Julian Assange et Alex Saab, un journaliste et un diplomate. Le premier, en attente de son extradition vers les États-Unis, l’autre enlevé et emprisonné en Floride au mépris du droit international. Deux exemples de l’arrogance impérialiste des États-Unis soutenus dans le cas d’Assange par le Gouvernement britannique alors que dans le cas de Saab, l’enlèvement a pu avoir lieu avec la complicité d’un pays dépendant, le Cap-Vert, incapable de dire « non » aux États-Unis.
Assange est « coupable » d’avoir diffusé des documents qui mettent en évidence la véritable nature des guerres « pour la démocratie », dirigées par le gendarme nord-américain. Le « délit » de Saab, ambassadeur plénipotentiaire du Venezuela, est d’avoir tenté de briser le blocus imposé au peuple vénézuélien pour l’obliger à se retourner contre son propre Gouvernement. Quand il a été enlevé par la CIA, en réalité, il réalisait une opération humanitaire pour amener des aliments, des médicaments et du combustible en République Bolivarienne.
Julian Assange, fondateur du site WikiLeaks, a été détenu pendant trois ans dans la prison de très haute sécurité de Belmarsh, connue comme le « Guantanamo de Londres. » À présent, il est positif au Covid et se trouve en isolement, Il court un grave risque à cause de son état de santé déjà précaire. Même la santé de Saab, qui a survécu à un cancer de l’estomac, est sérieusement affaiblie, surtout après les tortures qu’il a subies et les conditions de privation dans lesquelles il était détenu au Cap-Vert malgré plusieurs déclarations d’organismes internationaux. Maintenant, les tribunaux étasuniens continuent de retarder l’audience sur son immunité diplomatique tandis que la mobilisation internationale augmente à travers le mouvement Free Alex Saab coordonné par l’avocate Laila Tajeldine.
La mobilisation pour la libération de Julian Assange, d’autre part, a déjà atteint un haut niveau de diffusion et impliqué des personnes appartenant à différents secteurs de la société dans de nombreux pays. Samedi dernier, face au Parlement de Londres, a eu lieu une importante manifestation à laquelle, malgré les contrôles et les obstacles, plus de 5000 personnes ont participé.
Une longue chaîne humaine dans laquelle on a également vu l’ancien secrétaire du parti travailliste Jeremy Corbyn avec des visages connus du cinéma et de la politique internationale comme l’ancien ministre grec Yannis Varoufakis. Au premier rang, Stella Moris Assange, avocate sud-africaine de 38 ans, épouse du journaliste australien depuis le mois de mars dernier.
La jeune épouse d’Alex Saab, l’Italienne Camilla Fabri, est toujours également à la tête des initiatives pour la libération de son mari et soutient sa lutte. Les avocats d’Assange ont présenté un dernier recours devant le tribunal supérieur de Londres contre le décret d’extradition aux États-Unis pris le 17 juin par la ministre de l’intérieur britannique Priti Patel. Aux États-Unis, le fondateur de WikiLeaks encourrait une peine de 176 ans de prison, dans la pratique, une condamnation à mort. Il ne peut même pas faire appel au premier amendement de la Constitution des États-Unis qui stipule : « le Congrès n’approuvera pas de lois pour la reconnaissance officielle d’une religion ou pour interdire sa libre profession ou de lois qui limitent la liberté d’expression ou de la presse. »
Contre Assange, on a appliqué une ancienne loi datant de 1917, la loi sur l’espionnage, un mécanisme utilisé, au nom de la sécurité nationale, pour juger les responsables des filtrations et les fonctionnaires qui dénoncent les failles du système en les accusant de trahison et d’espionnage. L’ancien président Donald Trump l’a également utilisée. Il y a également contre Saab une charge de « conspiration ».
Jusqu’en juillet 2010, le site WikiLeaks a publié 250 000 archives qui révèlent les conversations entre Washington et ses diplomates (environ 270 ambassades ou consulats dans le monde entier) datant des trois années précédentes. En octobre 2010, ont été rendus publics 400 000 rapports militaires sur l’Irak datant de 2004 à 2009 et plus de 800 rapports diplomatiques sur la base de Guantanamo. Une affaire explosive qui porterait le nom de Cablogate.
Celui qui a donné les informations à Assange, c’est le soldat Bradley Manning : il lui a remis des documents confidentiels de la diplomatie étasunienne rejetés, jusqu’alors, par tous les journaux importants. Manning, analyste en informatique, était soldat en Irak et avait accès aux bases de données dont il a extrait des informations pendant 8 mois. Il les a gardées sur un CD déguisé avec l’affiche de Lady Gaga et ensuite les a transférées sur une clé-USB destiné à Assange.
En 2010, Manning a été arrêté et en 2013, un conseil de guerre l’a condamné à 35 ans de prison. À cette occasion, l’ancien soldat a déclaré qu’il avait divulgué ces documents pour faire connaître les abus commis par le Gouvernement étasunien en Irak et en Afghanistan. Il a aussi révélé qu’il avait toujours voulu être une femme et qu’il aurait aimé s’appeler Chelsea. Aujourd’hui, il a réalisé son souhait mais il a toujours refusé d’accuser Assange en échange de bénéfices.
Alex Saab a aussi refusé les bénéfices proposés par le Gouvernement étasunien en échange de sa trahison et de fausses accusations contre le président vénézuélien Nicolas Maduro.
Assange a été poursuivi par un mandat d’arrêt des autorités suédoises depuis 2010, même en Europe. En décembre de cette année-là, il s’est remis à Scotland Yard et à été libéré après avoir payé sa caution, neuf jours plus tard. En février 2011, la justice britannique a décidé de l’extrader. Assange a fait appel. En avril 2011, après les révélations de WikiLeaks, le Gouvernement de l’Équateur, alors présidé par Rafael Correa, a expulsé l’ambassadrice des États-Unis, Heather Hodges.
Assange, pendant ses 500 jours d’assignation à résidence à Londres, a interviewé le président Rafael Correa dans son émission de radio diffusée par Russia Today. Quand la cour suprême britannique a décidé de l’extrader en Suède en mai 2012, il a fui à l’ambassade d’équateur à Londres et obtenu l’asile politique de Correa, le 15 août.
L’Équateur a ainsi rejeté les menaces de la Grande-Bretagne, adoptant la même attitude que les pays socialistes d’Amérique latine face aux révélations concernant l’ingérence des États-Unis. Une situation qui a empiré encore plus avec l’arrivée d’une autre source – Edward Snowden – et d’un autre gros scandale, celui du Datagate, qui a éclaté pendant l’été 2013 et qui a aussi uni dans le rejet des ingérences les grands pays latino-américains, le Brésil et l’Argentine. Snowden, à présent citoyen russe, a montré la portée de l’espionnage illégal des agences de sécurité étasuniennes qui violent aussi bien la vie privée que la souveraineté des Etats.
Ce n’est pas pour rien que les avocats d’Assange ont alors dénoncé la CIA pour avoir espionné les conversations de leur client quand il était réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres. Selon leur plainte, une entreprise de sécurité privée, UC Global, avait enregistré les réunions et remis le matériel à l’agence d’espionnage nord-américaine que dirigeait alors Mike Pompeo.
Fouler aux pieds l’immunité d’un diplomate accrédité comme ambassadeur plénipotentiaire du Venezuela en Afrique n’est pas précisément un acte courant. Fermer la bouche à un journaliste ou imposer la censure au nom de la « sécurité nationale », d’autre part, est maintenant quelque chose d’habituel dans les pays capitalistes qui abondent également en proclamations redondantes sur la « liberté de la presse » et le « pluralisme de l’information. »
Deux affaires qui servent à faire monter la barre des illégalités et de l’oppression de ceux qui, en agitant la rhétorique des droits et de la démocratie, considèrent qu’ils n’ont pas le devoir de les respecter. La tâche de ceux qui se reconnaissent dans d’autres principes, par contre, est de faire sauter la barre.
Traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir