Cabinet de conseil McKinsey : la justice enquête sur les comptes de campagne d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022

INFO LE PARISIEN. Trois juges d’instruction enquêtent sur la sincérité des comptes des campagnes victorieuses d’Emmanuel Macron en 2017 et en 2022. En toile de fond, les relations entre le chef de l’État et son entourage avec le cabinet américain de conseil McKinsey et les conditions d’attribution de contrats publics.

Par Timothée BoutryJean-Michel DécugisVincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê

Le 24 novembre 2022 à 14h28, modifié le 25 novembre 2022 à 11h20

C’est sans aucun doute l’enquête judiciaire la plus sensible du moment. Et pour cause, elle est la première à viser directement le président de la République. Selon nos informations, confirmées par le parquet national financier (PNF), une information judiciaire a été ouverte le 20 octobre pour des soupçons de financement illégal des campagnes électorales d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022. Les investigations visent les liens entre le chef de l’Etat et le cabinet de conseil McKinsey. Elles s’intéressent aux conditions d’attributions de certains contrats publics aux montants colossaux à cette entreprise américaine. Une seconde information judiciaire des chefs de favoritisme et recel de favoritisme a été ouverte le 21 octobre. Dans les deux cas, le PNF précise avoir été destinataire de signalements et de plaintes émanant d’élus, de particuliers et d’associations.

Trois juges d’instruction, qui seront épaulés par des services de gendarmerie, ont été désignés pour mener ces enquêtes au cœur du pouvoir, parmi lesquels Serge Tournaire, actuellement doyen du pôle financier au tribunal judiciaire de Paris. Ce magistrat d’expérience est notamment connu pour avoir mis en examen François Fillon en 2017 dans l’enquête sur les emplois fictifs de son épouse Penelope, tous deux ayant depuis été condamnés en première instance puis en appel, ainsi que Nicolas Sarkozy, dans l’affaire Bygmalion.

Nouveaux soupçons

Ces nouvelles enquêtes font suite aux investigations menées lors d’une première procédure ouverte au printemps pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » visant notamment McKinsey. Tout est parti de la publication, en mars dernier, d’un rapport d’une commission d’enquête du Sénat dénonçant l’emprise des cabinets de conseils privés sur les politiques publiques. Les parlementaires avaient alors révélé que les contrats conclus entre l’État et ces entreprises de consultants avaient « plus que doublé » entre 2018 et 2021 pour atteindre le montant record d’un milliard d’euros l’an dernier. Parmi les cabinets mandatés par l’État, le cabinet américain McKinsey.

Ces recours massifs à ces structures privées avaient été vertement critiqués par les oppositions qui s’interrogeaient sur les raisons qui ont poussé le gouvernement à dépenser autant d’argent public dans le privé pour des missions régaliennes. Parmi les contrats controversés conclus avec McKinsey, celui sur « l’évolution du métier d’enseignant », facturé 500 000 euros au ministère de l’Éducation nationale.


Les interrogations autour de ces marchés étaient d’autant plus grandes qu’il apparaît que McKinsey n’a payé aucun impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020. Or son chiffre d’affaires français a été estimé à 329 millions d’euros en 2020. Dans la foulée du rapport, le parquet national financier avait ouvert une enquête préliminaire sur un volet uniquement fiscal le 31 mars dernier. Le siège français du cabinet de conseil avait été perquisitionné un mois plus tard à Paris.

C’est à la suite de ces opérations que le PNF a décidé d’élargir le mois dernier les investigations et de transmettre les rênes de ces procédures ultrasensibles à des juges d’instruction financiers, statutairement indépendants. Selon le communiqué du PNF, qui dans un premier temps n’avait pas souhaité communiquer sur nos révélations, la première information judiciaire vise des chefs de « tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne, portant sur les conditions d’intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 ». Il s’agit en l’espèce des préventions de l’article L 113-1 du code électoral, passible de trois ans de prison et 45 000 € d’amende. C’est sur la base de cet article que Nicolas Sarkozy a été condamné en première instance dans l’affaire Bygmalion – il a fait appel. La justice cherche à savoir si les cabinets de conseil, dont McKinsey, n’ont pas fait bénéficier au candidat Macron de travaux et expertises qui auraient dû être comptabilisées dans les dépenses de campagne.

Emmanuel Macron avait récusé tout favoritisme

Une seconde information judiciaire porte donc sur des soupçons de favoritisme et recel. Il s’agit de savoir si McKinsey n’a pas obtenu de manière indue des contrats publics et si le pouvoir n’en a pas tiré profit. Seule certitude à ce stade, des liens existent entre le chef de l’État, son entourage et l’entreprise américaine. Des consultants ou ex-consultants du cabinet privé ont ainsi œuvré pour la campagne électorale du président de la République en 2017, a révélé Le Monde. En outre, des salariés de McKinsey ont rejoint des postes au sein du parti présidentiel La République en Marche ! ou des cabinets ministériels.

À la suite du rapport du Sénat, Emmanuel Macron s’était publiquement exprimé sur « l’affaire McKinsey » pour récuser tout favoritisme à l’égard de l’entreprise américaine. « S’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal (…) On a l’impression qu’il y a des combines, c’est faux. Aucun contrat n’est passé dans la République sans qu’il respecte la règle des marchés publics, que quiconque a la preuve qu’il y a manipulation mette le contrat en cause au pénal », avait alors déclaré le chef de l’État, le 27 mars sur France 3. Le président de la République bénéficie d’une immunité présidentielle pendant toute la durée de son mandat, ce qui signifie qu’il ne peut être entendu pour l’heure dans cette procédure, ni par les juges ni par les enquêteurs.

Sollicité ce jeudi, l’Élysée indique avoir « pris connaissance de la communication du Parquet national financier concernant l’ouverture de deux informations judiciaires à la suite notamment de plaintes d’élus et d’associations. » Et l’Élysée d’ajouter : « Il appartient à la justice de conduire ces investigations en toute indépendance. »

Source : Le Parisien

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