Le récent décès de l’un de mes oncles, et surtout l’expéditive «cérémonie» au salon funéraire l’ayant suivi, m’ont amené à réfléchir sur les rapports qu’entretient notre société avec cette ultime étape qui nous attend tous. Réflexions autour de la mort et des rites funéraires.
Disons-le sans détour : nous refusons souvent de penser à la mort par peur de celle-ci et parce qu’elle remet en cause certains schémas sociaux dominants. La vilaine faucheuse s’attaque farouchement à une vision sociale qui est essentiellement basée sur un culte de la jeunesse éternelle et sur la négation de toute conception de l’au-delà.
Dans un monde athée, où l’image normative de la réussite se construit presque exclusivement en proposant des modèles jeunes, beaux et en santé, il est évident que l’image du malade, du vieillard, du mourant et du mort dérange.
En découle une manie de vouloir cacher à tout prix l’inévitable dégradation physique par un ensemble d’artifices. Maquillage, teinture et chirurgie esthétique donnent l’illusion d’une jeunesse éternelle. Cette pression sociale est encore plus présente pour les femmes. Leurs cheveux gris font d’elles des «vieilles», alors que les miens, si j’avais la chance qu’ils grisonnent avant de tomber, feraient de moi un homme d’expérience…
Il faut l’admettre, ces stratagèmes de dissimulation peuvent fonctionner un moment. Mais tôt ou tard surviendront des ennuis corporaux ou mentaux qui seront impossibles à camoufler, puisque nos corps sont tous voués à se dégrader.
Cacher la mort
Se refuser à reconnaitre ce fait a pour conséquence que les vieux et les malades sont malheureusement trop souvent mis à l’écart. Combien d’histoires entend-on sur ces pauvres personnes âgées que personne ne visite? C’est comme si la société, idolâtre de la jeunesse, se refusait à voir «pépère» et «mémère» en face parce que ceux-ci lui rappellent qu’elle aussi va vieillir.
Sauf que le temps fait forcément son œuvre et, bien souvent à l’abri du regard des plus jeunes, les vieux finissent par quitter ce monde. Et en résulte le pire des encombrements pour les tenants du déni de notre mortalité: le cadavre.
Le déni causé par les schémas sociaux que nous évoquions plus haut se poursuit en évitant autant que possible toutes les formes de rituels religieux entourant la mort. La famille ira à reculons au salon funéraire, un moment d’inconfort vécu comme un mal nécessaire, puisqu’après tout il faut bien se débarrasser du corps.
L’évènement sera le plus précipité possible, et surtout dénué de toutes références explicites à un possible au-delà. On lira probablement un petit texte en mémoire du défunt, on pleurera quelques malheureuses minutes, et chacun quittera le lieu dès que possible. Pauvre mononcle! 76 ans d’une vie bien remplie lui auront valu une expéditive cérémonie de dix minutes…
D’une certaine manière, en tant qu’humains, nous sommes tous un peu à l’image de saint Thomas: nous avons besoin de voir pour croire. Assister à une cérémonie funéraire ou voir un mort nous force à réfléchir à notre propre finalité, puisque nos sens confirment ce que notre raison sait déjà : nous aussi sommes mortels.
De la nécessité du rituel
Cela fait des siècles que les artistes qui réalisent des memento mori l’ont compris. Ces œuvres mettent précisément en scène des «rencontres» avec la mort, qui sont pour les vivants une occasion de chercher un sens à donner à leur propre existence.
N’en déplaise aux athées fervents, la plupart des humains trouveront un sens et un sentiment d’acceptation face à la mort dans les croyances religieuses qui les habitent. Sans repères religieux, il est difficile de prétendre que l’expérience de la mort peut avoir un sens.
Les rituels funéraires visent précisément à rappeler le sens de la mort pour la communauté assemblée en mémoire du défunt. Pour les chrétiens, il s’agit de rappeler la promesse d’une vie éternelle auprès de Dieu.
Ainsi, les rituels funéraires d’adressent autant aux morts qu’aux vivants. D’une part, ils sont, dans tous les systèmes religieux, perçus comme une aide métaphysique pour l’âme du défunt qui est passée dans un autre plan d’existence. C’est pourquoi les chrétiens prient dans l’espoir d’intercéder en faveur du défunt.
D’autre part, si notre société sécularisée peut être sceptique à propos des bénéfices métaphysiques des rituels funéraires pour les défunts, il lui sera plus difficile d’argumenter contre les bénéfices qu’ils apportent aux vivants.
En donnant un sens à la mort, les rituels funéraires apportent réconfort aux vivants et facilitent par conséquent leurs processus de deuil. En somme, le rituel permet de mettre fin à toutes les formes de déni. Il permet à la fois à la communauté de comprendre que le défunt est bel et bien décédé, en plus de faire forcément réfléchir sur sa propre condition de mortel chaque participant à la cérémonie.
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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