Dans le chaos permanent entretenu par l’Occident, partout ailleurs sur la planète, pour maintenir son monopole sur les ressources naturelles et dominer les peuples, se dessine la trame d’une immonde et terrifiante barbarie. C’est en tout cas la lecture que nous faisons des évènements qui s’entrechoquent en spirale indigente depuis la Crise de la COVID19 jusqu’aux escarmouches de l’OTAN contre son allié allemand.
La barbarie invisibilisée
Longtemps dissimulée, derrière des mythes de grandeur, cette barbarie a été invisibilisée dans les écosystèmes prospères au Nord de la vie, là où a longtemps coulé l’abondance par le rythme vertigineux d’une mondialisation, commencée avec les conquérants Espagnols en 1492 (Samir Amin, L’Empire du chaos). Pourtant, cette barbarie s’est manifestée, pendant 5 siècles, dans ses formes les plus abjectes dans les écosystèmes du Sud. Pour sa jouissance, cette barbarie, pilotée par l’Occident, a soumis l’humanité à ses lois, à ses vices, à ses médiocrités, mais toujours en s’assurant, malicieusement, de les faire passer pour des valeurs universelles imposables à tous, sauf à lui-même. C’est là son motif structurel dominant : l’éternel double standard qui promeut la démocratie pour elle et impose la terreur aux autres, l’abondance pour ceux de sa culture, et l’indigence pour les autres créatures.
Ainsi, à coup de privations, d’exploitation, de corruption et de déshumanisation, l’Occident a imposé son récit sur tous les peuples en faisant passer sa barbarie, ses forfaitures, ses impostures, ses génocides, ses spoliations, ses vols et ses pillages comme des faits civilisationnels (Brunswick & Danzin, Naissance d’une civilisation). Rares sont ceux au Nord qui ont osé dire et dénoncer cet ‘‘effondrement provoqué’’ dans lequel l’Occident a maintenu de vastes populations humaines (Jean Ziegler, Géostratégie de la faim) par la domination ou l’extermination.
Le dévoilement des putrides
Mais voilà qu’usée par ses succès infâmes, contrainte par les limites, enfin reconnues, de la croissance (Meadows & Randers, Les limites de la croissance), de vivre avec plus de sobriété et moins d’opulence, brunie et brûlée par le climat qui se réchauffe et fait fondre les mauvais alliages de sa mégère nature, cette barbarie dévoile enfin l’intégralité de sa sculpture difforme et exhale toutes les pestilences de sa puanteur. Et dans une stupeur, théâtralisée pour dissimuler la peur, faussement jouée par l’épistémologue de l’imposture qu’est l’actuel président français, l’Occident découvre que les failles de sa démocratie coïncident avec la fin de l’abondance (Discours d’Emmanuel Macron, 13 avril 2020 et 24 août 2022). En effet, dans le contexte des crises du coronavirus (2019) et de la guerre en Ukraine (2022), l’Occident a découvert — ô frayeur ! — que dans son modèle économique et géopolitique des impensés qui trahissent sa suffisance supra impérialiste ! Car de nombreuses forfaitures culturelles, de nombreuses impostures démocratiques, longtemps entretenues, par une géostratégie d’abrutissement massif de l’humanité, comme vernis culturel, dévoilent leurs craquelures et leurs flétrissures. Dans leurs fissures béantes apparaissent les sommets de la structure mortifère, que nous appelons ‘‘putrides’’, qui cristallise l’empreinte indigente de la civilisation occidentale : Mystifier, Effrayer, Abrutir, Soumettre, Déshumaniser, Exterminer.
Que personne ne s’y méprenne sur les échos médiatisés de l’effondrement civilisationnel ! Les soubresauts des fracas qui reviennent en boucles médiatiques et académiques continues ne font que suivre l‘onde du tic-tac de l’horloge du temps éthique que nous n’avons pas appris à maitriser pour rythmer notre croissance, contenir notre opulence, partager notre abondance et cultiver l’apprenance vers la transcendance. L’effondrement qui vient ‘‘raisonne’’ en échos de grandes impostures qui tombent, et qui ne peuvent plus être colmatées par les vernis du business de l’État de droit, les enfumages du business de la lutte contre le réchauffement climatique et le business du mariage pour tous comme glissement antigenre vers le transhumanisme.
Dans ces abysses putrides vers lesquels nous dérivons, la marge de manœuvre est minime : effondrement des structures de la barbarie occidentale ou renouvellement des forfaitures de la barbarie occidentale par de nouvelles impostures. Mais dans l’un ou l’autre des cas, l’espèce humaine risque l’extinction, car l’un ou l’autre des cas ne peut advenir et s’imposer que dans un contexte apocalyptique. Soit le triomphe d’une guerre menée par des forces qui s’opposent au pouvoir de destruction, de domination, de prédation et de déshumanisation de l’Occident, et soutenue par une part digne et éthique de l’humanité qui assume de renoncer aux petits plaisirs capitalistes de la consommation et de la luxuriance pour éroder la citadelle putride sur ses zones de succès. Soit le triomphe du monde unipolaire indigent où l’Occident affirme sa suprématie sur tout et impose son impensé apocalyptique à double standard : L’un étant le versant en contre haut d’une humanité augmentée pour ceux qui partagent ses médiocrités ou qui s’y soumettent pour survivre dans l’indignité à ses médiocrités. L’autre étant le pendant en contre-bas d’une humanité amoindrie soumise à l’indigence innommable qui déploie sa spirale.
Le postulat d’une anthropo-éthique
Dans Le paradigme perdu, Edgar Morin nous dit que ‘‘la culture est indispensable pour produire de l’homme’’. On peut contextualiser cette phrase et dire que sans culture éthique, pas d’humanité ! L’humanité étant prise, comme un ensemble d’écosystèmes en reliance peuplés d’individus hautement complexes appelés à évoluer ‘‘dans des sociétés hautement complexes’’ orientées vers une quête permanence de transcendance et d’intelligence éthique. De cette contextualisation, on peut déduire un postulat fondateur : Le concept Humanité n’a de sens que si la stabilité de ces différents écosystèmes, éparpillés localement, mais reliés globalement, permet de garantir l’équilibre de l’écosystème global. Une telle axiomatique laisse croire à l’existence de variables et de lois qui régissent la dynamique des écosystèmes humains et que l’on ne peut ni ignorer, ni enfreindre impunément. De telles valeurs et de telles lois n’ont de sens que si elles sont imposables à tous les écosystèmes selon les contraintes d’espace géographique et de valeurs socioculturelles qui leur sont propres.
Or l’Occident, dans son besoin de grandeur, a systématiquement précarisé les plus faibles. Pour son opulence, il a fait régner un déséquilibre inhumain qu’il assume et promeut fièrement dans ses manuels de civilisation : pays développés et pays sous-développés, pays industrialisé et pays colonisés, mégalopoles et shitholes. Ce qui autorise à croire que dans ses hauts lieux de culture résonnent les chants déshumanisants d’une hideuse barbarie. C’est ce qu’on apprend en tout cas à travers l’œuvre de l’historien Eugen Rosenstock-Huessy, qui affirme qu’une civilisation prend forme là où existe un sage équilibre entre des infrastructures humaines solides, capables de satisfaire les aspirations des sociétés qui se développent, et une hyperstructure souple et flexible, capable de promouvoir la liberté d’innover (Eugen Rosenstock-Huessy, Out of Revolution), tout en étant soucieux de respecter la nature et de préserver sa biodiversité. Ces propos nous amènent à rappeler que Stewart Brand a lui aussi matérialisé l’évolution d’une civilisation par un ensemble de couches structurelles qui, juxtaposées et interdépendantes, qui doit réussir le défi de maintenir son équilibre en assurant la stabilité locale de chaque couche au travers d’une flexibilité permettant à chaque couche de croitre et d’évoluer selon sa propre dynamique.
De ce modèle, nous postulons un axiome civilisationnel anthropo-éthique : Il n’y a pas de civilisation là où les couches supérieures plus évoluées se soucient de leur opulence et de leur jouissance, sans penser à la reliance de l’ensemble qui est garanti par un double impératif éthique : respect de la nature et culture de responsabilité et de solidarité envers l’humain (voir illustration). L’incapacité à donner du sens aux interactions avec son environnement et à intégrer les autres cultures comme une part de sa propre humanité est bien le fait d’une défaillance anthropo-éthique qu’on peut dimensionner comme un état transitoire entre impensé et aveuglément, entre inconscience et insignifiance, entre impuissance et indigence. Or, accepter l’autre dans ses différences est ce que l’homme Occidental ne sait pas faire : il faut que tout soit comme il veut : Démocratie et abondance pour lui, privations, guerres et encanaillement pour tous !
C’est justement la preuve que malgré les succès et les progrès qu’il revendique, à tort et à travers, l’homme occidental, si imbu de sa civilisation et de sa culture, si rayonnant de connaissance et tout augmenté de sa technologie et de son intelligence artificielle, n’a pu développer aucune intelligence, n’a su adopter aucune veille éthique dans ses échanges avec la nature. Asservi par le culte de la croissance, aveuglé par le désir de la jouissance, rivé à ses fantasmes de puissance et d’abondance, il est devenu inconscient et insignifiant, pour ainsi dire bête et égoïste, et de fait, il s’est retrouvé incapable (impuissant) de tenir compte des signaux faibles qui devaient le responsabiliser dans ses interactions avec son environnement (respect de la nature et culture éthique). Comme l’écrit Humbert Lesca (Humbert Lesca, Serge Lesca, Les signaux faibles et la veille anticipative pour les décideurs), l’intelligence ne commence que là où l’on apprend à prêter attention aux signaux faibles. On peut contextualiser cette phrase pour reformuler notre postulat : Une civilisation ne commence que là où les puissants traitent les faibles avec dignité et humanité.
Autant d’exigences qui nécessitent, selon Stéphane Martineau, de « questionner le système de valeurs en usage [dans une civilisation] pour penser le devenir de l’humain ». Pour ce chercheur, « l’éthique est indispensable dans cette veille critique, car elle est une manière de voir le monde comme perfectible, une interrogation constante sur ce qui est afin de penser ce qui pourrait ou devrait être. L’éthique est donc, à tout le moins en ces temps […] [d’indigence], une manière de pensée qui laisse place à l’inquiétude, au doute, à la remise en question ». C’est à ce prix que l’innovation est probable, bousculant l’horizon mortifère de la stagnation et ouvrant le champ à de nouveaux possibles humains comme équilibre entre intelligence et puissance.
Mais comme l’homme occidental n’a pas de disponibilité pour l’éthique (celle qui se vit authentiquement et non qui se décrète par injonctions pour promouvoir des intérêts économiques et géopolitiques), il est incapable d’assumer une démarche réflexive empathique à dimension multiple (politique, pédagogique, critique et humaniste), et conséquemment, il ne peut donc faire montre d’aucun engagement pour se mettre en harmonie avec son environnement à travers des actions éco-responsables et anthropo-éthiques. Et comme de leur côté les faits sont têtus, alors du passé surgissent les errances des expériences non maitrisées qui conduisent fatalement vers cet avenir apocalyptique qui reflète la perspective d’un effondrement civilisationnel. C’est ce qu’écrivait déjà en 1946, René Guénon : « cette civilisation dont les modernes sont si infatués […] peut avoir le même sort que tant d’autres qui ont déjà disparu à des époques plus ou moins lointaines, et dont certaines n’ont laissé derrière elles que des traces infimes, des vestiges à peine perceptibles ou difficilement reconnaissables » (René Guénon, La crise du monde moderne).
Le récit de l’axiomatique de l’indigence
Je porte ce dissensus (Erno Renoncourt, L’humaine défaillance) comme une vraie revanche des contextes pour problématiser l’effondrement, tel qu’il est médiatisé en échos-systèmes asymétriques par les étouffoirs communicants. Quand l’abondance est menacée au Nord, c’est la civilisation qui s’effondre ; mais quand les shitholes explosent dans la violence par leur effondrement provoqué, c’est l’homme noir qui n’est pas entré dans l’histoire. Il y a dans ce discours des relents d’un lent pourrissement de l’hominidé incapable de transcender vers une humaine condition.
Si l’on répand avec tant d’acuité l’enfumage nauséabond que la mondialisation s’inscrit dans une dynamique civilisationnelle, c’est pour mieux invisibiliser ses failles, ses flétrissures et ses putrides. Ce qui a été réussi jusque-là. Car le vrai succès de la mondialisation est d’avoir abruti l’humain en lui permettant d’accéder à quelques vacuités matérielles que son indigence, son évidement éthique, projettent comme le spleen d’un succès minimal insignifiant confortable. C’est ce SMIC partagé qui empêche de forger une internationale des peuples pour lutter authentiquement contre la barbarie.
Pour ceux et celles qui croient que ce ne sont là que des divagations d’un confiné d’un shithole rempli d’aigreur, je rappelle volontiers qu’il y a environ 2 siècles, précisément en 1820, un certain Jean-Baptiste de Lamarck, naturaliste français, doté d’une clairvoyance étonnante, écrivait (Jean-Baptiste de Lamarck, Système analytique des connaissances positives de l’homme) juste après les débuts de la Révolution industrielle : « L’homme, par son égoïsme […], par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot par son insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement […] même de sa propre espèce ». Voilà les maitres mots qui propulsent l’homme vers l’abime : égoïsme, manque de clairvoyance, besoin de jouissance, insouciance, insignifiance…pour ainsi dire indigence.
De toute évidence j’assume l’aigreur comme une agile intuition générant des récits enflammés par une utopie de la régénération. Et c’est pourquoi je questionne quitte à provoquer les indigents, dussent-ils se croire civilisés !
Peut-on encore croire à l’inespéré morinien (Edgar Morin, L’humanisme planétaire) que les hominidés (que nous sommes) finiront par trouver la brèche de cette transcendance qui leur permettra de cheminer dans une complexité humano-éthique assumée vers une communauté de destin ? Ou faut-il désespérer que l’hominidé ne puisse point assumer que dans sa singularité, il est la part morcelée, diversifiée, mais reliée à au sein d’une même humanité digne par les fils de l’empathie ? Le temps court dans lequel nous faufilons à indigence retentissante permet-il de croire à une résurgence de l’intelligence pour admettre et permettre effectivement la même primauté des droits et des valeurs pour tous ? Ce temps indigent sonne-t-il définitivement le glas de notre destinée, en nous rappelant qu’étant poussière apparue par la lumière du Big Bang, nous retournerons à la poussière par le feu apocalyptique du Big Gang qu’est l’Otan ?
Quoi qu’il en soit, dans cet automne jaunissant, au-delà de l’hiver qui rugit et fonce sur cette lolita abusée et dénudée qu’est cette Europe, vile et impudique dans l’abandon de sa souveraineté, c’est aussi la lame de fond d’un méga typhon hors saison qui vient pour emporter ces hominidés non apprenants que nous sommes vers les abysses où nous retrouverons l’état de notre pourrissement originel. Un rappel de la loi de la nature : là où l’on n’apprend pas pour se transcender, on s’encanaille jusqu’au pourrissement final.
(Pour ceux et celles intéressés par ce récit, sachez qu’il est extrait du manuscrit : Humaine défaillance. La Spirale de l’indigence pour tous !)
Erno RENONCOURT
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir