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par Strategika 51.
En janvier 1991, une coalition internationale dirigée par les États-Unis lancent une vaste campagne aérienne contre l’Irak de Saddam Hussein suite à son invasion du Koweït le 2 août 1990. La plus grande offensive aérienne depuis la Seconde Guerre mondiale montra vite ses limites en dépit de l’enthousiasme des partisans de la théorie de la guerre aérienne totale et il s’avéra que loin de détruire le potentiel militaire irakien, assez modeste par ailleurs, elle engloutissait des sommes colossales pour détruire des leurres et de vieux systèmes d’armes valant au mieux le 1/10 du coût du missile de croisière utilisé à cette fin.
Washington menaça l’Irak d’utiliser des armes nucléaires tactiques à deux reprises consécutives. La première avant le 16 janvier 1991, date du déclenchement de l’opération Desert Storm (Tempête du Désert) au cas où le régime irakien s’avisait à frapper Tel-Aviv avec des missiles Scud portant des ogives chimiques ; la seconde fois durant la troisième semaine de la campagne aérienne quand le renseignement militaire conclut que le potentiel militaire irakien, considéré comme presque anéanti, était encore capable de constituer une menace élevée en cas d’une opération terrestre de la coalition. Ce qui s’avéra correct lorsque les chars Abrams US furent arrêtés par des chars T-72 irakiens non loin de Bassorah, profitant de conditions météorologiques défavorables au déploiement d’hélicoptères d’attaque antichar de la coalition. Ce bref engagement terrestre amena le président George Bush père à mettre fin aux opérations.
Dans les deux cas, la mission de transmettre la menace d’un usage d’armes nucléaires tactiques US contre l’Irak fut menée par des diplomates européens jugés plus neutres. Pour certains historiens, c’était un bluff qui aurait fonctionné. Cependant pour les Irakiens, ce n’était nullement un bluff ou une menace en l’air. Ils savaient que Washington n’hésitera pas à user d’armes nucléaires tactiques dès le moindre semblant de défaite d’unités conventionnelles sur le terrain. La guerre étant avant tout celle des images et les États-Unis voulaient à tout prix paraître comme la nouvelle hyper puissance mondiale ayant émergé victorieuse de la longue guerre froide 1.0.
Une décennie plus tard, trois mois avant l’invasion de l’Irak, les États-Unis avaient encore brandi la menace nucléaire contre une armée irakienne usée jusqu’à la corde, dépourvue de défense aérienne et dont le commandement avait été compromis.
Cette propension à brandir la menace nucléaire à chaque fois qu’existe un risque de blocage dans un conflit où sont employés des moyens conventionnels n’est pas nouvelle mais émane depuis l’origine de l’arme nucléaire. Il ne faut pas perdre de vue que les bombardements atomiques des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagazaki en août 1945 sont encore justifiés par des impératifs d’ordre tactique face à un adversaire dépourvu de DCA et en déroute avancée. Parmi les arguments utilisés pour justifier ces bombardements ayant ciblé des villes dont une n’ayant aucun intérêt militaire, est que cela aurait permis d’abréger la guerre et d’épargner la vie de soldats américains. D’autres analyses mettent plutôt en exergue des considérations d’ordre géostratégiques visant moins le Japon détruit que l’URSS, un allié qui venait de remporter la guerre en Europe et émergeait à son tour parmi les grands vainqueurs de la guerre et donc le futur grand rival.
Nous avons donc un usage primordial de bombes à fission nucléaire larguées par des bombardiers B-29 sur deux villes japonaises. Une troisième ville japonaise allait subir le feu atomique mais l’empereur Hiro Hito annonça le 15 août 1945 dans une allocution radiophonique que le Japon acceptait les termes de la Conférence de Potsdam en Allemagne occupée fixant le sort des puissances de l’Axe, mettant ainsi fin à la guerre du Pacifique et épargnant au Japon d’autres larguages à intervalles réguliers de bombes atomiques sur des villes densément peuplées.
Le 25 juin 1950 éclate la guerre de Corée et le jour même le Conseil de sécurité des Nations unies votait la résolution 82 permettant l’envoi d’une force multinationale en soutien à la Corée du Sud dirigée par le général US Douglas MacArthur, le généralissime ayant commandé les forces armées américaines en Extrême-orient puis Commandant suprême des forces alliées dans le sud-ouest du Pacifique et enfin Commandant suprême des forces alliées au Japon. Dès le mois de décembre 1950, Douglas MacArthur et le chef d’état-major de l’armée de terre (US Army) Joseph Lawton Collins envisagent la possibilité d’utiliser des armes atomiques en Corée et même en Chine. Bien qu’il témoigna du contraire devant le Congrès, MacArthur critiqua publiquement la politique de la guerre limitée de Truman en péninsule coréenne et demeura convaincu que seul un largage de bombes atomiques sur les bases ennemies en Corée du Nord, en Manchourie et en Union soviétique pouvait changer le cours du conflit. L’administration US et l’Europe occidentale y virent le risque d’une guerre nucléaire avec l’URSS et jugèrent que MacArthur était trop dangereux pour être maintenu dans son commandement.
En octobre 1973, la quatrième guerre entre des pays arabes et Israël se termine également par des menaces nucléaires à différents niveaux : le cabinet israélien via la Maison Blanche où il entretenait des relations plus que difficiles avec le président Richard Nixon (il le paiera cher) ; la plantation de mines atomiques au Golan et enfin la double menace nucléaire soviétique et américaine. Il ne faisait aucun doute pour tout le monde que la moindre défaite décisive des Israéliens sur le plan militaire allait être fatal et entraîner l’usage systématique de ses armes nucléaires (l’ambiguïté stratégique israélienne sur ce sujet n’a jamais caché ce postulat). Nixon n’était pas d’accord avec cet état de fait et ordonna des survols d’avions espion Blackbird SR-71 au-dessus de la Palestine. Un des affronts qui allaient précipiter sa chute après l’affaire piège du Watergate.
En octobre 2001, les États-Unis envahissent l’Afghanistan, un des plus pays les plus pauvres de la planète, lequel ne disposait ni de forces armées, ni d’une économie et encore moins d’une structure étatique fonctionnelle. Cette invasion paraissait simple et aisée dans le mesure où elle permettait la réaffirmation de la stature des États-Unis comme unique superpuissance d’un monde unipolaire de l’après guerre froide 1.0. Pourchassant des groupes armés de quelques dizaines d’hommes, les commandants opérationnels du corps expéditionnaire US, frustrés par le peu d’efficacité de l’ensemble des armes conventionnelles dans un environnement austère et rocailleux, demandèrent la permission d’utiliser des armes nucléaires tactiques de faible puissance, notamment à Tora Bora. Certains analystes estiment que des armes nucléaires tactiques auraient pu être utilisées dans certaines régions reculées d’Afghanistan.
La posture nucléaire de certains pays autorise de facto depuis longtemps l’usage de l’arme nucléaire contre des adversaires qui en sont dépourvus ou dans certaines situations de conflit conventionnel.
Ce qui semble intéressant dans la guerre en Ukraine est que ce pays, qui était la troisième puissance nucléaire mondiale après le démantèlement de l’ex-URSS en nombre d’ogives, ait le Mémorandum de Budapest (5 décembre 1994) par lequel Kiev a accepté d’adhérer au Traité de Non Prolifération Nucléaire (TNP) et de se défaire d’un énorme stock d’ogives nucleaires. Ce désarmement a été financé par les États-Unis.
Si l’Ukraine n’avait pas signé le Mémorandum de Budapest et résisté aux pressions de Washington, la Guerre en Ukraine aujourd’hui aurait eu un tout autre aspect. Elle aurait pris la forme d’un échange nucléaire intense et massif entre la Russie et l’Ukraine, avec pour conséquence la disparition de l’Ukraine et de toute la partie occidentale et méridionale de la Russie. Quelques bellicistes de l’État profond US doivent certainement regretter le désarmement nucléaire de l’Ukraine et poussaient vers son réarmement avec des armes de destruction massive. C’est d’ailleurs l’une des raisons invoquées en premier lieu par Moscou pour justifier le déclenchement de son opération militaire dans ce pays.
Plus de huit mois après la reprise du conflit, Moscou ne semble pas prêt à utiliser l’artillerie nucléaire (obus atomiques de faible puissance et de faible portée). Cela n’aurait pas été le cas si les États-Unis se serait retrouvés piégés dans un conflit au nord du Mexique par exemple avec déploiement de forces étrangères hostiles dans la région. Dans ce cas de figure, Washington aurait utilisé des armes nucleaires tactiques assez vite dès constatation d’un blocage prolongeant dangereusement une situation susceptible d’échapper à tout contrôle.
Le seuls autres pays dont la doctrine autorise un usage aussi prompt à l’arme nucléaire sont la Corée du Nord et Israël. Pour le premier, Kim Jong Un a précisé que son pays n’allait pas perdre son temps à mener une guerre conventionnelle et qu’il utiliserait systématiquement la dissuasion nucléaire en cas d’agression étrangère ; le second est capable de disséminer des charges nucléaires à travers des pays entiers par porteurs (voyageurs internationaux) et donc de pratiquer le terrorisme nucléaire pour faire avancer sa cause ou encore de lancer des missiles nucléaires s’il sent que le seuil assez bas mettant en péril sa survie est atteint.
En conclusion, il n’y a aucun changement de doctrine d’usage de l’arme nucléaire mis à part un abaissement des critères d’usage et la suppression du tabou de l’hiver nucléaire. Un nombre élevé d’experts et de militaires pensent que l’utilisation d’armes nucléaire de théâtre serait similaire à celle de l’artillerie avec des effets plus destructeurs mais pas au point que l’imagine le commun du mortel. Certains vont même jusqu’à penser que la radioactivité ne constitue pas un plus grand problème que celle générée par une quelconque fuite d’un des nombreux réacteurs vétustes ou rongés par la corrosion du parc nucléaire européen. Le personnage du docteur Folamour (Dr Stranglove, 1964, de Stanley Kubrick avec Peter Sellers, Peter George et Terry Southern) n’aurait pas mieux argumenté en faveur de la bombe…
source : Strategika 51
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