1 – Kadhafi repéré par son portable
Replié sur Syrte depuis la chute de Tripoli, le 21 août 2011, Mouammar Al Kadhafi tente une sortie de sa ville natale sur la côte méditerranéenne, pour chercher à joindre la province méridionale de la Libye, au-delà vers les zones désertiques des pays limitrophes.
Traqué depuis les airs par l’aviation de l’Otan, encerclé par les forces rebelles soutenues par les mercenaires des pétromonarchies du Golfe, le fugitif s’empare alors de son portable satellitaire pour joindre à Damas (Syrie) une chaîne de télévision syrienne afin de s’adresser au peuple libyen.
Mal lui en prit. L’erreur lui sera fatale. Le mobile est repéré par les satellites géostationnaires américains qui répercutent le signal au commandement français, sous-traitant des Américains dans la Zone. Les hélicoptères français sont lancés à sa trousse.
Centre névralgique de son pouvoir, dont il avait fait la vitrine de sa révolution, Syrte, la ville natale du «guide la révolution libyenne», sera aussi, le lieu de sa mort.
Le récit des derniers instants du Colonel ont été relatés par son ancien ambassadeur en Arabie saoudite, Mohamad Saad Al Kachatte, dans une déclaration reproduite par le site en ligne «Lebanon 24.com», dont le locuteur arabophone pourra prendre connaissance sur ce lien
«Sentant la menace, Kadhafi tente une sortie en compagnie d’une escouade de 70 hommes en armes, dont son fils Mou’tassem et Abou Bakr Jaber, son ministre de la défense. Repérés par les hélicoptères français, le convoi s’engouffre dans une canalisation pour se mettre à l’abri.
…«Des missiles et des projectiles de gaz toxique sont alors lâchés en direction de l’abri de fortune des fugitifs en vue de les neutraliser. Alertés, les rebelles capturent Kadhafi et procède à sa mise à mort dans des conditions épouvantables à Misrata».
2- La chute de Tripoli et le pillage de l’or libyen
Selon l’ancien ambassadeur libyen, «la chute de Tripoli et la liquidation du Colonel Kadhafi ont marqué le début du pillage de la Libye. Soixante-dix tonnes d’or (70 tonnes) entreposés dans les diverses caches de la Banque centrale libyenne ont été pillées, alors que les capitales occidentales mettaient la main sur les avoirs libyens à l’étranger estimées à 170 milliards de dollars» et que le gigantesque arsenal de la capitale lui aussi sera à son tour pillé par les islamistes libyens pour servir à équiper les groupements terroristes en Syrie et au Sahel.
En fait, le Qatar avait voulu, dès le départ, intronisé l’Émir des groupements islamiques combattants libyens en Afghanistan (GIGL), Abdel Hakim Belhadj, comme le chef des révolutionnaires libyens. Transporté par avion par le Qatar de Kaboul à Doha, il a été présenté aux chefs d’état-major de l’Otan lors d’une réunion des chefs militaires de la coalition à Doha, en Août 2011, où il a fait un briefing sur la situation militaire en Libye, en prélude à l’offensive contre Tripoli.
Le quartier général des opérations a été alors transféré de l’Ile de Djerba en Tunisie, (déjà sous l’autorité du parti islamiste An Nahda de Rached Ghannouchi, ami du Qatar) vers Zintane, dans le Djebel Nefoussa, dans le secteur occidental de la Libye.
Finalement l’assaut contre Tripoli a été retardé de plusieurs semaines, en raison du fait que le Qatar avait invoqué l’opposition de l’Otan à une telle opération du fait de son impossibilité à mener à bien dans un tel délai la destruction des défenses majeures de la capitale.
Un faux prétexte pour permettre à son poulain islamiste Abdel Halim Belhadj de s’emparer de Tripoli et de son arsenal. 24 des 28 cibles névralgiques destinées à paralyser les défenses de la Capitale avaient été auparavant détruites. Abdel Karim Belhadj a rallié depuis lors Daech. Du travail d’orfèvre des chancelleries occidentales et de leurs supplétifs pétro-monarchiques.
Sur les circonstances de la chute de Tripoli, ce lien
3- Hillary Clinton sonne l’hallali
L’hallali avait été sonné par Hillary Clinton, secrétaire d’état américain, trois jours auparavant, qui avait fait de la Libye sa guerre personnelle, bafouant pour ce faire les résolutions du Conseil de l’ONU.
En pleine campagne de Libye, débarquant à l’improviste à Tripoli pour donner le signal de la mise à mort du Colonel Mouammar Al Kadhafi, sans égard pour les destructions qu’elle vient d’imposer à la Libye, Hillary Clinton aura ce terme d’une indécence méprisant à l’égard de sa future victime: «We came, we saw, He died».
La visite surprise d’Hillary Clinton a eu lieu le 18 octobre 2011. Trois jours plus tard, Kadhafi était liquidé.
Six ans après, la malédiction de Kadhafi a frappé Hillary Clinton, qui sera consommée sur le bûcher de ses vanités, avec sa déroute présidentielle américaine en 2016. Tel un effet boomerang, sa victime lui retournera, d’outre-tombe, sa sentence morbide. «We came, We saw, She died».
Triste fin pour Hillary Clinton, en retraite forcée anticipée aux cachetons de ménagère dévalués.
4 – La bouche d’égout de Kadhafi et la tanière de Saddam Hussein
Le journaliste égyptien Tarek Abbas relate dans le journal «Al Misri Al Yom» (L‘égyptien aujourd’hui) le dernier jour de Mouammar Kadhafi et laisse entendre qu’une mise en scène identique à celle qui avait prévalu au moment de l’arrestation de l’irakien Saddam Hussein s’est produite pour l’arrestation du libyen.
«Mou‘tassem, le fils cadet de Kadhafi, était lucide, conscient que son heure avait sonné, en raison du grand nombre de ses partisans fauchés par la mitraille ennemie et qui gisait autour de lui. Il a néanmoins continué à combattre jusqu’à épuisement de son stock de munitions et que ses forces l’abandonnent. Il perdit connaissance, atteint d’une balle.
Ses assaillants s’en emparèrent sans risque… Il sursauta lorsqu’il entendit quelqu’un insulter son père. Il se dressa, lui répliqua et tenta de le frapper. Un nouveau tir l’immobilisa pour l’éternité.
«Mouammar Kadhafi était, lui aussi, dans une situation désespérée. Gravement blessé, encerclé sans la moindre possibilité que des secours lui parviennent. Sa garde combattait vaillamment pour tenter de percer un passage loin de la zone des combats.
«Vaincu par les assaillants en surnombre, et l’intensité des tirs, Kadhafi sera capturé vivant. Puis ses assaillants s’acharneront sur lui, allant jusqu’à ce que l’un d’eux lui plante sa baïonnette dans son postérieur.
«Mais une question intrigante demeure: «Les hommes des tribus, des êtres de grande fierté, consentent-ils à se faufiler aisément dans une bouche d’égout, voire une canalisation d’eaux usées? Ou cette mise en scène répondait-elle à la volonté de ses assaillants de le discréditer auprès de l’opinion publique internationale, de la même manière que les communicants américains ont popularisé l’image de Saddam Hussein dégagé de sa tanière le regard hagard, exorbités, les cheveux ébouriffés?
Ci-joint le lien de ce récit pour le lectorat arabophone
5 – le Général Khalifa Belkassem Haftar
Le 20 octobre 2011, après deux mois de siège et de combats, Khalifa Belkassem Haftar annonce la mort de l’ex-dirigeant libyen et la libération de la ville de Syrte. Ancien commandant en chef du Front Sud lors de la guerre tchado libyenne, dans la décennie 1980, Haftar, piètre stratège, a été le grand vaincu des batailles de Wadi Doum et de Faya-Largeau.
Pour les besoins de la cause atlantiste, il sera promu nouveau chef d’état-major de l’armée rebelle, en dépit de son piteux état de service et de la peu flatteuse réputation dont il pâtissait du fait de son long séjour aux États-Unis où il s’était réfugié, vingt-deux ans auparavant pour échapper à la cour martiale de son pays.
Autre état de service glorieux de cet officier félon, le Général dirigeait depuis le Tchad, pour le compte de la CIA, des opérations de déstabilisation contre son pays d’origine; opérations interrompues à la suite du surgissement miraculeux du «printemps arabe» en Libye.
En 2019, assisté par ses deux fils, Saddam et Khaled, chacun à un poste de commandement au sein de son armée, le Maréchal Haftar (75 ans) se lance à la conquête de Tripoli et de l’autorité centrale internationalement reconnue, fort de son butin de guerre, -le pillage de la succursale de la banque centrale de Libye à Benghazi- et d’un arsenal fourni par les Émirats Arabes Unis, les nouveaux incendiaires du Monde arabe. En vain. Son échec devant Tripoli a conformé une fois de plus sa réputation de piètre stratège.
6- Le précédent d’Abdullah Ocalan
Fondateur et dirigeant du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Parti des Travailleurs (PKK, Partiya Karkêren Kurdistan), une organisation considérée comme terroriste par la Turquie, les États Unis, et l’Union Européenne, Abdullah Ocalan a été lui aussi capturé, à cause de son portable, au Kenya au cours d’une opération menée conjointement par les services secrets turcs, américains et israéliens le 15 Février 1989.
Voyageant sous passeport grec, et installé à la mission diplomatique de Grèce au Kenya, Abdullah Ocalan a actionné son portable alors qu’il se rendait à l’aéroport de Nairobi pour prendre l’avion vers une destination inconnue. Repéré par les satellites, son avion sera intercepté par une opération commando israélo-américaine et détourné vers la Turquie.
La Turquie et Israël baignaient alors dans une «belle alliance», considérée comme «les deux uniques démocraties du Moyen orient», selon les communicants atlantistes, avant que leurs relations ne s’enveniment.
7- Le stratagème de Saddam Hussein pour communiquer avec l’extérieur lors de sa clandestinité.
Plus avisé, Saddam Hussein, lui, ne faisait jamais usage du téléphone car il savait que les Américains veillaient à intercepter ses communications. C’était un gros consommateur de livres.
«Saddam a enregistré plusieurs messages incitant ses partisans à combattre l’occupant américain. Il enregistrait ses messages sur un mini magnétophone, et, sachant que les Américains allaient décrypter ses enregistrements pour y déceler des indices pour sa localisation, Nameq (son aide de camp) se dirigeait en voiture jusqu’à une dizaine de km de Samara, et, là, en bordure de l’autoroute, la voix de Saddam couverte par le trafic autoroutier, il procédait à la diffusion des messages.
«Je voulais plonger les Américains dans la perplexité et la confusion», a expliqué Saddam Hussein à son porte-voix.
Le récit du stratagème de Saddam Hussein pour s’adresser à ses partisans durant sa clandestinité figure sur ce lien «L’ombre de Saddam Hussein pèse sur l’Irak dix ans après sa pendaison»
8- Les quatre objectifs de Nicolas Sarkozy en Libye
la prédation du pétrole libyen et la neutralisation de l’influence du Colonel Kadhafi dans l’Afrique subsaharienne.
«La France se préoccupait de préserver son emprise sur la monnaie africaine, le Franc CFA, et s’opposait à la création d’une monnaie unique africaine adossée sur l’or, comme le préconisait le dirigeant libyen.
Telle est du moins la substance d’une documentation constituée par 3000 mails échangés entre les responsables américains lors de l’intervention de l’Otan contre la Jamahiriya. Datant du printemps 2011, ces mails portaient principalement sur des échanges entre Hillary Clinton, à l’époque secrétaire d’état, et Samuel Blumenthal, auteur d’une étude sur «l’or de Kadhafi», faisant état d’«intentions malveillantes occidentales» concernant ce sujet.
«L’opération de l’OTAN en Libye, sous la direction de la France, était principalement motivée par le souci de Paris d’obtenir une plus grande part dans la production du pétrole libyen et de brider la marge de manœuvre de Kadhafi dans l’Afrique francophone».
Selon ces mels, Nicolas Sarkozy visait quatre objectifs:
- Avoir accès au pétrole libyen
- Préserver l’influence française dans l’Afrique francophone
- Renforcer le prestige de Nicolas Sarkozy en phase électorale de la reconduction de son mandat présidentiel
- Brider la marge de manœuvre de Kadhafi dans l’Afrique subsaharienne.
Pour aller plus loin sur ce sujet: L’ECO, une victoire posthume pour le libyen Mouammar Kadhafi
Ci-joint pour le locuteur arabophone, le compte rendu de synthèse des 3000 mels, publié par le site Ar Rai Al Yom», en date du 21 octobre 2019, soit 8 ans après la mort du dirigeant libyen.
9 – La Libye, point d’évacuation du contentieux para matrimonial entre Nicolas Sarkozy et Bernard Henry Lévy
La Libye a été l’Austerlitz de Nicolas Sarkozy, sans son soleil. La Libye sera, de fait, le point d’évacuation du contentieux para matrimonial entre Nicolas Sarkozy et Bernard Henri Lévy, entre l’époux de la «chipeuse» et le père de la victime.
((NDLR= Carla Bruni, épouse de Nicolas Sarkozy, avait été auparavant la compagne du philosophe Jean Paul Enthoven, ami de BHL. Lors d’un séjour de vacances à Marrakech dans la propriété de BHL, Carla est tombée amoureuse du propre fils de son compagnon, Raphaël Enthoven, à l’époque marié avec la propre fille de Bernard Henry Lévy, Justine Lévy, qui narrera ses déboires conjugaux dans un ouvrage intitulé «Rien de grave». (Éditions Stock 2004). Carla Bruni et Raphaël Enthoven ont eu un enfant, Aurélien, Bernard Henri Lévy, quant à lui, avait soutenu Ségolène Royal, la rivale socialiste de Nicolas Sarkozy, lors des élections présidentielles françaises, en 2007. Fin de la note )).
Sur les malheurs du peuple libyen, Nicolas Sarkozy a donc scellé sa réconciliation avec le théoricien de la guerre humanitaire, purgeant un contentieux souterrain para matrimonial, à la faveur d’un indécent ballet diplomatique, couvrant de ridicule la France, en contournant le ministre des Affaires étrangères, le gaulliste Alain Juppé, supposé restaurer le prestige terni de la diplomatique française après la calamiteuse prestation de Michèle Alliot Marie, promotrice immobilière en Tunisie, en pleine révolte populaire.
Instrumentalisant l’opposition libyenne sur fond de gesticulation médiatique, au risque de la dé légitimer, au risque de replacer le peuple libyen sous la tutelle de pays occidentaux qui se sont forts peu préoccupés de sa liberté sous la mandature Kadhafi, le tandem Sarkozy BHL a fait du théâtre libyen une kermesse, distribuant des satisfactions d’amour propre aux principautés pétrolières en compensation de gracieusetés dont elle a bénéficié de sa part.
L’implication d’un des chefs de file majeurs de la stratégie médiatique israélo-américaine sur le théâtre européen dans le changement démocratique en Libye a bridé l’adhésion populaire arabe à l’opposition anti Kadhafi et quelque peu obéré sa crédibilité.
10- Le tropisme sélectif occidental à l’égard de l’Islam
Le tropisme sélectif occidental à l’égard de l’Islam conduira en France chaque notabilité intellectuelle à disposer de sa minorité protégée, comme la marque de la bonne conscience chronique de la mauvaise conscience, comme une sorte de compensation à un trop grand désintérêt pour les Palestiniens, compensant une hostilité aux revendications du noyau central de l’Islam, la Palestine et le Monde arabe, par un soutien à l’Islam périphérique.
Il en est ainsi du philosophe André Glucksmann pour les Tchétchènes, quand bien même son nouvel ami le président Nicolas Sarkozy, est devenu le meilleur ami occidental du président russe Vladimir Poutine. Il en est aussi de Bernard Kouchner, pour les Kurdes, ces supplétifs des Américains dans l’invasion de l’Irak, pour le Darfour, le Biafra et la Birmanie. Il en est enfin de l’héritier Raphaël Glucksmann pour les Ouïghours
Au point qu’un journaliste anglais Christopher Caldwell en déduira dans la prestigieuse revue London Review of Books que cette prédilection pour les zones pétrolifères stratégiques de «l’humanitarisme transfrontière asservit les intérêts de la politique étrangère française à ceux des États-Unis et que l’humanitarisme militarisé du transfuge sarkozyste n’est qu’une forme de néo conservatisme larvé».
Il en est enfin de même de Bernard Henry Lévy, pour le Darfour, quand bien même son entreprise familiale est mentionnée dans la déforestation de la forêt africaine. Le fait de privilégier le Darfour et non l’enclave palestinienne de Gaza, -un cas de figure en tout point transposable à la province sécessionniste du sud Soudan-, trouverait sa justification médiatique et non morale par le fait que le Darfour a fait office de contre feu médiatique au prurit belligène d’Israël contre le Liban et la Palestine.
La Libye, l’Austerlitz du tandem, sera aussi leur Waterloo, au vu des pitoyables résultats de leur exposition médiatique du printemps: Mobiliser l’OTAN, le Charles de Gaulle, les Rafales, pour instaurer la Charia.
Démembrer le Soudan et mettre la main sur la Libye afin de couper le ravitaillement énergétique de la Chine pour finir par mendier à cette même Chine cinquante milliards de dollars pour renflouer l’Euro…. Point n’est besoin de faire «normal sup» pour parvenir à un tel résultat calamiteux
Imprecator tout au long de sa mandature présidentielle, «le sang mêlé» et son comparse philosophe du botulisme s’est dévoilé Matamore en fin de carrière.
Hillary Clinton n’aura pas été l’unique victime de la vengeance posthume de Kadhafi. Nicolas Sarkozy fera, à son tour, les frais de sa vindicte «avec les compliments du guide».
René Naba
RÉFÉRENCES
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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