Les hôpitaux privés en santé, le loup dans la bergerie

Les hôpitaux privés en santé, le loup dans la bergerie

Les syndicats ont modestement protesté contre ce projet d’hôpitaux privés en santé. Modestement est le bon mot puisque la protestation devrait aller selon moi jusqu’à la grève politique ni plus ni moins. Mais les syndicats n’ont pas mobilisé depuis des années et il faudrait un revirement complet du climat politique pour que cela change. Enfin, leurs arguments restent valables mais très corporatistes. Il s’agit de préserver les services publics qui fournissent à leurs membres des revenus. Cela n’a pas grand-chose à voir avec le service public, car l’essentiel d’un engagement public est de le mettre sous le regard du public, de tout le public. Cela inclus les journalistes et les intellectuels voués à la recherche du bien commun.

Cette notion de bien commun est au cœur des affaires publiques depuis, au moins, Saint Thomas d’Aquin. C’est un enjeu de civilisation. Soumis au regard public veut dire que tous sont à même de juger si le travail est bien fait, si vous me passez l’expression. En effet, ce qui tient du privé, de la sphère privée, relève de l’individu, du particulier. Mais le public lui relève du politique. C’est-à-dire de qui décide et comment.

À la tête d’un réseau public, il y a des gens élus ou de hauts fonctionnaires qui répondent de leurs gestes devant les élus qui peuvent les renvoyer tout simplement s’ils ne font pas l’affaire. Ainsi donc, si quelqu’un a à répondre de l’administration d’un service devant le public, il est placé devant le choix difficile de s’assurer que le bien commun est respecté.

Là où le bât blesse, c’est qu’on cherche à faire croire que le privé serait à l’avantage, grâce à la compétition qu’il introduit, du bien commun, qu’il favoriserait l’avantage de tous. C’est ce qui se produit quand on met en compétition des entrepreneurs pour remplir des contrats publics. Mais là, il s’agit de service. Il ne viendrait à l’idée de personne de soumettre les hôpitaux à des concours pour sélectionner les meilleurs. C’est pourtant le raisonnement que l’on tient quand on veut introduire de la compétition entre d’un côté le public et de l’autre le privé. Cela ne tient tout simplement pas la route.

Sous la surveillance de la population, y compris des appareils de presse ou des groupes de citoyens, le bien public est mieux assuré que par une soi-disant compétition entre différents secteurs d’un service public. Les politiques ont à en répondre et si l’administration n’est pas adéquate, ils sont pris dans la tourmente du débat public sur la meilleure manière d’en assurer le succès.   

À vrai dire, je soupçonne les politiques qui mettent de l’avant ce concept de compétition public privé de vouloir tout simplement escamoter leurs responsabilités de gérants du bien commun. Ils y renoncent subtilement en renvoyant à des individus non-élus, c’est-à-dire, qui n’ont à répondre de rien en termes de l’attribution du pouvoir de le faire, la responsabilité de gouverner adéquatement, selon le souhait de la population au mieux de ce que permettent les progrès de société.

S’en remettre au privé pour fournir des services de santé est tout simplement une abdication devant les enjeux politiques de la recherche des meilleurs pratiques possibles en santé. Et ce n’est pas anodin que de vouloir se départir de ses responsabilités de gestionnaires sur des capitalistes dont le but reste de générer des profits pour des actionnaires. Ce n’est pas une moindre affaire et le moindre déni de toute supervision publique des services.

On nous dira qu’il y aura des commissions des surveillances, des enquêtes, que les privés seront toujours tenus de répondre de leurs actes devant les politiques. C’est de la poudre aux yeux. Que nous révèlent les enquêtes récentes sur le privé ? Qu’il n’est pas à la hauteur de la tâche et que les institutions les moins payantes sont délaissées, sinon carrément fermées comme les deniers refuges de vieillards que le public doit reprendre en charge parce qu’abandonnés pour non-rentabilité !

La CAQ a beau argumenter dans un sens comme dans l’autre et les syndicats vouloir préserver les emplois de leurs membres, il n’y a qu’une volonté de sauver les services de santé publics qui tienne. Et de vouloir les mettre au service du capitalisme est une aberration qui fait de ce parti un autre instrument au service du patronat québécois qui a déjà fait ses preuves en termes d’avidité et de complaisance par rapport à la santé publique.  

Tout ça est à mettre en parallèle avec le rôle du capitalisme dans notre société. Avons-nous vraiment besoin, après s’en être défait dans la Révolution tranquille, du privé en santé ? Avons-nous vraiment besoin de mettre nos vies entre les mains de capitalistes qui n’ont de souci que pour la rentabilité et le profit ? Non, monsieur Legault. Vous qui vous targuez d’avoir bien géré la pandémie et d’avoir été le maitre d’œuvre d’une opération qui a sauvé des vies, comment pouvez-vous à ce point mettre en péril tous nos services de santé en y introduisant la mauvaise gestion et la négligence criminelles ? Ça n’a pas de bon sens. 
 

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