Bonjour à tous,
Le 11 novembre dernier le colonel US (retraité) MacGregor, consultant militaire de la chaîne TV US Fox News, ayant la plus forte audience aux USA, me disait dans un mail avoir été sollicité par Pascal C, journaliste à » L’Éclaireur Rhône-Alpes » pour une interview. Il me demandait s’il était opportun et utilede répondre favorablement à cette demande.
Après étude du CV et des travaux antérieurs de Pascal C, j’ai estimé qu’il n’y avait pas de risque de piège à con dont nos médias ont le secret et lui ai dit qu’il pouvait répondre favorablement et que l’interview serait mené par un vrai professionnel, c’est à dire un journaliste ayant une véritable éthique, et que sa voix aurait certainement un écho en France.
Cette interview, traduite en français, a donc eu lieu et a été publiée sur le lien suivant: https://eclaireur.substack.com/p/entretien-douglas-macgregor-quels
Je remercie Pascal C que je ne connais pas personnellement pour ce très bon premier interview de MacGregor sur un média français.
Il y en aura peut être d’autres.
Cet article a vocation à être diffusé le plus largement possible, en mentionnant, bien sûr, la source d’origine.
Général Dominique Delawarde
Colonel de l’armée américaine, expert, praticien et théoricien, Douglas Macgregor est une voix dissonante dans le concert de « narratifs » formatés. Une voix qui mérite d’être écoutée.
Douglas Macgregor est diplômé de West Point et titulaire d’un doctorat en relations internationales de l’Université de Virginie. Durant ses 28 ans de carrière militaire, il a notamment été directeur de la planification stratégique et du centre d’opération interarmes du commandement suprême de l’Otan durant l’intervention de 1999 au Kosovo. Il fut également le conseiller du secrétaire à la défense par interim Stephen Miller.
Douglas Macgregor est un spécialiste de la “configuration des forces”. Les deux livres qu’il a écrit sur le sujet Breaking the Phalanx (Praeger, 1997) and Transformation under Fire (Praeger, 2003), font autorité sur le sujet. Son dernier ouvrage, Margin of Victory: Five Battles that Changed the Face of Modern War est disponible chez Naval Institute Press.
Ecoutez ici l’interview originale en anglais réalisée le 16 novembre 2022.
L’Eclaireur : Que pensez-vous du dernier épisode d’hystérie collective provoqué par la chute d’un missile en territoire polonais ?
Col. Douglas Macgregor : Tous ceux qui ont une expérience de la chose militaire vous diront qu’ils s’attendaient à ce que cela arrive. Je ne me souviens plus du nombre de fois durant ma carrière où j’ai vu lors de manœuvres, d’exercices ou de simples entraînements, des projectiles tirés par erreur atterrir sur des corps de fermes ou dans des jardins. Si de tels incidents surviennent en temps de paix, ils se produisent immanquablement en temps de guerre.
A ce stade, ce que l’ont sait, c’est que les débris ramassés sur site en Pologne montrent qu’il s’agit très vraisemblablement de missiles sol-air S300 d’une batterie anti-aérienne ukrainienne. Les Ukrainiens les auraient tirés pour abattre des missiles de croisière. Les Russes ont mené ce jour-là plus de 90 frappes à longue distance.
Ce sont donc bien des missiles ukrainiens et je pense que c’est pour cette raison que Soltenberg (le secrétaire général de l’Otan, ndlr) et Biden ont déclaré qu’il n’y avait aucune raison de déclencher l’article 4 du traité de l’Otan (qui prévoit que “Les parties se consulteront chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée”, ndlr).
L’Eclaireur : Pas de consultation au titre de l’article 4 ?
Col. Douglas Macgregor : Non, ce ne n’est pas à l’ordre du jour. Les Polonais se sont vu répondre qu’ils pouvaient enquêter s’ils le souhaitaient. Mais tout indique qu’il s’agit de missiles ukrainiens, non pas d’une frappe russe. Les Russes, en toute franchise, ont depuis le début du conflit évité de manière systématique la confrontation avec l’armée américaine et toute autre force de l’Otan, malgré de très nombreuses provocations.
L’Eclaireur : Des Etats-Unis, comment considérez-vous la situation en Europe – Europe continentale comprenant l’Ukraine, Union européenne et l’Otan ? Quelle évolution voyez-vous?
Col. Douglas Macgregor : Ma première réaction est d’avancer que pour le moment, la situation en Europe n’est pas aussi mauvaise qu’on le dit mais qu’elle va vite s’aggraver. En matière de stabilité économique, l’impact de la crise énergétique et alimentaire n’est pas très sévère. Pour l’instant.
Malheureusement, aux Etats-Unis comme en Europe occidentale, pour que les gens commencent à se préoccuper des questions importantes, il faudra que les choses empirent significativement. Et elles vont être bien pire. A partir du moment où le froid s’installera vraiment en Allemagne, en République tchèque, aux Pays Bas, au Danemark… on verra des gens réellement souffrir de la crise énergétique.
Je pense également que de plus en plus d’Européens commencent à douter des informations que leur bombardent les médias mainstream, qu’ils soient publics ou privés. Hier, par exemple, un sondage a été publié en Allemagne qui montre que 40% des Allemands doutent de la véracité de ce qu’on leur dit au sujet de la Russie et de ce qui se passe en Ukraine.
Mais une fois encore, il faudra que la crise s’aggrave. Et à mesure que les économies européennes s’effondreront, on pourra peut-être voir des changements. Il ne m’étonnerait pas que la plupart des gens aujourd’hui au pouvoir en Europe ne soient plus là au printemps ou début de l’été prochain.
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L’Eclaireur : Quelle analyse faite-vous de l’alignement des leaders européens sur les positions américaines ?
Col. Douglas Macgregor : Les problèmes auxquels est confronté l’Union européenne sont les mêmes que ceux de l’Alliance atlantique. Personne ne voit ce qui se passe en Europe de l’Est à travers le même prisme. Ce qu’on considère comme un problème ou une menace est contingent d’où on est situé, d’où l’on habite.
Je pense que l’Europe fonctionnait nettement mieux quand elle ne se préoccupait que du marché commun et n’avait pas fait sacerdoce d’imposer un Etat supranational. Il est possible qu’à l’avenir cette obsession fédérale s’estompe, qu’on retourne vers quelque chose qui sera – comment dire ? – moins uniforme dans sa manifestation politique, plus focalisé sur ce qui est bon économiquement pour l’Europe. La multiplicité des points de vue et des d’intérêts, c’est compliqué.
L’Eclaireur : D’un point de vue stratégique, l’effet des sanctions?
Col. Douglas Macgregor : Les Italiens, par exemple, n’ont pas envie de sanctionner la Russie. Ce sont nous les Américains qui avons décidées et imposées les sanctions. Nous ne semblons pas comprendre que quand nous sanctionnons un pays économiquement – que ce soit par des droits de douane ou autre chose – nous menons une guerre économique, ce qui est un conflit bien réel. Et nous avons été en guerre contre tous ceux qui ont une vision du monde différente de la nôtre. Nous sanctionnons des pays qui ne font montre d’aucune hostilité à notre égard, afin de les forcer à faire ce que nous disons. Sinon, ils souffrent.
Après tout, nous contrôlons le système financier. La finance et le commerce mondial sont dollarisés. Nous contrôlons les institutions (de Bretton-Woods, ndlr), Fonds monétaire international comme Banque mondiale. Tout cela sont autant d’instruments que nous avons utilisés pour punir ceux qui ne nous soutiennent pas ou ne se sont pas alignés sur nos positions.
Cela date de la guerre du Vietnam. En fait, on peut même remonter jusqu’à la crise de Suez en 1956. Je pense que les Européens en ont soupé de nos arguties et vont découvrir que ce bonhomme, Stoltenberg (le secrétaire général de l’Otan, ndlr), comme ses prédécesseurs, n’est que le pantin de Washington. Est-ce vraiment là ce que les Européens attendent de l’Otan ? Est-ce bien ce que les Européens veulent de l’UE ?
En toute franchise, je ne vois pas beaucoup d’avenir pour ces deux organisations, qui ne survivront pas à moins de changer profondément, de devenir plus européennes dans leurs orientations. Pour l’instant, elles sont sous influence américaine au service des intérêts américains.
Dans les années 1990, je travaillais à la direction de la stratégie et de la planification (war plans, ndlr) à l’état-major de l’armée de terre, qui est l’une des directions les plus importantes du Pentagone. L’un des sujets majeurs de discussion y était comment européaniser l’Otan, parce que la raison – la menace soviétique – et la mission – préserver la paix en Europe – pour lesquelles on l’avait constituée originellement n’existaient plus.
Il était impérieux de diminuer la présence militaire américaine. Certains, dont moi, étaient partisans d’un retrait presque total d’Europe. Nous n’avons pas eu gain de cause même si l’engagement américain fut considérablement diminué. En outre, nous étions d’avis qu’un Européen occupe le siège de commandant suprême en Europe (SACEUR, Supreme Allied Commander in Europe, ndlr) et que les Européens aient la main haute sur les affaires militaires en Europe, pas les Américains. Là aussi, nous avons perdu la bataille parce que l’establishment politico-militaire américain prend un réel plaisir à diriger l’Europe. Ils adorent ça! Ils adorent dicter ! Et les Européens l’ont accepté parce que cela leur permettait de faire de grosses économies.
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Dans l’Otan, il n’y a pas de structure de commandement et de contrôle strictement européenne. Il n’existe pas de C4ISRC1 sinon l’américain. C’est nous qui avons financé les satellites pour déployer cette infrastructure. Et donc les USA sont forcément les patrons. Les hauts-gradés américains adorent cela. Ils considèrent les pays européens de la même manière que les romains voyaient les cités grecques. Les romains appréciaient et admiraient les grecs mais au bout du compte ont transformé les cités grecques en simples satellites de l’empire romain.
C’est ce qui s’est passé avec l’Europe. C’est malheureux. Ce n’est pas sain. Depuis le début des années 1990, j’ai continuellement tenu ce discours dans tous les cercles dans lesquels j’ai travaillé à l’armée comme depuis ma retraite. Mais les Européens n’ont pas fait montre d’une grande volonté d’indépendance.
L’Eclaireur :vous avez été le conseiller de Stephen Miller, le secrétaire à la défense par intérim au sein de l’administration Trump. Y avait-il dans cette administration des changements de politique allant dans le sens de ce que vous venez de nous exposer?
Col. Douglas Macgregor : Le président Trump était souvent d’accord avec moi lors des conversations privées que nous avions. Il voulait que les Européens se prennent en charge et aient la capacité de première réponse (first responders). Il voulait réduire de manière significative la présence militaire américaine en Europe, en particulier les troupes au sol et recentrer l’attention des Européens sur leur propre défense. Il n’avait pas d’objection à voir un général européen prendre le commandement suprême de l’Otan. Tout cela n’était que des discussions, nous ne sommes pas allés très loin dans la mise œuvre. Mais je suis convaincu que s’il avait été réélu, il aurait choisi cette voie.
Cela va peut-être intéresser vos lecteurs : nous avons exactement le même problème en Asie du Nord-Est qu’en Europe. Les USA sont la puissance dominante sur la péninsule coréenne et nous avons toujours une présence militaire importante au Japon. Nous contrôlons également toute l’infrastructure de contrôle et de commandement dans cette région. Donald Trump pensait que cela aussi devait changer.
Son point de vue achoppait avec celui majoritaire à Washington, mais c’est un point de vue que j’estime être partagé par la plupart des Américains. A savoir que le reste du monde s’est définitivement remis de la Seconde Guerre mondiale. Alors pourquoi sommes nous encore là avec cette débauche de moyens ? Pourquoi continuons-nous de nous comporter comme si la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide qui lui succéda n’avaient pas trouvé leur terme ? Pourquoi avons-nous fait de la Russie une ennemie ? Pourquoi traitons-nous la Chine en paria, qui, comme l’Union soviétique en son temps, doit être écrasée ?
Cela n’a aucun sens. Ce n’est pas rationnel mais cela semble aller de pair avec cette attitude consistant à éviter tout changement à Washington qui réduirait l’influence de certains tout en élevant les intérêts européens et asiatiques au rang de préoccupations légitimes.
L’Eclaireur: Ces gens, peut-on les qualifier de néoconservateurs ?
Col. Douglas Macgregor : C’est plus large que cela. Il faut parler des “globalistes” et des néoconservateurs. Leurs programmes ne sont pas les mêmes mais convergent sur bien des points. lls considèrent que la Russie et la Chine sont des camps retranchés qui doivent être “globalisés” malgré eux, c’est à dire dominés par les Anglo-américains et leur système financier.
Il y a également au sein de notre gouvernement fédéral une ribambelle de gens bien intentionnés mais qui n’ont pas la première idée de ce qu’est le monde au-delà des frontières américaines. Ces personnes embrassent avec application les thèses avancées par les néoconservateurs et les globalistes, d’autant qu’il y a énormément d’argent en jeu. Cet argent est privé comme public. Il joue un rôle déterminant quant à la taille de nos forces armées et quant à la conception des politiques que nous menons
L’Eclaireur: Cela n’a t-il toujours pas été le cas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Quand on regarde l’histoire de la CIA, on se rend compte que les deux frère Dulles2 étaient de grands avocats de Wall Street. Pareil pour Franck Wisner3, le directeur du service clandestin puis de la planification la CIA ?
Col. Douglas Macgregor : Il me semble que c’est un Français qui a dit “Les grands font ce qu’ils veulent. Les petits font ce qu’ils peuvent”4 . Tant que les Etats-Unis sont une grande puissance, ils feront ce qu’ils veulent. Ils agiront toujours selon leurs propres intérêts.
Notre problème aux USA depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, est que nous avons confondu intérêts stratégiques et contrôle du monde, hégémonie politique, économique et militaire. Personne n’a demandé leur avis aux Américains à ce sujet. Ce n’est pas une politique qui a les faveurs de l’américain moyen. Mais c’est ce que nous faisons.
Nombreux sont ceux qui considèrent notre tentative d’affaiblir la Russie en Ukraine comme l’ultime effort pour maintenir cette hégémonie. Ils n’ont pas tort. L’ère de notre empire s’achève. L’ensemble de nos interventions militaires furent des échecs abyssaux. Malgré tout, nous allons d’échec en échec sans jamais perdre notre enthousiasme, comme le disait Churchill !
Les citoyens américains ont très largement renoncé à exercer tout contrôle sur ces échecs et ceux qui les causent, parce qu’ils ne les comprennent pas et qu’ils n’en ressentent pas les conséquences. Si vous demandez à un Américain ce qu’il pense de ce qui se passe en Ukraine, certains, manière de réponse, vous demanderont où est l’Ukraine.
D’autres vous diront qu’il n’en savent pas long sauf que les Russes sont les méchants. Ah bon, les Russes sont les méchants ? Pourquoi ? “Parce que tout le monde le dit”. Pourquoi ne cherchez-vous pas à être mieux informé ? “Ben, parce que ce qui se passe en Ukraine n’a eu aucun effet sur ma vie. Je peux acheter la bière que je veux boire le week-end, je peux regarder mes émissions de télévisions préférées, je peux mettre de l’essence dans ma voiture, je vis dans un logement confortable et tant que cela dure, je ne prêterai pas grande attention à autre chose.” Ça se résume réellement à cela.
Conséquence directe : une petite minorité de gens à Washington fait ce qu’elle veut sans rendre compte de ses actes à quiconque. Elle dépense de l’argent, elle imprime de l’argent. Elle prend des décisions, elle engage des troupes. Et personne ne se lève en disant “Attendez un instant ! Qui a demandé l’avis du peuple américain ? ”
Malheureusement, je ne pense qu’il n’y aura aucune réaction avant une très grave crise. Ce qui renvoie à ce que je disais à propos des Européens : tant que leur confort leur sera peu ou prou garanti, ils ne descendront pas dans la rue pour demander des comptes. C’est la raison pour laquelle aux USA comme en Europe, on persiste à faire tourner la planche à billets et à mal gérer l’économie. On essaie d’anesthésier les populations. Ce que les pouvoirs occidentaux veulent sont des électorats anesthésiés. Des gens qui ne posent pas de questions dérangeantes et qu’on peut mener en bateau. Voilà où nous en sommes.
L’Eclaireur : Apparemment, suite aux fermetures d’usines en Chine pour cause de Covid, il va y avoir une pénurie de 6 millions d’IPhones aux USA pour les fêtes de Noël. On entend une rhétorique américaine extrêmement agressive envers la Chine, notamment dans la bouche d’Antony Blinken (le secrétaire d’Etat, c’est à dire le ministre des affaires étrangères, ndlr). Qu’en est-il ?
Col. Douglas Macgregor : Ma position sur la Chine diverge de celle de M. Blinken. Les points d’achoppement avec l’Empire du milieu sont principalement économiques. Il argue du Fentanyl (un opioïde de synthèse originellement pharmaceutique aujourd’hui fabriqué de manière accrue par les cartels mexicains, ndlr). Cette drogue a certes été à l’origine de plus de 100 000 morts par overdose l’année dernière et ruisselle depuis nos frontières grandes ouvertes et nos ports sans contrôles.
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La Chine ne vend pas les précurseurs du Fentanyl dans l’objectif de nous détruire. La Chine ne fait que vendre en toute légalité des produits chimiques de base là où il y a de la demande, c’est à dire au Mexique et en Amérique latine. Ce sont les cartels mexicains qui font passer le Fentanyl chez nous, parce que nous les laissons faire.
Il n’y a aucune raison à une confrontation militaire entre la Chine et les Etats-Unis. Les Chinois font face à une situation économique difficile. Il y a de multiples bulles financières qui vont éclater, à commencer par l’immobilière. Le défi de Xi Jinping n’est pas les USA mais le maintien de la stabilité intérieure de la Chine, dont l’histoire n’est qu’une succession de changements dynastiques, de renversement radicaux qui se produisent quand certaines conditions sont réunies.
La première de ces conditions: a t-on de quoi nourrir la population ? Cela glisse sur nos neurones d’Occidentaux car nous ne rencontrons pas ce problème, mais nourrir 1,5 milliard d’habitants est une tâche titanesque. Le gouvernement chinois et le président Xi dépendent d’importations pour ce faire, puisque la Chine n’est pas autosuffisante. La plupart de ces importations viennent d’Afrique, d’Amérique du Sud et même des USA.
La deuxième de ces conditions : préserver l’emploi. Une récession est susceptible de générer des chômeurs par dizaines de millions, des gens venus dans les mégalopoles des campagnes pour travailler, et qui devront peut-être y retourner. Pour y faire quoi ?
Autre difficulté de taille, irrémédiable en Chine : la corruption. Le mieux que le régime puisse faire est d’exécuter de-ci de-là un général, un haut fonctionnaire ou un PDG corrompus et espérer que l’exemple ainsi fait permettra un peu d’ordre pour un temps.
Les problèmes intérieurs de la Chine sont énormes, et l’idée qu’elle se prépare à envahir l’Asie du Sud-Est ou Taïwan est absurde. Il n’existe aucune preuve de cela. D’autant que la configuration des forces armées chinoises est principalement défensive. Prenons sa marine, qu’aucun présente comme la première du monde alors qu’un tiers de ses bâtiments sont des bâtiments de garde-côtes. Il ne s’agit pas d’une flotte de guerre de haute mer. Elle connait de gros problèmes de recrutement : les Chinois ne veulent pas s’y engager et être absents pour de longues périodes. La flotte de sous-marins chinoise est très récente et ses bâtiments se sont pas envoyés en longues patrouilles par crainte d’accidents.
Ce que j’essaie de dire est que Blinken et ses amis voient une Chine qui n’existe pas. Et s’ils disent que la Chine n’est pas assez démocratique, je leur rétorquerais qu’en matière de démocratie la manière dont sont organisés les scrutins ici aux USA me préoccupe plus que tout ce qui peut bien ce passer en Chine.
L’Eclaireur : Si vous aviez une question dérangeante à poser au président Biden, quelle serait-elle ?
Col. Douglas Macgregor : J’aurais de très nombreuses questions dérangeantes à lui poser.
Pourquoi concentrons-nous des forces militaires terrestres en Europe de l’Est ? Si notre posture est défensive, nous n’avons pas besoin de tout ce monde en Pologne et en Roumanie. La Russie ne pose pas de menace imminente à l’Otan. Que faisons-nous au juste ? S’agit-il plus que cela a en l’air? Serions-nous en train de planifier une intervention directe en Ukraine ?
L’Eclaireur : Si vous aviez une question dérangeante à poser à Emmanuel Macron, quelle serait-elle ?
Col. Douglas Macgregor : (rires) Il va falloir que je réfléchisse !
La question que je poserais à Emmanuel Macron est la suivante : quels sont les intérêts de la France qui justifient sa participation à une coalition antirusse en Europe de l’Est ?
1 C4ISR est un sigle utilisé pour représenter un ensemble de fonctions militaires définies par C4 (Computerized Command, Control, Communications , anciennement Command, Control, Communications, Computers), I (Intelligence -renseignement) et S (Surveillance), R (Reconnaissance), quelquefois complété par TAR (Target Acquisition and Reconnaissance) en vue de permettre la coordination des opérations.
2 John Foster Dulles, six ans durant ministre des affaires étrangères de Dwight Eisenhower, et son frère Allen Dulles, premier directeur civil de la CIA pour laquelle il travailla quatorze ans durant, jusqu’à la catastrophe de la baie des cochons.
3 Franck Wisner fut de facto le chef des réseaux “stay behind” de l’Otan en Europe.
4 Victor Hugo, dans “L’homme qui rit”.
Source : Eclaireur
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