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Campagne de dons Octobre 2022
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par Pierre-Emmanuel Thomann.
Les référendums organisés à la demande des deux républiques populaires de Donetsk et de Lougansk (indépendantes depuis 2014 et reconnues par la Russie seulement le 21 février 2022) mais aussi dans les territoires de Zaporijia et de Kherson, ont une signification historique et géopolitique à plusieurs échelles, car il s’agit non seulement du processus de réunification russe mais aussi de la consolidation de la multipolarité mondiale.
À la suite de ce plébiscite dont le résultat à très largement été en faveur d’un rattachement à la Russie, le Conseil de la Fédération et la Douma (Assemblée fédérale) ont ratifié les 3 et 4 octobre les traités de rattachement des deux républiques et des deux territoires à la Fédération de Russie après leur signature le 30 septembre par Vladimir Poutine et les dirigeants séparatistes.
J’ai participé comme observateur international au déroulement de ces référendums sur le rattachement à la Russie, non seulement pour contribuer à la transparence et la bonne marche d’un processus démocratique dans les circonstances exceptionnelles d’un conflit, mais aussi comme géopolitologue de profession pour observer de près un évènement historique et en saisir la signification géopolitique. Ce type de mission ne m’est pas inconnue car j’ai été observateur international à plusieurs occasions pour les élections présidentielles et législatives en Ouzbékistan et les élections régionales en Russie. Plus de 200 observateurs internationaux en provenance de tous les continents se sont déplacés pour remplir leur mission dans les lieux où les référendums ont été organisés.
L’angle d’analyse géopolitique, si elle se veut complète, doit combiner la réflexion sur les enjeux à différentes échelles spatiales et dans la profondeur historique. La compréhension d’un conflit passe aussi par l’observation de la réalité sur le terrain et exige ainsi de se déplacer pour voir de ses propres yeux la situation et échanger avec les populations sur leurs perceptions des évènements.
Il n’y a pas de démarche plus appropriée que le référendum pour demander aux populations à quel Etat elles souhaitent appartenir et donc choisir leur propre avenir. C’est le droit des peuples à la souveraineté et la liberté. Ces référendums sont non seulement des instruments de démocratie directe, mais constituent aussi une étape nécessaire pour stabiliser la situation géopolitique, et envisager une sortie du conflit. C’était la meilleure solution pour essayer de progresser vers la paix.
Du point de vue du droit international, ces référendums s’inscrivent dans la cadre du droit des peuples à disposer d’eux mêmes ou droit à l’autodétermination, inscrit dans la charte des Nations unies.
Du point de vue géohistorique, c’est à dire l’histoire longue des territoires, ces référendums s’inscrivent dans le processus de réunification russe. Le rattachement de ces territoires à la Fédération de Russie a été reconnu par la Russie le 30 septembre 2022, à l’issue des résultat sans ambiguïté des référendums constituant un véritable plébiscite pour l’appartenance à la Russie.
En effet, ces territoires qui font partie de la « Novorussia » (Nouvelle Russsie) ont été incorporés à la Russie tsariste pendant le règne de Catherine la Grande au XVIIIe siècle et ont évidemment fait partie de l’Union soviétique jusqu’eu 1991, date de sa dislocation. Leur appartenance à l’Ukraine devenue indépendante il y a seulement trois décennies, a été particulièrement contestée à partir du coup d’État à Kiev en 2014 et l’offensive militaire de l’armée Ukrainienne contre les républiques du Donbass de Donetsk et Lougansk qui ont autoproclamé leur indépendance selon le principe d’autodétermination inscrit dans la charte de l’ONU. Les habitants de ces républiques n’ont jamais considéré comme légitime le changement de régime provoqué par des extrémistes ukrainiens se référant à l’idéologie de Stepan Bandera avec le soutien des États-Unis et leurs alliés proches de l’OTAN. De nombreux habitants estiment aussi que la séparation entre la Russie et l’Ukraine en 1991 n’aurait jamais du se produire, suite au référendum du 17 mars 1991 où les citoyens soviétiques avaient plébiscité le maintien d’une unité étatique en remplacement de l’Union soviétique, mais les luttes intestines et la prise du pouvoir de Boris Eltsine, en ont décidé autrement.
Je me suis donc rendu comme observateur international dans le Donbass à Lougansk et Tangarog (près de Rostov où il y a beaucoup de réfugiés) pour observer le processus lié à l’organisation du référendum et son déroulement dans de nombreux bureaux de vote.
Comme j’ai pu le constater lors des mes échanges avec les habitants de la République populaire de Lougansk, mais aussi les réfugiés du Donbass qui vivent dans la région de Rostov, il y avait un souhait pratiquement unanime en faveur d’un rattachement à la Russie. En échangeant des informations avec les autres observateurs qui se sont déplacés dans les autres Oblasts où avaient lieu un référendum (Donetsk, Kherson, Zaporijia) c’est le même engouement pour un rattachement à la Russie qui a été constaté.
Quels sont leur motivations ? Les habitants de ces territoires espèrent enfin être en sécurité et donner un avenir viable à leurs enfants. Ils m’ont maintes fois rappelé que le régime de Kiev fait bombarder quotidiennement le Donbass depuis 2014 et ont commis de nombreuses exactions contre les russophones dans les territoires encore sous contrôle de Kiev, faits largement documentés. Kiev a aussi délaissé ces régions depuis longtemps du point de vue économique, et ils espèrent enfin plus de prospérité. La réunification de la Crimée à la Russie est un modèle avec l’amélioration des infrastructures, mais aussi des écoles, terrain de jeux pour enfants…
Ils expriment aussi un profond attachement au monde russe. Ces référendums marquent pour ces habitants le retour à la Russie, leur patrie historique et cela correspond à leur identité profonde. Beaucoup d’habitants du Donbass ont attendu un tel référendum depuis 2014 et d’autres ont même exprimé leur désapprobation vis à vis du processus de séparation entre la Russie et l’Ukraine depuis 1991 après la disparition de l’URSS.
Lors du vote dans le cadre de ce référendum, je n’ai constaté aucune pression ni menaces de la part des forces armées russes, contrairement à ce qui a été dit et écrit de manière mensongère dans de nombreux médias dans les États-membres de l’OTAN et l’UE, y compris en France.
L’organisation du référendum a été aussi très efficace dans une moment très difficile. En effet les habitants ont été en permanence sous la menace de bombardements de l’armée ukrainienne pour empêcher les citoyens de voter, mais cela n’a pas empêché leur détermination à y participer, mais seulement à diminuer la participation dans les territoires les plus exposés dans les Oblasts de Kherson et Zaporijia.
Les référendums se sont déroulés sur une période de six jours du 23 au 28 septembre, pour avoir le maximum de participation, et du point de vue technique, ils ont été conformes aux standards mondiaux. Des infrastructures comme des écoles, des théâtres, mais aussi des bus pour être au plus proche des habitants et avoir une participation maximale ont été mis à disposition. Les assesseurs des bureaux de vote ont vérifié l’identité des votants sur des listes, et puis les votants ont pu se rendre dans un isoloir pour remplir le bulletin et ensuite le déposer dans l’urne. Le dépouillement des bulletins a ensuite eu lieu au fur et à mesure de la collecte des urnes électorales entreposées en lieu sûr.
Ces référendums ont aussi une signification historique à l’échelle mondiale, car il s’agit non seulement du processus de réunification russe, mais aussi de la consolidation de la multipolarité mondiale.
La question de la légalité des référendums : droit international et géopolitique
Du point de vue du droit international, ces référendums s’inscrivent dans le cadre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et du principe d’autodétermination.
Contrairement à ce qui est affirmé par les gouvernements des États-membres de l’UE et de l’OTAN, États-Unis en tête, qui interprètent cet évènement de manière unilatérale, ces référendums et le rattachement des territoires à la fédération de Russie ne sont pas illégaux du point de vue du droit international car dans un monde multipolaire, il n’y a plus de monopole d’interprétation du droit international. Ces référendums sont donc légitimes du point de vue du principe du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, car aujourd’hui, l’interprétation du droit international n’est plus le monopole des États-Unis et leurs alliés de l’OTAN.
Il n’y a d’ailleurs pas eu accord au conseil de sécurité des Nations unies (membres permanents) pour une résolution condamnant l’annexion des territoires à la fédération de Russie en raison du veto de la Russie en toute conformité avec les règles de l’ONU. Celles-ci permettent à la Russie comme membre permanent de défendre ses intérêts quelle considère primordiaux, comme les autres membres permanents du conseil de sécurité ont pu le faire sur d’autres questions (les membres permanents : États-Unis, France Chine, Royaume-Uni Russie). L’absence de condamnation des ces référendums est donc parfaitement légal du point de vue du fonctionnement du conseil de sécurité, et si on voulait qu’il en soit autrement, il faudrait d’abord réformer à l’unanimité le fonctionnement de l’ONU. Le projet de résolution, distribué par les États-Unis et l’Ukraine au conseil de sécurité élargi, n’a été approuvé que par dix des quinze membres du Conseil élargi, la Russie votant contre et quatre membres, le Brésil, la Chine, le Gabon et l’Inde se sont abstenus. Cependant, l’Assemblée générale des 193 États membres de l’ONU a adopté une résolution non contraignante (et donc sans effet) condamnant les « annexions illégales » avec 143 voix pour, face à cinq pays contre (la Russie, la Biélorussie, la Syrie, la Corée du Nord et le Nicaragua) et 35 qui se sont abstenus, dont la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Arménie, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Congo, l’Algérie, le Vietnam et toute l’Asie centrale et 10 qui n’ont pas voté comme l’Iran, l’Azerbaïdjan, le Venezuela le Cameroun… Les États qui n’ont pas condamné la Russie représentent près de la moitié de la population mondiale et cet épisode souligne à nouveau la nouvelle configuration multipolaire, les désaccords sur l’interprétation du droit international et l’impossibilité d’isoler la Russie malgré les pressions des gouvernements occidentalistes.
La proposition de l’Union européenne de sanctionner les observateurs internationaux ressortissants des États membres de l’UE qui ont suivi ces référendums sur place est une tentative scandaleuse d’intimidation pour les empêcher de témoigner de la réalité du terrain qui ne correspond pas au narratif fallacieux diffusé par l’Union européenne. C’est aussi une occasion supplémentaire pour salir la réputation de la Russie en synergie avec l’OTAN et les États-Unis, et une atteinte à la liberté des observateurs de se faire une opinion par eux-mêmes. Si elle y parvient avec l’accord des États-membres, ce serait une première dans l’histoire des processus référendaires et un recul grave de la liberté d’opinion. L’Union européenne cherche à sanctionner la démocratie quand cela ne correspond pas à son idéologie euro-atlantiste exclusive et anti-russe.
Avant de pouvoir déclarer illégaux de manière unanime ces référendums, il faudrait d’abord une interprétation unanime du droit international. C’est évidemment impossible car il n’y pas accord entre grandes puissances ni sur une interprétation des normes, ni sur une réforme du système multilatéral qui élabore le droit international. En conséquence, examinons aussi l’incapacité croissante des Etats à s’entendre sur une interprétation commune du droit international.
Tout ordre international est nécessairement un ordre spatial (et donc géopolitique) a souligné Raymond Aron. Comme il n’y a pas accord sur l’ordre spatial et géopolitique entre grandes puissances, il ne peut y avoir accord sur l’interprétation du régime normatif international (idée force de Carl Schmitt dans son ouvrage le Nomos de la terre). En absence d’un consensus multilatéral, il n’y a donc plus que des interprétations unilatérales du droit.
Ce no man’s land juridique est avant tout la conséquence de l’interprétation unilatérale, ou le non respect du droit international par les États-Unis et ses alliés de l’OTAN lors ses crises précédentes : l’opération de l’OTAN au Kosovo en 1999, l’invasion de l’Irak en 2003, l’opération militaire en Libye en 2011 dans le contexte géopolitique unipolaire. Il faut rappeler qu’en Syrie des bases américaines mais aussi des soldats turcs occupent une partie de territoire syrien, sans parler de l’annexion du Golan par Israël. L’armée turque occupe aussi la partie nord de Chypre, un État-membre de l’UE. Qui s’en préoccupe aujourd’hui ? Les principes de la charte des nations unies, le droit des peuples à l’autodétermination mais aussi l’intégrité territoriale des États, ont été instrumentalisés en fonction des intérêts géopolitiques des États-Unis et leurs alliés de l’OTAN durant leur période de domination mondiale (le moment unipolaire) après la disparition de l’URSS. Les États-Unis ont bien précisé à la suite de l’opération militaire de l’OTAN contre la Yougoslavie que le principe d’intégrité territoriale des États n’empêchait pas la sécession d’un territoire dans le cas du Kosovo.
Du point de vue géohistorique, il n’y a pas d’ambiguïté concernant ce deux poids deux mesures des États occidentalistes. L’OTAN a agressé militairement la Yougoslavie jusqu’à la sécession du Kosovo de la Serbie/Yougoslavie alors qu’il s’agit d’un territoire serbe du point de vue de la géohistoire (le référendum d’indépendance a été organisé après le nettoyage ethnique des serbes), tandis que les États-Unis, l’UE et l’OTAN refusent le droit de sécession au républiques du Donbass et les territoires de Kherson et Zaporijia à l’occasion d’un référendum, alors qu’il s’agit de territoires russes du point de vue de la géohistoire.
Le droit international est toujours une conséquence des rapports de forces géopolitiques et comme ceux-ci évoluent, l’interprétation du droit international et des normes juridiques évoluent et font l’objet d’interprétation contradictoires dans le monde multipolaire actuel émergent.
Le contexte géostratégique de ces référendums est donc aussi très important pour comprendre les enjeux de cette épisode. Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN (on parle d’Occident, représentation géopolitique issue de la guerre froide et du moment unipolaire qui a suivi la disparition de l’URSS et désigne les États qui composent l’alliance atlantique avec les États-Unis comme chef de file) ont exercé leur suprématie en Europe de l’Ouest et dans la profondeur du continent européen avec les élargissements successifs de l’OTAN. L’opération militaire spéciale de l’armée russe est avant tout la conséquence du rapprochement de l’OTAN et de ses bases militaires aux frontières de la Russie, évidemment perçu comme une menace contre la Russie, et qui nécessite donc un rééquilibrage des forces géopolitiques. Elle est aussi la conséquence de la non mise en œuvre des accords de Minsk, torpillés précisément par Kiev poussé par Washington pour poursuivre l’élargissement de l’OTAN. Les autres cause sont aussi importantes comme l’agression imminente de l’armée ukrainienne contre les républiques indépendantes du Donbass en 2022, mais aussi l’otanisation inéluctable du territoire ukrainien sans adhésion formelle au moyen d’accords de coopération militaires entre l’OTAN et Kiev et la menace de faire de l’Ukraine une puissance nucléaire en remettant en cause le mémorandum de Budapest. La sécurité des habitants des républiques indépendantes du Donbass reconnues en février 2022 par la Russie a été menacée depuis plus de 8 années. En conséquence, la Russie est intervenue en vertu de l’article 51 du Chapitre VII des Nations unies. La Russie a aussi mis en avant au conseil de sécurité l’article 107 des Nations unies, qui lui permet de prendre des mesures contre les pays où existent des tentatives de renaissance du nazisme. La déclaration relative aux principes du Droit international de 1970 a aussi été mentionnée, notamment sur la question de l’interprétation entre le principe de l’intégrité territoriale d’un État et le principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux. La Russie a souligné que l’intégrité territoriale n’est garantie qu’aux États qui se conduisant conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux mêmes et doté ainsi d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur comme cela est mentionné dans le texte, alors que le régime de Kiev ne satisfait pas ces conditions.
De manière non-explicite, l’objectif géopolitique des États-Unis est de promouvoir une nouvelle natio-genèse pour transformer l’Ukraine en nouvelle nation antirusse basée sur l’idéologie du suprémacisme ukrainien (avec pour héros et symbole national Stepan Bandera, allié aux nazis pendant la seconde guerre mondiale). L’objectif est de déstabiliser la Russie, promouvoir un changement de régime, affaiblir l’État russe et fragmenter son territoire selon un plan ultime. Ce n’est pas nouveau, cette stratégie a été expérimentée dans la passé par Washington avec la création de l’Allemagne de l’Ouest contre l’Allemagne de l’Est, la Corée du Sud contre la Corée du Nord, Hong-Kong et Taïwan contre la Chine…
C’est une erreur d’appréciation géopolitique de croire que Moscou ne réagirait pas à un moment ou un autre à la suite de cette agression des États-Unis et de l’OTAN sur les temps longs. (Voir carte géopolitique : la crise en Ukraine, conséquence de l’expansion OTAN), d’autant plus que la guerre Russie-Géorgie a démontré que l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine était un casus belli. Je l’ai affirmé dès 2008 dans un article publié par la revue défense nationale. De plus on imagine la réaction des États-Unis, si Moscou installait des bases militaires au Canada ou au Mexique selon une manœuvre d’encerclement.
Comme les gouvernements actuels des États membres de l’OTAN font la promotion d’un monde unipolaire et veulent ralentir la multipolarité, (qui met en cause leur suprématie), ils vont chercher à imposer une interprétation unilatérale du droit international, mais en faisant référence à un ordre spatial et géopolitique qui n’existe déjà plus dans le monde.
En effet, les États d’Eurasie mais aussi d’Afrique et d’Amérique du Sud (représentant la majorité de la population mondiale) ne se sont pas alignés sur la politique de sanctions contre la Russie, marquant leur désapprobation du projet de monde unipolaire. Il n’y a que l’Union européenne qui reste prisonnière de cette hégémonie de Washington, même s’il y a des fissures croissantes dans l’UE et l’OTAN (la Hongrie et les postures différentiées des États-membres).
Si les gouvernements des États-membres de l’OTAN persistent à déclarer ces référendums illégaux et illégitimes, l’interprétation de Moscou n’en deviendra pas plus illégitime. Il ne faut jamais oublier que ce sont les rapports de forces et les équilibres géopolitiques qui déterminent le droit international et non pas l’inverse.
L’opération militaire spéciale russe à caractère limité visant à défendre le monde russe a aussi pour objectif de modifier la configuration géopolitique mondiale selon le principe d’Archimède en provoquant des changements dans le système d’alliances au niveau mondial, pour accélérer l’émergence du monde multipolaire. Ces référendums organisés dans la foulée de cette opération spéciale ont ouvert la voie à la réunification russe qui vient accompagner et renforcer l’émergence du monde multipolaire. C’est la raison pourquoi les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN/UE y sont opposés, car ils veulent maintenir l’illusion unipolaire et la suprématie des États-Unis en Europe et dans le monde.
Cet acharnement à vouloir préserver un monde unipolaire dominé par un grand Occident américanisé, et donc s’aligner sur l’interprétation unilatérale du droit de la part des États-Unis, n’est pas dans l’intérêt de la France selon la vision gaullienne. La réunification russe est tout aussi légitime que la réunification allemande (il faut se rappeler que l’intégration des territoires de l’ex-Allemagne de l’Est dans l’Allemagne de l’Ouest, s’est réalisée sans référendum). Toutefois la réunification allemande correspondait aux intérêts géopolitiques des États membres de l’OTAN, tandis que la réunification russe va à l’encontre des objectifs géopolitiques des États-Unis et de leur alliés les plus proches de l’OTAN dont le Royaume-Uni, la Pologne et les pays baltes qui cherchent à fragmenter le monde russe (séparer Russie et Ukraine) et repousser la Russie dans ses terres continentale pour assurer leur propre suprématie en Eurasie (et donc en Europe) mais aussi dans le monde.
Nous sommes en réalité face à deux visions géopolitiques rivales, « l’Euramérique de Vancouver à Kiev » contre l’Europe de Brest à Vladivostok ». Cette bataille décisive qui se déroule en Ukraine a été provoqué par les États-Unis pour torpiller toute entente continentale sur l’axe Paris-Berlin-Moscou, car une alliance entre l’Allemagne, la France et la Russie serait en mesure de contrebalancer les États-Unis et son fidèle second le Royaume-Uni et contrer le projet hégémonique des Anglo-Saxons.
Derrière les référendums : un conflit géopolitique civilisationnel
Le débat sur la légitimité des référendums est représentative en France et dans l’Union européenne des visions géopolitiques rivales du monde et de l’Europe. La géopolitique, c’est aussi la rivalité des idéologies et des systèmes de valeurs civilisationnelles sur le territoire. On touche ici à la méta-géopolitique.
Ceux qui sont opposés à ces référendums se réfèrent à la notion d’Occident, c’est à dire l’espace euro-atlantique sous domination des États-Unis que le général de Gaulle désignait comme « l’Europe américaine », tandis que ceux qui perçoivent de manière favorable ces référendums se réfèrent à l’Europe civilisationnelle et l’Europe des nations de l’Atlantique au Pacifique, c’est à dire « l’Europe européenne », notion alternative promue par le général de Gaulle.
Les Occidentalistes ne veulent pas de la réunification russe tandis que les vrais Européens estiment que c’est un processus naturel.
Le conflit États-Unis/OTAN contre la Russie sur le théâtre ukrainien, avec le régime de Kiev comme supplétif de cette guerre par procuration est aussi une guerre de l’Occident (sous domination américaine) contre l’Europe civilisationnelle de l’Atlantique au Pacifique qui repose sur le modèle d’Europe des nations souveraines. Les deux représentations, « Occident » et « Europe » autrefois proches ne se confondent plus et s’opposent même de plus en plus.
Vladimir Poutine a ainsi souligné dans son discours du 30 septembre qu’il s’agissait d’un conflit entre la Russie et « l’Occident collectif », c’est à dire l’OTAN sous direction américaine mais pas contre l’Ukraine et encore moins l’Europe (dont la Russie fait partie). Ces dernières sont aussi victimes de cette hégémonie occidentaliste et son idéologie néolibérale destructrice des nations et de leur souveraineté mais aussi de leurs valeurs traditionnelles. Pour ces régimes occidentalistes, déclarer que la Russie est l’agresseur permet d’escamoter la longue histoire de ce conflit. Vladimir Poutine pulvérise ce narratif en soulignant que ce conflit est avant tout une bataille décisive sur le théâtre ukrainien sur les temps longs de la civilisation russe millénaire contre cet Occident impérialiste, le véritable agresseur.
Son discours est en réalité aussi une main tendue aux peuples européens et aussi du monde entier qui ne se définissent pas comme faisant partie de cet Occident américanisé basé sur le modèle de démocratie libérale d’inspiration anglo-saxonne. Ce modèle repose sur l’idéologie du sans-frontières, la société ouverte à tous les flux dont l’immigration de masse, l’individualisme, le wokisme, le déracinement national et l’oubli de l’histoire et de la géographie, la promotion des minorités ethniques et de genre, les citoyens transformés en individus hors sol débarrassés de toute caractéristique nationale et ethno-culturelle. Cette occidentalisation est une américanisation du monde, le monde liquide hors sol de la puissance maritime contre les nations enracinées de l’Europe continentale, dont la Russie est resté le bastion. En effet, plus on va à l’Ouest en Eurasie, plus les peuples ont été américanisés, c’est à dire liquidés dans la mondialisation libérale. Les nations française, allemande, italienne… qui ont perdu leur souveraineté ont tout à gagner à cette transformation de la configuration géopolitique mondiale vers un monde multipolaire plus équilibré. La cobelligérence de facto de l’OTAN et des gouvernements des États européens au tropisme atlantiste (livraisons d’armes lourdes létales, formation des soldats ukrainiens sur le territoire des États-membres de l’OTAN, coopération sur le renseignement, la guerre de communication..) en faveur de l’Ukraine et contre la Russie va donc à encontre des intérêts des nations profondes européennes.
La notion d’Occident, kidnappée par les Atlantistes occidentalistes durant le guerre froide et mise en avant aujourd’hui devrait aussi être revisitée. Il y a en effet un abus à parler des « Occidentaux » en opposition avec les Russes, car la Russie fait partie intégrante de la civilisation européenne issue de la chrétienté et constitue son pilier oriental. L’opposition mise en avant par les occidentalistes entre démocratie (l’Occident) et dictature (la Russie) est obsolète et de nature idéologique. La Russie appartient aussi à l’Europe géographique et civilisationnelle et n’est donc pas séparable du reste de l’Europe.
Conclusion
Suite aux référendums, l’incorporation des nouveaux territoires et des habitants dans la fédération de Russie, change leur statut juridique, car le gouvernement ukrainien mène désormais une guerre contre la Russie s’il veut reconquérir ces territoires réunifiés à la Russie. C’est aussi une situation de plus en plus dangereuse, car les soutiens de Kiev, les États-membres de l’OTAN, Washington en tête mais aussi Paris sont déjà de facto en situation de cobelligérence contre la Russie et risquent de provoquer une escalade dans ce conflit mondial hybride.
Cette cobelligérence de Paris, par alignement sur les priorités géopolitiques de Washington et de Londres et de son proxy, le régime de Kiev, mais aussi par opportunisme du complexe militaro-industriel est en totale contradiction avec les intérêts géopolitiques de la France comme nation d’équilibre suivant la doctrine gaullienne.
Rappelons à ce propos les paroles du Général de Gaulle :
« Mais si, dans l’ordre stratégique, rien ne s’est encore produit de plus fructueux que l’échec infligé à Hitler par Staline sur le front européen de l’Est, dans l’ordre politique l’apparition certaine de la Russie au premier rang des vainqueurs de demain apporte à l’Europe et au monde une garantie d’équilibre dont aucune Puissance n’a, autant que la France, de bonnes raisons de se féliciter. Pour le malheur général, trop souvent depuis des siècles l’alliance franco-russe fut empêchée ou contrecarrée par l’intrigue ou l’incompréhension. Elle n’en demeure pas moins une nécessité que l’on voit apparaître à chaque tournant de l’Histoire ». (discours prononcé à la BBC au cours de l’émission « Les Français parlent aux Français », le 20 janvier 1942).
N’oublions pas non plus que la vocation de la France est d’être du côté des peuples libres, et c’est pourquoi la réunification librement consentie du peuple russe par la voie référendaire est légitime pour les Français qui n’ont pas oublié le message géopolitique de la France au monde. Le sens de l’Histoire, c’est la réunification de la Russie.
source : Eurocontinent
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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