Les suppôts du régime issu du coup d’État du 22 février 2014 à Kiev s’émeuvent d’une mobilisation de la Russie.
Le mot a été, sinon mal traduit, du moins mal interprété. Ce que le gouvernement russe a annoncé n’est pas une mobilisation mais un rappel partiel. L’effectif concerné, à l’issue d’un processus qui devrait s’étaler sur plusieurs mois, ne représente qu’un tiers des effectifs militaires russes du temps de paix, ou qu’un sixième des effectifs de réserve. En valeur absolue c’est aussi bien inférieur à l’apport des mobilisations ukrainiennes.
Pour comparer avec un concept connu avant la fonctionnarisation de l’armée française, il s’agit en quelque sorte du rappel d’une partie des fractions de contingent rappelables, sauf qu’au lieu de sélectionner les réservistes en fonction de leur date de fin de service actif ils seront sélectionnés en fonction de leurs qualifications et de leur affectation de mobilisation.
D’autre part il ne s’agit pas d’imposer une prolongation ou une répétition du service national conscrit, comme le fit la France lors des événements d’Algérie, mais d’augmenter les effectifs militaires servant sous contrat. Les personnes concernées sont simplement obligées de s’engager dans l’armée active, et y bénéficieront du même statut que les militaires professionnels actuels. Pour utiliser une image française, il s’agit de recruter d’autorité des Engagés Involontaires de l’Armée de Terre, et des Cadres de Réserve en Situation d’Activité. La seule inconnue, du moins à l’étranger, est la durée de cet engagement, à savoir s’il s’agira de contrats à durée déterminée « pour la durée de l’opération spéciale », ou pour une durée spécifiée en nombre de mois ou d’années, et enfin si cette durée sera égale pour tous ou individualisée en fonction des besoins.
Ce qui, sauf erreur, n’a pas non plus été précisé, est s’il s’agit de rappels personnels donnant lieu ensuite à affectation individuelle selon les besoins du moment, ou s’il s’agit de la mobilisation d’unités (corps) organiques de réserve déterminées connaissant dès le temps de paix leurs tableaux nominatifs d’effectifs (listes de réservistes avec leurs affectations).
Le président russe a fait référence à la nécessité de garnir une longue ligne de front en Ukraine, et assuré que tous les militaires de réserve concernés feraient l’objet d’une formation complémentaire préalable à leur déploiement. Cela ne signifie pas que la finalité de ce rappel partiel, qu’on ne notera pas immédiatement sur le théâtre d’opérations, soit de tenir le front ukrainien, d’ailleurs l’armée russe n’est pas dans une situation d’urgence, ni d’attrition significative.
Il est plus vraisemblable que le gouvernement russe, qui contrairement à ses homologues occidentaux gouverne, gère et prévoit, ait décidé de procéder à une augmentation du format de l’armée, tout simplement. D’ailleurs depuis plus d’un quart de siècle le gouvernement français excuse toutes ses réductions d’effectifs au moyen du concept nouveau de « changement de format » (pas seulement d’augmentation d’effectifs) en cas de résurgence d’une tension majeure en Europe, expliquant dès le livre blanc de 1994 qu’un tel cas de figure prendrait « suffisamment de temps pour permettre à la France de changer le format de son outil de défense » (comme on l’a rappelé dans le Septième Scénario), et omettant de procéder à ce changement alors qu’elle ne cesse, depuis 2014, de déclarer la guerre à la première puissance européenne.
Alors que le gouvernement russe avait en mars de bonnes raisons d’espérer un accord rapide avec le gouvernement ukrainien, l’axe atlantico-uniopéen ne cesse aujourd’hui d’annoncer une guerre totale, et de prendre des mesures à moyen terme dont les effets sont attendus sous deux à cinq ans, ce qui indique une intention de faire durer (et d’élargir) le conflit. De même les pays de l’axe antirusse ont depuis plusieurs mois engagé exceptionnellement des moyens financiers colossaux, sollicité extraordinairement leurs industries militaires (autre indicateur d’une intention de durée) voire, pour certains, annoncé l’entrée en régime d’économie de guerre et le rationnement des populations. Les décisions annoncées par le gouvernement russe le 21 septembre relèvent du même ordre, bien que l’impact pour la société civile en soit incomparablement inférieur.
C’est dans ce contexte que la Russie a décidé d’augmenter d’un tiers le volume de ses forces armées du temps de paix, sans pour autant (à ce stade) déclarer l’état de guerre, ni la mobilisation en vue d’une montée en puissance et du passage au format du temps de guerre, à savoir la mise sur pied de toutes les unités de réserve. Ce n’est pas ça.
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