Par Rodrigue Tremblay, économiste et ancien ministre
« Les raisonnements économiques sur l’immigration sont généralement tout à fait superficiels. C’est un fait que dans les différents pays (riches), le capital national reproductible est de l’ordre de quatre fois le revenu national annuel. Il en résulte que lorsqu’un travailleur immigré supplémentaire arrive, il faudra finalement pour réaliser les infrastructures nécessaires (logements, hôpitaux, écoles, universités, infrastructures de toutes sortes, installations industrielles, etc.) une épargne supplémentaire égale à quatre fois le salaire annuel de ce travailleur. Si ce travailleur arrive avec une femme et trois enfants, l’épargne supplémentaire nécessaire représentera suivant les cas, dix à vingt fois le salaire annuel de ce travailleur, ce qui manifestement représente pour l’économie une charge très difficile à supporter. »
Maurice Allais (1911-2010), économiste français, prix Nobel d’économie 1988.
Le mardi 1er novembre, le gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau, suivant en cela les recommandations du lobby torontois Century Initiative, a fait connaître son projet de rehausser les cibles annuelles d’immigration du Canada de manière à accueillir 500 000 nouveaux résidents permanents dès 2025, un chiffre qui représenterait un record historique et qui dépasserait ce qu’aucun autre pays, toutes proportions gardées, ne fait.
Pour ce faire, le gouvernement libéral minoritaire de J. Trudeau sous-estime à dessein les problèmes économiques, sociaux et écologiques qui pourraient découler d’une telle surpopulation.
Il agit aussi en violation du principe démocratique, car il engage l’avenir de la population pour des décennies à venir sans la consulter explicitement, en tenant des consultations publiques en bonne et due forme, et sans tenir un référendum ou une élection axée sur un thème aussi majeur. (Rappelons qu’il y eu au Canada, le 21 novembre 1988, une élection spécialement axée sur une politique de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.)
Il faut savoir que le parti libéral du Canada (PLC) n’obtint que 32,6 pourcent des suffrages lors de l’élection générale du 20 septembre 2021. De plus, comme le taux de participation à cette élection ne fut que 62,9 pourcent, l’appui populaire direct que le PLC a reçu de l’ensemble des électeurs canadiens n’a été que de 20,3 pourcent. Personne ne peut prétende que le gouvernement minoritaire libéral actuel, en poste à Ottawa, jouit d’un mandat clair et légitime de la population canadienne pour changer substantiellement la composition démographique du pays, au cours des décennies à venir.
Il viole aussi le principe de bonne gouvernance, car ce gouvernement minoritaire n’a déposé aucune étude économique sérieuse, ou à tout le moins, un livre Blanc, pour appuyer sa politique d’immigration ultra massive, préférant s’en remettre aux intérêts de lobbys privés, comme celui du Century Initiative de Toronto, dont l’objectif est de tripler la population canadienne d’ici l’an 2100, afin d’avoir 100 millions habitants.
(Ainsi, il y est prévu par l’organisme que la population du Toronto métropolitain passerait de 8,8 à 33,5 millions d’habitants; celle du Montréal métropolitain gonflerait de 4,4 à 12,2 millions d’habitants; celle du Vancouver métropolitain grandirait de 3,3 à 11,9 millions d’habitants, etc.) Dans un tel contexte démographique gonflé, le paradis commercial que certains envisagent risque plutôt d’être un enfer de congestion, de pollution, de crise permanente du logement, de surcharge des services publics en santé, en éducation, en transport, en plus de provoquer une dégradation de la cohésion sociale et de nombreux autres problèmes sociaux.
De même, le gouvernement libéral minoritaire de J. Trudeau n’a fournit aucune mesure des impacts sociaux, politiques et écologiques de sa course démographique dans le vide, la plus radicale de tous les temps.
À vouloir à tout prix transformer le Canada en un pays qui ressemblerait à un États-Unis du nord, ce gouvernement, d’une manière inconsciente ou non, se trouve à préparer le Canada à une intégration avec les Etats-Unis — eux-mêmes aux prises avec de sérieux problèmes sociaux et politiques — dans une génération ou deux.
Il y va de la responsabilité des partis d’opposition à la Chambre des Communes de s’opposer à la politique improvisée d’immigration ultra massive du gouvernement libéral minoritaire du premier ministre Justin Trudeau, et au besoin, de l’obliger à déposer les études qui justifient une telle politique. Sinon, ils doivent l’obliger à déclencher des élections générales afin que la population ait son mot à dire sur cette question existentielle.
On ne peut se venter de vivre en démocratie et, en même temps, laisser des lobbys privés dicter les politiques publiques.
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