Quelques échanges nucléaires…
• Grande parade médiatique dans le bloc-BAO et ses banlieues pour dénoncer un Poutine nous menaçant de l’apocalypse nucléaire. • Comme l’on sait, nous nous sommes toujours, nous, abstenus d’un tel débordement qui n’existe justement pas chez Poutine. • Nous restons vertueux même si madame Truss est prête à appuyer sur le bouton rouge. • Apocalypse-bouffe, suite…• Mais aussi, quelques précisions intéressantes sur ce que les chefs militaires US savent des Russes. • Où l’on reparle par conséquent de l’hypersonique.
Le discours de Poutine annonçant les mesures prises pour cette nouvelle phase d’intégration du Donbass dans la Fédération de Russie a provoqué une réaction collective conforme au Système. Partout l’on s’est mis à parler de nucléaire (“La Russie veut nous nucléariser”) parce que Poutine avait dit que face à des menaces de toutes sortes (dont nucléaire), la Russie répondrait à mesure. C’est bien la méthodeSystème, certifié-zombie : transférer à l’autre la charge de la faute (la charge de la preuve est comprise dans le paquet-cadeau) ; cela, au milieu d’un sarcasme collectif et horrifié qui interdit toute réflexion, débat, argumentation. Le ‘terrorisme intellectuel’ (Sevillia) que Marcel Aymé nommait ‘confort intellectuel’ est devenu totalitarisme-intellectuel… D’ailleurs, pourquoi fatiguer à ce point le qualificatif “intellectuel” puisque plus aucune explication n’est nécessaire ?
A côté de cela, le torrent ainsi libéré a mis en avant la question nucléaire qui flotte depuis longtemps autour de la politiqueSystème, – et d’‘Ukrisis’ certes et par conséquent. Cela nous vaut certaines interventions qu’il est bon de relever pour une meilleure description de la situation, bref pour une tentative d’atteindre à une vérité-de-situation. Bien entendu, il s’agit d’une sélection extrême de notre part donc un nombre très limité d’interventions, constituant éventuellement des références symboliques, ou interprétées symboliquement, pour représenter un aspect partisan mais informé des réactions ; il s’agit d’une appréciation documentée, dont nous dirions qu’elle représente une tentative de paradoxalement dégager subjectivement une description objective. La subjectivité joue dans ce cas le rôle d’une sorte de “nettoyage” de la prolifération due au totalitarisme intellectuel, “nettoyage” de la masse de communications fallacieuses et hystériques générée par lui.
• Une première intervention intéressante est celle d’un personnage déjà largement rencontré ces derniers temps, qui constitue un cas remarquable d’une personnalité libérale, un proche du “parti atlantiste” selon les étiquettes convenues dans la direction russe, passé à l’occasion d’‘Ukrisis’, avec une extraordinaire vigueur, dans le camp adverse, c’est-à-dire le camp russe pour ces circonstances extrêmes. On a peut-être reconnu l’ancien président Dimitri Medvedev, actuel vice-président du Conseil de Sécurité de la Fédération de Russie, qui a déjà parlé stratégie et armes nucléaires, et qui en parle à nouveau, et pour nous d’une façon révélatrice. C’était sur son fil ‘Telegram’, hier, avec bien entendu l’affirmation que « les républiques du Donbass et d'autres territoires seraient admis dans la Russie » si les résultats des référendums entérinent cette demande ; il s’agit d’une brève description de la situation stratégique russe dans ce cas.
« L'ancien président a poursuivi en disant que l'armée russe “renforcera considérablement” les défenses de tous les territoires incorporés. Il a ajouté que pour défendre ses territoires, la Russie pourra utiliser “non seulement ses capacités de mobilisation, mais aussi toute arme russe, y compris les armes nucléaires stratégiques”.
» Sans citer de noms [il s’agit du général Ben Hodges], Medvedev a averti que les “idiots à la retraite avec des galons de général” ne devraient pas tenter d'intimider Moscou en affirmant que l'OTAN pourrait attaquer la Crimée, une péninsule qui a voté massivement pour s'unir à la Russie en 2014 après un coup d'État à Kiev.
» “Les [missiles] hypersoniques sont sûrs de toucher des cibles en Europe et aux États-Unis beaucoup plus rapidement”, a-t-il prévenu, ajoutant que “l’establishment occidental et les citoyens de l’OTAN doivent comprendre que la Russie a choisi sa propre voie” et qu’il n’y a “pas de retour en arrière possible”. »
• Ensuite, il s’agit de l’amiral Charles Richard, chef du commandement strategique (‘Strategic Command’, ou StratCom) des forces armées US, réunissant sous commandement unique toutes les forces stratégiques et nucléaires des USA. Richard a fait une intervention devant l’Air Force Association, qui tient sa conférence biannuelle dans le Maryland. On se tient ici à des extraits de cette intervention (repris par RT.com selon une préoccupation évidente pour la situation en Ukraine) ; ils ont été rendus publics par le Pentagone selon une centralisation explicable par la sensibilité extrême du sujet. D’autre part, ces différents “filtres”, qui pourraient nuire à la connaissance du sujet, nous permettent au contraire de connaître les préoccupations majeures que les acteurs de la bataille veulent faire connaître au public (certaines restrictions et parfois censures de l’information sont plus révélatrices que ce qu’elles prétendent dissimuler).
« […Richard] a déclaré mercredi que, pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis sont confrontés à la possibilité d'une guerre nucléaire avec un adversaire du même niveau. [….] Richard a affirmé que les États-Unis devaient se préparer à une escalade rapide contre d’éventuels adversaires et à protéger leur territoire.
» “Nous tous, dans cette salle, sommes de nouveau en train d'envisager… un conflit armé direct avec un pair à capacité nucléaire”, a-t-il déclaré, selon un résumé de ses commentaires par le Pentagone. “Nous n'avons pas eu à le faire depuis plus de 30 ans”. […] “Cette situation n'est plus théorique”.
» “La Russie et la Chine peuvent monter à n'importe quel niveau de violence qu'elles choisissent dans n’importe quel domaine avec n'importe quel instrument de pouvoir dans le monde”, a-t-il poursuivi. “Nous n'avons tout simplement pas été confrontés à des concurrents et des adversaires de ce type depuis longtemps”. »
• Enfin, la troisième intervention est celle d’un observateur que nous tenons comme étant d’une grande qualité, et que nous tenons comme “indépendant” malgré sa qualité d’ancien officier de l’U.S. Army, d’une part parce qu’il refuse et dénonce la narrative officielle et ceux qui s’en font les porteurs, d’autre part parce qu’il s’est affirmé depuis le début du conflit comme un des meilleurs observateurs de la situation militaire en Ukraine. (Bien entendu, il était déjà “indépendant” et “un des meilleurs observateurs” du domaine avant le conflit.)
Ici, on donne la réponse que le colonel Douglas MacGregor, – c’est de lui qu’il s’agit, – donnait hier à Tucker Carlson sur FoxNews, sur la situation générale créée par les décisions russes du 21 septembre, sur le discours de Poutine se terminant par l’affirmation que la Russie répondrait au même niveau de l’attaque contre elle (y compris nucléaire, bien entendu), et sur la demande faite par Zelenski (interview dans le ‘Guardian’) que les USA menacent la Russie de frappes nucléaires tactiques. (Voir le commentaire de Tucker Carlson sur cet épisode.) Il est inclus dans cette réponse un jugement sur le comportement et les jugements de l’establishment de sécurité nationale anglo-saxon.
« Presque dès le tout premier moment où les Russes ont pénétré dans l’Est de l’Ukraine, une succession de généraux à la retraite et de politicards à Washington, Londres et ailleurs ont déclaré la victoire de l'Ukraine. Sept mois plus tard, l’armée ukrainienne est exsangue, des dizaines de milliers de soldats ukrainiens ont été tués ou blessés. L'Ukraine est vraiment sur la corde raide et tente de créer l’illusion que ce n’est pas le cas.
» Dans le même temps, Vladimir Poutine a finalement conclu qu'il ne pouvait pas négocier avec Kiev, que le vrai problème, bien sûr, était Washington, et que Washington ne négocierait pas avec lui. Il a donc opté pour une mobilisation partielle, en amenant des forces supplémentaires, ostensiblement dans le but de mettre fin à cette situation. En même temps, il est très conscient, comme tous ceux d'entre nous qui font partie de la communauté de la défense à Washington, qu'il y a eu beaucoup de discussions depuis plusieurs mois sur la viabilité de mener une guerre nucléaire limitée contre la Russie, en utilisant l'arme nucléaire dite tactique.
» Ce genre de chose est très effrayant pour les Russes. Ils ont clairement indiqué que leur utilisation des armes nucléaires se limite à des frappes de représailles au cas où nous, ou quelqu'un d'autre, les attaquerions. Donc [Poutine voulait] juste réaffirmer clairement [que les Russes] répondront [au niveau nucléaire] si nous utilisons une arme nucléaire. »
L’hypersonique de Medvedev
Pour avoir une bonne appréciation de tout cet étrange remue-ménage autour de la dernière phrase du discours de Poutine, à propos de laquelle Poutine est mis en accusation comme le boucher nucléaire du monde en-devenir, comme le seul à avoir osé évoquer cette possibilité, – tout cela qu’on croirait être une morbide plaisanterie à l’ombre des déclarations “nucléaires” de tous les responsables du bloc-BAO, jusqu’à Liz Truss qui annonce son intention d’aller jusqu’à “la Totale” type-bouton rouge si nécessaire, – pour avoir cette appréciation, on recommandera d’écouter et de voir les 9 premières minutes de la vidéo d’Alex Christoforou de ce matin. Il rafraîchit notre mémoire.
L’intervention de MacGregor nous fait savoir au contraire que le tout-Washington bruisse depuis des mois autour de l’hypothèse d’utiliser du nucléaire tactique contre la Russie. C’est une atmosphère étrange que de réaliser une telle situation où les psychologies exacerbés envisagent avec tant d’empressement une voie nucléaire dans ce conflit, qui serait censée en ferait une issue victorieuse pour le bloc-BAO. Cela, c’est un monde en soi, loin dans la galaxie des consciences malades ; et c’est le monde de la narrative derrière la narrative (affirmer que Poutine veut lancer une guerre nucléaire alors qu’on discute depuis des mois de lancer une guerre nucléaire contre la Russie). Les deux autres interventions nous font revenir dans le monde réel, et c’est à ce propos qu’il est intéressant d’émettre quelques remarques, – c’est-à-dire deux principalement.
La première de ces remarques est la reconnaissance par le chef des forces stratégiques et nucléaires US que les États-Unis se trouvent devant un adversaire à leur mesure dans tous les domaines de la puissance stratégique et nucléaire.
« Nous n'avons tout simplement pas été confrontés à des concurrents et des adversaires de ce type depuis longtemps »,
dit l’amiral Richard… Peut-être même ne l’ont-ils jamais été, car il n’est nullement assuré que l’URSS ait jamais atteint la parité qualitative (c’est de cela dont il est question) avec les USA dans tous les cas opérationnels des domaines stratégiques et nucléaires. Cette évaluation doit être prise au sérieux, dans la mesure où Richard s’adresse à un public de personnalités civiles et militaires du domaine de la sécurité nationale, et il est essentiel que ces personnalités soient bien informées.
Au reste, Richard ne fait que poursuivre une attitude bien établie des chefs des forces stratégiques et nucléaires, avec le précédent du général John Hyten en mars 2018 venant confirmer la réalité des nouvelles armes présentées le même mois par le président Poutine. Et Hyten reconnaissait une supériorité russe dans ce domaine essentiel des engins hypersoniques, ce qui nuance et précise d’autant l’évaluation de Richard, et par conséquent l’archi-prudence que les chefs militaires US doivent prôner pour tout ce qui concerne l’aspect stratégique et l’aspect nucléaire. (Et ce n’est pas un hasard, mais un peu de baume au cœur, que l’annonce de la sélection de Raytheon pour développer un missile de croisière hypersonique, ce qui montre que l’on travaille dans ce domaine, – bien qu’on n’y soit pas encore…)
Ce rappel donne une bonne transition pour passer à la seconde remarque. Il s’agit en effet de mettre en évidence que Medvedev mentionne spécifiquement comme capacité de frappe stratégique, “les missiles hypersoniques” :
« Les [missiles] hypersoniques sont sûrs de toucher des cibles en Europe et aux États-Unis beaucoup plus rapidement. »
Cette précision ne peut être tenue pour gratuite, et si elle permet d’affirmer une supériorité russe, elle nous suggère également l’idée que ces missiles sont considérés par les Russes comme des instruments de la dissuasion stratégique maximale (c’est-à-dire comprenant le territoire des USA). On note également que Medvedev ne précise pas s’il s’agit de tels missiles équipés de têtes nucléaires. Nous pouvons donc considérer comme renforcée l’hypothèse que nous avons déjà émise à plusieurs reprises que la Russie a la capacité de monter dans le domaine stratégique sans pour autant mettre dans le jeu un armement nucléaire qui change complètement la nature du conflit, donc que la Russie a établi un échelon de plus dans l’échelle de la dissuasion.
Nous développions notre hypothèse le 23 avril 2022 et nous pouvons croire qu’elle est sans doute confirmée dans les plans russes, et sans doute appréhendée par le Pentagone comme une capacité opérationnelle qui complique énormément l’équation stratégique :
« …Cela implique la possibilité, dans le cas d’une escalade, de la mise en place et de l’existence d’un échelon intermédiaire entre la guerre conventionnelle de haut niveau et la guerre nucléaire avec son enchaînement quasiment inéluctable du tactique au stratégique (guerre totale d’anéantissement). Dans l’état actuel des forces, cette novation serait au seul avantage des Russes, grâce à leur missiles hypersoniques qui, dans certaines conditions, pourraient frapper avec précision une cible militaire aux USA (bases, centre de commandement, etc.) sans provoquer les dégâts collatéraux catastrophiques d’une frappe nucléaire. Il s’agirait alors d’une frappe d’avertissement non-nucléaire brisant dans des conditions opérationnelles normales le verrou symbolique et stratégique que constitue l’invulnérabilité du territoire US ; démontrant au contraire la réalité nouvelle fondamentale de la vulnérabilité désormais directe, de la “dé-sanctuarisation” du territoire US. En mettant les USA sur la défensive, cela constituerait une forte incitation à stopper les politiques agressives diverses des USA, dont la politique de soutien aux poussées agressives contre la Russie, comme en Ukraine depuis 2014. »
Mis en ligne le 22 septembre 2022 à 19H10
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org