C’est probablement le film le plus vu, le plus revu, et le plus appris par cœur – plus que les tables de multiplication – du cinéma français populaire. Sorti en 1982, la comédie de Poiré fait un carton au box-office, et révèle au grand public toute la bande du Splendid (OK, Les Bronzés de Leconte c’était en 78, mais on va pas pinailler).
Il y avait de très bons comédiens, comme Clavier, énorme en travesti dépressif, Anémone, parfaite en catho de gauche coincée, et Jugnot, terrible en pauvre con. Un ton en dessous, on trouvait Lhermitte, pas très drôle, et Chazel, imposée parce que meuf à Clavier.
Mais le grand public s’en foutut (foutre est un verbe curieusement sans passé simple, donc on l’invente, mais selon une certaine logique) et fit un triomphe à toute la bande, qui devint très bankable, surtout avec la série des Bronzés, qui firent carton sur carton, jusqu’au dernier, Les Bronzés font du fric, où la gauchiste pro-migrants Josiane Balasko encaissa la bagatelle de trois millions (d’euros). Avec ça, on peut en loger des migrants ! Ce qu’elle se garda bien de faire.
Anémone, plus droite, s’éloignera de cette machine à tunes qu’était devenue la troupe, et fera une carrière solo. Lhermitte continuera à faire des films pour les familles, et Clavier, digne successeur de De Funès, aura la carrière que l’on sait.
Voilà pour les portraits. Aujourd’hui, puisqu’il s’agit de lui, Lhermitte nous fait sa Shoah, en incarnant Simon Wiesenthal, le fameux chasseur de nazis à la noix, puisque, comme on l’a déjà écrit, les nazis intéressants du points de vue scientifique ou renseignement furent happés partie par les Américains, partie par les Soviétiques. Pas touche aux nazis bankable, en revanche on vous laisse les autres, le menu fretin, les proies à deux Deutsche Mark pour Wiesenthal et autres Klarsfeld.
En ce moment, on ne sait pas pourquoi, peut-être à cause du conflit russo-ukrainien et les accusations mutuelles de nazisme, il y a un revival nazi et une explosion de Shoah à la télé, au théâtre, partout. Même dans la presse, avec les chroniques de Sorj Chalandon qui ne parle presque que de cela. On sent une pression, mais pas celle de la bière.
Au ciné, on l’a vu, la Zylberstein incarne la Simone et pour ce rôle en or massif, elle nous apprend qu’elle a pris 12 kilos. Là on dit stop : après 50 ans, ménop ou pré-ménop obligent, les femmes prennent généralement un peu de poids, donc prendre 12 kilos à cet âge n’est pas une performance d’acteur, comparativement à celle de De Niro dans Raging Bull : 25 kilos pour le rôle ! Et sans ménopause, s’il vous plaît. Ni andropause, puisque ça n’existe pas, sauf pour ceux qui prennent de la brioche et des nichons, car ils ne font pas assez de sport.
« You’re killing yourself the way you eat ! (T’es en train de te tuer à bouffer comme ça !) »
Pour raconter les diatribes haineuses et vengeresses de Wiesenthal, Lhermitte n’a pas eu besoin de prendre des kilos, seulement une grosse tasse de propagande.
Le texte renvoie chacun à sa part d’humanité. Et, aussi, à son côté sombre lorsque menace la loi du Talion, le fameux œil pour œil. « Que fait-on avec le Mal ? Avec le salopard qui ne s’est jamais repenti, un Himmler, un Göring, personne ne se pose la question, mesure Thierry Lhermitte. Mais un SS qui se repent, un SS élevé religieusement dans un milieu social-démocrate, dont le père est anéanti d’imaginer que son fils a pu se rendre complice de monstruosités… Que fait-on dans ce cas-là ? Pas de différence entre celui qui souffre, réalise l’horreur commise, demande pardon, et le donneur d’ordres content de ce qu’il a fait ? Mais quel homme est-on alors ? » (Ouest-France)
Avant de voir un extrait de cette tournée, on écoute Lhermitte qui fait de la philo, en bonne compagnie :
Ces questions ne manqueront pas de déstabiliser le public très particulier que le comédien aura face à lui. Il y aura là des déportés et des Justes, leurs descendants, Pierre-François Veil le fils de Simone et président du Comité français pour Yad Vashem, Aliza Bin-Noun l’ambassadrice d’Israël en France, venus inaugurer un peu plus tôt le monument cherbourgeois consacré à la Shoah. « Je suis très heureux de raconter cette histoire qui interroge tout le monde. Là, à Cherbourg, ça va être devant des gens très concernés, mais on pourrait jouer ça au Rwanda, au Cambodge… Tous les endroits où le Mal a sévi à grande échelle. »
Lhermitte en Pierre (Mortez) était suffisamment moyen pour incarner un type moyen (donc pas un rôle de composition), mais là, c’est pas qu’il joue mal, c’est que le texte est terriblement mauvais.
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