par Philippe Rosenthal
Les États de l’UE et le G7 se débattent actuellement sur le plafond mondial des prix du pétrole russe pour savoir à quoi il devrait ressembler. Ils doivent se décider rapidement car son succès dépend alors de la capacité des États à faire respecter la nouvelle sanction. Pour Die Welt, l’Occident n’a pas les moyens de le faire.
Les États-Unis, l’UE, le G7, sous pression
Avant même que Washington n’arrête en grande partie de travailler cette semaine de Thanksgiving, les pays du G7 devraient s’entendre sur le plafond mondial des prix du pétrole russe afin qu’il puisse entrer en vigueur début décembre. Ce mercredi, le G7, les États de l’UE et l’Australie ont envisagé la sanction pétrolière dans toute une série de réunions. Le niveau du plafond, qui vise à remplir trois objectifs, a été un point de discorde jusqu’à la fin des discussions. Le pétrole russe doit continuer d’être échangé sur le marché mondial afin que l’offre mondiale de pétrole reste élevée et que les pénuries ne fassent pas monter les prix. Dans le même temps, le plafond vise à garantir que la Russie tire le moins possible de l’activité pétrolière afin qu’elle ne puisse pas utiliser les recettes pour financer la guerre en Ukraine. « Sur la question du montant de ce plafond, les pays de l’UE et du G7 n’ont pas pu donner une réponse, préférant se disputer sur la mesure », fait savoir Die Welt.
Les économistes supposent que la production de pétrole russe est économiquement intéressante à un prix de 30 dollars le baril, de sorte que les producteurs russes ne subissent aucune perte avec la production et la vente de pétrole. En fait, Die Welt précise que le budget de l’État russe est conçu pour un prix du pétrole de 50 à 60 dollars le baril. Un prix inférieur signifierait un choc massif pour le budget national et aussi pour l’économie russe. Selon les experts, Vladimir Poutine aurait des difficultés considérables à financer sa guerre en Ukraine – notamment parce qu’il doit également payer pour les centaines de milliers de réservistes qui viennent d’être appelés.
Un certain nombre de pays de l’UE ont, donc, fait pression pour obtenir le prix le plus bas possible dans les négociations, juste au-dessus des coûts de production, rapporte le média allemand : « Un diplomate d’Europe de l’Est a parlé de 20 dollars. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, avait déjà évoqué, il y a quelques semaines un prix beaucoup plus élevé de 60 dollars. Plus récemment, les États de l’UE auraient discuté d’une valeur de 65 à 70 dollars ».
Doutes sur la capacité de plafonner le prix du pétrole russe
Même si le G7, l’Australie et l’UE veulent parvenir à un accord très prochainement, les experts estiment qu’ il n’est pas certain de voir les nouvelles sanctions mondiales être vraiment appliquées. Ils ont des doutes considérables. « Nous sommes très sceptiques quant à la possibilité d’appliquer ces règles compliquées », déclare Louis Wilson de l’organisation non gouvernementale Global Witness. « Il s’agit de l’une des sanctions les plus compliquées de tous les temps et plus une sanction est compliquée, plus il est difficile de surveiller et de faire respecter la conformité », rajoute-t-il.
« En fait, les États-Unis tentent de concilier les sanctions et leurs propres intérêts avec le plafonnement des prix », affirme Die Welt qui précise qu’à partir du 5 décembre, les sanctions de l’UE interdiront le transport, l’assurance et le financement des expéditions de pétrole russe. L’interdiction des assurances est particulièrement douloureuse pour la Russie: selon Global Witness, 80% des livraisons de pétroliers russes sont actuellement couvertes par des compagnies d’assurance à Londres, au Luxembourg, en Suède et en Norvège.
L’interdiction d’assurance aurait dans un premier temps largement paralysé le commerce du pétrole russe. « Cependant, le gouvernement américain », signale Die Welt, ne veut pas de ce blocus du commerce pétrolier russe car il craint une hausse des prix du pétrole et de l’essence dans le monde si l’approvisionnement russe sur le marché mondial n’est plus présent. Au lieu de cela, les États-Unis s’appuient sur le plafonnement des prix du pétrole et ils se sont ainsi imposés à Bruxelles.
Une mesure impossible à tenir
Il est désormais prévu que les livraisons de pétrole russe ne pourront à l’avenir être transportées, assurées et financées dans le monde entier que si le prix reste inférieur au plafond. La mesure affecterait les entreprises de l’UE, des pays du G7 et de l’Australie, et toucherait aussi aux livraisons dans le monde entier, avertit Die Welt. En outre, Il faudrait que les producteurs russes, les intermédiaires et les compagnies d’assurance en Europe, les assureurs alternatifs en Turquie et à Dubaï acceptent le plafonnement des prix. « Aucun de ces trois groupes n’a intérêt à respecter ces règles. Si un seul de ces groupes ne joue pas le jeu, tout le système s’effondre », affirme Louis Wilson.
Les États de l’UE, en particulier, n’ont pas la capacité de surveiller les règles. L’UE laisse le contrôle et l’application des sanctions en grande partie aux États membres. « Les États-Unis appliqueront correctement le plafond des prix du pétrole, ainsi que d’autres sanctions, mais les institutions de l’UE ne sont pas aussi puissantes que celles des États-Unis », expliquent-ils. Le succès du plafonnement des prix dépend de la volonté des États-Unis d’imposer des sanctions aux entreprises des pays tiers. La question est de savoir si les États-Unis pourraient imposer des sanctions aux clients pétroliers, aux compagnies maritimes et aux assureurs en Chine ou en Inde. C’est un défi politique. Aussi, il sera intéressant de voir jusqu’où les États-Unis et d’autres gouvernements seront prêts à aller.
Observateur Continental titrait tout récemment : « L’Europe et les États-Unis se dirigent vers une guerre commerciale ». Les États-Unis ont besoin du pétrole russe pour garder une certaine stabilité dans l’offre et la demande de cette matière première, ne voulant pas voir les prix grimper à des sommets catastrophiques qui, par retour, provoqueraient une crise chez eux alors qu’ils ont voté en août dernier la loi sur la réduction de l’inflation de 2022 (The Inflation Reduction Act of 2022 (IRA) pour freiner l’inflation en réduisant le déficit, en abaissant les prix des médicaments sur ordonnance et en investissant dans la production d’énergie nationale tout en promouvant l’énergie propre, tout en créant des emplois.
Indépendamment du plafond mondial des prix du pétrole, l’UE ne veut plus importer de pétrole russe par bateau à partir de début décembre. Des exceptions sont possibles pour le pétrole qui entre dans l’UE via des oléoducs, ce que veulent surtout revendiquer les pays d’Europe centrale et orientale sans accès à la mer. Pour les autres produits pétroliers des raffineries russes, encore plus difficiles à remplacer que le pétrole brut de Russie, l’interdiction d’importer n’entrera en vigueur que début février 2023.
À partir du 5 décembre, les entreprises de l’UE ne seront également plus autorisées à transporter du pétrole russe vers des pays hors de l’UE, ni à assurer ou à financer les livraisons correspondantes – à moins que la cargaison ne soit conforme aux spécifications du plafond de prix du G7. Ces sanctions devenant un défi, elles risquent tout simplement ne pas être appliquées, surtout que l’Europe et les États-Unis se dirigent vers une guerre commerciale.
source : Observateur Continental
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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