Alors que l’Occident ne parvient pas à mobiliser la communauté internationale contre l’invasion de l’Ukraine et que la Russie, la Chine et l’Inde semblent s’allier pour remettre en cause l’ordre mondial, il faut comprendre les pays qui se tiennent à l’écart de ce conflit.
Le 24 février a sonné un réveil brutal pour l’Occident. Que ce soit Washington ou les capitales européennes, ceux-ci ont été dans l’impossibilité de rallier à leur cause de très nombreux pays dont ils croyaient la loyauté acquise. Les deux votes de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) à ce sujet ont d’ailleurs montré la rapide dégradation de l’influence occidentale. Si le 2 mars, seulement la Biélorussie, la Corée du Nord, la Syrie et l’Érythrée ont voté avec la Russie contre le texte exigeant qu’elle cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine, 35 pays se sont abstenus, dont 17 États africains. Or, en fin avril, lors du vote de l’exclusion de la Russie du Conseil des droits de l’homme, 25 pays incluant la Chine s’y sont opposés et 58 États se sont abstenus. Chose encore plus surprenante, seulement 93 pays sur les 193 qui sont membres de l’ONU ont voté le texte.
Une perception différente
Les Occidentaux en général semblent voir la guerre en Ukraine comme une abomination. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, affirme que la Russie ne respecte aucune règle dans cette guerre ou environ 50 soldats ukrainiens meurent chaque jour, soit une estimation de 10 500 depuis le début. Le président américain, Joe Biden, a accusé pour sa part la Russie d’avoir « violé de manière éhontée » la Charte des Nations-Unies, disant qu’elle veut anéantir le droit de l’Ukraine d’exister. Le premier ministre belge, Alexander De Croo, a affirmé «qu’il n’y avait pas de place pour l’impunité. Ni pour les bouchers de Boutcha, ni pour les dirigeants de Moscou qui en portent la responsabilité ultime». Le président de la France, Emmanuel Macron, disait devant l’Assemblée générale des Nations Unies craindre un retour des impérialismes, dénonçant une tentative de partition du monde. « Notre organisation a bien des valeurs universelles et la division face à la guerre en Ukraine est simple. Êtes-vous pour ou contre la loi du plus fort, le non-respect de l’intégrité territoriale des pays et de la souveraineté nationale ? Êtes-vous pour ou contre l’impunité ? »
Ce conflit peut cependant être vu différemment par plusieurs pays non-alignés. Selon le Norwegian Refugee Council (NRC), une ONG norvégienne d’aide aux réfugiés qui identifie chaque année les dix crises les plus négligées au monde en fonction de l’intérêt des médias, du manque d’aide humanitaire et de volonté politique internationale pour les régler, celles-ci étaient pour la première fois toutes situées en Afrique en 2021. Les dirigeants africains voient bien qu’en RDC avec 5,5 millions de personnes déplacées et un million de réfugiés en 2021, et dont 27 % de sa population souffre de la faim, qu’au Burkina Faso où 800 personnes sont mortes dans des attaques terroristes en 2021, dont le nombre de déplacés dépasse 2 millions et les personnes sous-alimentées 3,4 millions, qu’au Cameroun où 4,4 millions de personnes ont besoin de support humanitaire et 700 000 enfants ne peuvent aller a l’école, qu’au Soudan du Sud où 4,3 millions de personnes sont déplacés en 2021 et 8,3 millions sont en insécurité alimentaire, qu’au Tchad où les changements climatiques ont entrainé 5,5 millions de personnes dans le besoin pendant que l’assistance humanitaire internationale y a été coupée de 25 % en 2021, qu’au Mali où l’insécurité alimentaire touche 7,5 millions de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire et où les attaques par des groupes armés ont obligées le déplacement de 350 000 personnes, qu’au Soudan où 14,3 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire et un demi-million ont été déplacées en 2021, qu’au Nigeria où 66 000 déplacés ont vu leurs camps fermer sans autres solutions, qu’au Burundi où 400 000 personnes ont quitté le pays en raison de conflit interne et qu’en Éthiopie où 4,2 millions de personnes sont des déplacés et où 29,7 millions d’autres ont besoin d’assistance humanitaire, la guerre en Ukraine, aussi cruelle et inhumaine qu’elle soit, peut avoir une autre dimension que pour les Occidentaux.
Aider les non-alignés pour avoir leurs votes
Quand Poutine, Xi Jinping et Narendra Modi annoncent au Sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) à Samarcande en Ouzbékistan un nouvel ordre international antioccidental, dont leurs pays seraient les piliers, ils prennent naturellement leurs désirs pour la réalité. Ce qui se passe est plus simple que cela, mais les dirigeants des grands pays regardent à côté parce que cela les obligerait de s’engager réellement dans le développement et le bien-être des pays non-alignés qui veulent avoir des actions concrètes avant de choisir leur camp.
Le président en exercice de l’Union Africaine et président du Sénégal, Macky Sall, a appelé devant la 77e Assemblée générale de l’ONU, à une réforme des cercles décisionnels internationaux, dont le Conseil de sécurité, pour une meilleure représentation des 1,4 milliard d’Africains. «Cette Afrique des solutions souhaite engager avec tous ses partenaires des rapports réinventés qui transcendent le préjugé selon lequel qui n’est pas avec moi est contre moi. Nous voulons un multilatéralisme ouvert et respectueux de nos différences parce que le système des Nations Unies ne peut emporter l’adhésion de tous que sur la base d’idéaux partagés.»
Source: Lire l'article complet de L'aut'journal