Des chercheurs italiens ont aspergé des araignées avec du graphène et du carbone, leur faisant produire une toile à l’élasticité et la solidité jamais vue. Un prodige qui annonce selon eux une révolution des « biomatériaux ».
ELASTIQUE. Un « pschitt » de carbone et les araignées tissent une toile fortifiée ! Après avoir « ingéré », via un spray, des nanotubes de carbone et des flocons de graphène (un feuillet d’une seule couche de carbone organisé en nid d’abeille), de banales arachnides italiennes de la famille des Pholcidae excrètent une soie à la fois « ultra résistante et incroyablement élastique« , rapporte l’ingénieur Emilano Lepore de l’université de Trente (Italie), qui a eu l’idée à la fois simple et lumineuse d’asperger ainsi les bestioles. Cette « soie augmentée » serait sans équivalent dans le monde, même comparée aux fibres industrielles les plus performantes comme le kevlar. Et plus solide encore que la dent de bernique, qui venait d’être classé matériau vivant le plus solide au monde.
Une fibre naturelle aux surprenantes propriétés
Le fil que les araignées utilisent pour fabriquer leur toile est déjà prodigieux à l’état naturel. Comme l’expliquait Bernard Mauchamp, ancien directeur de l’Inra à Sciences et Avenir en janvier 2015 (lire « La soie d’araignée entame sa mue industrielle », S et A n°815), la soie d’araignée, peaufinée par la nature pendant 380 millions d’années d’évolution, allie – à poids équivalent – la solidité de l’acier, l’élasticité du Nylon et la ténacité du Kevlar. « Des propriétés remarquables dues à la structure microscopique du matériau, une architecture unique qu’on ne retrouve pas dans la soie filée par le ver à soie« .
DURETE. « Nous avons mesuré une résistance à la rupture jusqu’à 5,4 GigaPascals (GPa), une élasticité équivalente à 47,8 GigaPascals et une dureté supérieure à 2,1 Gpa« , détaillent le jeune chercheur et ses co-auteurs dans la revue on line ArXiv.org.
A et B: collecte et élevage d’araignées. C et D: vaporisation de flocons de graphène/ Vaporisation de nanotubes de carbone. E: collecte de fibres de soie, naturellement composées de plusieurs fils. F: découpe et collage des fils sur des surfaces adhésives. G et H: test de résistance, de dureté et d’élasticité sur une machine « nanotensile ». I: mesure du diamètre de la section de la fibre.
De quoi faire pâlir d’envie Elastigirl et monsieur Fantastic, ces super héros qui peuvent étirer (et comprimer) leurs membres sur des dizaines de mètres… Ou plus sérieusement de réparer des tissus humains et de fabriquer des carapaces de protection aussi résistantes que légères.
Le carbone ne se contente pas
d’enrober la soie
Les chercheurs italiens restent perplexes sur la façon dont les araignées ont synthétisé l’apport de carbone supplémentaire délivré via de microgouttelettes d’eau. Vu les propriétés de la toile obtenue, le matériau « s’est retrouvé inclus dans le fil de soie, et ne se contente apparemment pas de l’enrober… », estiment-ils. La simplicité de la technique suggère qu’une approche similaire pourrait être utilisée sur d’autres organismes. « Cette nouvelle procédure de renforcement pourrait également être appliquée à d’autres animaux et plantes, conduisant à une nouvelle classe de matériaux bioniques », assure Nicola Pugno de l’école polytechnique de Turin. Va-t-on pulvériser du graphène et carbone sur les vers à soie ? Développer la domestication d’araignées mutantes ? Pour l’instant, les chercheurs refusent de communiquer « sur leurs plans de recherche pour l’avenir ».
Source : Sciences et avenir
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