L’autrice est députée du Bloc Québécois
Le 19 septembre dernier, à titre de porte-parole du Bloc Québécois en matière d’Environnement, je m’envolais pour New York afin de prendre part à la Semaine du Climat qui se tenait en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. Lors de ce sommet qui rassemble des élus de nombreux pays ainsi que plusieurs acteurs du monde des affaires et de la société civile, j’ai décidé de concentrer mon attention sur l’exploitation des sols que ce soit en lien avec la stratégie canadienne pour le climat, mais également en matière de sécurité alimentaire.
Les sols et le carbone
J’étais heureuse d’assister à cet événement, même si j’ai de plus en plus de réserve sur ces grands rassemblements. Par exemple, les technologies et les idées qui étaient promues à New York sont loin d’être toujours alignées avec les recommandations du Groupe international d’experts sur le climat (GIEC). D’ailleurs, lors de l’ouverture du forum, le lobby pétrolier était bien présent afin de faire accélérer le déploiement du captage et du stockage de carbone (CSC). Curieuse de voir ce qu’on allait dire de cette technologie que je dénonce depuis deux ans, je me suis donc inscrite à cet atelier.
Les propos des panellistes issus de l’industrie pétrolière et gazière ne m’ont guère surprise. Quoi de mieux que de les entendre, sans filtre, vanter les mérites de cette technologie qui leur permettra de calmer l’opinion publique de plus en plus sensible à la cause environnementale, tout en continuant d’exploiter les sables bitumineux de l’Ouest canadien.
Au Victor Borge Hall, les choses ne pouvaient pas être plus limpides. Un représentant d’une pétrolière albertaine a clairement dit que plusieurs souhaitent mettre un terme à l’industrie pétrolière et gazière, mais que la capture et le stockage de carbone permettront de la préserver. Il a ajouté qu’il en avait marre d’entendre certains détracteurs, dont le Bloc Québécois est fier de faire partie, dénigrer cette bouée de sauvetage des pétrolières parce que ce ne sont pas seulement des emplois qui sont en jeu, mais des carrières. Rien de moins. Faire face à l’urgence climatique ne fait définitivement pas partie de son agenda.
Sa solution, éduquer les citoyens et les politiciens. Eh oui !, si vous êtes contre ou émettez des doutes face à cette technologie, alors on va vous dire que c’est vous le problème, vous n’êtes pas assez intelligents pour comprendre. Or, il faut bien savoir qu’en plus de l’immaturité de cette technologie, de son efficacité jusqu’à maintenant non démontrée, il y a des dangers liés à l’enfouissement du CO2 et son transport.
De récents travaux ont démontré que l’enfouissement du CO2 sous pression peut provoquer des tremblements de terre. De plus, il y a un peu plus d’un an, dans la vallée du Mississippi, un pipeline transportant du CO2 s’est fracturé causant des hospitalisations et des problèmes respiratoires sévères, dont les victimes ne se sont pas remises. Le CO2 après tout est un gaz asphyxiant et même mortel à haute concentration.
A beau mentir qui vient de loin. L’industrie pétrolière s’activait intensivement à New York afin de vendre ses salades. Les partisans du CSC sont même allés jusqu’à vanter le projet Quest de la pétrolière Shell. Il est vrai que, sur le site internet du géant pétrolier, on peut lire « Le projet Quest a fonctionné mieux que prévu, tant en empêchant le CO2 de pénétrer dans l’atmosphère qu’en permettant de le stocker de façon sécuritaire à une grande profondeur, depuis son démarrage, en novembre 2015 », mais la réalité est toute autre.
L’ONG Global Witness a publié une étude confirmant qu’entre 2015 et 2019, Quest a capté cinq millions de tonnes de dioxyde de carbone, issu de la production d’hydrogène gris. Pendant cette période, la même usine a émis 7,5 millions de tonnes de gaz à effet de serre, notamment du méthane, aux conséquences environnementales bien plus néfastes encore que celles du CO2.
Les lobbyistes ont le pied sur l’accélérateur. Ils sont libres de polluer et pour décarboner les sols, ils se fient sur le gouvernement qui voit cette fausse technologie dans sa soupe. Encore une fois, l’argent des Québécoises et de Québécois servira à financer l’industrie la plus polluante du Canada, alors que le gouvernement Trudeau se drape de vertu à grand coup d’écoblanchiment.
Sols, changements climatiques et famine
Toujours en lien avec l’exploitation des sols, j’ai aussi décidé de me pencher sur l’urgence de mettre en place des systèmes alimentaires plus résilients et équitables. La pandémie a mis en évidence les répercussions catastrophiques des changements climatiques sur nos systèmes alimentaires ainsi que sur les inégalités sociales qui en découlent. À l’heure actuelle, une personne meurt de faim dans le monde toutes les quatre secondes, il est donc important pour nous de comprendre le véritable coût de nos actions.
La crise climatique et la pénurie d’aliments dans certaines régions du monde sont intrinsèquement liées. Saviez-vous, les pays du G20 sont responsables de 80 % de la pollution et que nous jetons 40 % des aliments qu’on produit ?
Nous vivons dans un monde de surconsommation qui est en train de tuer notre planète et, soyons honnêtes, plusieurs multinationales vont à l’étranger piller les ressources naturelles de pays moins industrialisés. On a pris leur eau, leurs arbres et, ensuite, ils viennent cogner à nos portes nous demandant de les accueillir à titre de réfugiés. À cet effet, la Banque mondiale prévoit que la crise climatique forcera plus de 200 millions de personnes à quitter leur région ou leur pays d’ici 2050.
Il faut faire preuve de solidarité envers les pays qui sont touchés par la crise climatique et la crise alimentaire. Nous avons une dette envers eux. Sur les 25 pays les plus touchés par les changements climatiques, 60 % sont en conflit et aucune aide ne leur a été octroyée.
Il est temps de mettre de l’argent sur la table pour les aider, mais que faisons-nous ? Nous ne changeons pas nos habitudes de vie et bien que les jeunes soient plus sensibles à la cause environnementale, ils sont inondés de messages par des influenceurs qui veulent les inciter à acheter tel ou tel produit. Un peu d’introspection serait de mise. Il faut repenser notre modèle de croissance infinie, car les ressources, elles, ne le sont pas. Nous vivons à crédit depuis trop longtemps.
Il faut à tout prix quantifier le coût véritable de notre prospérité. Il faut agir maintenant sur plusieurs fronts. Nous devons à tout prix protéger les forêts, qui diminuent les GES et améliorent l’agriculture. Le Bloc Québécois a un excellent plan à cet effet. Tout est lié !
Intégrité des sols menacés
De plus, je pense qu’il est grand temps, non seulement, de parler de souveraineté alimentaire et d’entraide, mais aussi de l’importance de protéger l’intégrité des sols de contaminants potentiels.
Si je me suis toujours inquiétée de la proximité du gouvernement actuel avec les lobbys pétroliers, il en va de même pour celle que le fédéral entretient avec le lobby agrochimique CropLife Canada.
Pas plus tard qu’à la mi-septembre, on apprenait l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) proposera sous peu une réforme controversée qui se base sur les fichiers d’un lobby chargé de faire valoir les intérêts de compagnies qui commercialisent des semences, des pesticides, des engrais et des fertilisants. C’est très inquiétant, c’est comme dans d’autres dossiers où les institutions fédérales clament leur indépendance, mais laissent les compagnies s’autoréglementer. À mon retour en Chambre, je tenterai d’avoir l’heure juste dans ce dossier qui tente de soustraire la production d’organismes génétiquement modifiés (OGM) à un contrôle rigoureux et dans plusieurs autres. Il n’y a pas à dire, j’ai du pain sur la planche.
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