Vladimir Poutine et son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou ont placé l’OTAN devant un dilemme : si à Washington et à Bruxelles on assume le fait de diriger la guerre menée par l’Ukraine (une réalité désignée sans prendre de gants par le président russe), il y a risque d’escalade jusqu’au conflit nucléaire. Si on nie, la défaite stratégique de l’Occident sera évidente aux yeux du monde.
Le suspense a duré toute la soirée du 20 septembre. Vladimir Poutine allait parler… Et finalement il a enregistré un message à la nation, qui a été diffusé mardi à 8h, heure de Paris.
L’essentiel du discours de Vladimir Poutine
Que doit-on en retenir?
• Une mobilisation partielle. Un rappel de la réserve et un allongement de la formation des conscrits actuellement en service militaire. C’est largement symbolique. En réalité, il fallait envoyer un signe après l’abandon, de fait, d’habitants de la région de Kharkov, qui avait fait le choix de la Russie ces derniers mois.
• La Russie ressent le besoin de renforcer une ligne de front qui s’étend sur 1000 kilomètres. (Le président n’a pas précisé qu’en effet, les Kiéviens ont reconquis Izioum parce que la Russie en avait retiré des troupes)
• Le pouvoir russe confirme que les référendums pour l’autodétermination du Donbass, de la région de Kherson et de celle de Zaporijia se tiendront comme initialement prévu à la fin septembre. Pour qu’ils aient lieu dans de bonnes conditions, il faut monter en puissance militairement. Donc sortir de la forme « Opération Spéciale ». Poutine annonce implicitement que l’armée russe va monter en intensité d’intervention.
• Le président russe a insisté sur le fait que des négociations auraient pu aboutir, au printemps, avec l’Ukraine, mais ont été empêché par « l’Ouest ». Il s’agit, selon le président russe, de protéger les habitants du Donbass, de Kherson et de Zaporijia des « nazis » mais aussi de la contribution occidentale (livraisons d’armes, renseignement) à l’effort de guerre kiévien.
• Vladimir Poutine a fait très attention aux mots qu’il utilisait. Il s’est arrêté avant de constater que l’OTAN, de facto, était en guerre avec Moscou. Il a parler de « L’Occident collectif », de « Washington, Londres et Bruxelles », du désir des dirigeants occidentaux de détruire l’État russe et morceler la Russie.
• Vladimir Poutine a fait allusion implicitement aux menaces formulées la semaine dernière par Joe Biden. Et rappelé que la Russie avait des armes de dissuasion plus performantes que les armes occidentales.
Empêcher une attaque prochaine de l’OTAN ?
Faire le parallèle avec le mois de février est tentant. On sait aujourd’hui que l’entrée de l’armée russe en Ukraine a prévenu une attaque massive de l’armée ukrainienne dans le Donbass. Alors faut-il penser qu’à nouveau Poutine « prévient » : une attaque de l’OTAN était-elle imminente ? L’offensive contre Izioum en aurait été le prélude.
En réalité, le gouvernement russe, après avoir longtemps hésité devant les risques d’une escalade incontrôlable, a décidé que l’on ne pouvait plus dissimuler la réalité. L’OTAN est de fait à la manoeuvre en Ukraine. Juste après la diffusion du discours du président russe, le Ministre de la Défense, Choïgou, a pris la parole et dressé les constats suivants :
Choïgou fait le constat froid que l’OTAN dirige, de fait, l’armée ukrainienne
Le ministre de la Défense a été plus explicite que le président russe sur ce qu’entreprend « L’Occident collectif » :
• Dans le cadre d’une opération militaire spéciale, « un travail de combat important et difficile est en cours ».
• « Tous les types et branches des forces armées russes, y compris la triade nucléaire, remplissent la tâche fixée par le président ».
• La Russie est en guerre non pas tant avec l’armée ukrainienne qu’avec l’Occident collectif.
• L’ensemble de la constellation satellitaire de l’OTAN travaille contre la Fédération de Russie en Ukraine.
• Des armes sont fournies à l’Ukraine en quantités énormes,mais la Russie trouve des méthodes pour faire face à ces armes.
• Le commandement occidental siège à Kiev et dirige l’opération militaire en Ukraine.
• Un peu plus d’un millier de mercenaires étrangers combattent aux côtés de Kiev
• Plus de 70 satellites militaires et 200 civils de l’Occident travaillent à la reconnaissance de l’emplacement des groupes militaires russes.
• Dans le cadre de la mobilisation, environ 1% de la ressource de mobilisation sera utilisée.
• Ceux qui ont servi relèveront de la mobilisation, principalement avec une expérience du combat, ayant une spécialité militaire. La mobilisation partielle ne concernera pas les étudiants et les universitaires
• La ligne de contact dans la zone d’opération spéciale est de plus de 1000 km, elle doit être contrôlée.
Qu’en conclure ?
• Le président russe a voulu effacer l’effet psychologique potentiellement délétère de l’abandon apparent des habitants de la région de Kharkov.
• Il n’était plus possible de faire comme si l’OTAN n’était pas à la manoeuvre en Ukraine.
• Washington est désormais devant un dilemme : assumer mais alors on va vers une escalade potentiellement nucléaire, où les Russes ont une supériorité stratégique absolue du fait des armes hypersoniques. Nier l’implication de l’OTAN ; là aussi la défaite est au bout de la route ; il vaudrait mieux, pour le monde, qu ce second scénario l’emporte.
Dans tous les cas, le principe de réalité s’impose.
source : Le Courrier des Stratèges
Source : Reseau International
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