Pour Serge Halimi, la gauche est désarmée face à la guerre : « De Jean Jaurès à Aristide Briand, de Lénine à Clara Zetkin, lorsqu’une guerre éclatait en Europe et menaçait de l’ensevelir, tribuns de gauche et manifestants pacifistes donnaient de la voix. Rien de tel dans le cas de l’Ukraine. Alors que le conflit s’envenime et que les médias s’enflamment, la gauche européenne est aphone. »
Pour Hélène Richard, dans la guerre d’Ukraine, les sanctions sont à double tranchant : « Il y a quelques mois, les dirigeants européens voulaient croire que la « guerre économique et financière totale » lancée contre Moscou serait une promenade de santé. « La Russie est un très grand pays et un grand peuple (…) mais c’est à peine plus que le PIB [produit intérieur brut] de l’Espagne », indique le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton sur RTL, le 1er mars, tout en assurant que son « impact sera faible » en Europe. Six mois après la première salve de sanctions occidentales, l’économie russe accuse le coup, mais l’effondrement n’a pas eu lieu. Le Fonds monétaire international (FMI) tablait, en mars, sur une récession de 8,5 %. La Banque mondiale parle désormais d’une chute du PIB de 4 %. À ce rythme, la richesse du pays est loin d’être « divisée par deux », comme l’annonçait le 26 mars dernier, à Varsovie, le président américain Joseph Biden devant un parterre de Polonais. »
Marie-Pierre Rey se souvient d’une époque où la Russie avait perdu la guerre de Crimée : « Largement oubliée dans les pays qui, tels la France et le Royaume-Uni, l’ont gagnée, la guerre de Crimée (1853-1856) fait l’objet d’un souvenir vibrant en Russie, qui l’a pourtant perdue… »
Jonathan Sperber revient sur Marx et la question d’Orient : « Abject, canaille, reptilien… Karl Marx ne portait pas le tsarisme russe dans son cœur. Aussi, quand la guerre de Crimée éclate, se passionne-t-il pour ce conflit, dont il fait une lecture toute particulière. »
Michael Zemmour se demande s’il va bientôt attendre 70 ans pour prendre sa retraite : « Fin 2019, la mobilisation contre la réforme des retraites avait relayé celle des « gilets jaunes ». En sera-t-il de même fin 2022, après que l’automne a été marqué par des grèves dans les raffineries et certains services publics pour obtenir des augmentations salariales ? Les premières annonces du gouvernement suggèrent des mesures qui accéléreraient la baisse du montant des pensions. »
Marc Lenormand observe l’été indien du mécontentement au Royaume-Uni : « Boycott des factures d’énergie, grève des dockers, des postiers, dans les usines et les chemins de fer : au Royaume-Uni, l’« été du mécontentement » se prolonge cet automne, alors que le pays s’enfonce dans la crise économique et politique. En fonctions depuis le 6 septembre, la première ministre Elizabeth Truss n’aura tenu que quarante-quatre jours avant d’annoncer sa démission… »
Dominique Pinsolle revient sur une époque où les syndicats « empêchaient la grande presse de baver » : « Parce qu’ils mettent en scène la vie publique, les médias bénéficient d’une certaine indulgence de la part des partis et des syndicats : toute critique appuyée du rôle social joué par les journalistes expose ses auteurs au soupçon de saper la démocratie. Tel n’était pas le cas au début du XXe siècle : la Confédération générale du travail (CGT) bataille alors vigoureusement contre la presse dominante. »
En Nouvelle-Calédonie, les élections provinciales de 2019 ont acté le retour d’une droite revancharde et affairiste face à des forces indépendantistes peu inspirées. Revendiquant une troisième voie, un jeune parti « océanien » tente de rebattre les cartes. Entre instrumentalisation et réactivation de liens ancestraux, la notion d’« identité océanienne » peut-elle infléchir la sortie de l’accord de Nouméa ? Sylvain Derne explique que la Nouvelle-Calédonie fait « le pari de l’identité océanienne » : « En Nouvelle-Calédonie, les élections provinciales de 2019 ont acté le retour d’une droite revancharde et affairiste face à des forces indépendantistes peu inspirées. Revendiquant une troisième voie, un jeune parti « océanien » tente de rebattre les cartes. Entre instrumentalisation et réactivation de liens ancestraux, la notion d’« identité océanienne » peut-elle infléchir la sortie de l’accord de Nouméa ? »
Violette Goarant se demande s’il fait toujours bon vivre en Suède : « Passé de 5,7 % à 20,5 % des voix en douze ans, le parti d’extrême droite des Démocrates de Suède, Sverigedemokraterna (SD), occupe depuis septembre une place privilégiée au Parlement et soutient la coalition de droite. Sa percée peut surprendre dans un pays synonyme de social-démocratie. Paradoxalement, elle s’explique par le souvenir d’une facette peu connue de l’État-providence. »
Philippe Pataud-Célérier nous emmène chez les Papous où s’est installé un géant du cuivre très menaçant : « Freeport-McMoRan figure parmi les plus gros groupes miniers cotés à Wall Street. Loin de la légende du patron de génie parti de rien pour dominer le monde du cuivre, les dirigeants ont bénéficié de l’appui d’élus américains corrompus, des coups bas de la Central Intelligence Agency, de complicités diverses en Amérique du Nord, en Papouasie occidentale… Et cela continue. »
Romain Droog répertorie les nombreux conflits de voisinage en Amérique Latine : « Héritées des indépendances, les frontières latino-américaines sont bien loin d’être intangibles. De nombreux différends opposent des pays à leurs voisins ou à une puissance européenne. Les récits nationaux, souvent renforcés par les programmes scolaires, entretiennent la sacralisation des territoires. Et appellent à la récupération des terres perdues. »
Pour Thierry Brésillon, la transition tunisienne est en ruine : « « Retour de la dictature », « contre-révolution », « fin du “printemps arabe” » : les verdicts ne manquent pas pour condamner à raison la démarche autoritaire du président Kaïs Saïed, dont le pays subit une grave crise financière. En réalité, la démocratie tunisienne naissante s’était enlisée depuis bien longtemps dans les arrangements mercantiles et la dépolitisation de la question sociale. »
Mitra Keyvan est allé enquêter chez les Iraniennes qui « allument un brasier social » : « Une révolte contre le port obligatoire du voile ? Assurément. Mais le soulèvement qui ébranle la République islamique ne se limite pas à cela. Les fondements du régime sont attaqués et plusieurs catégories de la population sont unies par un ras-le-bol généralisé. Si l’issue du soulèvement est incertaine en raison d’une brutale répression, la volonté de changement demeure intacte. »
50 ans après le procès de Bobigny, Le Monde Diplomatique publie des témoignages de femmes qui voulurent se faire avorter alors que c’était sévèrement puni par la loi : « Tribunal de Bobigny, 8 novembre 1972. L’avocate Gisèle Halimi appelle Paul Milliez à témoigner en faveur de Michèle Chevalier, accusée, avec trois autres femmes, d’avoir aidé sa fille Marie-Claire à se faire avorter. « Si Mme Chevalier était venue me trouver, je l’aurais sûrement aidée », annonce le célèbre professeur de médecine, catholique pratiquant et opposant à la légalisation de l’avortement. Dans les semaines qui suivent cette déposition — décisive dans le dénouement du procès qui contribuera, en 1975, à autoriser l’interruption volontaire de grossesse —, Paul Milliez reçoit des centaines de lettres. Des attaques de confrères, des messages de soutien, des commentaires philosophiques… Mais aussi des lettres de femmes désespérées, qui implorent son aide. »
Pour Ilioné Schultz, l’arme du viol est désormais au banc des accusés : « La Cour pénale internationale devra établir si les viols commis par les soldats russes en Ukraine constituent des crimes contre l’humanité. En attendant, bien des obstacles demeurent pour rendre justice aux victimes. »
Michaël Jean analyse le malentendu croissant entre la France et la francophonie : « Le XVIIIe Sommet de la francophonie se tient les 19 et 20 novembre à Djerba, dans une Tunisie en pleine dérive autocratique. Tandis que les Français ne représentent plus qu’une minorité parmi les francophones, la France tente de corseter une organisation internationale qui se voulait émancipatrice pour tous les locuteurs de cette langue-monde, regrette une témoin privilégiée de ce reniement. »
Pour Éric Dussert, il faut désormais désherber les bibliothèques : « Désherber : éliminer les mauvaises herbes d’un terrain. Synonyme : sarcler ». Le dictionnaire Larousse ajoute une définition moins connue : « Retirer les ouvrages vétustes ou obsolètes des collections d’une bibliothèque ». Cette pratique a toujours eu cours. L’écrivain et spécialiste des bibliothèques Eugène Morel (1869-1934) en faisait déjà en 1908 la promotion, pour des raisons d’efficacité et de coût d’une logique imparable : « Le plus grand nombre de livres n’augmente pas seulement le chemin à faire pour les trouver, les rayons pour les mettre, et les bâtiments, et l’entretien des bâtiments, nettoyage et ce qui s’ensuit, mais rend plus difficiles le classement, les remaniements, plus long et plus coûteux le Catalogue. »
Pour Akram Belkaïd, la Coupe du monde de football est la “ coupe de trop ” : « Le 2 décembre 2010, à Zurich, un vote du comité exécutif de la Fédération internationale de football association (FIFA) désigne le Qatar pour organiser la Coupe du monde de 2022. À Doha, la capitale de l’émirat, c’est une explosion de joie. Les sirènes des navires retentissent dans le port, les klaxons des berlines rutilantes qui longent la corniche leur font écho et les médias locaux célèbrent en boucle une reconnaissance internationale consacrant l’entrée du pays dans la cour des grands. L’émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, père de l’actuel souverain, qui lui a succédé en 2013, exulte. Son royaume est désormais connu de la planète entière. »
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir