(reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur)
Nous n’avions pas encore réussi à définir sa nationalité, tant il beuglait de la même manière quels que soient les matchs qu’il regardait, nous avions bien senti dans ses barrissements un léger changement de ton en faveur du Ghana pendant leur match contre les États-Unis, ce qui nous l’avait rendu plutôt sympathique, mais ça n’avait pas suffit pour déterminer son pays d’origine ;
il faut dire que, dès son réveil, notre bruyant voisin allumait la chaudière (bière ou caïpirinha ? ou les deux ?) qui ne s’éteignait que tard dans la nuit quand de lourds ronflements remplaçaient ses rugissements ; pour nous, c’était plutôt pratique, nous n’avions pas besoin de montre pour savoir l’heure qu’il était, c’est-à-dire l’heure des matchs, que de toute façon nous ne regardions pas, sauf exceptionnelle exception bien particulière (la finale ?) Le patron avait bien essayé de calmer cet hôte auquel il permettait (presque) tout puisqu’il était payant, mais avec assez peu de résultat. Quant à le virer il n’en était pas question puisqu’il était payant.
Et puis, un soir, il disparut.
Ce n’était pas qu’il nous manquait, mais dans l’état où il avait l’habitude d’errer, nous étions un peu inquiets parce qu’on a beau dire des merveilles sur Rio de Janeiro, c’est quand même une ville qui peut être très dangereuse.
En fait, on le retrouva endormi au milieu d’un campement de supporters chiliens sur la plage de Copacabana dans les bras d’une italo-brésilienne mariée à un argentin dont le frère étudiait en Australie, et qui prenait des cours d’allemand avec un autrichien d’origine turque au Goethe Institut nouvellement hébergé par la Maison de France,
Ça n’avait pas dû l’aider à choisir son camp.
CHI-CHI-CHI ! LÉ-LÉ-LÉ ! VI-VA CHI-LÉ !
Écrits Cariocas
Nathalie Paysage
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir