La réglementation des systèmes d’intelligence artificielle

La réglementation des systèmes d’intelligence artificielle

Patrick Gloutney est président du SCFP-Québec et Tulsa Valin-Landry est président du Conseil provincial du secteur des communications (CPSC) du SCFP-Québec.
 

Les travaux parlementaires ont repris leur cours à la Chambre des communes ainsi, les projets de loi importants pour notre avenir collectif reviendront à l’ordre du jour.

Parmi ceux-ci, le projet de loi C-27 suggère de modifier les obligations des entreprises en lien avec la protection de la vie privée et propose une nouvelle Loi sur l’intelligence artificielle et les données (LIAD) ayant pour objectif de réglementer les systèmes d’intelligence artificielle (IA) afin d’en limiter les préjudices potentiels pour la population. Il prévoit notamment des exigences communes à l’échelle canadienne pour la conception, le développement et l’utilisation de systèmes d’IA; il interdit l’utilisation de renseignements personnels obtenus illégalement dans un tel produit et il punit le fait de rendre disponible un système d’IA avec l’intention de commettre une fraude ou un dommage.

Le SCFP-Québec est heureux de voir que le gouvernement fédéral a décidé de prendre le taureau par les cornes dans ce domaine. Les entreprises sont en effet encouragées à emprunter la voie de l’IA depuis des années, certaines ont commencé à le faire et les services publics ne sont pas en reste.

Toutefois, l’assise légale de la loi C-27 s’articule autour des compétences fédérales en matière de commerce interprovincial et international ce qui en limitera grandement la portée. Ainsi, tout système d’IA développé à l’intérieur d’une entreprise québécoise ou vendu à celle-ci par une autre entreprise, université ou autre organisation du Québec, échappera aux dispositions de la future LIAD puisque ces activités sont de compétence provinciale. Cela soulève la question de savoir ce que fera le gouvernement du Québec pour encadrer l’IA dans le secteur privé, ainsi que les autres technologies qui risquent de perturber le marché du travail et notre société à plus ou moins brève échéance – on peut penser entre autres à l’automatisation, la 5G, la conduite autonome de véhicules, la télémédecine et aux autres applications de l’Internet des objets, etc.

Deux des partis en campagne électorale au Québec ont déjà promis d’avoir recours à certaines de ces technologies perturbatrices pour contrer la pénurie d’emploi. C’est le cas du PLQ qui veut utiliser « …la numérisation et l’automatisation des entreprises, » et du PCQ qui « …propose de favoriser l’automatisation et la robotisation des entreprises… » à cette fin. La CAQ, pour sa part, promet « …une connexion cellulaire partout d’ici 2026, de convertir le réseau en grande partie à la technologie 5G d’ici 2030 et d’offrir l’accès à la fibre optique à tous. » Selon François Legault, ces mesures sont nécessaires pour que le Québec demeure concurrentiel.

Bien que motivées par des objectifs économiques légitimes, ces promesses électorales sont toutefois muettes sur l’encadrement à mettre en place et sur le dialogue social à établir pour aller de l’avant avec de tels projets de transformations technologiques à l’échelle de la société.

Les Québécois.e.s seront pourtant touché.e.s directement par ces initiatives, que ce soient parce qu’elles transformeront leur travail, apporteront des changements à leurs couvertures ou à leurs primes d’assurances ou mèneront à une reconfiguration des services offerts par les gouvernements.

Le SCFP-Québec pense que les partis politiques devraient aller plus loin et s’engager dès maintenant à ce que tout recours à des technologies perturbatrices ne soit fait qu’à la suite d’une consultation des parties prenantes de la société. Les citoyen.ne.s sont en droit d’être informé.e.s des tenants et aboutissants des transformations technologiques envisagées avant leur implantation ou leur autorisation par le gouvernement et doivent avoir la possibilité de se positionner sur ces changements.

S’il y a une leçon à retenir de la pandémie de COVID-19, c’est que la technologie peut être une réelle alliée. C’est notamment grâce aux réseaux de télécommunication et aux plateformes de visioconférence que nous avons été en mesure de garder le contact avec nos familles et amis, de conserver nos emplois et de continuer à faire tourner l’économie pendant les confinements.

Cependant, les périodes d’isolement de 2020 et 2021 ont aussi montré l’incapacité des machines à remplacer les rapports humains, ainsi que la faculté des technologies à bouleverser parfois négativement l’organisation du travail et de la société. À ce jour, bien des questions restent d’ailleurs à trancher en droit du travail et les travailleurs.euses, tout comme les chaînes d’approvisionnement, sont toujours en réadaptation postpandémique.

Le SCFP-Québec met au défi les partis politiques québécois de prendre l’engagement, d’ici l’élection du 3 octobre prochain, de tenir un grand dialogue social sur les technologies perturbatrices comme l’IA. Il faut déterminer ensemble de quelle façon elles seront intégrées à nos vies et encadrées légalement avant leur implantation afin de s’assurer qu’elles contribuent non seulement à l’économie, mais plus globalement au bien commun.
 

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