Le piège des langues officielles
Le gouvernement fédéral a présenté, le 1er mars 2022, son projet de loi visant à moderniser la Loi sur les langues officielles. Le contexte est sérieux : une étude de l’Office québécois de la langue française prédit un effondrement du poids des francophones au Québec, de 81,6 % en 2011 à 73,6 % en 2036.
Avec son projet de loi, le gouvernement fédéral se moque toutefois de cette réalité. Le gouvernement du Québec, qui avait transmis au préalable sa position et ses exigences, voit actuellement toutes ses demandes rejetées par Ottawa. Aucune mesure du projet de loi ne permet de promouvoir ou de protéger la langue française au Québec. Le constat est clair : la réforme fédérale ne répond tout simplement pas aux attentes des Québécois, qui se disent à 67 % en faveur d’un renforcement des lois afin d’améliorer la situation du français au Québec, selon un sondage Léger réalisé en 2020.
Comme si cela n’était pas déjà suffisant, le gouvernement de Justin Trudeau réussit aussi à nuire aux efforts québécois de protection et de promotion de la langue. Le projet de loi fédéral s’attaque effectivement à une mesure phare du gouvernement du Québec : l’application de la Charte de la langue française (loi 101) aux entreprises privées de compétence fédérale.
Comme le rapportait cette semaine Le Journal de Montréal, Air Canada, le Canadien Pacifique, le Canadien National et Via Rail n’ont pas l’intention de s’assujettir à la Charte, préférant attendre la nouvelle loi fédérale qui permettra à ces entreprises de se soustraire à son application. En accordant le choix du régime linguistique fédéral ou québécois aux entreprises, le fédéral vient plutôt consacrer le droit de travailler en anglais au Québec.
En sabordant la loi québécoise, Ottawa s’attaque à un consensus fort. L’application de la loi 101 aux entreprises de compétence fédérale bénéficie notamment de l’appui de l’Assemblée nationale, de tous nos anciens premiers ministres et des maires de toutes les grandes villes du Québec. Au Québec, nous croyons que tous les travailleurs et entreprises devraient être encadrés par le même régime linguistique : celui prescrit par la Charte de la langue française.
Le Québec, en tant que seul État francophone en Amérique du Nord, a une responsabilité particulière à l’égard de la protection et de la promotion de la langue française à l’échelle du continent. On ne peut raisonnablement prétendre protéger le français tout en ignorant sa voix. Les propositions du Québec sont claires et permettent de régler de nombreux défauts actuels de la Loi sur les langues officielles.
Des solutions existent, mais les députés du Parti libéral et du NPD semblent malheureusement vouloir les refuser. En effet, alors que le Comité des langues officielles procède à l’étude du projet de loi, le gouvernement tente de mettre un terme à cette étude en limitant le temps qui y est accordé. Nous croyons qu’afin de rendre acceptable la loi fédérale aux yeux des Québécoises et des Québécois, le point de vue du Québec doit être entendu et pris en considération. Nous demandons aux élus de tous les partis de ne pas museler le débat démocratique et de répondre favorablement aux demandes du gouvernement du Québec.
*Ont aussi signé ce texte :
Guy Rocher, professeur émérite de sociologie
Marie-Anne Alepin, présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
Jean-Paul Perreault, président d’Impératif français
Thérèse David, présidente du Mouvement national des Québécoises et Québécois
Robert Laplante, directeur de l’Action nationale
Étienne-Alexis Boucher, président de Droits collectifs Québec
Charles Castonguay, professeur titulaire à la retraite de mathématiques et de statistique à l’Université d’Ottawa
François Côté, avocat, auteur et conférencier
Frédéric Lacroix, physicien et essayiste
Anne Michèle Meggs, ancienne directrice de la recherche de l’OQLF
Christian Hébert, président de la Société nationale des Québécoises et Québécois de la Capitale
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec