par Olivier Berruyer
Comme nous l’avons vu précédemment, la crise actuelle est fondamentalement liée à l’expansion de l’OTAN.
À force d’étendre l’OTAN vers l’Est, le problème d’un contact direct avec la Russie devait inévitablement se poser – situation que cette dernière considère comme inacceptable pour sa sécurité, puisqu’un incident de frontière pourrait déclencher une confrontation avec l’OTAN.
Aujourd’hui, à la date annoncée par les États-Unis de l’invasion possible de l’Ukraine par la Russie, nous vous proposons dans cette partie une chronologie détaillée de la crise actuelle en 3 parties.
I. 1990-1993 : Les promesses n’engagent que ceux qui les croient…
La crise actuelle trouve donc ses racines en 1990, dans les promesses faites à l’URSS de ne pas étendre l’OTAN à l’Est.
Afin de clore toute polémique inutile sur ce sujet, voici les promesses telles qu’elles figurent dans les archives occidentales (cliquez pour agrandir ; voir cet article pour le détail)
Au début des années 1990, l’Ouest continue à donner des garanties, plus limitées, à Boris Eltsine, comme nous l’avons vu dans ce billet, lui indiquant que la Russie pourra, un jour, intégrer l’OTAN.
Cependant, dès septembre 1993, les grands dirigeants occidentaux issus de la guerre froide ayant moins de poids sur la scène politique ou l’ayant quittée, leurs successeurs (la nouvelle administration Clinton en l’espèce) commencent à établir des plans d’élargissement de l’OTAN – par exemple avec ce plan secret soumis au secrétaire d’État envisageant une extension progressive en une dizaine d’années, culminant avec une adhésion simultanée de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie.
Au même moment, Eltsine écrit à Clinton que « l’esprit des accords de 1990 interdit l’option d’étendre l’OTAN à l’Est ».
Et il fait savoir publiquement qu’il s’oppose à une extension de l’OTAN qui exclurait la Russie, proposition « inacceptable » puisqu’elle « saperait la sécurité en Europe ».
Pour bien saisir l’importance du danger perçu par la Russie, les services de renseignements russes font même publiquement état de possibles contremesures militaires « radicales ».
Le 22 octobre, le secrétaire d’État américain se rend en Russie pour rencontrer Eltsine. Il lui indique que sa lettre à Clinton (qui lui indiquait que l’esprit de 1990 excluait tout élargissement) est arrivée pile au bon moment, et qu’elle « a joué un rôle décisif dans l’élection du président Clinton ». Il lui annonce la création d’un « partenariat pour la paix », et confirme clairement (comme le montre le compte-rendu américain) qu’il mettra tous les pays sur un « pied d’égalité » (dont la Russie), et qu’il n’y aura « pas d’adhésion » (à l’OTAN des pays de l’Est).
Cela enthousiasme Eltsine, qui parle d’une « idée de génie », qui « dissipe toutes les tensions » russes, car « cela aurait été un problème pour la Russie si elle n’avait obtenu qu’un statut de seconde classe ». « Brillante idée, vraiment brillante » que ce partenariat pour tous, et non l’adhésion pour certains….
II. 1994 : Le clash de Budapest
Le 27 septembre 1994, le président Clinton reçoit Eltsine à la Maison-Blanche et lui indique que « L’expansion de l’OTAN n’est pas anti-russe ; elle n’est pas destinée à exclure la Russie, et il n’y a pas de calendrier imminent […] L’objectif plus large et plus élevé [est] la sécurité, l’unité et l’intégration européennes – un objectif que je sais que vous partagez ».
Mais les Russes apprirent à l’automne 1994 que le nouveau secrétaire d’État adjoint pour l’Europe, Richard Holbrooke, accélérait les discussions sur l’expansion de l’OTAN, en lançant même en novembre une étude de l’OTAN sur le « comment et pourquoi » concernant de nouveaux membres. Eltsine se plaignit à Clinton le 29 novembre.
Il exprima brutalement sa déception le 5 décembre 1994, lors du sommet de Budapest de la CSCE, dont nous avons présenté le contexte dans ce billet. Devant un Clinton interloqué, il critiqua fortement l’attitude de l’OTAN, l’accusant de vouloir de nouveau scinder le continent. Voici quelques extraits de ce discours très important, qui n’existe, hélas, en entier qu’en version audio en russe [à écouter ici ; txt]
« Notre attitude vis-à-vis des plans d’élargissement de l’OTAN, et notamment de la possibilité que les infrastructures progressent vers l’Est, demeure et demeurera invariablement négative. Les arguments du type : l’élargissement n’est dirigé contre aucun État et constitue un pas vers la création d’une Europe unifiée, ne résistent pas à la critique. Il s’agit d’une décision dont les conséquences détermineront la configuration européenne pour les années à venir. Elle peut conduire à un glissement vers la détérioration de la confiance entre la Russie et les pays occidentaux. […]
La Russie attend également que sa sécurité soit prise en compte. […] Pour la première fois, nous jetons les bases d’un espace commun de confiance dans le domaine militaire, couvrant une grande partie de trois continents et des océans du monde […] Nous sommes préoccupés par les changements qui se produisent à l’OTAN. Qu’est-ce que cela va signifier pour la Russie ? L’OTAN a été créée au temps de la guerre froide. Aujourd’hui, non sans difficultés, elle cherche sa place dans l’Europe nouvelle. Il est important que cette démarche ne crée pas deux zones de démarcation, mais qu’au contraire, elle consolide l’unité européenne. Cet objectif, pour nous, est contradictoire avec les plans d’expansion de l’OTAN. Pourquoi semer les graines de la méfiance ? Après tout, nous ne sommes plus des ennemis ; nous sommes tous des partenaires maintenant. Nous entendons des explications selon lesquelles il s’agit prétendument de l’expansion de la stabilité, juste au cas où il y aurait des développements indésirables en Russie. Si, sur ces bases, l’objectif est d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, laissez-moi vous dire une chose : il est trop tôt pour enterrer la démocratie en Russie. Nous ne répéterons pas les erreurs du passé. Aucun grand pays ne vivra selon les règles de l’isolement. […]
L’Europe, qui ne s’est pas encore libérée de l’héritage de la guerre froide, risque de plonger dans une paix froide. Comment éviter cela, telle est la question que nous devons nous poser. […] L’histoire démontre que c’est une dangereuse illusion de supposer que les destinées des continents et de la communauté mondiale en général peuvent être gérées d’une manière ou d’une autre à partir d’une seule capitale. Les blocs de coalition militaire ne fourniront pas non plus de véritables garanties de sécurité. La création d’une organisation paneuropéenne à part entière, dotée d’une base juridique fiable, est devenue une nécessité vitale en Europe. […]
L’année 1995 marque le cinquantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un demi-siècle plus tard, nous sommes de plus en plus conscients de la véritable signification de la Grande Victoire et de la nécessité d’une réconciliation historique en Europe. Il ne doit plus y avoir d’adversaires, de gagnants et de perdants. Pour la première fois de son histoire, notre continent a une réelle chance de trouver l’unité. Le manquer, c’est oublier les leçons du passé et remettre en question l’avenir lui-même. »
Clinton lui répondit alors un refrain qui deviendra classique :
« L’OTAN n’exclura automatiquement aucune nation de l’adhésion. […] Dans le même temps, aucun pays extérieur ne sera autorisé à mettre son veto à l’expansion. »
Le vice-président Al Gore fut alors dépêché en urgence à Moscou pour rassurer les Ruses, à commencer par le président du Parlement Ivan Rybkin qu’il rencontre le 14 décembre 1994, et à qui il indique qu’il n’y aura « aucune expansion rapide » de l’OTAN, mais qu’elle serait « progressive, réfléchie, absolument ouverte et transparente, sans surprises« , avec « des discussions franches et approfondies avec la Russie à chaque étape de ce processus ».
Il répète ceci à Eltsine deux jours plus tard.
Le 10 mai 1995, lors des célébrations des 50 ans de la victoire sur l’Allemagne nazie, Eltsine résume parfaitement sa problématique : « Je ne vois rien d’autre qu’une humiliation pour la Russie si vous continuez […] Pourquoi voulez-vous faire ça ? Nous avons besoin d’une nouvelle structure pour la sécurité paneuropéenne, pas des anciennes ! […] Mais si j’acceptais que les frontières de l’OTAN s’étendent vers celles de la Russie, cela constituerait une trahison de ma part envers le peuple russe ». Pour sa part, Clinton a insisté sur une expansion « progressive, régulière et mesurée » de l’OTAN : et indique à Eltsine qu’il « ne soutiendrait aucun changement qui sape la sécurité de la Russie ou qui redécoupe l’Europe. »
La suite allait rapidement démentir ces (nouvelles) belles promesses.
III. 1995-1996 : Guerre et alertes autour de l’expansion de l’OTAN
En septembre 1995, durant la guerre de Yougoslavie, « l’alliance purement défensive de l’OTAN » lance l’Opération Deliberate Force (Force délibérée [sic.]) visant à bombarder la République serbe de Bosnie, proches de Russes – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres.
Au cours des 3515 sorties aériennes, 338 sites sont bombardés, recevant 1026 bombes. C’est au cours de ces opérations que 2 pilotes français dont l’avion a été abattu sont capturés puis libérés.
À cette époque, le président Clinton subissait depuis de nombreux mois la pression des faucons républicains comme démocrates pour élargir l’OTAN brutalement.
Mais le président Eltsine alertait toujours sur le risque futur de guerre en Europe, avec la reconstitution de deux blocs, dénonçant le suivisme des Européens sur un sujet fondamental touchant à leur sécurité.
Le 7 octobre 1996, Alexander Lebed, chef de la sécurité russe, déclara au siège de l’OTAN :
« J’ai suggéré aujourd’hui que la question de l’élargissement ou non de l’OTAN devait être laissée à la prochaine génération qui n’aura pas la confrontation dans ses veines. J’espère que la prochaine génération n’aura pas tant de complexes et aura une approche nouvelle des choses. Malheureusement, nous sommes tous des produits de la guerre froide ».
Cette vision sur ce sujet est un élément central de la pensée de l’État russe : c’était celle du président Gorbatchev, c’est celle du président Eltsine, ce sera celle des présidents Poutine et Medvedev et très certainement de leurs successeurs.
III. 1996-1999 : Le début de l’expansion vers l’Est
Eltsine fut donc réélu en juillet 1996, mais il a vraiment failli ne pas l’être – et pas à cause des électeurs. On apprit en septembre qu’il avait fait juste avant le second tour une très grave crise cardiaque, sans en parler aux électeurs, et on apprendra en 2004 qu’il en avait fait 5 durant sa présidence, :
Il subit en novembre 1996 un quintuple pontage cardiaque, qui lui sauva la vie pendant 10 ans – il ne mourut d’une crise cardiaque que le 23 avril 2007 à 76 ans.
C’est à ce moment de grande faiblesse d’Eltsine à l’automne 1996 que Bill Clinton prit la décision d’étendre l’OTAN, sous la pression de Richard Holbrooke, appuyé par le vice-président Al-Gore, et contre l’avis du ministre de la Défense Perry, qui a raconté dans ses mémoires la légèreté avec laquelle cette décision si importante fut prise :
De plus, dans les mois qui suivirent, la Russie connut de graves problèmes financiers : le taux d’intérêt des emprunts publics dépassa 100%, la dette dut être restructurée. La banqueroute ne tarderait pas (août 1998), mais, en attendant, l’État russe était « au bord du gouffre financier » et il ne subsistait plus que grâce au soutien international, donc celui des Américains.
La Russie était désormais trop faible pour défendre ses intérêts fondamentaux face à l’expansion de l’OTAN. Elle dut donc céder, et négocier quelques compensations, comme la création d’un Conseil conjoint permanent OTAN-Russie, traitant de toute situation où la paix et la stabilité en Europe seraient en danger – mais où la Russie n’a aucun droit de veto sur les décisions de l’OTAN, chaque partie gardant le droit d’agir librement en cas de désaccord… ,
Le 27 mai 1997 fut signé lors du sommet de l’OTAN à Paris un « Acte fondateur sur les relations, la coopération et la sécurité mutuelles entre l’OTAN et la Fédération de Russie », ouvrant la voie à l’expansion de l’OTAN.
Lors du sommet de Madrid, en juillet 1997, les dirigeants de l’OTAN purent alors se battre pour… l’étendre le plus vite et le plus loin possible, ne tenant pas le moindre compte des (toujours) fermes protestations russes,.
Lors de ce sommet, l’OTAN invita la Hongrie, la Tchéquie et la Pologne à entrer dans l’alliance militaire, ce qui sera fait le 12 mars 1999.
IV. 1999 : Le tournant de la guerre du Kosovo, basée sur des mensonges
Ces nouveaux membre arrivent juste à temps pour que, le 24 mars 1999, « l’alliance purement défensive de l’OTAN » lance la première opération d’envergure de son histoire, l’Opération Allied Force (Force alliée [sic.]) visant à bombarder la Serbie, alliée historique de la Russie, – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres. Au cours des 38 000 sorties aériennes, 7600 sites sont bombardés, recevant 25 000 bombes en 78 jours. Au total, environ 500 civils et 1000 militaires auront été tués dans ces interventions dans l’ex-Yougoslavie. L’OTAN, née le 4 avril 1949, ne pouvait rêver meilleur 50ème anniversaire,.
4-1/ La propagande de guerre
La presse reprend sans broncher les prétendus « signes de génocide » :
Pour justifier plus encore cette opération, l’OTAN, par la voix du ministre allemand de la défense se lance dans une opération de propagande de guerre mensongère pour intoxiquer l’opinion publique occidentale. Il présenta les détails d’un supposé « plan secret serbe (Plan Fer à cheval) établi des mois auparavant et visant à expulser par la force les Albanais de souche du Kosovo ».
Deux jours plus tard, le Monde publiait un long dossier sur ce « Plan serbe ‘Potkova‘ » :
Mais attention, tout ceci n’était pas « guerrier » mais simplement « percutant et accrocheur » :
Hélas, ce plan était une opération d’intox de la Bulgarie « qui fait alors du zèle pour rentrer dans l’OTAN » :
Pour bien percevoir le haut de degré de vérification des médias sur ces informations stupéfiante, ainsi que le haut degré de grossièreté de ces faux, il faut savoir que rien que le nom du plan « Potkova » n’est pas la traduction de « fer à cheval » en serbe, qui se dit « Potkovica »…
Le 7 septembre 2001, l’ONU officialisa la fait qu’il n’y avait jamais eu de génocide au Kosovo, ni des dizaines de milliers de morts, ;
4-2/ L’impact sur les relations franco-russes
George Kennan, éminent soviétologue et probablement le plus grand diplomate américain du XXe siècle, avait écrit en 1989 :
« Aujourd’hui, avec la fin de la guerre froide, les gens pensent que la Yougoslavie n ‘est plus en position de causer aucun dommage. Je pense qu’ils ont tort […] Je pense que les événements en Yougoslavie vont prendre un tour violent et placer les pays occidentaux, en particulier les États-Unis, face à l’un de leurs plus gros problèmes de politique étrangère pour les années à venir. »
Survenant au moment même de l’élargissement de l’OTAN, la guerre du Kosovo a mis fin à l’amitié entre Clinton et Eltsine, et entre les États-Unis et la Russie. Les prémices apparaissent clairement dans cet échange de 1998 entre les deux dirigeants. La position russe est claire, elle refuse que l’OTAN bombarde son allié historique, l’intervention militaire ne pouvant qu’être de dernier ressort, et avec l’accord de l’ONU : « Toute utilisation de la force par l’OTAN est inacceptable ». Clinton refuse de s’engager sur ce point :
La Russie continua à marquer sa ferme opposition début 1999 :
Mais le 24 mars 1999, Clinton téléphona à Eltsine pour lui dire que, face à la mauvaise volonté des Serbes, les pays de l’OTAN avaient décidé de bombarder la Serbie sans l’accord des Nations unies, car « ils n’avaient plus le choix ». Ce jour marque la rupture de la confiance de la Russie en l’Occident,.
Dans cette partie on retiendra le plaidoyer des Russes : « Il est facile de lancer des bombes. Cependant, la recherche politique à long terme recherche politique d’une solution constructive à la situation, c’est une autre chose. Mais c’est la seule approche correcte, la seule voie correcte. Si nous unissons nos forces ensemble, nous pourrions renverser Milosevic. »
La réitération par Clinton de son « Nous n’avons pas le choix » mensonger met fin à l’entretien, Eltsine faisant bien comprendre que ce choix signe la perte de la confiance du peuple russe, « il n’y aura plus un tel dynamisme ni une telle amitié [entre nous] comme auparavant. C’est terminé. » Et il le fit fermement savoir, faisant entrer l’Occident dans un climat de pré-guerre fraiche.
The New Yorker résume fort bien les conséquences dramatiques de ce conflit. Il a changé les États-Unis, qui se permettent désormais de lancer des offensives militaires sans l’accord des Nations unies, ce qui en change la nature et la matière dont il règle le recours à la force. Et il a changé la Russie, augmentant les craintes dace l’Occident, renforçant le nationalisme, et confirmant probablement la succession laissée à Vladimir Poutine.
Ayant commencé cette partie avec Kennan, nous finiront avec lui. À propos du Kosovo, il conclut son analyse du besoin de prestige et de réassurance russe par une formule bien tournée : « Il y aura de nombreux désaccords. Des compromis seront nécessaires sur de nombreux points. Telle est l’essence de la vie internationale ».
Cependant, après l’établissement d’un monde unipolaire en 1991, dans une ambiance de « fin de l’histoire », il est devenu plus difficile aux États-Unis de faire des compromis. Robert Skidelsky a très bien résumé la pensée de Kennan en 2014, qui permet de comprendre les difficultés actuelles :
« Mais avant de replonger dans une seconde guerre froide, nous ferions bien de nous remémorer les raisons pour lesquelles nous avons sombré dans la première. L’effondrement du communisme a fait disparaître l’une des causes originelles de cette première guerre froide, à savoir une poussée expansionniste gargantuesque de la part de l’Union soviétique, contrebalancée par une ferme volonté des démocraties occidentales de s’y opposer. Néanmoins, un certain nombre de sources de l’ancienne guerre froide demeurent aujourd’hui.
Le diplomate américain George F. Kennan les a identifiées en ces termes : insécurité névrotique et esprit de dissimulation du côté de la Russie, contre légalisme et moralisme dans le camp de l’Occident ; le juste milieu d’une discussion raisonnable, autour des intérêts, des perspectives et des risques en présence, demeurant encore insaisissable à ce jour. »
Or il est très dur pour un moraliste de faire de compromis : il ne va pas accepter un accord qui fera 1000 morts au Kosovo au lieu de 3000, si tel est son critère de décision…
On mesure bien la puissance de cette mentalité moraliste, basée sur des valeurs et non pas, classiquement, sur des intérêts, quand on observe cette décision de violer la Charte de l’ONU pour bombarder sans l’accord de la Russie un de ses alliés historiques (alliance qui a participé à déclencher la première guerre mondiale et donc la révolution communiste russe de 1917), allié qu’elle était parfaitement disposée à lâcher, mais sans recours à la force militaire. Et c’est cette force militaire qui ravive l’insécurité névrotique russe, car si les États-Unis bombardent sans raison la Serbie aujourd’hui, qui dit qu’un autre président américain ne voudra pas bombarder la Russie demain ?
Enfin, rappelons en épilogue que ce monumental gâchis de nos bonnes relations avec la Russie a donc été effectué en échange de la création d’un État du Kosovo reconnu par seulement la moitié de la planète, régulièrement accusé d’être un État mafieux, et dont le président est le seula u monde accusé d’avoir trempé dans un trafic d’organes,.
Le fameux rapport du conseil de l’Europe est consultable en français ici (cliquez sur l’exposé des motifs en bas) ou ici (et en pdf là).
Il indique que Hashim Thaçi, Premier ministre du Kosovo, puis président du Kosovo, surnommé par Joe Biden « le George Washington du Kosovo », « était habituellement désigné dans les rapports des services secrets comme le ‘plus dangereux des parrains de la pègre de l’UCK’ ».
V. 2000-2004 : Guerres et expansion vers l’Est jusqu’à la frontière russe
Mais la nouvelle n’eut guère le temps d’infuser pour l’édification de l’éthique de la presse. À peine cinq jours plus tard, le 12 septembre 2001 au soir, moins de 24 heures après les attentats, les Alliés de l’OTAN ont invoqué le principe de l’article 5 de l’OTAN (agression militaire d’un des membres de l’alliance), pour la première fois. Ceci entraina la création de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) ou International Security Assistance Force (ISAF) qui opéra en Afghanistan de 2001 à 2021,.
Le 12 mars 2004, ce sont enfin la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie qui rejoignent l’OTAN.
Désormais, 5 pays membres de l’OTAN ont une frontière terrestre commune avec la Russie : la Norvège comme depuis 1949 (200 km), l’Estonie (320 km), la Lettonie (270 km) ainsi que la Lituanie (270 km) et la Pologne (200 km), via l’enclave de Kaliningrad.
Au final, force est de constater qu’une telle attitude est étonnante : on a ainsi élargi considérablement le nombre de pays qui, s’ils étaient agressés, nous feraient entrer automatiquement en guerre. En effet, suivant l’article 5 du Traité OTAN :
« Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »
Rappelons que ces alliances militaires « défensives » sont donc tout sauf anodines : ce sont elles qui ont déclenché la Première et la Seconde Guerre mondiale.
Mais ils semblent que, pour ces dirigeants, elles fonctionnent apparemment comme des halls de gare : y rentre qui veut, sans se soucier des conséquences qu’une situation politique imprévue occasionnera 10, 20, 50 ans plus tard…
VI. « Nous ne cherchons pas du tout à isoler la Russie »
Ces élargissements expliquent les réactions passées, présentes et futures de la Russie.
Rappelons d’ailleurs que, lors du sommet de Budapest de 1994, le secrétaire général de l’OTAN, Willy Claes, avait lui aussi défendu les plans d’expansion de l’alliance. Il avait même indiqué, d’un ton persifleur :
« Nous ne voulons pas créer une fois de plus deux zones d’influence différentes en Europe. Nous ne cherchons pas du tout à isoler la Russie. »
source : Les Crises
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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