyse/2709
8. https:/ /www. lemonde .fr/football /article/2022/11/18/ coupe-du-monde-2022-le-mirage-de-la-compensation-carbone-pour-atteindre-la-neutralite-promise-par-la-fifa_6150404_1616938.html .
9. Alexis Lepage https://www.sami.eco/blogsu /bilan-carbone-football 11/10/2022
10. https: //www. france24. com/fr/sports/20221119. mondial-2022-le-patron-de-la-fifa-fustige-les-hypocrites-qui-donnent-des-le%C3%A7ons
11. https://orientxxi.info/magazine/le-boycott-du-qatar-ou-la-fable-du-dromadaire-qui-ne-voit-pas-sa-bosse,6027
12. Tahar Mansour https://lapatrienews.dz/la-qatar-nouvelle-cible-de-caricatures-islamophobes-et-racistes-du-canard-enchaine/
13. Ephrem Kossaifi https://www. arabnews. fr/node /276991/monde-arabe 12 août 2022
14. Chems Eddine Chitour http ://www. legrandsoir. info/La-footballisation-des-esprits-Que-reste-t-il-des-valeurs-fondamentales.html
15. Chems Eddine Chitour https://www.lexpressiondz. com/index.php/chroniq
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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