par Chems Eddine Chitour.
« Notre monde est abîmé par la guerre, frappé par le chaos climatique, meurtri par la haine, couvert de honte par la pauvreté et les inégalités. » (António Guterres, secrétaire général de l’ONU)
Résumé
Avec une régularité de métronome, l’Assemblée des Nations Unies fait son show devant l’indifférence aussi bien des grandes puissances que des peuples d’en bas, sans considération mais pas sans droit. Cette année, c’est véritablement une annus horribilis, pour emprunter une expression d’Elisabeth II. Mutatis mutandis. Pourtant, à la conférence de San Francisco en 1945, les anges s’étaient penchés sur le berceau de la naissance de l’Organisation des Nations Unies. C’était en fait une annus mirabilis qui avait pris la relève de la défunte société des Nations dont les performances avaient débouché sur la boucherie de la Seconde Guerre Mondiale où l’Union Soviétique perdit 50% des 58 millions de morts, les Occidentaux, États-Unis 418 000, Royaume-Uni 450 000, France 472 000, soit 1 340 000 morts, vingt fois moins que l’URSS.
Le format actuel des Nations Unies est inadapté. II y a bien longtemps que ce grand machin, pour paraphraser le président français de Gaulle, n’est plus opérationnel, il est cantonné dans le rôle social pour réparer les dégats des guerres des famines avec un Conseil de sécurité qui s’est déjugé sur la plupart des causes qui faisaient sa réputation et la confiance que les pays du Sud plaçaient en cette organisation. La situation actuelle, c’est la guerre de tous contre tous, le sauve-qui-peut, la loi de la Jungle et l’abandon des valeurs. Des nouvelles configurations s’organisent, c’est le cas des BRICS et de l’OCS, pour sortir du monde unipolaire et de la fin de l’histoire et écrire une autre histoire, plus généreuse, avec un monde multipolaire, qui va s’atteler à des causes autrement plus humaines : la lutte contre les changements climatiques, la faim, l’analphabétisme.
Discours du SG des Nations unies
La particularité de cette session est qu’elle est la plus dangereuse, la plus infructueuse. Les Nations unies ont signé là un constat d’échec. Le secrétaire général de l’ONU, passant en revue les multiples crises auxquelles doit faire face un monde qui n’a pas été aussi divisé depuis longtemps, a mis en garde contre « un hiver de grogne mondiale ». Il a dit redouter « un cycle sans fin d’horreur et de carnage » en Ukraine, et déploré les conséquences mondiales de la guerre comme les atteintes inacceptables aux droits humains dans la zone de conflit.
L’ONU en est réduite à s’occuper des missions humanitaires et de santé et même là encore, pas d’annonce concernant des avancées sur l’urgence climatique tout au plus des constats. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé à plus d’action et de leadership, avertit que les efforts visant à maintenir la hausse des températures mondiales à 1,50C au-dessus des niveaux préindustriels étaient « sous assistance respiratoire ». Le chef de l’ONU a particulièrement réprouvé que l’idée d’un conflit nucléaire puisse aujourd’hui être évoquée par certains États. Maigre résultat.
S’agissant des trois conflits les plus latents, c’est la fameuse formule « circulez, il n’y a rien à voir ». Encore une fois, ce ne sont que des solutions cosmétiques concernant le Yémen où un conflit effroyable de près de 400 000 morts et une famine épouvantable ne provoquent aucune réaction, tout au plus la FAO parle d’une famine due à la Russie en Ukraine : « Les effets de la guerre en Ukraine ont précipité des pénuries alimentaires mondiales, ont eu un impact sur de nombreux ménages au Yémen », a alerté une agence des Nations Unies. « Le pays, ravagé par la guerre, craint de manquer ou d’acquérir un blé plus cher. »
Pour le Sahara occidental, le dossier est toujours un problème de décolonisation et l’ONU met en œuvre le financement du scrutin, une résolution du 29 juin concernant le financement de la mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Le SG des Nations Unies est chargé d’organiser un référendum, cela prouve que la position n’a pas varié notamment à travers les contributions des différents pays dont les États-Unis. Nous lisons : « L’Assemblée générale, rappelant la résolution 690 (1991) du 29 avril 1991, par laquelle le Conseil de sécurité a créé la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, ainsi que les résolutions ultérieures par lesquelles il a prorogé le mandat de la mission, dont la plus récente est la résolution 2602 (2021) du 29 octobre 2021, portant prorogation jusqu’au 31 octobre 2022, rappelant également sa résolution 75/305 du 30 juin 2021, pour le financement de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (…) décide d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de sa soixante-dix-septième session la question intitulée : « Financement de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental », séance 29 juin 2022. »
Rien de nouveau sous le soleil pour la Palestine, c’est le statu quo avec toujours le même rituel, Mahmoud Abbas vient, il accuse et s’en va, Biden parle de quelque chose de plus en plus irréalisable (deux États) : les deux peuples jouissant d’un niveau comparable de liberté et de dignité dans une Palestine en peau de léopard. Seul le président Raïssi a qualifié la Palestine de « nation la plus opprimée de l’histoire contemporaine », réitérant la position de principe de l’Iran : « Le sort de la Palestine devait être déterminé par un référendum auquel participeraient tous les Palestiniens, qu’ils soient musulmans, chrétiens, ou juifs. »
Le président Macron, en donneur de leçons, ne dit pas un mot sur les prémices du conflit. Il oublie de dire que la France et l’Allemagne s’étaient portés garants des accords de Minsk acceptés par la Russie et l’Ukraine et qui prévoyaient une autonomie du Donbass et de Lougansk ! Pourquoi l’Ukraine, encouragée par les Occidentaux, dénonce l’accord amenant la guerre ? Frédéric Aigouy parle de cette amnésie : « Résumant de façon caricaturale le conflit en Ukraine, le président français Emmanuel Macron s’est attaqué à la neutralité dont font preuve les pays non occidentaux dans son intervention. Simplifiant à outrance la problématique, le chef d’État français a tenu un discours aux accents rappelant parfois la célèbre maxime de George W. Bush : « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes ». « Certains voudraient nous faire croire qu’il y aurait d’un côté l’Ouest, qui défendrait des valeurs dépassées au service de ses intérêts, et de l’autre côté le reste du monde qui a tant souffert et cherche à coopérer en soutenant les guerres ou en détournant le regard ». L’ironie d’un tel propos venant d’un dirigeant occidental à la vue de l’histoire récente (en témoignent les guerres d’Irak, de Syrie, de Libye, d’Afghanistan, de Serbie, etc.) n’a pourtant pas échappé à Emmanuel Macron. Le reste du monde est prié de croire que les Occidentaux auraient finalement décidé de respecter les principes qu’ils imposent.
Comment les États-Unis ont planifié la guerre et la crise énergétique en Europe
C’est dans ce cadre, qu’il faut peut-être donner crédit à cette étude imputée à la Rand Corporation : « Dans ce qui semble être une fuite interne exceptionnelle du groupe de réflexion Rand Corporation, un compte-rendu détaillé est donné de la façon dont la crise énergétique en Europe a été prévue par les États-Unis. Le document, qui date de janvier 2022, reconnaît que la politique étrangère agressive menée par l’Ukraine avant le conflit pousserait la Russie à devoir mener une action militaire contre le pays. Son objectif réel : faire pression sur l’Europe pour qu’elle adopte un large éventail de sanctions contre la Russie, sanctions qui avaient déjà été préparées. L’économie de l’Union européenne, déclare-t-il, « s’effondrera inévitablement » à la suite de cela. L’objectif-clé est de diviser l’Europe, en particulier l’Allemagne, et la Russie. Le seul moyen possible de s’assurer que l’Allemagne rejette les approvisionnements énergétiques russes est d’entraîner les deux parties dans le conflit militaire en Ukraine. En fin de compte, un effondrement total de l’économie en Europe est considéré à la fois comme probable et souhaitable. « Non seulement cela portera un coup dévastateur à l’économie allemande, mais toute l’économie de l’ensemble de l’économie de l’UE s’effondrera inévitablement ». La Rand Corporation a publié un communiqué de presse niant que le rapport provienne d’eux.
Pour la mise en place d’un nouvel ordre mondial multipolaire sans guerre
Dans cette veillée d’armes permanente et qui augure d’un futur tragique, il faut raison garder. Stefan Hofe, économiste suisse, écrit : « Après la chute de l’Union soviétique et des États socialistes européens, après la dissolution du Pacte de Varsovie et du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM), les élites au pouvoir en Occident ont triomphé en affirmant que l’économie de marché capitaliste et le système étatique occidental, dominé par les États-Unis, s’étaient définitivement imposés dans la concurrence systémique avec le monde socialiste, qu’ils avaient vaincu le socialisme. On proclamait alors déjà la fin de l’histoire ».
Il explique ensuite ce qui s’est passé après la chute de l’Empire soviétique : « Les trente années qui se sont écoulées depuis lors ont montré qu’il s’agissait d’une erreur d’appréciation flagrante. L’essor économique phénoménal de la République populaire de Chine, associé à une réorientation géostratégique internationaliste de la politique de cet État, a donné naissance à un nouveau contre-pouvoir plus fort, qui limite de plus en plus le pouvoir des États-Unis et de ses partenaires juniors. La Russie, laquelle n’est plus socialiste, n’était également plus prête, sous Poutine, à accepter une hégémonie globale des États-Unis »[3].
D’une façon lucide, il rappelle les manœuvres de l’Occident qui tente depuis lors de mettre la Russie au ban des nations, de l’affaiblir et de la déstabiliser en tant que puissance autoritaire et non démocratique. Mais la politique de l’Occident dominé par les États-Unis à l’encontre de la Russie n’a pas non plus conduit jusqu’à présent au changement de régime souhaité. La République populaire de Chine et la Russie aspirent, avec d’autres États, à un nouvel ordre mondial multipolaire. Ce nouvel ordre mondial offrira aux peuples et aux États la possibilité de choisir librement et sans pression d’une puissance hégémonique la voie qu’ils souhaitent emprunter pour leur développement social et économique. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et le groupe BRICS sont des organisations internationales qui visent à créer un nouvel ordre mondial multipolaire[3].
Traitant du cas de la Chine, il explique de la même façon la technique mise en œuvre et en appelle à militer contre le surarmement : « Comme les États-Unis veulent stopper cette évolution, ils font tout pour saboter la croissance économique et le progrès scientifique et technique de la République populaire de Chine. Une telle guerre serait un enfer inimaginable qu’il faut absolument éviter. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis ont toujours mené la course aux armements et ils contraignent aujourd’hui la Chine et la Russie à poursuivre leurs efforts d’armement militaire, avec la course aux armements. Reagan a voulu affaiblir économiquement l’Union Soviétique. Mais cela ne sera pas possible avec la République populaire de Chine, car elle est aujourd’hui bien plus forte économiquement que ne l’a jamais été l’Union soviétique. Un fort mouvement international pour la paix contre le surarmement et la guerre est impératif »[3].
Quel est le rôle de l’Organisation de Coopération de Shanghai ?
Devant ce marasme mondial, les pays émergents ne perdent pas de temps, mettant en œuvre la doctrine du multilatéralisme, par petites touches, ils mettent en œuvre des partenariats winn-winn dans le strict respect des stratégies de chaque pays : Margot Hutton décrit l’Organisation de Coopération de Shangai : « Plusieurs dirigeants internationaux sont réiunis à Samarcande, en Ouzbékistan, dans le cadre du sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai. Visant à contrebalancer l’influence occidentale, cette organisation joue un rôle diplomatique important, dans un contexte de tensions internationales. Le 22ème sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) s’est tenu les 15 et 16 septembre à Samarcande, en Ouzbékistan. L’Organisation de Coopération de Shanghai a été créée en 2001 avec la Russie, la Chine et quatre anciennes Républiques soviétique d’Asie centrale : le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. En 2016, l’organisation s’est élargie pour inclure l’Inde et le Pakistan. En 2021, c’est au tour de l’Iran d’intégrer l’alliance. À l’origine, l’OCS est créée pour des raisons économiques et sécuritaires régionales ».
« Aujourd’hui, la Chine et la Russie ont fait de l’OCS la vitrine de leur partenariat et servent d’outil d’opposition à la présence des États-Unis en Asie. En terme géographique, l’OCS est la plus grande organisation régionale de la planète. Elle couvre 34 millions de km2 par ses pays membres et la population des pays membres dépasse les 3 milliards d’individus. Visant à contrebalancer l’influence occidentale, l’OCS se retrouve au cœur de plusieurs conflits internationaux.
Ainsi, ce sommet était particulièrement scruté. Quels sont les pays membres de l’alliance impliqués dans des conflits ? Cette alliance peut-elle être une alternative à l’Occident ? Moscou y voit une « alternative réelle » à l’Occident, les membres veulent un « ordre international juste ». Par ailleurs, lors de la session principale du sommet de l’OCS, le président chinois Xi Jinping a appelé les dirigeants réunis à « travailler ensemble à la promotion d’un ogre international qui aille dans une direction plus juste et rationnelle ». « Il convient de promouvoir les valeurs communes de l’humanité, d’abandonner les jeux à somme nulle et la politique consistant à créer des blocs », poursuit Xi Jinping[4].
Le monde multipolaire esquissé par Xi, Poutine et Modi à Samarcande
La Chine et la Russie n’ont cessé depuis quelques années d’appeler à un monde multipolaire. C’est la Chine qui, la première, a proposé une initiative pour le « doux commerce », la route de la soie dès 2014. « En mai 2014, écrivent Claudia Astarita, Isabella Damiani, l’agence gouvernementale chinoise, Xinhua News Agency, publie la carte New Silk Road, New Dreams, une représentation des projets internationaux à moyen et long terme de la puissance chinoise. Si l’expression « route de la soie » a une origine relativement récente, le concept de cet ensemble de réseaux de communication qui traversent l’Eurasie et qui ont permis pendant des siècles les échanges commerciaux et culturels sont bien plus anciens ».
Ce monde multipolaire sera de plus en plus une réalité. Il s’agrandit avec l’acceptation de l’Iran, pays de 90 millions d’habitants avec un niveau technologique élevé et beaucoup de candidats frappent à la porte dont un pays de l’OTAN ! La Turquie. « Il faut répéter que Xi et Poutine ont désormais un lien indissoluble, grâce aussi à la politique étrangère américaine qui les a longtemps mis tous les deux dans le collimateur, favorisant ainsi leur proximité, sachant bien que « aut simul stabunt aut simul cadent » (on tiendra ensemble ou bien on tombera ensemble). À tel point que les deux présidents ont désormais modelé un horizon commun : renforcer l’élan vers un monde multipolaire, sortant ainsi de la sphère étroite de l’unipolarisme actuel, né après 1989 et alimenté par des guerres sans fin, qui soumet la planète à l’hégémonie et aux caprices cruels des États-Unis. Un horizon ouvertement déclaré même à Samarcande ».
« Il s’agit certainement de la réunion la plus importante depuis sa création. Il convient également de noter que la présence de Narendra Modi est apparue plus importante à cette occasion qu’aux précédentes, précisément parce que la guerre d’Ukraine, qui polarise le monde, semble indiquer que la présence du président indien constitue une sorte de choix de camp. La présence indienne renforce cet apaisement avec la Chine. La relation entre l’Inde et la Chine est une question géostratégique cruciale pour le destin du monde (…) Un autre aspect important du sommet de Samarcande a été la signature de l’adhésion officielle de l’Iran »[5].
Pepe Escobar nous rappelle que Samarcande a une réputation qui plonge ses racines il y a plus de deux mille ans. Il insiste sur la volonté des trois pays leaders, Chine, Russie, Inde, de construire une structure mondiale qui ne fait pas dans les ingérences intérieures. Il écrit : « Lorsqu’en 329 avant J.-C., Alexandre le Grand a atteint la ville sogdienne de Marakanda, qui faisait alors partie de l’empire achéménide, il a été stupéfait : « Tout ce que j’ai entendu sur Samarcande est vrai, sauf que c’est encore plus beau que je ne l’avais imaginé. « Samarcande peut désormais devenir une plateforme capable d’unir et de réconcilier des États ayant des priorités de politique étrangère différentes ». La principale conclusion du sommet de Samarcande est que le président chinois Xi Jinping a présenté la Chine et la Russie, ensemble, comme des « puissances mondiales responsables » déterminées à garantir l’émergence de la multipolarité et à refuser l’« ordre » arbitraire imposé par les États-Unis et leur vision unipolaire du monde. (…) Modi appelant à des solutions sérieuses aux crises alimentaire et énergétique, s’adressant en fait à l’Occident. Parallèlement, la State Bank of India ouvrira des comptes spéciaux en roupies pour gérer les échanges commerciaux liés à la Russie ».
Que doivent faire les peuples du Sud des nouveaux non alignés ?
Pierre Haski s’interroge : « À Samarcande, vers un « front du refus » antioccidental ? « Face à la guerre en Ukraine, et soixante-sept ans après la conférence de Bandung, écrit Pierre Haski, une référence historique a fait son retour à la faveur de la guerre d’Ukraine : le non-alignement. Elle est utilisée par les pays qui ne veulent pas prendre parti, qui considèrent que ce n’est pas « leur » guerre, et que c’est, en quelque sorte, un reliquat de guerre froide qui concerne les Européens, ou en élargissant, les Occidentaux au sens large, ceux qui considèrent, enfin, que les pays du « Global South », selon la nouvelle expression consacrée, doivent montrer ici leur autonomie vis-à-vis des grandes puissances, anciennes ou nouvelles. D’où ce concept de « nouveaux non-alignés » qui semble bien séduisant à première vue, mais s’avère, de fait, assez ambigu ».
La réalité de la richesse de l’Occident
Quand on n’a pas ou plus de matières premières sur son sol et qu’on en a besoin il n’y a que trois façons de s’en procurer : soit en acheter à celui qui en possède et payer en troc de vraie valeur équivalente ou en monnaie vraiment égale, soit les voler en payant en monnaie de singe ou en dévaluation permanente par la planche à billets, soit enfin et radicalement s’en emparer par la force, méthode coloniale efficace. Actuellement, l’Europe, qui n’a plus de colonies et pratiquement plus rien dans son sous-sol, a toujours un besoin impérieux de matières premières pour se chauffer et faire survivre son économie manufacturière, déjà mise à mal par une politique folle de développement inconsidérée de son secteur tertiaire.
Il vient que l’Occident continuant sur sa lancée fera tout pour continuer à régenter le monde en continuant à faire de l’Afrique encore et toujours un réservoir de matières premières lui déniant toute possibilité d’une façon endogène se permettant même de siphonner les élites difficilement formées. Ce qui veut dire que l’Occident ne fera rien pour atténuer les changements climatiques. Il ne fera rien pour diminuer son train de vie partant du fait que les matières premières sont là pour l’éternité et qu’une croissance démesurée est le credo de Georges Bush pour qui le niveau des Américains ne se négocie pas. D’un côté, 8 tonnes de pétrole par Américain et par an de l’ordre de 150kg/an pour un Sahélien. Cherchez l’erreur ! L’Occident pollue et les pays du Sud paient. Nous connaissons les résultats pour les quatre pays pétroliers ramenés à l’âge de pierre.
Une mondialisation à visage humain
Le sommet du Conseil de Coopération de Shanghai de Samarcande, carrefour stratégique historique de la route de la soie, a non seulement démontré l’émergence d’une Eurasie continentale s’étendant du Pacifique jusqu’aux confins de la Pologne, rejetant plus ou moins toute forme d’hégémonie des puissances océaniques, mais que le président russe Vladimir Poutine est loin d’être isolé, comme l’a voulu la faction de l’État profond ayant pris le pouvoir à Washington. Paradoxalement, la Turquie a compris les enjeux réels et joue des coudes pour se faire une « place au soleil ».
« La mondialisation n’était, en fin de compte, qu’une ruse de guerre cachant une nouvelle féodalité avec de nouveaux seigneurs, suzerains et une multitude de serfs et autres lansquenets corvéables à merci dans un système économique basé sur des monnaies fiduciaires manipulées et produites à volonté par les puissants. Cette globalisation était en fait une occidentalisation du monde et il est tout à fait significatif qu’elle fut utilisée comme instrument pour geler le cours de l’histoire avec le triomphe définitif de l’Empire. « La fin de l’histoire » de Francis Fukuyama, un idéologue de la CIA. Le seul hic est que l’histoire est toujours en marche (…)»[9].
Est-ce qu’une décroissance en pente douce serait la solution ?
Devant la débâcle planétaire et la guerre de tous contre tous, peut-être qu’il faille penser à un monde du partage et sortir du partage du monde actuel la décroissance, un projet de transformation socio-écologique radicale qui appelle à décoloniser l’imaginaire social par rapport à la quête d’une croissance sans fin par le capitalisme. Pour Serge Latouche (2009), un économiste anthropologue, la décroissance est un projet de décolonisation par rapport aux imaginaires de la croissance. Son utopie suppose huit transitions interdépendantes, « les huit R de la décroissance » : réévaluer (changer les valeurs) ; reconceptualiser (par exemple, richesse vs pauvreté ou pénurie vs abondance) ; restructurer la production au-delà du capitalisme ; redistribuer entre le Nord et le Sud et au sein des pays ; relocaliser l’économie ; et réduire, recycler et réutiliser les ressources. La transition doit être facilitée par des réformes politiques, telles que des taxes sur la consommation, la publicité et la finance, des investissements dans l’agriculture paysanne, la réduction du temps de travail et un revenu de base pour les citoyens.
Conclusion
Les pays en développement, les moins responsables du réchauffement de la planète mais qui en sont les premières victimes, en ont assez que l’action climatique passe trop souvent au second plan. À deux mois de la conférence climat COP27 en égypte, Antonio Guterres ne devrait pas rater l’occasion de répéter l’urgence à agir lors de son discours d’ouverture.
Pour Mortada Zabouri, professeur expert en sciences politiques, il semble que l’OCS a beaucoup clarifié l’alternative à l’unipolarité. C’est la fin de la puissance hégémonique comme système d’ordre et le développement au centre. Ainsi, l’OCS n’est pas une alliance et chaque partenaire ancre sa démarche dans son intérêt quitte à avoir des litiges avec d’autres partenaires de l’alliance. Aussi, le partenariat n’est pas spécialement tourné contre l’Occident mais s’ancre dans le respect de l’intérêt des parties. Certes, dans chaque pays, il y a des défenseurs de la puissance, des alliances et de la culture de la puissance, cependant elles ne forment pas le cœur du pouvoir. C’est une mutation d’une très grande importance qualitative et elle va bouleverser les rapports mondiaux même si elle ne va pas être linéaire. Elle va aussi beaucoup réduire le nombre de conflits dans le monde et faciliter la stabilité et la négociation. Reste à voir si la compétence va suivre car c’est très exigeant en compétence. De l’autre côté, à l’Ouest, il y a un énorme tiraillement entre la recherche d’un compromis, le désarroi, les divisions et la surenchère.
Selon toute vraisemblance, ce sera brutal car l’occidentalo-centrisme joue son va-tout. Il sent que le monde tel qu’il l’a conçu lui échappe. Le barycentre se déplace vers l’Asie, comme l’a si bien noté le diplomate singapourien Kishore Mahboubani qui est à peu près celle qu’avait prévu Halford Makinder il y a plus d’un siècle. En définitive, rien de nouveau sous le soleil : l’ONU, qui avait promis lors de la Déclaration de San Francisco le 26 juin1945 : « Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre ; à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’Homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites (…) », a terminé sa mission historique. Il est temps de revoir le fonctionnement des instantes, notamment du Conseil de sécurité, où 5 pays prennent en otage le monde. Ce n’est pas juste que l’Inde n’y soit pas ; que l’Afrique, l’Amérique du Sud ne soient pas représentés et que l’Allemagne ne représente pas l’Europe. Dans tous les cas, le moment est venu de penser fondamentalement les missions dans le sens ni de la guerre froide ni de l’unipolarité décrétant la fin de l’histoire ; chaque pays, aussi humble soit-il, a droit à vivre.
Chems Eddine Chitour
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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