Magouilles et corruption des élites 16 – Pillage économique des nations et domination par les lobbys

Magouilles et corruption des élites 16 – Pillage économique des nations et domination par les lobbys

Suite de la série DONDEVAMOS, à ne pas manquer.

Continuons notre saga « Magouilles et corruption des élites », avec un focus sur la mainmise du capitalisme anglo-saxon sur les choix stratégiques européens.

Mainmise qui est le fruit d’un long travail d’infiltration, par les fondations capitalistes anglaises et US, et de la création d’une forme de pensée unique en matière économique. Au final, les dindons de la farce sont les peuples dont les richesses sont littéralement pillées par ces mêmes capitalistes. Cette partie sera peut-être moins exhaustive que les autres, mais le sujet est vaste et l’idée est plutôt de mettre en évidence certains mécanismes.

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Domination par les lobbys atlantistes

Les deux guerres mondiales ont été en grande partie le fruit du travail des milieux financiers, comme l’ont expliqué nombre d’historiens en particulier anglophones. Ces milieux financiers dépassent les frontières, et on a vu que les financiers US de Wall Street avaient de nombreux intérêts en Allemagne depuis le début du XXe siècle. L’Allemagne Nazie avait d’ailleurs un plan pour dominer le monde par l’économie à partir d’une Europe ultra centralisée autour d’elle.

Si l’Europe qu’on subit est bien centralisée sur l’Allemagne, la domination économique mondiale est aujourd’hui celle du grand capital US et anglais.

Une nébuleuse de clubs élitistes

Les pressions économiques ont beaucoup contribué au succès des Nazis dans la conquête des différents pays. « Dans tous les pays, des contacts ont été établis avec des industriels et entrepreneurs sympathisants » et des avantages avaient été promis en échange d’une collaboration pleine et entière [1]

Wall Street a été le vrai gagnant de la guerre et évidemment de l’après-guerre. Dès 1942, Allen Dulles a été nommé chef de l’OSS (Office of Strategic Services) pour l’Europe et a choisi de s’installer à Berne. Ce QG est vite devenu « les yeux et les oreilles de l’OSS en Europe« , comme le confirme un rapport historique de la CIA de 2003. Des contacts avec les résistances des pays occupés comme avec les Nazis ont été pris immédiatement.

C’était un fervent défenseur du nouvel ordre mondial version Wall Steet, même s’il était consient qu’il fallait d’abord une propagande massive vers les populations pour avoir une chance d’y parvenir:

« Rien ne permet de penser que l’opinion publique américaine, par exemple, approuverait la l’établissement d’un super-État, ou permettrait aux Américains d’en faire partie. En d’autres termes, il faudra du temps – beaucoup de temps – avant qu’un gouvernement mondial soit politiquement réalisable….. Un temps qui pourrait apparemment être raccourci, en ce qui concerne l’opinion américaine, par une campagne de propagande active », a-t-il écrit en 1946 dans l’article « The United Nations » par dans la revue « Foreign Policy ».

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Et il avait décidé d’appliquer son programme quelle que soit la volonté du Congrès ou même du gouvernement. Pour cela, il a rendu la CIA presque autonome des institutions politiques, qui parfois posent des questions: de nombreuses affaires l’ont montré, dont MK-Ultra sur laquelle on reviendra n’est pas la moindre.

Dulles, fils d’un pasteur jésuite et dont le profil est clairement celui d’un psychopathe, a choisi Berne « parce que la capitale suisse était le centre d’intrigues financières et politiques en temps de guerre. Berne était un bazar d’espionnage, grouillant d’espions, d’agents doubles, d’informateurs et de colporteurs de secrets. Et, comme Dulles le savait, la Suisse était un refuge financier pour la machine de guerre nazie« , résume David Talbot dans « The Devils Chessboard Allen Dulles, the CIA, and the Rise of Americas Secret Government ».

Et Allen Dulles connaissait bien les principaux acteurs de la place financière Suisse, puisqu’il avait travaillé pour eux ou avec eux chez Sullivan & Cromwell.

Avec son frère John Foster, Allen Dulles a été associé du cabinet d’avocats d’affaires Dulles, Sullivan & Cromwell (dans lequel a aussi travaillé Christine Lagarde avant que sarkoléon ne nous l’inflige comme ministre de l’économie et des finances puis qu’elle dirige le FMI et la BCE), qui représentait de grosses firmes et banques de Wall Street, dont de nombreuses avaient des actifs dans l’industrie Allemande.

La firme représentait également des industries allemandes comme Merck ou IG Farben qui jouait un rôle-clé dans l’effort de guerre du Reich et que Foster Dulles a représentée. Le cabinet a été très actif dans la reconstruction de l’Allemagne après la 1ère guerre au moment où les frères Dulles y travaillaient, et John Foster était mouillé jusqu’au cou dans la finance nazie[2].

Comme ses amis financiers de Wall Street, Dulles a longtemps été pro nazis, était antisémite, anticommuniste. Et à Berne, cet individu dont Roosevelt puis Trumann se méfiaient comme de la peste, a continué à défendre les intérêts de ses clients de chez Sullivan & Cromwell.

Annie Lacroix-Riz rappelle dans « La non épuration en France » que « Dulles occupait l’essentiel de son temps à préparer avec ses amis et vieux partenaires d’affaires hitlériens le Reich du futur, pivot des plans américains pour l’Europe » et en France, lieu stratégique du débarquement, « Il finança très généreusement depuis le printemps 1943, pas seulement contre les communistes, contre de Gaulle aussi, la gauche anticommuniste et les vichysto-collaborationnistes« , ces gens prêts à se retourner une fois de plus, contre l’Allemagne en cette fin de guerre, s’ils y voyaient leur intérêt.

Il est clair que l’ordre économique européen devait rester le même après la guerre que pendant le régime nazi.

La Banque des Règlements Internationaux créée à Bâle en 1930 [3] dont pas moins de 5 directeurs du temps de la guerre ont été poursuivis pour crimes de guerre, le système de Bretton Woods, la Banque mondiale, le FMI créés en 1945 ont servi à mettre en place un ordre monétaire et économique mondial.

Du côté européen, on a vu dans le chapitre sur la construction européenne à quel point celle-ci a été faite pour répondre aux besoins du capitalisme US, avec l’aide de relais totalement inféodés à Washington comme Jean Monnet, l’ex collabo Antoine Pinay, Guy Mollet ou René Pleven côté français, ou les lobbyistes du Bilderberg dont Pinay et Pleven ont d’ailleurs été parmi les membres fondateurs.

Domination US par les lobbys

1945 a marqué le début de ce qu’on appellera peut-être plus tard l’ère de la domination des actionnaires. Les choses se sont mises en place progressivement au niveau mondial et européen grâce à un lobbying massif de la part des multinationales et des milieux financiers, en particulier anglo-saxons, appuyés par ces fondations.

Le travail de « soft power » avait déjà commencé depuis le début du XXe siècle, avec la multiplication des « fondations » de capitalistes –la première étant celle du magnat de l’acier Andrew Carnegie- et autres organisations non gouvernementales qui ont propagé la bonne parole auprès des élites politiques et intellectuelles qu’elles ont largement contribué à sélectionner.

Au départ, ce soft power a beaucoup milité pour « la paix », parce que l’antimilitarisme est un concept très acceptable comme l’est aujourd’hui l’écologie. Mais il s’agit en fait d’un emballage : comme avec des poupées gigognes, l’idéologie qui apparaît en premier dissimule d’autres idéologies, d’autres objectifs.

A mesure que les fondations ont pérennisé leurs activités et leurs relations politiques au niveau international, elles sont devenues plus agressives et ont envahi d’autres champs : éducation, comportements sociaux, développement du business. Petit à petit, ces fondations, tout comme divers lobbys capitalistes, se sont emparés de l’organisation de la société toute entière, au niveau national comme international.

« Tout au long de leur histoire, les Fondations ont été tour à tour ou en même temps initiatrices, partenaires et outils des politiques gouvernementales, qu’il s’agisse des gouvernements américains (au niveau fédéral, des états, des comtés et des villes), ou bien des gouvernements des pays étrangers dans lesquels elles développèrent leur action« , explique Pierre-Yves Saunier dans l’article « Administrer le monde ? Les fondations philanthropiques états-uniennes et la Public Administration, 1930-1960 ».

On l’a vu, depuis la fin de la guerre, les Américains mettent franchement leur nez dans la politique nationale en France et en Europe en général. Le plan Marshall qui a jeté les bases de la concurrence libre et non faussée et d’une organisation supra nationale dotée d’importants pouvoir économiques, a servi à mettre le pied dans la porte. Il n’y avait plus qu’à l’ouvrir grand. Mais depuis le début du XXe siècle, on a assisté à l’émergence d’une sorte d’élite « internationale » censée être apte à diriger nos sociétés.

Cette élite cooptée par les ONG et fondations construit les idéologies dominantes et se charge de les mettre ensuite en application, aussi branlantes et contre-productives soient-elles. Les organisations dites « philanthropiques », appartenant toutes à des industriels ou banquiers, ont décidé au début du XXe siècle d’investir en premier lieu dans l’enseignement supérieur, mais ce processus a été initié dès la fin du XIXe aux Etats-Unis, d’abord dans la « médecine » [4].

La phase d’internationalisation a suivi, renforcée à chaque guerre mondiale grâce au volet « humanitaire » de leur intervention. Cette internationalisation est similaire à la création d’une nouvelle religion internationale, comme le disait HG Wells qui savait de quoi il parlait puisqu’il était membre de la Fabian Society et appelait déjà à constituer un « gouvernement mondial », il s’agissait de créer « un monde politiquement, socialement et économiquement unifié« [5].

Wells ajoutait : « il est impossible de penser que le monde est sûr et satisfaisant tant qu’il n’existe pas un seul bien commun mondial, empêchant la guerre et contrôlant les forces morales, biologiques et économiques et les gaspillages qui autrement conduisent à des guerres. Et les contrôler dans le sens où la science et la réalisation de l’homme, et le contrôle de ses pouvoirs et de ses possibilités augmentent continuellement« . Car il faut noter que le déploiement du capitalisme anglo saxon répond parfaitement aux visées eugénistes de HG Wells et de cette élite anglo saxonne.

Pour étendre ce pouvoir sur le monde, les capitalistes américains et anglais ont créé une toile d’araignée qui enserre aujourd’hui le monde entier, constituée de fondations « philanthropiques » et ONG militant dans l’intérêt de la finance et du capitalisme anglo saxon dans tous les domaines : santé, démocratie, éducation, recherche, politique, sport, syndicalisme, environnement, médias … Celles-ci ont financé des instituts, groupes de recherche, publications et autres travaux allant toujours dans ce même sens des intérêts capitalistes anglo saxons.

« On nous appelle l’Internationale des Conservateurs« , déclarait le vice-président du Bundestag Richard Jaeger en 1973, lors de l’ouverture du 22e congrès annuel du Centre de documentation et d’information (CEDI dont on a déjà parlé dans le stay-behind en France), « (…) Nous sommes un mouvement qui s’est fixé comme objectif l’unité de notre continent« , cela « sur une base chrétienne« . Et d’ajouter que « Notre but est l’unification de toute l’Europe, libérée du communisme« [6].

C’est surtout avec la fondation Rockefeller créée en 1913 qu’a vraiment émergé cette « diplomatie philanthropique » dont parle Ludovic Tournès dans « L’argent de l’influence. Les fondations américaines et leurs réseaux européens »[7].

L’objectif poursuivi par la fondation Rockefeller était de mobiliser « l’ensemble des savoirs scientifiques (sciences de la nature et sciences sociales) pour établir une science totale de l’homme permettant de gérer les comportements individuels et collectifs. Autrement dit, créer non seulement un homme nouveau, mais également une société rationnelle gouvernée par la science« [8].

Puis le fabricant de voitures Henry Ford a créé sa fondation en 1936, avec l’objectif de modeler le monde selon son idéologie fasciste. Comme on l’a vu, les subventions sont tombées sur les universités, institutions, publications orthodoxes.

Des étudiants triés sur le volet se sont vu payer des séjours de découverte ou des années d’études aux Etats-Unis, avec l’argent des fondations principalement.

Ces fondations, ainsi que celles qui sont apparues plus récemment comme celles de Soros, Gates etc. présentent une série de points communs :

  • La promotion d’un modèle de société basé sur la libre entreprise, avec des notions de paix et de démocratie made in USA.
  • Elles s’appuient sur les « sachants », intellectuels.
  • Une action à l’échelle mondiale,
  • Une action complémentaire à celle de l’Etat américain. D’ailleurs, des présidents des Etats-Unis sont passés par les conseils d’administration de fondations comme Woodrow Wilson ou William Howard Taft, et les fondations employaient beaucoup d’anciens conseillers politiques ou officiels de la CIA par exemple.
  • Elles créent des réseaux ou s’insèrent dans les réseaux existants, notamment celui des organisations internationales : elles financent des projets de l’ONU, de l’OMS, de la Banque Mondiale…

Un rapport de l’ambassade US intitulé « Programme international d’échanges éducatifs » expliquait en 1956 que « Si les relations belgo-américaines sont demeurées stables dans un monde qui ne l’était pas, si la Belgique a constamment apporté son soutien aux objectifs de la politique étrangère américaine, si des problèmes délicats ont pu être dénoués dans un climat amical, nous pouvons en attribuer les résultats, en partie au moins, à la connaissance qu’ont les dirigeants belges des Etats-Unis et à la confiance qu’ils nous portent à la suite de leur séjour de formation dans nos universités« [9].

Ces fondations, qu’on peut qualifier de lobbys transnationaux, « se situent au cœur de l’organisation politique du capitalisme à l’échelle mondiale. Ils contribuent à identifier des problèmes, à leur opposer un langage commun, à clarifier les lignes de forces dans lesquelles ils se situent – et plus prosaïquement, ils constituent un lieu privilégié pour négocier des dossiers de toutes sortes« , explique le sociologue Jean-Christophe Graz dans l’article « Qui gouverne ? Le Forum de Davos et le pouvoir informel des clubs d’élites transnationales ».

Une sélection de politiques orthodoxes

En France comme ailleurs, les US ont pris soin de repérer les politiciens qui leur seraient favorables, et de s’assurer que le pouvoir suprême ne risque pas de tomber entre des mains trop à gauche. De Gaulle soi-même est revenu au pouvoir en 1958 par un coup d’Etat, avec l’accord des US [10] : il les avait rassurés quant à la préservation de leurs intérêts en France, l’adhésion de la France à l’OTAN, au marché commun et à l’Europe, etc.. Mais très vite les US ont compris qu’il prendrait des libertés avec ces promesses.

Quand il s’est montré trop éloigné des vues américaines au début des années 60, les US ont cherché à miser sur la génération émergente pour remplacer les hiérarques de la IVe République qu’ils avaient largement soutenus jusque-là, et ont d’ailleurs continué à soutenir (les Pinay, Monnet, Mollet, Schumann, Marjolin piliers du Bilderberg et autres…). Ces gens de droite comme des socialistes ont touché de l’argent en cash de la part des services US, parfois à l’insu des officiels de l’ambassade[11].

Les US avaient aussi des taupes dans l’entourage politique de de Gaulle, comme Jean de la Grandville qui était au ministère des Affaires étrangères responsable des affaires atomiques et spatiales, et qui était un informateur privilégié -et zélé -de l’ambassade US et de la CIA depuis 1964. Dès 1949, la commission Fullbright a eu pour objectif de développer les échanges universitaires entre la France et les Etats-Unis.

Il s’agissait en priorité de réduire l’influence communiste sur les milieux universitaires et intellectuels, mais aussi de repérer les futurs « leaders » qui étaient dans la ligne. Le secrétaire de la commission Fullbright était Gaston Berger, qui a milité pour les idées de droite pro-US dans le monde universitaire[12], quitte à ravager les sciences sociales avec l’appui financier et logistique des fondations US.

Il s’agissait de préparer l’après de Gaulle, qu’ils espéraient rapide, surtout après la sortie de l’OTAN en 66. L’ambassadeur US à Paris James Gavin a ainsi déclaré : « Nous maintenons des relations avec ceux qui pourraient lui succéder. Par exemple, je vois fréquemment Chaban-Delmas, Mollet, Pflimlin et Mendès France » et parlait des rendez-vous avec l’ex bras-droit de Monnet le banquier Pierre Uri, avec Pinay et d’autres.

Les US ont donc fait en 1967 une liste de 300 leaders envisageables d’ici deux à trois ans, et à cette occasion avaient repéré Chirac (jeune élu de Corrèze qui avait déjà fait un long séjour aux USA en 1953, et qui était proche de Pompidou) et Balladur notamment à droite, chez les « socialistes » Roland Dumas, Gaston Defferre, Pierre Mauroy, Charles Hernu, Michel Rocard[13], au centre Jacques Duhamel (père d’Olivier Duhamel qui sera ministre sous Pompidou), Dominique Baudis… Tous pro business, pro Europe, pro OTAN, atlantistes, anticommunistes.

Dans cette liste, les plus « ouverts » aux vues américaines et dont ils pensaient qu’ils allaient jouer un rôle important dans les 20 prochaines années comme Giscard ou Jacques Médecin, ont été invités pour un séjour de plusieurs semaines aux Etats-Unis « dans le cadre du programme de visiteurs internationaux mis en place par le département d’Etat et l’agence américaine d’information« , explique Vincent Nouzille. Il y a eu aussi quelques syndicalistes et journalistes.

La liste comportait aussi des noms de partons d’entreprise comme Dassault ou Ambroise Roux (père de l’actuel patron du Medef, Roux de Baizieux), des syndicalistes, des hauts fonctionnaires, des journalistes, et même des curés comme Jean-Marie Lustiger, qui sont cités par Vincent Nouzille dans son livre « Des secrets si bien gardés… ».

Des listes sur le même modèle ont été dressées pour d’autres pays, notamment les Pays-Bas, où le Youth Committee a fait en 1969 une liste de 122 noms de la politique, du journalisme, et des leaders des mouvements étudiants. Un quart d’entre eux a obtenu des bourses pour étudier aux Etats-Unis en 1970[14].

Les US ont aussi nourri des contacts avec les dirigeants de partis d’opposition jugés « conformes »: Mitterrand, Lecanuet, Giscard…

Tous leur ont affirmé à la fois leur atlantisme et leur ferveur européenne, donc ultra libérale. La pouponnière du PS de l’époque, le Centre d’Etudes, de Recherches et d’Education Socialistes (CERES, créé en 1966 par un groupe autour de Chevènement) était déjà franchement orientée à droite. On trouvait dans ce groupe qui a porté la candidature de Mitterrand des gens comme Alain Gomez, inspecteur des finances proche d’Elisabeth Guigou et des réseaux Pasqua qui plaisait beaucoup aux américains et qui deviendra le PDG de Thomson CSF alors nationalisée (avant 1997).

Un conseiller de l’ambassade US à Paris avait écrit à ses supérieurs au sujet de Gomez qu’il « a dit que la principale tâche de la gauche quand elle sera au pouvoir sera d’injecter un esprit d’efficacité, de compétitivité et de modernité dans l’économie française et le gouvernement »[15].

De loin, les US ont aussi soutenu l’OAS, les militaires et barbouzes algériens qui ne voulaient pas d’une Algérie algérienne. L’OAS a commis de nombreux attentats là-bas et ici, notamment contre de Gaulle soi-même. Parmi ces militaires, le général Maurice Challe, qui a démissionné de son poste de commandement de l’OTAN en Europe centrale pour protester contre de Gaulle et a pris part en 1961 au putsch manqué des généraux à Alger. On a déjà évoqué cela dans la partie sur la stratégie de la tension, je n’y reviens pas.

Côté « socialistes », Mitterrand et son frère Robert [16] dont on a vu qu’ils n’ont jamais été de gauche, ont rencontré les US à de nombreuses reprises à l’ambassade ou lors d’un voyage aux USA, entre 1965 année de sa première campagne présidentielle et 1967 en préparation des législatives, pour les rassurer sur les vues atlantistes et pro-européennes des socialistes français ainsi que sa volonté de réduire au maximum l’influence du parti communiste.

Vincent Nouzille écrit qu’à cette période, Mitterrand « devient une sorte de consultant permanent sur la vie politique française » pour les diplomates US en France.

Des contacts qui ont repris en 1970 par l’intermédiaire du chef du service politique du Nouvel Observateur, proche de l’ambassade US, qui a invité Mitterrand et le secrétaire de l’ambassade US Allen Holmes dans sa maison de campagne. Avant le Congrès d’Epinay de juin 1971 où il a pris la direction d’une gauche non communiste réunie, Mitterrand a été voir les américains pour leur expliquer son plan qui avait comme principal avantage de contenir les communistes, qui représentaient encore un peu plus de 20% de l’électorat.

Charles Hernu, éminent franc-maçon, a été l’un de leurs informateurs privilégiés depuis la IVe République, sur les arcanes de la politique française à « gauche » comme à droite. Il rencontrait régulièrement un agent de la CIA et avec l’ambassade US jusque dans les années 70 au moins. Dans une interview au magazine Geo en octobre 2010 Vincent Nouzille revient sur ce réseau d’informateurs organisé par les Américains dès le retour au pouvoir de de Gaulle:

« L’espionnage américain en France a pris de l’ampleur après la création de la CIA, dès 1947. Il ne s’agissait pas seulement d’espionnage, mais aussi d’ingérence : création de Force Ouvrière, financement directs ou indirects de partis politiques, de centres culturels, d’associations, etc. Tout ce qui était non communiste et pas trop nationaliste leur convenait : chrétiens démocrates en Allemagne, démocrates chrétiens en Italie, MRP en France. Antoine Pinay, figure de la droite libérale, ralliait leurs suffrages. (…)Dès 1958, ils renforcèrent leur dispositif d’espionnage en France. Ils s’intéressèrent notamment aux « événements d’Algérie ». Ils étaient favorables à l’indépendance parce que de leur point de vue, la guerre d’Algérie empêchait la France de concentrer ses efforts contre l’ennemi soviétique. La CIA était très informée : elle possédait d’honorables correspondants aussi bien dans les hautes sphères de l’état-major qu’au sein de l’OAS« .

Les objectifs de ces informateurs étaient variables: « D’une part, des éléments antigaullistes de l’armée, tel le général Maurice Challe, qui avait été en poste à l’Otan, pensaient (à tort) qu’ils seraient soutenus, notamment lors de leur putsch avorté d’avril 1961. D’autre part, des diplomates et hommes politiques entretenaient de longue date des contacts avec les Américains. C’est le cas de Charles Hernu qui les informait déjà sous la IVe république. Hernu faisait partie des gens avec lesquels la CIA et les diplomates américains étaient en contact pour savoir ce qui se passait dans les milieux politiques antigaullistes. Dans l’appareil d’Etat, on cherchait une alternative à un de Gaulle jugé de plus en plus antiaméricain.« .

Un autre « socialiste », Christian Pineau, « fait savoir à la Maison-Blanche, via le leader socialiste belge Paul-Henri Spaak, qu’il aurait besoin d’une aide matérielle pour créer une agence de propagande en faveur de l’intégration européenne et de l’OTAN », explique Vincent Nouzille dans « Des secrets si bien gardés. Les dossiers de la Maison-Blanche et de la CIA sur la France et ses présidents ».

Quand sont arrivées les manifestations ouvrières et étudiantes de 1968, les US ont pris contact immédiatement, via l’ambassade à Paris, avec les différents acteurs – étudiants compris. Et ceux-ci n’y voyaient aucun inconvénient. Les US ont vu ce mouvement étudiant comme éloigné des valeurs communistes, ce qui était le cas, et ont plutôt cherché à l’instrumentaliser pour mettre de Gaulle en diffiulté. Ils mettent même en place le France Watch Group, pour se tenir au courant en temps réel des événements.

L’ambassadeur US Schriver a envoyé ses agents dans le mouvement étudiant, et ouvrait la porte de son domicile aux militants qui y tenaient réunion. L’objectif était pour eux de favoriser l’agitation tout en évitant qu’elle ne vire trop à gauche. Parmi leurs informateurs lors du printemps 68, il y avait aussi des responsables de la DST, la surveillance du territoire, franchement anticommunistes, qui craignaient plus que tout de voir l’URSS prendre le pouvoir à l’occasion des grèves massives dans les usines.

Pour la présidentielle de 1969, les US avaient principalement misé sur le centriste et fan de l’Europe supranationale Alain Poher, mais le vainqueur fut Pompidou, qui avait pour slogan de campagne « le changement dans la continuité » (il était 1er ministre de de Gaulle quelques mois plus tôt), était passé par la banque Rothschild et avait des positions franchement anticommunistes [17].

Pompidou était en contact avec les US depuis les années 50, notamment via son ami Cecil Lyon, numéro deux de l’ambassade américaine à Paris de 58 à 63[18]. Il leur a tenu le discours habituel : il soutenait le marché commun et l’Europe, voulait renforcer les relations transatlantiques etc. Il se posait même en 68-69 comme l’alternative à la fois à une dictature militaire et aux communistes. Les US étaient absolument ravis mais sont restés discrets.

Dès 1970, la coopération militaire franco-US ainsi que la collaboration de la France avec l’OTAN ont été grandement renforcées. Kissinger faisait partie des membres du staff US lors des discussions à ce sujet. L’affaire de l’armée européenne si chère aux US est très vite revenue sur le tapis. Bien évidemment, cette pseudo « armée européenne » est en fait un OTAN européen financé à 100% par l’Europe.

Au fil des années 70, les états-majors US et français coopèrent de plus en plus. Les US fournissent ainsi une assistance technique pour la fabrication d‘armement de pointe, puis en matière stratégique. Pompidou est mort en 1974 d’une maladie foudroyante rare mais que beaucoup de chefs d’Etat ont attrapée, et les socialistes, déjà proche des US comme on le sait, ont à leur tour renforcé les liens avec l’équipe du président US Carter. Ce fut notamment l’œuvre de l’aile droite des « socialistes », avec des gens comme Michel Rocard ou Jacques Attali.

En 1974, le favori des US était Giscard, qui a remporté les élections. « Parmi les prétendants, il représente le meilleur espoir d’une amélioration des relations franco-américaines », avait déclaré l’ambassadeur John Irwin. Il présentait de nombreux gages: outre son dogmatisme néo libéral, son père a été président du Comité France- Amérique et un de ses frères était un pilier du Bilderberg. Il fut élu.

Puis quand la « gauche » mitterrandienne est arrivée sur le trône républicain en 1981, il s’est empressé lui aussi de donner des gages à ses vieux amis : le 24 mai il a annoncé à Helmut Schmidt le chancelier d’Allemagne de l’ouest, qu’il était tout à fait d’accord pour que la France héberge sur son sol des missiles US Pershing alors qu’il s’était positionné contre en 1980 à l’Assemblée.

Mitterrand a tout de même été forcé de mettre au gouvernement quatre ministres communistes puisqu’il avait aussi été élu grâce aux voix communistes, mais le jour même il a reçu Bush 1er à l’Elysée pour leur expliquer que tout cela n’était que de la politique et qu’il n’était ouvert aux communistes que par opportunisme[19].

l a pris à ses côtés François de Grossouvre, responsable du stay-behind en France depuis les années 50 dont on a déjà parlé dans la partie sur le stay-behind en France, qui était en contact régulier avec Georges Albertini, un conseiller de la banque Worms et collabo qui a travaillé avec Laval à Vichy puis est devenu conseiller des milieux de droite grâce à sa proximité avec Pompidou, et qui était très proche de la CIA au point de leur faire des rapports réguliers sur la situation politique française à l’époque Mitterrand. Comme il l’avait quelques années plus tôt.

Albertini était aussi un « honorable correspondant » du SDECE, qui entretenait son propre réseau d’informateurs.

Puis ce fut Chirac, puis Sarkoléon qui a réintégré la France à l’OTAN, flamby, et enfin comble de la soumission de la France aux intérêts US, le micron.

Le Cercle Pinay

En 1969, à la suite de quelques réunions pilotées par les US, notamment par Kissinger et David Rockefeller président de la Chase Manhattan Bank, ce groupuscule a été constitué pour raviver la lutte anticommuniste sur les plans idéologique et politique, ainsi que la construction de l’Europe. A la manœuvre derrière la création du « Cercle Pinay », appelé aussi « Le Cercle » ou « Cercle Violet », on trouve Antoine Pinay, ministre des Finances proche du CNPF (ancêtre du Medef) et aussi Jean Violet, un personnage fermement anti communiste situé au croisement de multiples affaires d’ordre politico-financier et au carnet d’adresses bien rempli.

L’avocat « d’affaires » Jean Violet a été dans les années 30 membre du groupe d’extrême droite la Cagoule, a été arrêté pour collaboration après la guerre puis relâché sur « ordre d’en haut ». Il est ensuite devenu avocat, très proche du pouvoir politique (notamment de Pinay qu’il rencontre en 1951) et de l’Opus Dei. A la fin des années 40, Violet est devenu de manière officieuse observateur du Vatican auprès de la commission du droit international de l’ONU.

A partir de 1952 Violet a également été conseiller de l’ex pétainiste  et co-fondateur du Bilderberg Antoine Pinay, et a contribué à resserrer les liens avec les politiques allemands qui cherchaient à construire l’Europe et la Communauté européenne de Défense, c’est-à-dire une armée européenne[20], ainsi qu’avec l’Espagne franquiste. Ceci, dans le contexte des tentatives fort prématurées de mettre en place une Communauté Européenne de Défense[21].

Dès 1955, Violet a été rémunéré comme correspondant du SDECE sur recommandation d’Antoine Pinay.

En lien avec le Vatican, l’extrême-droite, les US, Violet était aussi impliqué dans un obscur groupuscule appelé Sint Unum :

« Il appartient à des structures quasi clandestines, comme le Sint Unum, une association qu’il a créée et qui travaille en liaison avec la représentation du Saint-Siège à l’ONU et avec le cardinal Tardini au Vatican. Elle regroupe des hommes aussi différents qu’Antoine Pinay, le démocrate-chrétien allemand Franz-Josef Strauss, dit « le Taureau bavarois », les généraux Grossin et Gehlen, des Français et des Allemands ayant joué un rôle important dans la poursuite de la réconciliation franco-allemande lors du retour du général de Gaulle aux affaires. Avec l’appui de Henry Kissinger, Sint Unum s’illustre au cours des années 1970 dans la négociation de la « troisième corbeille » des accords d’Helsinki, qui prévoit la libre circulation des hommes et dont les Soviétiques ne se remettront jamais », écrit Frédéric Charpier dans « La CIA en France ».

Sint Unum était financé notamment par l’industriel du ciment Carlo Pesenti, membre de la P2 et proche de la mafia, avec lequel Violet était aussi impliqué dans une affaire dont on va reparler plus tard : l’affaire dite des avions renifleurs, censés repérer le pétrole profond dans le sol par un simple survol, qui a abouti à l’évaporation de millions de francs d’argent public. Pesenti était aussi le chef de Sint Unum et Violet en était le secrétaire général, d’après un mémorandum de Kissinger en 1970 [22]. A priori, il s’agissait d’ouvrir un canal discret entre divers services de renseignements tels que le BND de Gehlen, la CIA ou le SDECE, et le Vatican.

Notons que Violet était jusqu’en 1966 un agent rémunéré du BND de Reinhard Gehlen, lui-même directement piloté par la CIA, comme on l’a vu dans l’épisode sur le Gladio allemand, tout en travaillant pour le SDECE, alors dirigé par le général Paul Grossin, franc-maçon et membre de la SFIO depuis la fin de la guerre, nommé à la tête du SDECE en 1957.

Selon Frédéric Charpier dans « La CIA en France », c’est Violet qui a créé Sint unum,structure secrète « qui travaille en liaison avec la représentation du Saint-Siège à l’ONU [où travaillait Violet, ndla] et avec le cardinal Tardini au Vatican » dont Grossin comme Gehlen étaient membres. Différents observateurs considèrent que certaines des actions du Cercle relevaient du plan mis en œuvre par Sint Unum.

Selon Eric Lebec, auteur de « Histoire Secrète de la Diplomatie Vaticane », qui a été membre de Sint Unum, le groupuscule aurait « joué un rôle important dans le maintien de la réconciliation entre la France et l’Allemagne au moment de l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle », et était un « outil » pour le Vatican. Il avait des membres à la représentation du Vatican à l’ONU, d’autres étaient directement au Vatican. Le groupuscule aurait cessé ses activités après la mort de Jean Violet.

C’était aussi l’objectif de ce cercle Pinay qui s’est ouvert rapidement aux intérêts atlantistes, et qui était à l’image de Jean Violet au carrefour de nombreux groupes d’intérêts, lobbys, clubs et autres groupuscules élitistes, atlantistes et pro européens tels que l’Opus Dei, le Bilderberg, la loge italienne P2, la Fondation Heritage, la World anti-Communist League et bien-sûr un certain nombre de services de renseignements tels que la CIA, les MI-5 et la MI-6, le SDECE, le SISMI italien, les renseignements militaires suisses…

« Le premier participant des Etats-Unis fut David Rockefeller, président de la Chase Manhattan Bank et l’un des hommes d’affaires les plus influents dans les coulisses de la scène politique de Washington. Sa relation étroite avec Henry Kissinger dotait Le Cercle d’un accès privilégié au nouveau président américain Richard Nixon […] Dans les années 70, Le Cercle devint le pivot d’une diplomatie parallèle visant à contrer la politique des gouvernements occidentaux jugée trop conciliante vis-à-vis du communisme« , explique Johannes Großmann dans l’article « L’’Internationale des Conservateurs’. Cercles d’élites transnationaux, diplomatie informelle et biographies croisées en Europe occidentale depuis 1945 ».

Pour montrer son influence, un document de la CIA datant de juillet 1969 déclassifié tout récemment relate une réunion du Cercle lors d’un dîner de David Rockefeller le 2 juillet 1969 à New York, auquel Violet était présent, avec le 1er ministre italien Giulio Andreotti qui d’après certains était aussi le vrai patron de la loge mafieuse Propaganda Due, Otto Von Habsburg co-fondateur du Bilderberg, Antoine Pinay (qui avait fait entrer Violet dans la délégation française à l’ONU en 1955), Carlo Pesenti ou encore le déjà incontournable Henry Kissinger. Au cours de ce dîner centré sur la « menace » communiste de plus en plus grande selon eux, Violet a beaucoup pris la parole.

Les invités ont passé en revue les différentes questions géopolitiques du moment concernant l’Europe et l’URSS, abordé l’immense potentiel du développement de la « coopération entre les Etats-Unis et l’Europe », et chacun a passé en revue la situation de son pays vis-à-vis des préoccupations atlantistes. Il a été noté lors de ce dîner que Kissinger restait en contact avec les « invités », les membres du cercle Pinay donc, par l’intermédiaire du banquier David Rockefeller.

Plusieurs des individus présents ce jour-là étaient des membres de l’Opus Dei : Jean Violet, Otto Von Habsbourg, Giulio Andreotti et son ami l’industriel Carlo Pesenti a minima. Tous ces gens ont rejoint le « cercle Pinay ».

De nombreux politiques « conservateurs » qui furent en général des collabos pendant la guerre voire franchement des nazis, étaient liés à ce « Cercle Pinay ». Outre les piliers déjà cités, il y avait aussi les allemands Konrad Adenauer et Franz Josef Strauß, l’espagnol, ex franquiste Manuel Fraga Iribarne, le belge Paul vanden Boeynants, le général General Antonio de Spínola qui soutenait Salazar au Portugal, Chirac, Margaret Thatcher ou encore Ronald Reagan… Et Le Cercle a évidemment favorisé la carrière de ses affidés. Force est de constater que c’est ce courant politico-économique qui triomphe en occident jusqu’à présent.

Le Cercle, resté très secret jusque dans les années 80, cooptait les politiques favorables à la ligne US, et finançait d’autres lobbys comme l’Institut pour l‘Etude des Conflits de Brian Crozier à Londres, qui éditait la revue Le Monde des Conflits, financée par de l’argent issu des services secrets sud-africains, et à la réalisation de laquelle contribuait notamment Georges Albertini [23].

Le « Cercle » finançait allègrement des « études » à visées anticommunistes, pro européennes, ultra-libérales…

« Les travaux s’adressent essentiellement aux cadres et aux hauts responsables des organisations nationales et supranationales s’occupant de défense et de stratégie économique, ainsi qu’aux organes de décision gouvernementaux ou patronaux. L’OTAN, la CEE, les ministères de la Défense et de l’Intérieur des pays de l’Alliance atlantique et plusieurs officines spécialisées reçoivent le résultat de ces études mensuellement et parfois à un rythme plus accéléré, dans la revue Conflict Studies, et dans des rapports spéciaux (ISC Special Reports). » explique Frédéric Laurent dans « L’Orchestre Noir ».

Ladite revue ISC collaborait avec d’autres revues d’extrême-droite, parfois moins confidentielles comme Le Monde Moderne.

On retrouve aussi plusieurs membres du Cercle, notamment Jean Violet et Carlo Pesenti, dans l’affaire des avions renifleurs, qui a vu s’évaporer autour de 340 millions de francs sur 800 millions engagés dans l’affaire, dans les années 70. A partir des années 80, plusieurs dirigeants du Cercle étaient des agents du MI6 ou des proches des Rothschild, comme les politiciens conservateurs Julian Amery et Jonathan Aitken, Lord Lamont ou Lord Lothian.

Ce groupe aurait fortement contribué à la chute du gouvernement Heath en Angleterre, ainsi qu’à faire élire Thatcher. Il a soutenu les campagnes de nombreux candidats conservateurs, en propagande et lobbying comme en financement[24], comme celles de Chirac en 81 ou de l’Allemand Franz Josef Strauss, qui a perdu les élections internes à la CDU face à Helmut Kohl. Strauss était très à droite, et très proche des US. En 1955, il est venu à la réunion du Bilderberg en Bavière avec Reinard Gehlen[25].

Le Cercle a connu des difficultés avec l’arrivée des socialistes au pouvoir, et avec les affaires des avions renifleurs, de la Banque Ambrosiano et de la loge P2 en 81-83, en raison des liens évidents entre le Cercle et ces structures.

Selon des documents sortis lors de l’éclatement du scandale Gladio en Italie puis en Europe en 1990, le cercle Pinay était la branche politique d’une structure créée par l’ex nazi devenu chef des renseignements allemands après la guerre, Reinhard Gehlen, appelée la « Private Intelligence Unit ».

Il s’agissait en tout cas d’une structure commune à une nébuleuse de groupes d’extrême-droite pro OTAN, pro Europe, pro Américains et ultra capitalistes. On reparlera du Cercle dans la partie sur les réseaux pédocriminels, parce qu’il avait des liens avec tout un tas de groupes politiques et de lobbys d’extrême-droite dont le point commun était d’être à la fois atlantistes et pro-Europe, et qu’en Belgique ces groupes étaient impliqués jusqu’au cou aussi bien dans le stay-behind que dans le réseau pédocriminel. Ce qui amène évidemment à s’interroger sur les liens réciproques[26].

La fondation Rockefeller et la fondation Ford

On ne va pas revenir en détail sur ces deux organisations dont on a déjà beaucoup parlé dans les parties sur la guerre, l’Europe et le stay-behind. On va surtout voir ici leur influence sur l’enseignement supérieur et par conséquent :

  • Le cadrage, la formalisation des sciences, y compris les sciences humaines et sociales,
  • La structuration des filières universitaires,
  • La sélection des futures élites. Ce sont par exemple ces fondations qui ont construit la discipline de « public administration », la gestion des affaires publiques, dès les années 30 [27] (Cette institutionnalisation de la technocratie était au départ fondée sur la stratégie de « séparer l’administration de la politique » selon les mots de Woodrow Wilson).

Via des financements US, la collaboration des universités avec les industriels a été grandement renforcée en Europe dès la Première Guerre mondiale.  Dans « The Open conspiarcy » paru en 1928, HG Wells explique que son nouvel ordre mondial peut être atteint en développant une forme de religion moderne du progrès perpétuel, et mis en place « à partir d’une simple campagne de propagande et d’une simple protestation de résistance contre le militarisme contemporain [c’est-à-dire les Etats nations, ndla] à l’intérieur d’une préfiguration organisée de la recherche, la publicité et l’expérimentation de reconstructions éducatives, économiques et politiques » et une grande « Pax Mundi ».

On dirait une description de l’activité des fondations dites philanthropiques. Le but, selon HG Wells, était que les gouvernements des Etats se trouvent seulement « en position d’administrateurs pour le plus grand gouvernement », celui qui surplombe toute la planète.

Les premières facultés de « science » économique ont été créés au début du XXe siècle chez les anglo-US, avec notamment le Harvard Committee of Economic Research créé en 1917 et la Brooking Institution en 1927. « Dès 1924, le Laura Spelman Rockefeller Memorial a envisagé la subvention d’un institut parisien ; mais entre le projet et sa concrétisation, il s’écoulera plus de huit ans, de sorte que l’ISRES [Institut Scientifique de recherches économiques et sociales] n’est créé qu’en octobre 1933 ; la fondation Rockefeller lui accorde un financement de 350 000 dollars qui couvrira la quasi-totalité de ses frais de fonctionnement jusqu’en 1940 » explique Ludovic Tournès[28].

Pour donner un exemple, entre 1920 et 1940 la fondation Rockefeller a financé la création de l’école d’infirmières et la faculté de médecine de Lyon parce qu’un réseau « philanthropique » d’industriels franco-US dans la veine hygiéniste avait été mis en place depuis la Première Guerre. C’est à partir de cette école qu’est élaboré le programme de formation des infirmières, généralisé dans tout le pays avec le diplôme d’état créé en 1922 [29].

Concernant la médecine, l’objectif était l’intégration de l’hôpital, de la faculté de médecine et des laboratoires, comme cela se faisait déjà aux Etats-Unis.

En Grande-Bretagne, la fondation Rockefeller a financé la création du premier centre de recherches en sciences sociales, le Nuffield College créé par Lord Nuffield (un autre « philanthrope » proche des US) en 1937 à Oxford ou encore celle du National Institute of Economic and Social Research qui passe pour le « plus ancien institut de recherche indépendant d’Angleterre » créé en 1938.

En Allemagne où elle a mis une pause à ses investissements dans la recherche et les universités au cours des années 30, la fondation Rockefeller a vivement repris ses activités dès 1945. Elle a beaucoup investi dans des universités, notamment l’Université Libre de Berlin créée en 1948, en quoi elle a été rejointe dès 1951 par la fondation Ford.

C’est encore elle qui a largement financé Alfred Kinsey, l’inventeur de l’ « éducation sexuelle » et ses travaux sur la sexualité qui comprenaient des viols d’enfants[30]. C’est le planning familial, également financée par Rockefeller, qui a répandu ces théories de la sexualité des enfants qui ont bien failli s’imposer dans les années 80 et reviennent par la fenêtre avec cette fameuse « éducation sexuelle » poussée par l’UNESCO et consorts. Elle a aussi financé les études hygiénistes, dont les tendances eugénistes étaient plus ou moins évidentes, comme on l’a vu ailleurs.

En France la fondation Rockefeller a aussi largement modelé les sciences sociales et contribué à rendre incontournable des universitaires alignés sur les vues du capitalisme US, comme l’économiste Charles Rist sous-gouverneur de la banque de France depuis 1926, qui prétendait appliquer des méthodes scientifiques à l’économie.

La Rockefeller a notamment permis la création en 1933 et le démarrage de l’Institut scientifique de recherches économiques et sociales (ISRES) de Rist, qui a vite donné le « la » en matière de « pensée » économique en France, en la déconnectant de toute réalité de terrain puisqu’elle devenait une science totalement empirique basée sur des statistiques qui servaient surtout à donner un vernis rationnel à bon nombre d’élucubrations libérales, puis néo libérales.

Objectif affiché de cet institut : « faire progresser l’emploi des méthodes scientifiques dans l’étude des phénomènes économiques et sociaux (prix, salaires, crises…) en soumettant ces phénomènes à une observation et à une élaboration scientifique« , de manière totalement indépendante bien évidemment. Il possédait aussi la seule importante bibliothèque en matière économique à Paris, où venaient tous les amateurs de cette discipline créée à coups de subventions US, et a agi comme un lobby cherchant à influencer les milieux politiques.

Un autre élément important est l’approche « internationale » de la vision économique de cet institut, comme l’explique Ludovic Tournès :

« l’ISRES est en effet l’un des premiers lieux en France où se construit une vision internationale de l’économie alors largement absente du paysage universitaire et politique. Elle est affirmée dès les Tableaux de l’économie française (1910-1934), dans lesquels les données françaises sont systématiquement comparées aux données internationales. Elle se retrouve dans L’activité économique, dont la première partie est toujours consacrée à l’analyse comparée de la conjoncture dans les grands pays industrialisés.

On peut y voir la patte de Ch. Rist, largement ouvert depuis la décennie précédente sur l’international. Mais il faut aussi souligner le rôle de ses collaborateurs principaux qui ont, par son intermédiaire, obtenu de la fondation Rockefeller des bourses de voyages individuelles en plus du financement de l’institut : c’est le cas de Ph. Schwob et R. Marjolin, mais aussi d’Henry Laufenburger qui obtient en 1935 une bourse pour visiter les instituts de recherches économiques en Angleterre, Italie, Allemagne, Autriche, Danemark, Suède et Norvège »

La fondation Rockefeller a aussi financé le sociologue Célestin Bouglé, Robert Marjolin qui a eu sa bourse Rockefeller en 1932, ou l’hélas incontournable politologue Raymond Aron, fondateur du Congrès pour la Liberté de la Culture qui diffusait la propagande atlantiste avec l’argent de la CIA.

On notera que Raymond Aron, biberonné aux dollars des fondations depuis ses études dans les années 30, a aussi bénéficié de l’argent de la fondation Ford, notamment pour la création en 1960 de son Centre de Sociologie Européenne.

Aron a aussi créé le « Comité des Intellectuels pour l’Europe des Libertés » ou CIEL, une officine anti-communiste proche du mouvement Paix et Liberté (égelement anti-communiste et financé par la CIA) qui réunissait des « intellectuels » militants pour le système atlantiste tels que Eugene Ionesco, Jean-Marie Domenach, Philippe Sollers.

La fondation Rockefeller et la fondation Ford, comme d’autres d’ailleurs, fonctionnaient en coordination avec la CIA et il existe beaucoup d’exemples dans lesquels ses responsables ont consulté le gouvernement ou la CIA avant de débloquer une subvention. Par ailleurs, de nombreux officiels ont défilé à son conseil d’administration comme l’avocat d’affaires et banquier John McCloy. Son parcours est d’ailleurs assez révélateur de la consanguinité entre les fondations et les renseignements US.

De 1947 à 1949, après avoir contribué à créer l’OSS, McCloy était président de la toute nouvelle Banque Mondiale et membre du conseil d‘administration de la fondation Rockefeller. En 1949 il a été nommé Haut-Commissaire US en Allemagne où il a supervisé la création de la République Fédérale d’Allemagne et assuré la fuite de milliers de nazis. Après ça il est allé bosser dans le privé pour diriger la Chase Manhattan Bank de 1953 à 1960 [31].

De 1954 à 1970 il a présidé le Council on Foreign Relations (dont on va reparler) jusqu’à ce que David Rockefeller le remplace, et de 58 à 65 il était à la fondation Ford tant que spécialiste de l’Europe, avant de diriger son conseil d’administration.

McCloy qui faisait discrètement partie de cette petite élite politique appelée l’establishment et son second en Allemagne Shepard Stone qui a été directeur des affaires internationales de la Fondation Ford de 1952 à 1967, ont carrément rédigé des passages entiers des premiers textes européens, notamment le traité qui a créé la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), et ont été à la manœuvre dans la création de la RFA, et la mise en place du plan Marshall ainsi que de l’OTAN.

La fondation Ford, créée en 1936 mais d’abord cantonnée au sol américain, s’est targuée de « l’avancement du bien-être humain » à partir des années 50, et s’est développée en Europe. On y retrouvait Richard Bissell qui a été directeur de l’OSS puis bras droit d’Allen Dulles à la CIA, avant de rejoindre la fondation qu’il a dirigée de 1952 à 1954. Il a alors été remplacé par John McCloy qui a présidé la fondation Ford de 1958 à 1965.

A cette époque, la fondation avait pour président un dénommé Horace Rowan Gaither, nommé à la mort d’Henri et Edsel Ford pour donner une nouvelle dynamique à la fondation. Il s’agissait d’un fin connaisseur des enjeux géostratégiques puisqu’il avait contribué à mettre en place et dirigé la Rand Corporation, et dont l’objectif était de mettre les sciences sociales au service des intérêts de ce qu’il appelait « la nation ».

De 1952 à 1967 Shepard Stone dirigeait les affaires internationales de la fondation Ford et construit avec McCloy le Programme des Affaires Internationales de la fondation [32]. En 1966, c’est McGeorge Bundy, conseiller en sécurité de plusieurs présidents, ex doyen d’Harvard et membre du CFR, qui est élu président de la fondation Ford et y restera jusqu’en 1979. Tous ont grandement œuvré à « renforcer la coopération » transatlantique. Des individus comme Monnet, des universités, des intellectuels, ont bénéficié de leurs largesses.

En 1952, McCloy et Stone, alors tous deux à la fondation Ford, ont décidé qu’elle devrait « sponsoriser la création de plusieurs instituts de recherche sur les problématiques de la Communauté Européenne« [33]. On l’a vu, la fondation Ford n’a pas lésiné sur les financements à des activités en faveur de la construction européenne, notamment celles de Jean Monnet. Ces fondations aussi financé les « études européennes », tout aussi bidons puisque la seule position admise est la béatitude totale face à l’œuvre bienfaitrice de l’Europe et de nombreux « instituts » qui étaient en réalité des thnink tank ou des lobbys pro europe.

A partir de 1958 des versements ont été faits à la Fondation Nationale des Sciences Politiques (250.000$ cette année-là): il s’agit de la fondation privée, créée dès 1945, pour gérer l’IEP de Paris, Sciences Po, et a une influence sur tous les IEP de France. Dans les années 60 le Centre d’Études des Relations Internationales a aussi reçu des dons.

En Italie aussi, où le parti communiste est resté puissant jusqu’à la fin des années 60, la fondation Rockefeller suivie de la fondation Ford, ont investi dans les sciences humaines et sociales avec comme priorité de lutter contre les idées de gauche, en particulier celles de tendance marxiste qui représentaient un courant important dans les universités. Ces investissements dans des instituts, centres de recherche fonctionnant davantage comme des lobbys et dans l’enseignement supérieur ont aussi servi à sélectionner les futures élites politiques, orthodoxes comme il se doit.

En Allemagne la fondation Ford a donné un bâtiment à l’Université Libre de Berlin dès 1945, elle a financé de nombreuses bourses d’étude. McCloy et Stone ont aussi incité de grands noms de l’industrie allemande comme les Krupp ou les Thyssen, compromis jusqu’au cou dans le nazisme, à créer des fondations pour blanchir leur image vis-à-vis de l’opinion publique.

Mais son influence était aussi prépondérante aux Etats-Unis, où « La Fondation Ford est un laboratoire où s’expérimentent des solutions de type réformiste aux problèmes sociaux urbains de l’Amérique des années 1960, en même temps qu’un vivier où sont recrutés les acteurs des politiques gouvernementales, et l’abri où ils se replient quand les grands programmes fédéraux sont redessinés par l’administration Nixon » selon l’historien Pierre-Yves Saunier [34].

Tout ce travail était destiné à créer puis consolider et développer des réseaux pro américains bien implantés dans les structures étatiques et économiques des pays européens. Comment penser le capitalisme et ses conséquences, quand ces mêmes capitalistes financent les recherches et publications « scientifiques » sur le sujet, et qu’elles ont même structuré les disciplines universitaires censées organiser ces recherches ?

Comment faire la part des choses entre la réalité et la propagande quand la réalité « scientifique » est écrite comme l’est un slogan commercial, à l’aune d’opinions et positionnements politiques tout sauf neutres ?

On ne peut pas être exhaustif sur l’influence des fondations Rockefeller et Ford sur la politique mondiale en général, et Européenne en particulier, mais il s‘agissait de rappeler qu’elles ont totalement formaté la vie sociale, politique, culturelle, économique de nos démocraties en carton-pâte.

Autres lobbys atlantistes

Cette diplomatie parallèle opérée par les lobbys atlantistes et européistes a permis de faire avancer les pions discrètement sur bien des sujets. Ces courants liés plus généralement à une sorte de nébuleuse de lobbys conservateurs anglo-saxons permettaient de diffuser la bonne parole, de coopter des élites fidèles, et d’organiser des réseaux d’influence nationaux et internationaux. Le Cercle et le Bilderberg en faisaient partie, mais sans les citer tous il faut tout de même en présenter quelques-uns.

La « démocratie » made in Washington est même devenue un véritable business, dont le chiffre d’affaires était estimé à 700 millions de dollars en 2000.

« Ces fonds, qui alimentent un marché international de la réforme des institutions d’État en pleine expansion, servent à financer des missions d’observation électorale, des groupes de défense des droits de l’homme, des organes de presse indépendants, des ONG, la formation de magistrats ou encore la diffusion de la vulgate économique dominante« , explique Nicolas Gilhot dans l’article « Logiques militantes et logiques savantes dans le nouvel internationalisme américain », « Mais les bénéficiaires en sont aussi, et peut-être principalement, les nombreux sous-traitants qui se chargent de la logistique savante de ces opérations : consultants spécialisés, organismes semi-publics, ONG, centres de recherches universitaires, think tanks, associations professionnelles, fondations des partis politiques, organismes syndicaux ».

Bénéficiant très souvent du soutien d’organismes officiels US, de l’ONU ou de la Banque Mondiale, par exemple, ces ONG, lobbys et autres groupes d’intérêts ont pignon sur rue et étendent leur emprise sur le monde, s’insinuant dans la pensée politique, médiatique, culturelle, universitaire. On ne va pas en faire une liste exhaustive car il faudrait une encyclopédie, mais on va en évoquer quelques-unes dont on n’a pas encore parlé.

Le Council on Foreign Relations

C’est un des premiers lobbys impérialistes officiels des Etats-Unis, créé en 1921 après deux ans de préparation parce que les termes du traité de Versailles qui a mis fin à la guerre 14-18 ne convenaient pas à un groupe d’américains et anglais riches et/ou puissants et dont l’objectif était une gouvernance mondiale. L’un des piliers du CFR était le colonel Edward Mandell House, qui était le plus proche conseiller du président Wilson sur lequel il avait une grande influence.

Parmi ses membres il y avait bien-sûr les frères Dulles, John McCloy qui a eu tant d’influence sur la construction européenne avant de passer à la fondation Ford puis à la Chase Manhattan des Rockefeller, Nelson et David Rockefeller, mais aussi Dwight Eisenhower, JFK, Nixon, Gerald Ford, ou plus récemment Bush 1er et Bush Junior, Dick Cheney, Colin Powell et Bill Clinton.

Et y a aussi des stars d’Hollywood qui en sont membres, et officient comme « ambassadeurs » du CFR à travers leurs bonnes oeuvres dans le monde, comme Angelina Jolie qui en est membre depuis 2007 ou George Clooney, qui en est membre « à vie ». Il a aujourd’hui pour président David Rubinstein, confondateur et ex dirigeant de Carlyle et pour président Richard Haas, proche de Bush junior et spécialiste des relations internationales.

« C’est le colonel House qui a rédigé la première version du pacte de la Société des Nations », écrit William Jasper dans « Global Tyranny step by step », « Il a également persuadé Wilson de réunir le groupe connu sous le nom d’ « Inquiry » [enquête, qui réunissait notamment les frères Dulles et Walter Lippmann], une cabale d’Américains partisans d’un seul monde qui a formulé qui a formulé la plupart des « Quatorze points » du programme de paix de Wilson ».

En 1922 lors du premier événement organisé à New York par le CFR, le président français Georges Clémenceau en était l’invité d’honneur.

De nombreux responsables politiques y ont défilé, pour faire des discours, comme Ceaucescu qui y a fait un tour lors de sa première visite aux Etats-Unis en 1970, Daniel Ortega le dictateur du Nicaragua (à la solde des US) en 1984, Fidel Castro en 1959…

Le CFR a développé toute une rhétorique autour de la paix, des mouvements pour la paix en Europe (soutenus par les capitalistes US), avec une vision internationaliste de la démocratie made in USA[35]. Il a mené un lobbying politique aux Etats-Unis et en Europe pour vendre un système mondialisé qui ne parlait pas à tout le monde, loin de là, des deux côtés de l’Atlantique.

Il fallait faire accepter au public et aux décideurs le concept d’ordre mondial au nom de la paix, évidemment. Pour propager sa vision « internationaliste » du monde auprès d’une intelligentsia triée sur le volet, le Conseil a lancé un journal trimestriel, Foreign Affairs, qui a été qualifié par le magazine Time de « périodique le plus influent » à l’époque.

« L’amiral Ward a dit de son influence : « En suivant l’évolution de cette propagande dans la plus la plus prestigieuse revue scientifique au monde, Foreign Affairs, n’importe qui peut déterminer des années à l’avance quelles seront les futures politiques de défense et d’affaires étrangères des États-Unis. Si une certaine proposition est répétée assez souvent dans cette revue, alors l’administration américaine au pouvoir – qu’elle soit républicaine ou démocrate – commence à agir comme si cette proposition ou cette hypothèse était un fait établi«  », explique William Jasper.

Le CFR a développé des réseaux dans tout l’occident, encourageant avec l’aide des fondations Ford et Rockefeller surtout le développement de cursus universitaires dans le domaine des relations internationales, de l’économie et de l’histoire, calibrés en fonction de l’idéologie du CFR & Co.

Un tas d’organisations satellites ont aussi été mises en place pour promouvoir les vues du CFR, telles que l’United World Federalists qui en 1972 développait déjà l’idée qu’il fallait une « solution mondiale » aux « problèmes mondiaux » tels que la « crise environnementale« , l’Atlantic Council, la commission Trilatérale, l’Institut Aspen, le Business Council ou encore la Foreign Policy Association.

William Jasper rappelle que :

« Par l’intermédiaire de ses membres, le CFR a progressivement gagné de l’influence dans la branche exécutive du gouvernement fédéral, les deux principaux partis politiques, les organes importants des médias, des grandes universités, des groupes de réflexion influents, des grandes fondations exonérées d’impôts, d’énormes sociétés multinationales, des banques internationales, des organisations non gouvernementales, et autres centres de pouvoir.

L’historien Arthur M. Schlesinger (CFR), qui a été assistant spécial du président Kennedy, a écrit en 1965 sur la communauté financière et juridique de New York qui a si longtemps fourni un approvisionnement régulier … aux administrations démocrates et républicaines. Cette communauté était le cœur de l’Establishment américain … ses organisations de façade [sont] les fondations Rockefeller, Ford et Carnegie et le Council on Foreign Relations ; ses organes, le New York Times et Foreign Affairs« .

L’influence du CFR est toujours réelle bien que diluée dans une galaxie d’organisations similaires, officielles ou privées, et ses préoccupations restent les mêmes.

Le Centre Européen de Documentation et d’Information (CEDI)

Créé au début des années 50, le Centre Européen de Documentation et d’Information avait pour objectif de favoriser la construction européenne version capitalisme US mais a toujours nié son importance. Le CEDI avait son origine dans un mouvement allemand conservateur et chrétien appelé Abendland, et a été créé quand Otto de Habsbourg, fils du dernier empereur d’Autriche-Hongrie, et d’autres leaders de droite européens, notamment de l’Espagne franquiste, ou le fasciste français René Belin, ont rejoint le mouvement. Les adhérents français étaient d’ailleurs généralement d’anciens vichystes.

Le CEDI recrutait exclusivement parmi les « élites ». Quand de Gaulle est revenu au pouvoir en 1958, plusieurs de ses proches ont intégré le CEDI qui leur donnait accès à des congénères conservateurs et chrétiens en Allemagne, en Autriche, en Grande-Bretagne et ailleurs. Il a cependant cessé ses activités après la mort de Franco en 1975, qui était alors son principal bailleur de fonds.

Le Cercle de Jean Violet a recruté plusieurs de ses membres au CEDI.

Heritage Foundation

La Fondation Heritage créée en 1973 pour promouvoir « la libre entreprise, la limitation du gouvernement, la liberté individuelle et les valeurs traditionnelles américaines« , regroupait un paquet d’anciens de la CIA et des conservateurs proches de Reagan.

Elle a très vite noué des contacts avec des groupes ultra conservateurs US et européens, voire d’extrême-droite comme le club de l’Horloge où a été Bruno Mégret par exemple. En France, elle a mené des campagnes de lobbying sur différents thèmes, principalement le « libéralisme économique », pour pousser à la dérégulation et aux privatisations.

La fondation bénéficiait, via William Casey, de financements de la CIA en plus des dons de capitalistes conservateurs.

Elle a notamment étendu son influence en France dans les années 80, au moment de la grande offensive néolibérale américaine, et avait déjà des contacts avec l’équipe de Chirac au milieu des années 80. Deux de ses futurs ministres proches de la fondation l’ont ainsi abreuvé des théories magiques des néolibéraux [36].

Rappelons que nous subissons toujours ces théories malgré Reagan, Thatcher, l’Europe etc. le micron nous a encore fait le coup de la « théorie du ruissèlement » inventée par un sbire de Reagan pour justifier ses politiques qui s’apparente plutôt à une évaporation d’argent public vers les comptes en banque de milliardaires y compris dans les paradis fiscaux. Bref.

L’influence de la Fondation Heritage est loin d’avoir diminué ces dernières années, avec le renouveau néo-conservateur aux USA : elle est toujours très active derrière Trump dont elle a soutenu la candidature en 2016 et qu’elle soutient toujours très activement et sur lequel elle a une influence en termes de choix politiques comme ce fut le cas avec Reagan ou les Bush. Plusieurs membres du staff de la fondation ont même rejoint l’équipe de Trump dès la préparation de la campagne électorale, puis dans son gouvernement, et certains ont même parlé de « noyautage ».

Elle est focalisée contre la Russie depuis toujours, et veut une domination US avec l’Europe comme vassale.

La French American Foundation

En 1976, la French-American Foundation (FAF) a été mise en place par un groupe de membres du Council on Foreign Relation[37] pour « renforcer les liens » entre les Etats-Unis et la France, ces fameuses « relations transatlantiques » dont on a tant entendu parler, mais aussi pour repérer les « futures élites », c’est-à-dire les jeunes bien dans le moule qu’on pourra faire monter en confiance dans la hiérarchie mondialiste.

Comme l’expliquait le président français de la fondation à Paris Match en 2015: « Chaque année depuis 1981, après avoir reçu des centaines de candidatures, le jury sélectionne dix Français et dix Américains âgés de 30 à 40 ans appelés à jouer, selon lui, un rôle capital dans leur pays (business, politique, médias, culture) et dans l’intérêt des relations de nos deux pays. Après quoi, les heureux élus échangent à haut niveau sur toutes les questions d’intérêt commun.« .

Dans un article paru sur le site du Réseau Voltaire en avril 2007, Pierre Hillard explique :

« Dans les années 1970, les trois hommes mirent en commun leurs réseaux français dans le monde politique, économique, ainsi que dans la presse et le milieu universitaire. Parmi leurs relais on trouvait Olivier Chevrillon, (l’un des fondateurs de la revue Le Point), Pierre Jouven (président de Péchiney), Jean-Louis Gergorin (futur membre du comité exécutif d’EADS) et Thierry de Montbrial (futur président de l’Institut français des relations internationales, l’IFRI, qui co-dirigeait à l’époque le Centre d’analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères)« .

Elle a un siège à paris et un à New-York, et a nommé des dizaines de Young Leaders en France et aux Etats-Unis (le même système que les Global Young Leaders de Davos qui lui est au niveau mondial) : citons Alain Juppé ou François Léotard en 1981, Alain Mérieux en 82, Hillary Clinton, Alain Minc ou Jacques Toubon en 1983, François Villeroy de Galhau (patron de la banque de France) en 95, flamby et Pierre Moscovici en 96, Marisol Touraine en 97, Arnaud Montebourg en 2000, Jean-Marc Jancovici et Valérie Pécresse en 2002, Nathalie Kosciusko-Morizet et Mathieu Pigasse en 2005, Edouard Philippe en 2011, le micron et Cédric Villani (ex fan du micron passé chez Mélanchon et mouillé jusqu’au cou dans le covid) en 2012…

Ils étaient 5 de la « FAF » dans le gouvernement de flamby (et 6 avec lui), au moins autant dans l’entourage de macron. Sarko quant à lui a fait en septembre 2006 un discours à la FAF à new-York, dans lequel il affirmait sa volonté de « rebâtir les relations transatlantiques« . Le futur « président pro-amérique » dixit Fox News était en campagne depuis des années et faisait une tournée auprès des néoconservateurs US de la bande de Bush Junior.

La French American Foundation est longtemps restée très discrète, jusqu’à ce que ses manœuvres ne sautent aux yeux de beaucoup sous l’ère du micron. Son existance a été officialisée en 76 à l’ambassade de France à washington, en présence de Giscard et Gérald Ford: il ne s’agissait donc pas d’une obscure fondation de plus.

Une de ses spécialités est la sélection des futurs « Young Leaders » dont le micron est un des lauréats, un programme lancé en 1981 pour « bâtir des relations durables entre jeunes personnalités françaises et américaines et appelées à de hautes fonctions dans leurs pays respectifs« . Jusqu’à 10 Français et 10 US de 30 à 40 ans ont droit à des « séminaires » des deux côtés de l’Atlantique en présence des responsables politiques et leaders économiques influents. De quoi étoffer son carnet d’adresses et s’insérer dans des réseaux pro-US d’envergure internationale.

Parmi les donateurs, on trouvait évidemment David Rockefeller, Franck Carlucci du fonds Carlyle, proche des Bush et ancien ponte de la CIA, ou encore des industriels français comme Ernest Antoine Sellière quand il était patron du Medef, aujourd’hui il y a Bank of American, Sodexo, Lazard, Amazon, Vivendi, Axa, Suez, Engie, L’Oreal, la Banque Transatlantique, BNP Paribas, LVMH, JP Morgan.

Au comité exécutif on a un banquier de BNP Paribas, une responsable des Galeries Lafayette, une conseillère des présidents du Medef, un ex ambassadeur aux Etats-Unis (Jean-David Levitte), un général français qui fut Commandant Suprême pour la transformation de l’OTAN (2012-2015), Louis Giscard, le fils de. On note aussi que parmi les « autres membres du conseil » il y a « Airbus » et l’Oréal.

En 2018 la FAF a lancé sa « Health Initiative », son « initiative santé », pour « échanger sur les bonnes pratiques dans un contexte transatlantique » et le programme Young Talents qui fait voyager 8 ados sportifs issus de la diversité aux Etats-Unis.

Et en 2017 elle s’est lancée sur le terrain de la cybersécurité avec le Cyber Club, dont les débats, qui se déroulent avec des politiques de haut niveau, des militaires, sont secrets (comme le Bilderberg et beaucoup de ces réunions, les débats sont soumis à la « règle de Chatham House » c’est-à-dire qu’on ne doit jamais savoir qui y a dit quoi). Et « Le Cyber Club reçoit également une fois par an une délégation de sénateurs américains ou de membres de la Chambre des Représentants, membres de la commission de sécurité« : viennent-ils donner les consignes pour l’année?

Elle organise un séminaire chaquie année appelé « French-American Cyber Security Conference » sur les enjeux de « cybersécurité » où des responsables de la NSA viennent parler des « menaces » telles que les « réseaux sociaux », des « enjeux liés à la 5G » (sujet de 2019) où à l’ « identité numérique » (sujet de 2018)…

Le Safari Club

Ce club privé a aussi été créé en 1976 au Mont Kenya Safari Club en présence d’Henri Kissinger, pour réunir discrètement les responsables politiques et des renseignements des pays intéressants pour les US, de la France au Maroc en passant par l’Iran ou l’Arabie Saoudite. Il était en lien étroit avec « Le Cercle » de Violet, Pinay & Co[38] et avec un obscur « comité des 26 » qui était semble-t-il basé à Bristol en Angleterre.

Certains observateurs comme Paul E. Williams, considèrent que l’objectif premier de cet obscur groupuscule était d’instrumentaliser le terrorisme et le proto terrorisme par des groupes alliés présents partout dans le monde, sous le prétexte de lutter contre « le communisme ». Le Safari Club, qui réunissait des individus de pays en guerre et de pays fabricants d’armes, s’est assuré dans plusieurs cas des fournitures d’armes à des groupes rebelles soutenus par Washington, notamment lors de la guerre contre l’URSS en Afghanistan dans les années 70-80.

Le milliardaire et marchand d’armes saoudien Adnan Khashoggi (d’origine turque) qui était aussi très proche des intérêts US et du Groupe Carlyle notamment, financait les activités du club. Il a été impliqué dans de nombreuses affaires dont l’Iran Contra, et il a été l’un des clients de Jeffrey Epstein au tout début de sa carrière dans la finance, avant qu’il se fasse virer de la banque Bear Stearns. Ce monde est petit…

Un article paru le 17 novembre 1999 dans le magazine anglais Scallywag précisait :

« le Safari Club, avec l’argent illimité du pétrole, était occupé à comploter pour renverser le président Sékou Touré en Guinée ; à assassiner Amilcar en Guinée-Bissau ; et à soutenir Siad Barre en Somalie. Ils ont mené des complots pour assassiner le colonel Kadhafi, parce qu’il avait activement fourni du soutien et des armes à « l’autre bord ». Ils avaient noué des liens étroits avec le BOSS, la police secrète de style Gestapo d’Afrique du Sud. Leurs seuls véritables échecs ont été de ne pas réussir à assassiner Kadhafi et de ne pas soutenir le Shah ».

En 1981 la présidence est prise par le « comte » Alexandre de Marenches, membre de l’ordre de Malte et ex directeur du SDECE nommé en 1970 par Pompidou dans le contexte de l’affaire Markovic (dont on va reparler), ce proche d’Alain Delon retrouvé dans une décharge avec une balle dans la tête, qui menaçait de balancer sur les partouzes du couple Pompidou. Ce fervent anticommuniste n’a quitté ses fonctions qu’en 1981, justement.

Certains disent que c’est de Marenches qui a créé ce club dédié à la barbouzerie internationale, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Mais les objectifs allaient bien au-delà et son orientation n’était pas en faveur de la France mais des Etats-Unis. Et on doit beaucoup de guerres, de sang, de violences et de destructions à ce petit groupe de vieux fanatiques.

« Avec le transfert clandestin de son siège au Caire, le Safari Club devint un élément-clef dans le recrutement de combattants irréguliers arabes pour lutter contre l’Union soviétique en Afghanistan (…)Le Safari Club était responsable de la plupart des opérations clandestines de l’Occident contre l’Union soviétique dans les zones de conflit s’étendant de l’Afghanistan à la Somalie et de l’Angola au Nicaragua » résume l’article de Libanews. Aujourd’hui, une nouvelle mouture du Safari Club serait encore impliquée dans le soutien au djihadisme international et divers groupes armés.

L’objectif est anti communiste, mais aussi pour défendre des intérêts industriels, dans les mines, le pétrole ou autres et chacun contribue à son niveau. La France peut y apporter ses compétences ou son matériel de pointe, sans être impliquée directement.

L’Open Society

L’Open Society est une de ces ONG, qui complètent l’action des fondations en matière de soft power. Soros a créé l’Open Society en 1979, là encore pour promouvoir « la démocratie » par l’éducation et le militantisme politique, en particulier dans des pays ciblés par les Etats-Unis, en Afrique, en Amérique latine, en Asie centrale, en Europe de l’Est.

Actuellement, elle est très active dans ce mouvement antiraciste, pro religions, sur la propagation de la théorie du genre et des droits sexuels, et plus généralement la « lutte contre les discriminations » dans le monde entier.

Soros a émigré à Londress puis Etats-Unis dans sa jeunesse, et sur magot de 25 milliards de dollars il en a mis 18 dans sa fondation en 2017. Celle-ci est alors devenue « la fondation la plus riche au monde, après la Fondation Bill and Melinda Gates et avant la Fondation Ford, avec un budget de 940,7 millions de dollars en 2017, dont 60 % sont destinés aux subventions » comme l’expliquait Oriane Calligaro dans un article paru en 2017 dans la revue Politix.

De 1984 quand il est arrivé en Europe à 2020, Soros aurait ainsi investi 32 milliards de dollars dans la philanthropie démocratique. C’est le site de sa fondation qui le dit: « Les fondations Open Society (Open Society Foundations en anglais) ont été fondées par George Soros, l’un des plus grands philanthropes au monde qui a fait don, depuis 1984, de 32 milliards de dollars sur sa fortune personnelle, bâtie sur les marchés financiers« .

L’Open Society s’est concentrée au départ sur l’Europe de l’est et les ex pays soviétiques, et après le mur de Berlin elle a élargi ses activités aux Etats-Unis, à l’Asie et l’Afrique.

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À propos de l'auteur Profession Gendarme

L'Association Professionnelle Gendarmerie (APG) a pour objet l’expression, l’information et la défense des droits et intérêts matériels et moraux des personnels militaires de la gendarmerie et de toutes les Forces de l'ordre.Éditeur : Ronald Guillaumont

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