De l’année qui s’achève, les livres d’histoire retiendront la guerre en Ukraine, l’inflation et le trépas de Sa Majesté la reine. Des évènements sur lesquels les citoyens lambdas n’ont que peu d’emprise, n’est-ce pas?
Mais il y a aussi tous ces jougs que l’on s’impose soi-même, tous ces esclavages modernes qui nous détruisent à petit feu et auxquels nous adhérons en concédant chaque jour des parcelles de notre liberté, voire de notre humanité. Ainsi, par nos achats sur Amazon, nous nous serions libérés du cordonnier grognon au bout de la rue; par la porno, nous nous serions délivrés des maladies vénériennes et des grossesses non désirées.
«Intelligence artificielle»
Au cours de cette même annus horribilis – hormis peut-être pour le désormais roi Charles III qui a enfin sa place au soleil – a émergé sur le Web un procédé de création d’œuvres d’art par «intelligence artificielle». Notez les guillemets. Selon moi, un algorithme est aussi capable d’intelligence qu’un ourson en peluche est capable de tendresse.
Toujours est-il que, pour faire fonctionner cette nouvelle patente, il suffit d’écrire quelques mots (par exemple: chefs des cinq principaux partis politiques québécois, à la manière des Baigneuses de Renoir), et la boite à images réalise en un claquement de doigts ce qu’un esprit pervers vient tout juste d’imaginer.
Au début, cet outil fascine. Cela nous impressionne autant que les robots qui rédigent déjà des articles dans la colonne des sports de grands quotidiens, ou que ceux avec qui nous clavardons sur la page Web du service à la clientèle d’un commerce. J’entends des applaudissements jaillir des salles de rédaction un peu partout dans le monde: «Ça va révolutionner l’art! On n’aura plus besoin d’embaucher des artistes pour illustrer les articles de magazine!»
Nous ne boirons pas de cette eau.
Débile devant la puissance
D’abord, parce que nous pensons à toutes les rencontres avec des illustrateurs et photographes, toutes les nuances aux œuvres apportées à la suite de discussions – parfois viriles – avec ces derniers. L’expérience nous l’a maintes fois enseigné: la relation entre des personnes, aussi imparfaites soient-elles, est au cœur du processus créatif.
Puis, et ce n’est pas une mince affaire, on découvre en lisant La Presse les preuves que cette vaste entreprise ne peut fleurir qu’en s’appropriant illégalement des milliers d’œuvres d’art faites par de vrais artistes, dont plusieurs sont toujours vivants, pour ensuite les plagier sans vergogne.
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Dans les autres langues latines, la débilité désigne la faiblesse en général et pas seulement les limites de capacités mentales, comme c’est le cas dans un français familier, où le terme est opposé à la raison.
Devant la puissance croissante de l’intelligence artificielle dans tant de sphères de nos vies publiques et privées, il importe de revendiquer une certaine débilité bien placée. Et avec Paul de Tarse, je clame: «Lorsque je suis débile, c’est alors que je suis fort» (2 Co 12, 10).
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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