« Jack me le disait parfois, il disait : “Mon Dieu, peux-tu imaginer ce que deviendrait le pays si Lyndon était président ?” » (Jacqueline Kennedy, 1964) [1]
Les larmes du crocodile sioniste
« Le soutien indéfectible du président Kennedy à la cause de la renaissance de Sion a inscrit sa mémoire dans le cœur de notre peuple partout dans le monde », a écrit le rabbin de Los Angeles Max Nussbaum, président de l’Organisation sioniste d’Amérique et du Conseil sioniste américain, dans un livre publié en 1965 par la Theodor Herzl Foundation pour la Zionist Organization of America, sous le titre John F. Kennedy on Israel, Zionism and Jewish Issues (en ligne ici). Le livre contient une maigre collection des rares paroles amicales que Kennedy a prononcées sur Israël, principalement pendant son mandat de sénateur. Nussbaum a également écrit :
« Son amitié indéfectible pour Israël, sa préoccupation pour sa sécurité et sa survie en tant que phare de la démocratie au Moyen-Orient étaient le prolongement naturel de sa profonde conviction que la renaissance de l’État d’Israël représente la réparation du tort cruel fait à un peuple qui a subi l’oppression et l’humiliation pendant deux mille ans. » [2]
Encore aujourd’hui, les sionistes ne cessent de réinventer leur histoire d’amour avec Kennedy. Ici, Kennedy est compté parmi « les cinq présidents américains qui ont aimé le peuple juif », la preuve étant une photo de Golda Meir et Kennedy franchissant une même porte et deux noms juifs dans le gouvernement de Kennedy (Abraham Ribicoff et Arthur Goldberg).
D’autres « preuves » sont données par Ron Kampeas dans le journal israélien Haartez, comme par exemple le fait qu’en 1961 Kennedy a gracié Herman Greenspun, l’éditeur du Las Vegas Sun condamné en 1950 pour trafic d’armes au profit de la Hagannah. En retour, les juifs ont prouvé leur amour pour Kennedy quand, « le soir de l’assassinat, le propriétaire de nightclub Jack Ruby assista à un service commémoratif pour le Président à la synagogue Temple Shearith Israel à Dallas ». Notons en passant que Ruby avait fait partie du même réseau de trafiquants d’arme que Greenspun (détail dans le chapitre 4 de mon livre Qui a maudit les Kennedy ?). De plus, souligne Kampeas, le film de l’exécution de Kennedy « a été réalisé par un partisan juif de Kennedy de Dallas nommé Abraham Zapruder ». En effet, Zapruder aimait tellement Kennedy que sa caméra n’a pas tremblé d’un millimètre lorsque la tête de Kennedy a explosé sous ses yeux.
Et imaginez ce qu’il a ressenti quand, quelques heures plus tard, il a vendu son film pour 150 000 $ au magazine Life. Un livre amusant vient de sortir sur la « rencontre fortuite » (« par un pur hasard ») de Zapruder avec le mal, qui « détruit le reste de sa vie », et a causé tant de souffrances à sa famille aussi. Imaginez : en 1999, ils ont reçu 16 millions de dollars de dédommagement du gouvernement américain pour avoir saisi le film.
- Zapruder (à droite), deux heures après la fusillade
Mais revenons à Ron Kampeas. Il est le chef du bureau de Washington de la Jewish Telegraphic Agency. À moins que la crétinerie n’ait fait partie des qualifications requises pour le job, il faut supposer qu’il se moque ici du Goy américain, pour amuser la galerie israélienne. Comment d’ailleurs prendre autrement le titre même de son article, « John Kennedy : un martyr qui s’inquiétait de la propagation des armes nucléaires », après avoir lu le dernier paragraphe, au sujet de l’usine de Dimona où Israël fabriquait secrètement ses premières armes nucléaires :
« Kennedy voulait que les Américains inspectent l’usine [Dimona] ; Israël a continué à esquiver les demandes. En mai 1963, Kennedy a menacé d’isoler Israël si elle ne laissait pas entrer les inspecteurs. Ni lui ni Johnson n’ont jamais mis cette menace à exécution, et aujourd’hui, les capacités nucléaires d’Israël sont son secret le moins bien gardé. »
Peut-être après tout que Kampeas est un crétin. Mais les Israéliens informés savent que le but même de l’assassinat de Kennedy était de l’empêcher de mettre sa menace à exécution et de le remplacer par Johnson. Comme l’a écrit Stephen Green, « le développement le plus significatif en 1963 pour le programme d’arme nucléaire israélien eut lieu le 22 novembre », car Johnson « ne voyait pas de Dimona, n’entendait pas de Dimona et ne parlait pas de Dimona », au point que John McCone, le directeur de la CIA de Kennedy, démissionna en se plaignant du désintérêt du nouveau président pour ses rapports sur cette question [3]. Ma meilleure hypothèse reste cependant que Kampeas est ironique plutôt qu’idiot, car il a lui-même écrit à propos de Johnson, dans un article intitulé « Israël n’a pas eu de meilleur ami » :
« Les historiens considèrent généralement Johnson comme le président le plus uniformément amical envers Israël. […] LBJ a rapidement abandonné toute pression sur Israël pour admettre la vérité sur le réacteur de Dimona. Il augmenta les ventes d’armes à Israël et en 1968, après que le principal fournisseur d’Israël, la France, eut imposé un embargo pour cultiver des liens avec le monde arabe, les États-Unis devinrent le principal fournisseur d’armes d’Israël, lançant notamment les pourparlers qui conduiraient à la vente d’avions de chasse Phantom à Israël. […] Durant la guerre [des Six Jours de 1967], il a ordonné aux navires de guerre de se positionner à moins de 50 milles des côtes syriennes pour dissuader les Soviétiques d’interférer. Dans un discours prononcé immédiatement après la guerre, Johnson a efficacement étouffé dans l’œuf toute spéculation selon laquelle les États-Unis feraient pression sur Israël pour qu’elle renonce unilatéralement aux terres qu’elle avait capturées. » [4]
Lyndon Baines Johnson a été si bon pour Israël que certains de ses admirateurs pensent qu’il était secrètement juif. Un article de 2013 du 5 Towns Jewish Times intitulé « Notre premier président juif Lyndon Johnson ? » indique que « les deux arrière-grands-parents de Lyndon Johnson, du côté maternel, étaient juifs. […] La lignée des mères juives remonte à trois générations dans l’arbre généalogique de Lyndon Johnson. Il fait peu de doute qu’il était juif » [5].
- « Quelque chose que vous ignorez peut-être – Un président américain juif »
À la réflexion, je pense que si tant de sionistes tiennent à présenter Kennedy comme un ami d’Israël, c’est pour dissimuler le renversement de politique étrangère le plus important qui s’est produit après l’assassinat de Kennedy, car ce renversement identifie le plus grand bénéficiaire de cet assassinat. À titre d’exemple, le professeur de l’université de Haïfa, Abraham Ben-Zvi, a affirmé dans un article publié dans Israel Affairs intitulé « Trébucher dans une alliance : John F. Kennedy et Israël », que Kennedy, et non Johnson, est responsable de la relation spéciale de l’Amérique avec Israël, parce qu’il « a augmenté les garanties de sécurité tout en cessant d’exiger des concessions réciproques d’Israël concernant Dimona » [6]. C’est manifestement faux, et Ben-Zvi doit le savoir. Le maître incontesté dans cette tromperie est Noam Chomsky, qui a déclaré à plusieurs reprises que le meurtre de JFK ne vaut pas la peine d’être investigué, car il n’a eu aucun effet sur la politique américaine et ne pouvait donc pas être un coup d’État. Ici, il est cité par Jim DeBrosse dans See No Evil : The JFK Assassination and the U.S. Media :
Il y a une question importante à propos de l’assassinat de JFK : était-ce un complot de haut niveau avec des implications politiques ? C’est assez important, et cela vaut vraiment la peine d’être étudié. J’ai beaucoup écrit à ce sujet, en passant en revue toute la documentation pertinente. La conclusion est claire, exceptionnellement claire pour un événement historique : non. Cela laisse ouverte la question de savoir qui l’a tué : Oswald, Mafia, Cubains, maris jaloux… Personnellement, cette question ne m’intéresse pas plus que la dernière tuerie dans le ghetto noir de Boston.
Mais Chomsky est un menteur. Car, comme l’écrit DeBrosse, « il y a eu au moins un changement de politique clair dans la transition entre les administrations de Kennedy et de Johnson : la volonté des États-Unis de fournir des armes offensives à Israël et de détourner le regard alors qu’Israël développait secrètement un arsenal nucléaire dans la poudrière du Moyen Orient » [7]. Chomsky le sait. Mais il ne veut pas que les Américains le sachent, car s’ils le savaient, leur intérêt pour l’assassinat du président Kennedy serait ravivé, et ils commenceraient à se demander si Israël avait quelque chose à voir avec cela. Ils risquerait de tomber sur le livre de Michael Collins Piper et apprendre, par exemple, que Jack Ruby – Jacob Rubinstein de son vrai nom – appartenait à la pègre juive dominée par Meyer Lansky, ou encore que James Jesus Angleton, dont le rôle clé dans la manipulation d’Oswald est avéré, était l’homme du Mossad au sein de la CIA. C’est pourquoi il est important pour les sionistes – et même pour les « sionistes antisionistes », comme Gilad Atzmon appelle les gens comme Chomsky – de continuer à dire que Kennedy aimait Israël et n’aurait jamais rien fait qui compromettrait sa sécurité.
Pourquoi Israël voulait enrayer le processus de détente
L’assassinat du président Kennedy fut un coup d’État. C’est la prémisse de toute discussion sérieuse sur cet événement. La nature et le but du coup d’État étaient invisible à l’époque, car Johnson a créé une illusion de continuité, en conservant en particulier la majorité du gouvernement de Kennedy. Ce qui a radicalement changé n’est devenu apparent au grand public que dans les années 1990. Dans le Washington Report on Middle East Affairs de 2009, nous lisons que « Lyndon Johnson fut le premier à aligner la politique américaine sur la politique d’Israël ».
« Jusqu’à la présidence de Johnson, aucune administration [états-unienne] n’avait été aussi complètement pro-israélienne et anti-arabe que la sienne. […] Non seulement il était personnellement un fervent partisan de l’État juif, mais il avait un certain nombre de hauts fonctionnaires, de conseillers et d’amis qui partageaient son point de vue. […] Ces fonctionnaires occupaient de hautes fonctions telles que l’ambassadeur auprès des Nations unies, le chef du Conseil de sécurité nationale et le poste de numéro deux au département d’État. Ils étaient assidus à mettre en avant les intérêts d’Israël dans des mémorandums tels que « Ce que nous avons fait pour Israël » et « De nouvelles choses que nous pourrions faire en Israël » et « Comment nous avons aidé Israël ». […] L’influence des partisans d’Israël était si omniprésente pendant le mandat de Johnson que le directeur de la CIA, Richard Helms, pensait qu’il n’y avait aucun secret américain important affectant Israël dont le gouvernement israélien n’était pas au courant pendant cette période. » [8]
Bien que Dimona fut probablement la raison la plus urgente de remplacer JFK par LBJ, comme Michael Collins Piper l’a montré avant moi dans son livre Jugement final, ce n’était pas la seule. Le problème de Dimona ne peut être séparé du contexte géopolitique plus large de la guerre froide. Car les Soviétiques étaient aussi inquiets que Kennedy du risque de prolifération nucléaire [9]. On a objecté à la théorie de Piper que Kennedy n’avait pas la capacité d’empêcher Israël de se doter de la bombe, et que donc Israël n’avait aucune nécessité d’éliminer Kennedy. C’est peut-être vrai. Le réel danger pour Israël était que les États-Unis et l’Union soviétique unissent leurs efforts pour contrecarrer l’ambition nucléaire d’Israël. Lorsque le ministre des Affaires étrangères de Khrouchtchev, Andrei Gromyko, s’est rendu à la Maison-Blanche le 3 octobre 1963 pour discuter des moyens d’étendre les progrès du traité d’interdiction limitée des essais nucléaires (Limited Test Ban treaty), Kennedy chargea son secrétaire d’État Dean Rusk d’aborder la question du programme nucléaire secret d’Israël avec Gromyko lors de sa réunion du soir à l’ambassade soviétique [10]. Si les Américains et les Russes décidaient ensemble d’interdire à Israël l’accès à l’arme nucléaire, Israël n’avait plus aucune marge de manœuvre.
Mais le danger que présentait la coopération naissante entre Kennedy et Khrouchtchev n’était pas seulement leur probable accord de priver Israël de « l’option Samson » : c’était aussi, et plus encore peut-être, leur soutien commun au plus grand ennemi d’Israël, l’Égypte. Ce point est bien argumenté par l’auteur Salvador Astucia dans Opium Lords : Israel, the Golden Triangle, and the Kennedy Assassination (en pdf ici) :
Kennedy et Khrouchtchev avaient tous deux des liens plus forts avec le président égyptien Nasser qu’avec Israël. Leur amitié avec Nasser, une icône vivante symbolisant l’unité arabe, était un signal pour Israël que les deux superpuissances s’intéressaient davantage au monde arabe qu’à la survie d’Israël en tant que patrie juive, sans parler de l’expansion d’Israël dans les territoires arabes voisins. [11]
« En bref, écrit Astucia, la détente marquerait le début de la fin pour Israël en tant que puissance mondiale car aucune des superpuissances n’avait d’intérêt stratégique en Israël. » [12] Ce qu’il fallait à tout prix, c’est faire de l’Égypte non plus un terrain de rapprochement, mais un terrain d’affrontement entre les États-Unies et l’Union soviétique.
Astucia a publié son livre en 2002 et manquait de recul sur le 11 Septembre pour établir le parallèle qui peut maintenant être établi entre l’assassinat du président Kennedy et les attentats sous fausse bannière du 11 septembre 2001. Le parallèle devrait être clair pour ceux qui comprennent maintenant que le 11 Septembre était à la fois une opération psychologique de masse et un coup d’État de politique étrangère visant à enrager les Américains du côté d’Israël contre leurs ennemis arabes (voir mon récent article sur RI, « 11 septembre 2001 : la théorie du “complot piraté” »). Comme cela est aussi rappelé dans mon film Le 11 Septembre et le Grand Jeu israélien :
« En 2001, la réputation d’Israël dans l’opinion publique mondiale avait atteint son point le plus bas ; des condamnations s’étaient fait entendre de toutes parts contre sa politique d’apartheid et de colonisation, et contre sa guerre systématique contre les structures de commandement palestiniennes. Les attaques du 11 septembre 2001 ont instantanément inversé ce processus. Les Américains ont vécu ces attaques comme un acte de haine de la part du monde arabe, et ils ont éprouvé de ce fait une sympathie immédiate pour Israël. […] Ainsi, du jour au lendemain, grâce aux attaques du 11 Septembre, le monde arabe et la résistance palestinienne furent amalgamés au terrorisme islamique dans l’opinion occidentale. »
En 1963, la situation était comparable. Israël recevait de sévères condamnations de la part des dirigeants mondiaux et de fortes pressions de la part de l’administration Kennedy. Au cours de ses premiers mois à la Maison-Blanche, Kennedy s’était engagé auprès du président Nasser et d’autres chefs d’État arabes et africains à soutenir la Résolution 194 de l’ONU pour le droit au retour des réfugiés palestiniens. À l’automne 1962, le Premier ministre israélien David Ben Gourion avait réagi à la pression insistante de Kennedy par une lettre qu’il fit circuler parmi les dirigeants juifs américains, dans laquelle il déclarait : « Israël considérera ce plan comme un danger plus sérieux pour son existence que toutes les menaces des dictateurs et des rois arabes, que toutes les armées arabes, que tous les missiles de Nasser et ses MIG soviétiques. […] Israël luttera contre sa mise en œuvre jusqu’au dernier homme. » [13] Deux jours avant son assassinat, la délégation de Kennedy aux Nations unies exhortait encore Israël à appliquer la Résolution 194.
Durant la présidence de Kennedy, l’influence sioniste sur l’opinion publique était encore limitée et Kennedy avait suffisamment de marge de manœuvre pour mettre en œuvre une politique équilibrée au Moyen-Orient. La plupart des Américains avaient encore à l’esprit l’agression non provoquée d’Israël contre l’Égypte en 1956, soutenue par la France et l’Angleterre.
Pour les observateurs attentifs, cette crise avait d’ailleurs révélé une différence majeure entre Kennedy et Johnson. Quand Eisenhower soutint la décision du secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjöld d’imposer des sanctions à Israël, Johnson pesa de tout son poids politique de chef de la majorité au Sénat pour sauver Israël de cet embarras. Il écrivit même une lettre de protestation au secrétaire d’État John Foster Dulles, qui fit la une du New York Times le 20 février 1957.
John Kennedy ne défia pas Johnson ouvertement. Mais cinq mois plus tard, il prit la parole au Sénat en s’affichant comme un fervent défenseur du nationalisme arabe en dénonçant l’occupation coloniale française de l’Algérie. Son discours fit à son tour la une du New York Times. En soutenant l’indépendance de l’Algérie, Kennedy s’était indirectement aligné sur l’ennemi juré d’Israël, le président égyptien Nasser [14]. Il n’est pas farfelu de supposer qu’à partir de ce moment-là, il fut décidé que, si Kennedy battait Johnson aux primaires démocrates en 1960, tous les chantages possibles seraient utilisés pour placer Johnson juste derrière son dos. Contrairement à ce que dit le récit publique, Kennedy n’a pas choisi Johnson comme colistier pour des raisons politiques : « Je n’ai pas eu le choix… ces bâtards essayaient de me piéger », était l’explication que Kennedy donnait en privé [15].
En tant que président, Kennedy resta fidèle à ses sympathies pour Nasser et le nationalisme arabe. L’historien Philip Muehlenbeck écrit : « Tandis que l’administration Eisenhower avait cherché à isoler Nasser et à réduire son influence en faisant du roi Saoud d’Arabie saoudite un rival conservateur du président égyptien, l’administration Kennedy a poursuivi la stratégie exactement opposée. » [16] Étant donné que l’Union soviétique, porte-drapeau de l’anticolonialisme, était également un partisan naturel de l’indépendance arabe, les Israéliens sont devenus de plus en plus inquiets en voyant la Russie et l’Amérique rivaliser d’amitié avec leur ennemi le plus redoutable, et paniqués à la perspective du Moyen-Orient devenant l’endroit même où les États-Unis et l’URSS finiraient par s’entendre et mettraient fin à la guerre froide, aux dépens d’Israël.
Kennedy était devenu une menace majeure pour Israël. Dans une culture qui n’a aucune inhibition contre les assassinats ciblés de goyim gênants (lire l’enquête historique de Ronan Bergman, Lève-toi et tue le premier. L’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël), l’assassinat du président américain devenait une question de sécurité nationale.
L’embuscade de Dallas était un coup d’État sioniste visant à remplacer un ami de l’Égypte par un ami d’Israël à la tête des États-Unis. Si les Américains ne l’ont pas vu de cette façon, c’est parce que, après 1957, les médias américains semblent s’être mis d’accord pour effacer les prises de positions pro-israélienne de Johnson de son CV.
Johnson transforme les ennemis d’Israël en ennemis des États-Unis
En 1967, avec Johnson au pouvoir, les conditions pour qu’Israël renverse Nasser et annexe un nouveau territoire étaient beaucoup plus favorables qu’en 1956. Les choses avaient beaucoup changé en dix ans. Du côté américain, les adversaires les plus influents d’Israël étaient morts ou avaient quitté leurs fonctions publiques, et avaient été remplacés par des alliés d’Israël, pour ne pas dire des sayanim. Le monde arabe était de son côté divisé par la guerre au Yémen. Les forces égyptiennes étaient affaiblies après cinq ans d’engagement militaire dans ce conflit.
C’est donc en juin 1967 qu’Israël lança son attaque contre l’Égypte, sous un faux prétexte de légitime défense. Johnson avait non seulement donné son feu vert, mais chargé James Jesus Angleton, liaison exclusive entre la CIA et le Mossad, de fournir à Israël les photos aériennes qui permirent aux Israélien de détruire au sol la quasi-totalité des avions égyptiens en quelques heures.
Johnson planifia également, avec les sayanim de son entourage, l’attaque d’Israël contre le navire USS Liberty, destinée à être mise sur le compte de l’Égypte, pour entraîner les États-Unis dans la guerre contre cette dernière. Le 23 mai 1967, l’USS Liberty avait reçu l’ordre de quitter d’urgence sa patrouille sur la côte ouest de l’Afrique pour se rendre au large du Sinaï, tandis qu’un autre navire espion, l’USNS Private Jose F. Valdez, reçut l’ordre de quittez la zone. Phillip Nelson, auteur de plusieurs livres essentiels sur Johnson et sur l’affaire du USS Liberty, fait l’hypothèse que cet échange était motivé par le nom même des deux navires concernés : « Remember the Liberty » faisait un excellent cri de guerre, tandis que « « Remember the Private Jose F. Valdez » n’avait tout simplement pas le même panache » [17].
Lorsque l’équipage parvint à envoyer un SOS malgré le fait que les avions israéliens avaient mitraillé les antennes en premier, Johnson rappela personnellement les avions envoyés aussitôt au secours du navire, ordonnant par téléphone à l’amiral Lawrence Geis, commandant de la Sixième Flotte : « Je veux que ce putain de bateau coule par le fond. » [18] Les torpilleurs israéliens qui s’acharnaient contre le navire ne parvinrent pas à le couler, et l’opération sous faux drapeau échoua. Johnson accepta l’excuse convenue d’Israël d’une « erreur d’identité » et étouffa l’affaire. Cinq mois plus tard, il invitait le Premier ministre israélien Levi Eshkol à la Maison-Blanche et lui fit l’honneur rare de l’inviter dans son ranch privé [photo en tête d’article].
Outre la conquête par Israël de la vieille ville de Jérusalem, du Sinaï et de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et du plateau du Golan, la guerre des Six Jours a eu trois conséquences majeures. Premièrement, cela a réchauffé la guerre froide et marqué Nasser comme un ennemi des États-Unis, tout en faisant d’Israël un atout stratégique des États-Unis dans la guerre froide. Nasser rompit ses relations diplomatiques avec les États-Unis et ordonna à tous les Américains de quitter l’Égypte. S’il s’était efforcé jusqu’alors de garder une position neutre, il se plaça désormais entièrement sous la protection de l’Union soviétique. En 1970, les Soviétiques lui fournirent un puissant système de défense aérienne et lui envoyèrent 1 500 techniciens soviétiques. L’administration Nixon subit alors des pressions pour contrer les Soviétiques en fournissant à Israël 125 avions de chasse supplémentaires.
Fait intéressant, à la mort de Nasser le 28 novembre 1970, son successeur, le général Anwar el-Sadate, tenta de changer de camp, mais à sa grande surprise, son offre fut rejetée par Henry Kissinger sous une forte influence israélienne. De nouveau en février 1973, Sadate envoya un émissaire privé à Kissinger pour discuter d’un accord négocié par les États-Unis, avec un peu plus de succès.
Deuxièmement, la victoire rapide d’Israël dans la guerre des Six Jours permit de rallier la communauté juive américaine au soutien d’Israël. Les universitaires juifs Michael Kazin et Maurice Isserman ont écrit dans America Divided : The Civil War of the 1960s :
« Pour de nombreux juifs américains, le conflit de 1967 a réveillé et inspiré des passions qui ont beaucoup transformé leur sentiment d’identité. Israël n’était plus seulement une raison de fierté juive, un miracle du désert d’orangeraies et de kibboutz prospères, dont la création a été romancée dans Exodus – un roman et un film populaires de la fin des années 50 et du début des années 60. Israël était désormais la patrie de compatriotes juifs qui s’étaient battus seuls pour leur survie et se résignaient à vivre en perpétuel danger. » [19]
De plus, comme l’a expliqué Norman Finkelstein, « Après la guerre de 1967, l’effort militaire d’Israël pouvait être ouvertement célébré parce que ses armes pointaient dans la bonne direction – contre les ennemis de l’Amérique. Ses prouesses martiales pouvaient même faciliter l’entrée dans les sanctuaires intérieurs de la puissance américaine » [20].
La troisième conséquence majeure de la guerre des Six Jours a été une transformation du caractère même d’Israël. George Ball, ancien sous-secrétaire d’État, a écrit dans The Passionate Attachment :
« La leçon ultime de l’attaque du Liberty a eu beaucoup plus d’effet sur la politique en Israël qu’en Amérique. Les dirigeants israéliens ont conclu que rien de ce qu’ils pourraient faire n’offenserait les Américains au point de justifier des représailles. Si les dirigeants américains n’avaient pas le courage de punir Israël pour le meurtre flagrant de citoyens américains, il était clair que leurs amis américains les laisseraient faire à peu près n’importe quoi. » [21]
C’est ce qui permit aux sionistes les plus durs – ceux que le Premier ministre Moshe Sharett (1954-55) avait accusés d’avoir « élevé le terrorisme au niveau d’un principe sacré » [22] – de s’emparer de la direction de l’État juif. Dix ans après 1967, Menahem Begin, ancien commandant de l’Irgoun Zvai Leumi qui avait perpétré en 1946 l’attentat sous faux drapeau de l’hôtel King David, devient Premier ministre (1977-1983). Il sera remplacé par Yitzhak Shamir, ancien chef opérationnel du Lehi (alias le Stern Gang) qui avait assassiné le diplomate britannique Lord Moyne et le médiateur de l’ONU Folke Bernadotte, bombardé l’ambassade britannique à Rome et envoyé des lettres piégées à tous les membres du cabinet britannique à Londres [23]. Après Shamir, la raison sembla triompher avec Yitzhak Rabin, qui serra la main de Yasser Arafat et signa les accords d’Oslo. Il fut assassiné pour cela, laissant la place à une nouvelle génération d’extrémistes totalement désinhibés : Benyamin Netanyahou, Ehud Barak et Ariel Sharon, les instigateurs des attentats du 11 Septembre.
Avec John Kennedy comme président jusqu’en 1968, auquel aurait éventuellement succédé son frère Robert jusqu’en 1976, rien de tout cela ne serait arrivé. Il n’y aurait pas eu de guerre des Six Jours et la question palestinienne serait peut-être réglée. L’« attachement passionnel » des États-Unis pour Israël n’aurait pas évolué en soumission au psychopathe des nations. Et la route vers le 11 Septembre n’aurait pas été pavée.
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