Cela aurait dû être le shoah-movie du moment, qui tombe en plus en pleine « Katyn », l’histoire des fosses communes individuelles ukrainiennes dans la forêt d’Izioum, mais voilà, l’événement Babi Yar est assez pénible pour les Ukrainiens en général, et les habitants de Kiev en particulier.
Sergei Loznitsa : « Le problème, c’est que des policiers ukrainiens ont participé à l’anéantissement des juifs et que ces policiers ont en même temps combattu plus tard pour l’indépendance de l’Ukraine. Ce sont donc des héros nationaux et des assassins. Toute la question est de savoir si les Ukrainiens sont prêts aujourd’hui à entendre cette vérité. » (Le Monde)
Ils ne sont pas responsables du massacre de septembre 1941, quand les Allemands ont fusillé des dizaines de milliers de juifs en trois jours dans une fosse à l’extérieur de la ville, mais l’Ukraine à ce moment-là, les Soviétiques ayant été chassés, ont remis leur nationalisme et leur collaborationnisme au goût du jour. Ils ont effectivement cru que la domination soviétique était terminée, et se sont lâchés, notamment sur les juifs, qui étaient accusés de judéo-bolchevisme, c’est-à-dire d’avoir été, en 1917, à l’origine de cette révolution qui verra la fin du nationalisme ukrainien, et le début des famines des années 30.
C’est donc au moment où la presse internationale, donc mondialiste, donc otaniste, tente de nazifier les Russes avec une réplique du massacre soviétique de l’élite polonaise dans la forêt de Katyn, que le film documentaire sur Babi Yar sort. Ce qui est étonnant dans les propos du réalisateur, au cours d’interviews fort complaisantes, c’est qu’il ne botte pas en touche à ce sujet, mais minimise la collaboration des Ukrainiens. ce qui n’est pas entièrement faux : pris entre les deux puissances soviétique et germanique, le peuple ukrainien a terriblement souffert. Même chose pour les Biélorusses et les pays baltes, l’ensemble prenant le nom des « terres de sang », si on y inclut la Pologne, qui a été l’épicentre des grands massacres de civils, juifs et non juifs mêlés.
Heureusement, avec un art de l’acrobatie et du retournement consommé, le réalisateur Sergei Loznitsa arrive quand même à enfoncer les Russes devant la presse occidentale. Et quoi de mieux que Le Monde pour incarner cette presse alignée, chez nous ?
Le Monde : Votre film était terminé un an avant l’invasion de l’Ukraine. Ne craignez-vous pas que le calendrier de sa sortie soit délicat, à l’heure où la Russie instrumentalise la question du « fascisme » ukrainien ?
Sergei Loznitsa : La vérité est bonne à dire à tout moment, je pense. Et si aujourd’hui la Russie, État totalitaire, peut dire cela d’un pays qui s’est, quant à lui, démocratisé, c’est en partie parce que les historiens ukrainiens n’ont tout simplement pas fait leur travail durant trente ans.
La seconde interview « parlante » nous vient de Marianne, avec Éric Naulleau comme intervieweur, qui revient aussi sur le timing pour le moins foireux du film. Le réalisateur prend mal la question.
Éric Naulleau : Vous avez terminé votre film peu avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Avez-vous hésité à le sortir ? Quand un pays est ainsi agressé, cela provoque bien sûr des réflexes patriotiques. Or, « Babi Yar. Contexte » n’est pas à l’honneur de l’Ukraine et des Ukrainiens d’alors. Vous y montrez la complicité de la population locale et des forces de police dans le massacre.
Sergei Loznitsa : Votre question me paraît étrange, car vous semblez lier les agissements d’une petite partie de la population alors présente dans cette partie de l’Ukraine soviétique à l’ensemble de l’Ukraine contemporaine, très différente.
Éric Naulleau : Je ne les confonds pas, je parlais de la réception du film dans un contexte très particulier, celui de l’agression subie par l’Ukraine et des réflexes nationalistes qui peuvent en découler en réaction à votre documentaire…
Sergei Loznitsa : La réception se fait en fonction du niveau d’instruction et du développement de chacun des spectateurs. (…)
Éric Naulleau : Ma question se fondait également sur votre exclusion de l’Académie ukrainienne du film. Cette décision est-elle en rapport direct avec « Babi Yar. Context » ?
Sergei Loznitsa : Ce n’est qu’un doute de ma part, mais je ne peux m’empêcher de noter que le responsable de l’Académie ukrainienne du film est membre du parti nationaliste Svoboda, très hostile à ce type d’œuvre. Ce courant nationaliste a également voulu accéder au Parlement, mais n’a obtenu que 1,5 % des voix, preuve que l’immense majorité du peuple ukrainien n’est pas sur cette ligne.
Oui mais c’est ce courant nationaliste qui nourrit les troupes de Zelensky, dont les fameuses compagnies Azov, qui sont ouvertement pro-nazies. En éludant cela, on élude une grande partie de la question, ou de la gêne. Pour finir, le réalisateur donne son avis sur le conflit.
Sergei Loznitsa : Si l’on devait trouver une analogie historique, ce serait celle de la guerre des Grecs contre les barbares. Platon disait que lorsque les Grecs font la guerre aux Grecs, c’est une discussion, et que lorsque les Grecs font la guerre aux barbares, c’est une lutte contre l’anéantissement. Il nous faut essayer de trouver la réponse civilisée à cette confrontation. Ce que nous vivons n’est pas la guerre de la Russie contre l’Ukraine, c’est la guerre d’une civilisation qui habite au XXIe siècle contre une civilisation qui habite au XIXe, voire au XVIIIe siècle. Il ne s’agit pas d’une agression contre un pays européen, mais d’une agression économique et idéologique contre le reste de l’Europe.
Il n’est pas certain que l’Ukraine, ce pays corrompu jusqu’à la moelle et dirigé en sous-main par l’axe américano-sioniste, soit comparable à la noble Grèce de l’Antiquité. Quant aux « Barbares », ce sont eux qui ont été encerclés et attaqués en 2014…
Une présentatrice un peu négligée évoque le dernier survivant du massacre
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation