par Diana Johnstone.
Le sabotage du gazoduc Nord Stream 2 a pratiquement annoncé que la guerre en Ukraine ne peut que s’intensifier sans qu’aucune fin ne soit en vue.
Les guerres impérialistes sont menées pour conquérir des terres, des peuples, des territoires. Les guerres de gangsters sont menées pour éliminer les concurrents. Dans les guerres de gangsters, on lance un avertissement obscur, puis on casse les vitres ou on brûle l’endroit.
La guerre des gangsters, c’est ce qu’on fait quand on est déjà le patron et qu’on ne laisse aucun étranger empiéter sur son territoire. Pour les « parrains » de Washington, le territoire peut être à peu près partout, mais son cœur est l’Europe occupée.
Par une étrange coïncidence, il se trouve que Joe Biden ressemble à un chef de la mafia, qu’il parle comme un chef de la mafia et qu’il arbore un demi-sourire de travers comme un chef de la mafia. Il suffit de regarder la désormais célèbre vidéo :
Pres. Biden: « If Russia invades…then there will be no longer a Nord Stream 2. We will bring an end to it. »
Reporter: « But how will you do that, exactly, since…the project is in Germany’s control? »
Biden: « I promise you, we will be able to do that. » https://t.co/uruQ4F4zM9 pic.twitter.com/4ksDaaU0YC
— ABC News (@ABC) February 7, 2022
Biden : « Si la Russie envahit… alors il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin ».
Journaliste : « Mais comment allez-vous faire, exactement, puisque…
le projet est sous le contrôle de l’Allemagne ? »
Biden : « Je vous promets que nous serons en mesure de le faire ».
Capable, c’est sûr.
La pose du gazoduc Nord Stream 2 à travers la mer Baltique, depuis les environs de Saint-Pétersbourg jusqu’au port de Greifsfeld en Allemagne, a coûté des milliards de dollars. L’idée était de garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel de l’Allemagne et d’autres partenaires européens en contournant l’Ukraine, connue pour sa volonté d’utiliser ses droits de transit pour siphonner du gaz pour elle-même ou faire chanter ses clients.
Bien sûr, l’Ukraine a toujours été farouchement hostile au projet. Les États-Unis aussi. Tout comme la Pologne, les trois pays baltes, la Finlande et la Suède, tous attentifs à ce qui se passait dans leur mer.
La mer Baltique est une étendue d’eau presque fermée, avec un accès étroit à l’Atlantique par les détroits danois et suédois. Les eaux proches de l’île danoise de Bornholm, où les pipelines Nord Stream ont été sabotés par des explosions sous-marines massives, sont sous la surveillance militaire constante de ces voisins.
« Il semble totalement impossible qu’un acteur étatique puisse mener une opération navale majeure au milieu de cette zone densément surveillée sans être remarqué par les innombrables capteurs actifs et passifs des États riverains ; certainement pas directement au large de l’île de Bornholm, où Danois, Suédois et Allemands ont rendez-vous pour surveiller les activités de surface et sous-marines », écrit Jens Berger dans l’excellent site allemand Nachdenkseiten.
En juin dernier, Berger rapporte :
« La manœuvre annuelle de l’OTAN Baltops s’est déroulée en mer Baltique. Sous le commandement de la 6e flotte américaine, 47 navires de guerre ont participé à l’exercice cette année, dont la force de la flotte américaine autour du porte-hélicoptères USS Kearsarge. Une manœuvre particulière a été menée par la Task Force 68 de la 6e Flotte – une unité spéciale de neutralisation des explosifs et munitions et d’opérations sous-marines des Marines étasuniens, l’unité même qui serait la première à qui s’adresser pour un acte de sabotage sur un pipeline sous-marin ».
En juin de cette année, cette même unité a participé à une manœuvre au large de l’île de Bornholm, en opérant avec des véhicules sous-marins sans pilote.
Berger estime qu’une opération de sabotage de grande envergure « n’aurait pas pu être menée directement sous le nez de plusieurs États riverains sans que personne ne s’en aperçoive ». Mais il ajoute cette observation intelligente : « si l’on veut cacher quelque chose, il est préférable de le faire en public ».
Pour pouvoir fixer des engins explosifs sur un gazoduc en passant à moitié inaperçu, il faudrait une distraction plausible – une raison de plonger près de Bornholm sans être immédiatement soupçonné de commettre un acte de sabotage. Il n’est même pas nécessaire qu’elle soit directement liée dans le temps aux attaques. Les engins explosifs modernes peuvent, bien sûr, être déclenchés à distance. Alors, qui a mené de telles opérations dans la zone maritime ces dernières semaines ? Comme par hasard, c’est exactement la même force opérationnelle autour de l’USS Kearsarge qui était à nouveau dans la zone maritime autour de Bornholm la semaine dernière.
En bref, pendant les manœuvres de l’OTAN, un participant aurait pu poser les explosifs, pour les faire sauter à un moment choisi ultérieurement.
Par une étrange coïncidence, quelques heures seulement après le sabotage de Nord Stream 1 et 2, les cérémonies d’ouverture du nouveau pipeline de la Baltique transportant du gaz de la Norvège vers le Danemark et la Pologne ont commencé.
La signification politique du sabotage
En raison des sanctions occidentales contre la Russie, le gaz n’était pas livré par les gazoducs détruits. Cependant, le gaz à l’intérieur des gazoducs fuit dangereusement. Les gazoducs restaient prêts à être utilisés dès qu’un accord pourrait être trouvé. Et la première signification, dramatique, du sabotage est que désormais, aucun accord ne peut être trouvé. Nord Stream 2 aurait été la clé d’une sorte d’accord entre la Russie et les Européens. Le sabotage a quasiment annoncé que la guerre ne peut que s’intensifier, sans fin en vue.
En Allemagne, en République tchèque et dans quelques autres pays, des mouvements commençaient à se développer pour demander la fin des sanctions, et plus précisément pour résoudre la crise énergétique en mettant Nord Stream 2 en service pour la première fois. Le sabotage a donc invalidé la principale revendication des mouvements pacifistes potentiels en Allemagne et en Europe.
Cet acte de sabotage est avant tout un sabotage délibéré de toute perspective de paix négociée en Europe. L’Occident a ensuite demandé aux gouvernements de l’OTAN d’appeler tous leurs citoyens à quitter la Russie immédiatement. En prévision de quoi ?
Les Russes l’ont fait
Dans cette situation catastrophique, les grands médias occidentaux se demandent tous qui pourrait être le coupable, et les soupçons se portent automatiquement sur… la Russie. Le motif ? « Pour augmenter le prix du gaz » ou « pour déstabiliser l’Europe » – des choses qui se produisaient de toute façon. N’importe quelle idée farfelue fait l’affaire.
Les faiseurs d’opinion européens montrent le résultat de 70 ans d’[Us]américanisation. En Allemagne surtout, mais aussi en France et ailleurs, pendant des décennies, les États-Unis ont systématiquement repéré les jeunes en devenir, les ont invités à devenir de « jeunes leaders », les ont invités aux États-Unis, les ont endoctrinés dans « nos valeurs » et les ont fait se sentir comme des membres de la grande famille transatlantique. Ils sont mis en réseau pour occuper des postes de premier plan dans la politique et les médias. Ces dernières années, on s’alarme beaucoup des prétendus efforts russes pour exercer une « influence » dans les pays européens, alors que les Européens baignent dans une perpétuelle influence US : films, Netflix, culture pop, influence dans les universités, les médias, partout.
Lorsqu’une catastrophe frappe l’Europe, on ne peut pas la mettre sur le dos des États-Unis d’Amérique (sauf pour l’ancien président Donald Trump, car l’establishment étasunien l’a méprisé et rejeté, alors les Européens doivent faire de même). Il faut que ce soit le méchant du film, Poutine.
L’ancien ministre polonais des Affaires étrangères, Radek Sikorsky, fanatiquement anti-russe, n’a pas pu se retenir et a joyeusement salué les fuites massives de gaz naturel du gazoduc détruit par un joyeux tweet : « Merci, USA ». Mais la Pologne était certainement aussi disposée, et peut-être même capable. Il en est de même pour d’autres pays de l’OTAN. Mais ils préfèrent tous « suspecter » publiquement la Russie.
Officiellement, jusqu’à présent, aucun gouvernement de l’OTAN ne sait qui a fait le coup. Ou peut-être le savent-ils tous. Peut-être est-ce comme le célèbre mystère d’Agatha Christie dans le train de l’Orient Express, où les soupçons se portent sur tous les passagers, qui sont tous coupables. Et tous unis dans l’Omerta.
source : Consortium News
traduction Estelle et Carlos Debiasi pour El Correo de la Diaspora
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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