par Alexandre Lemoine.
La Russie a envoyé pour la deuxième fois dans l’histoire son pétrole en Chine via la Route maritime du Nord. L’embargo pétrolier de l’UE, qui entrera en vigueur dans un mois, rend cet itinéraire plus attractif. Il est plus court et rapide, et surtout il n’est pas soumis aux sanctions occidentales. La Route maritime du Nord arrivera-t-elle à sauver le pétrole russe ?
Le premier déchargement du pétrole via la Route maritime du Nord a eu lieu en 2019. Mais il n’y a pas eu de suite, ce qui est assez logique car le principal marché d’écoulement, l’européen, se trouvait à proximité.
Cependant, les sanctions rendent l’itinéraire de la Route maritime du Nord plus attractif pour Moscou, estiment les analystes de Kpler. Car très prochainement, à partir du 5 décembre, la Russie ne pourra plus livrer du pétrole brut à l’UE à cause des sanctions européennes, et des produits pétroliers à partir de février 2023.
Selon l’agence de presse Bloomberg, fin octobre, un cargo amarré à Mourmansk a transbordé du pétrole dans le brise-glace spécial Vassili Dinkov. Ce pétrolier naviguera sur la Route maritime du Nord et devrait arriver au port chinois de Rizhao le 17 novembre. Il s’agit de la deuxième livraison de pétrole russe à la Chine via cet itinéraire.
Le transport de pétrole brut en Chine dans le cadre des sanctions via la Route maritime du Nord peut être bénéfique dans l’ensemble. Premièrement, c’est l’itinéraire le plus court entre l’Europe et l’Asie orientale. La distance entre la Chine et les ports baltes russes est deux fois plus courte que via le canal de Suez. Un cargo partant de Mourmansk arrive en Chine en deux-trois semaines, contre huit semaines via l’itinéraire traditionnel.
Deuxièmement, le passage à travers la Route maritime du Nord est gratuit et ne nécessite pas la délivrance de documents supplémentaires en traversant la frontière d’autres pays. Il n’y a pas de files d’attente ni de pirates, contrairement à l’itinéraire du sud.
L’infrastructure en soi de la Route maritime du Nord est prête, elle est entretenue par Rosatom et ne nécessite pas d’investissements ou de temps. Enfin, cet itinéraire est protégé contre les sanctions.
Pourquoi cet itinéraire n’est-il pas devenu très demandé ? Le fait est qu’il existe, outre des avantages évidents, de nombreux problèmes.
À commencer par les conditions de navigation les plus austères de la planète. La Route maritime du Nord de la Russie passe par des icebergs avec des températures extrêmement basses. D’où un autre problème : la nécessité de navires spéciaux et de brise-glaces pour transporter des chargements.
En hiver polaire, il est pratiquement impossible de maintenir la température nécessaire dans des pétroliers classiques. Cela nécessite des cargos spéciaux pour maintenir une température précise. Sans oublier les exigences quant au professionnalisme de l’équipage.
La Russie doit créer une grande flotte, qui n’existe nulle part dans le monde, pour que les livraisons de pétrole via cet itinéraire deviennent régulières et importantes. Cela prendra beaucoup de temps.
Une autre difficulté est que les confinements constants en Chine à cause du coronavirus ont fait chuter la consommation de pétrole, au plus bas depuis cinq ans, c’est pourquoi il pourrait être difficile d’augmenter les livraisons de pétrole brut au-delà des quantités actuelles élevées.
Tous ces problèmes ne se règlent pas rapidement et nécessitent d’immenses investissements. C’est pourquoi il sera probablement impossible d’augmenter les livraisons de pétrole via la Route maritime du Nord en direction de l’Asie dans les années à venir.
Et il faut aussi trouver des acheteurs en Asie dans le cadre de contrats à long terme. D’ici là, le pétrole sera livré via le canal de Suez par des cargos de classe Aframax.
À noter que la Russie ne livre plus autant de pétrole qu’avant en UE. C’est pourquoi les conséquences de l’embargo pétrolier ne seront pas catastrophiques. La Russie achemine actuellement en UE entre 1,2 et 1,4 million de barils par jour, alors que les exportations globales de brut russe s’élèvent à environ 4,5 millions de barils par jour.
source : Observateur Continental
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