La communauté internationale a exigé une nouvelle fois la fin de la guerre économique que mènent les États-Unis contre l’île.
Le 3 novembre 2022, l’Assemblée générale de l’ONU a une nouvelle fois condamné à une écrasante majorité de 185 voix l’état de siège économique que Washington impose à la population cubaine depuis 1960. Seuls les États-Unis et Israël ont voté contre la résolution annuelle, alors que le Brésil et l’Ukraine ont choisi l’abstention. Depuis trois décennies – la première résolution ayant été présentée en 1992 – la communauté internationale exige la levée des sanctions qui affectent toutes les catégories de la société cubaine, en particulier les plus vulnérables, et constituent le principal obstacle au développement du pays.
Imposées en 1960 par le président Eisenhower dans le but de renverser le gouvernement révolutionnaire de Fidel Castro, les sanctions ont été maintenues, voire renforcées par les différents gouvernements. Elles sont condamnées par le monde entier en raison de leur caractère illégal aux yeux du droit international public. En effet, les sanctions contiennent des caractéristiques extraterritoriales, notamment la loi Torricelli de 1992, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent au-delà des frontières nationales, à tous les pays. Ainsi, tout bateau, quelle que soit l’origine de son pavillon, qui accoste dans un port cubain se voit interdire l’entrée aux États-Unis durant six mois. Les sanctions sont également rétroactives avec la loi Helms-Burton de 1996 qui sanctionne les entreprises étrangères investissant dans des propriétés à Cuba ayant appartenu à des citoyens étasuniens dans les années 1960, ce qui est illégal, car une loi ne peut s’appliquer pour des faits survenus avant son adoption. L’objectif de ces sanctions – qui portent atteinte à la souveraineté de Cuba et des pays souhaitant entretenir des relations normales avec l’île – est d’empêcher le développement du commerce international de Cuba et de priver l’île d’investissements étrangers.
La rhétorique diplomatique étasunienne pour justifier le maintien d’une politique hostile à l’égard de l’île n’a cessé d’évoluer au fil du temps : nationalisations de propriétés, alliance avec l’Union soviétique, soutien aux mouvements révolutionnaires et indépendantistes à travers le monde et, désormais, la question de la démocratie et des droits de l’homme. Les États-Unis justifient aujourd’hui leur politique par leur volonté « de se tenir aux côtés du peuple cubain dans leur quête de liberté, de prospérité et d’un futur plus digne », insistant sur l’intérêt porté à leur « bien-être politique et économique ».
Mais la communauté internationale, y compris les alliés de Washington, n’a guère été convaincue par ces arguments jugés peu crédibles. « L’Assemblée générale exige de nouveau la levée du blocus de Cuba », ont annoncé les Nations unies, qui demandent l’abrogation des différents textes de loi contraires à leur Charte. En effet, 80% de la population cubaine est née sous le régime de sanctions, qui ont coûté au pays la somme astronomique de 1 391 milliards de dollars depuis leur imposition. Rien que sur les 14 premiers mois de l’administration Biden, les sanctions ont privé l’île de près de 7 milliards de dollars, soit 15 millions de dollars par jour. « A quoi ressemblerait Cuba si elle avait pu bénéficier de ces ressources », s’est interrogé Bruno Rodríguez Parrilla, Ministre cubain des Affaires étrangères.
L’Union européenne, par la voix de la République tchèque, a condamné la politique étasunienne, votant à l’unanimité pour « la levée du blocus » : « Les sanctions imposées par Washington impactent non seulement Cuba mais aussi l’UE » car « elles violaient en outre les accords signés entre l’UE et les États-Unis en 1998 ». La Communauté des États d’Amérique latine et de la Caraïbe (CELAC) a souligné pour sa part que « le blocus cause toujours des dommages substantiels et injustifiables au bien-être du peuple cubain et constitue un obstacle majeur au développement de Cuba ». Le Groupe des 77 s’est inquiété « d’un risque d’étouffement [du] potentiel économique et humain » de l’île. Le Groupe des États d’Afrique a exprimé « sa condamnation du blocus imposé à Cuba ». Le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations unies a dénoncé « une des violations les plus prolongées de la Charte des Nations unies ».
De son côté, la Chine a souligné que « les mesures coercitives unilatérales américaines de longue date contre Cuba […] portent atteinte au droit à la survie et au développement […] et violent les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies ». L’Afrique du Sud a dénoncé « les dommages incommensurables qui ont été causés à Cuba et à son peuple par des mesures coercitives unilatérales injustifiées ». L’Inde a souligné que l’état de siège « min[ait] le multilatéralisme et sap[ait] la réputation de l’ONU ». Le Mexique a également fustigé la politique des États-Unis :
Toute mesure unilatérale conçue comme un moyen de pression politique pour promouvoir depuis l’extérieur des changements dans les décisions internes d’un autre État contrevient à la Charte de l’ONU. […] Le Mexique condamne dans les termes les plus énergiques le blocus commercial et financier imposé depuis presque six décennies contre Cuba.
Durant son mandat de 2017 à 2021, Donald Trump a imposé pas moins de 240 nouvelles sanctions contre Cuba, dont près de 50 en pleine pandémie de Covid-19 qui ont notamment privé l’île de matériel médical vital tels que les respirateurs. Contrairement à ses engagements de campagne, le président Joe Biden n’est pas revenu sur ces mesures coercitives qui sont toujours en vigueur. Durant les six premiers mois de son mandat, les sanctions, qui s’appliquent également dans le domaine de la santé, ont affecté près de 160 000 patients. En effet, Cuba se voit interdire l’acquisition de technologie médicale ou de médicaments produits aux États-Unis. De la même manière, Cuba ne peut pas avoir accès à la technologie médicale et aux médicaments produits dans d’autres pays si ces derniers contiennent plus de 10% de composants étasuniens.
Unanimement condamnées depuis trois décennies par la communauté internationale, les sanctions économiques des États-Unis contre Cuba sont anachroniques, cruelles et illégales. Principal obstacle au développement du pays, ces mesures coercitives unilatérales violent les droits fondamentaux des Cubains et ont un grave impact sur leur bien-être physique et moral. Elles sont l’illustration de l’incapacité de Washington à reconnaître l’indépendance de Cuba et à accepter le fait que l’île ait choisi un système politique et un modèle socio-économique différents. Seul le dialogue respectueux basé sur l’égalité souveraine, la réciprocité et la non-ingérence dans les affaires internes permettra de régler le conflit asymétrique qui oppose Washington à La Havane.
Salim Lamrani
Université de La Réunion
Salim Lamrani : Docteur ès Études ibériques et latino-américaines de Sorbonne Université, Salim Lamrani est Maître de conférences HDR à l’Université de La Réunion et spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis.
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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