L’avènement de l’idole
Par sa capacité de destruction massive et instantanée, la bombe nucléaire est considérée comme omnipuissante. Elle inspire deux sentiments contraires, le tremendum et le fascinans (le terrifiant et le fascinant) qui s’unissent dans celui d’immensité, la majestas. Selon le chercheur en science des religions Ira Chernus, la Bombe a remplacé Dieu tout-puissant dans l’esprit d’une partie du genre humain.
Depuis sa première utilisation par les États-Unis contre le Japon en août 1945, plusieurs États ont donc fait l’acquisition de la Bombe dans le but de sanctuariser (notez le terme religieux utilisé par les dirigeants) le territoire national contre toute attaque majeure d’une puissance hostile. Outre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, soit les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine, le club nucléaire comprend actuellement Israël, le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord. Trois d’entre eux — les États-Unis, le Pakistan et la Corée du Nord — s’autorisent maintenant à une frappe nucléaire préventive contre un ennemi.
Trois périodes de menace nucléaire
On peut découper en trois périodes non fermées la nature changeante de la menace nucléaire. Plutôt que de se succéder, ces périodes s’emboîtent les unes dans les autres :
- la dissuasion fondée sur la destruction mutuelle assurée entre puissances nucléaires : depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945-) ;
- la potentielle contamination radioactive de villes importantes par des organisations islamistes avec des bombes sales : depuis la chute de l’Union soviétique (1991-) ;
- la déliquescence d’États nucléaires : États-Unis, Grande-Bretagne, France : à partir du basculement du monde (2022-).
Description des trois périodes
Pendant la première période, l’on avait compris qu’il ne pouvait y avoir un vainqueur entre deux belligérants nucléaires. À cause de l’instinct de survie des dirigeants « normaux » aspirant au maintien de leur
- prestige ou gloire,
- pouvoir politique,
- aisance matérielle procurée par leur poste.
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La deuxième période commença dans la foulée de la disparition du régime communiste de l’Union soviétique, qui facilita l’acquisition de matériaux nucléaires sur le marché noir. Le danger de fabrication d’une bombe sale, soit une bombe ordinaire additionnée de matière radioactive, existe toujours, même s’il ne s’est pas concrétisé jusqu’à maintenant. Les groupes terroristes islamistes, comme Al-Qaida, sont des organisations nébuleuses sans territoire ou État défini contre lesquels riposter. Surtout, à la grande différence des acteurs de la première période, les terroristes mahométans sont dépourvus de l’instinct de survie : le mirage mental qu’est le paradis éternel auquel ils aspirent est un lieu de splendeur où ils seraient dotés de serviteurs et d’un harem de vierges. Aussi, Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU, évoqua la possibilité que l’équilibre de la terreur soit remplacé par un « déséquilibre de la terreur ».
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L’atmosphère extrêmement lourde de la toute récente période est celle d’un Occident décadent, aux repères pervertis ou supprimés, dirigé par des chefs d’État déconnectés de la réalité et poursuivant des chimères de contrôle technocratique dans un espace virtuel d’ordre financier. L’Homo economicus visé est un être déconstruit, fragmenté, « atomisé ». On cherche à intoxiquer l’Homo sapiens avec le mirage de la surabondance matérielle masquant le vide existentiel de la postmodernité.
Le nihilisme narcissique des élites occidentales induit l’appel d’air de l’hubris (excès, démesure, déraison, folie) qui pourrait entraîner l’humanité dans un abîme de feu. Par exemple, lors de la course à la chefferie du Parti conservateur britannique, la nouvelle première ministre Liz Truss répondit avec délectation qu’elle serait prête à déclencher une guerre nucléaire pouvant entraîner l’annihilation du genre humain.
Drapée dans la vertu financière, l’oligarchie mondialiste suscite un mode de pensée, de parole et de comportement qui détruit l’identité nationale, culturelle et sexuelle des gens. Au point de renoncer à la mission de base des États, qui consiste à protéger la sécurité et la vie de leurs citoyens.
Or, dans la situation militaire actuelle, tous les systèmes d’alerte nucléaire, comme le NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord), sont des lignes Maginot face aux missiles balistiques de longue portée ou aux missiles lancés par des sous-marins tapis au fond des océans, notamment les missiles hypersoniques russes. La sanctuarisation, ou protection absolue, ne peut être qu’illusoire. La Bombe est ubique : aussitôt largués, les missiles nucléaires frapperaient de désuétude toute géopolitique, qu’elle soit de type tellurique ou thalassocratique.
L’avenir immédiat
Les pays occidentaux hallucinés par les idéologies destructrices, comme l’extrême gauchisme, le LGBTisme, le racialisme, le wokisme, etc. — c’est-à-dire animés par la pulsion de mort —, cherchent à abattre les pays qui tiennent à conserver leur nationalité et leurs mœurs traditionnelles. En pratiquant contre ces derniers un ostracisme illimité ou même une guerre hybride, à la fois économique, militaire et culturelle. Contre la Russie par exemple, en faisant fi de la réalité, soit qu’elle constitue la puissance nucléaire la plus forte.
Ainsi, comme un boomerang, toutes les mesures de rétorsion se retournent contre les États occidentaux punitifs. On prévoit un automne 2022 et un hiver 2023 socialement agités en Europe et en Amérique parce que les peuples se réveillent contre les élites qui les méprisent et les trahissent. Il faudra des changements de régime politique pour faire tomber l’oligarchie mondialiste unipolaire.
Dans ce contexte, les dirigeants qui voudront s’accrocher au pouvoir pourraient être tentés par la fuite en avant jusque dans le gouffre nucléaire. Comme les dirigeants corrompus et suicidaires de Kiev qui bombardent les centrales nucléaires de Zaporojié, risquant de soumettre l’Ukraine, le sud de la Russie, la Moldavie, la Roumanie et la Bulgarie à une contamination que les vents pourraient propager jusqu’en Allemagne.
Assisterons-nous à l’avènement éblouissant de l’utilisation débridée de l’arme nucléaire selon les scénarios convergents des trois périodes décrites plus haut ? Par exemple, le déclenchement d’une bombe sale sur une ville entraînant la riposte d’un État nucléaire — déliquescent ou non — contre un autre, qui produirait une réaction en chaîne se terminant dans une ekpyrose (du grec ekpyrosis, « conflagration générale »). Sans écarter le recours simultané à d’autres instruments de destruction massive, telles les armes bactériologiques états-uniennes. Le règne final du chaos serait alors instauré selon une diversité de voies insondables.
Le philosophe Karl Jaspers, qui plaçait son espoir dans la liberté responsable de l’homme, soulignait que tous les Terriens avaient le droit de s’engager dans la conjuration de la menace nucléaire, un défi existentiel commun. Il faut relancer son appel au « revirement intérieur » (ou autres termes jaspersiens : le retournement, le saut ou la transformation) afin d’arrêter la marche somnambulique vers l’abîme igné. Tous les êtres humains sont appelés à une résistance souveraine, personnelle et collective, faisant appel au ressort de leurs capacités biopsychiques les plus développées.
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Bibliographie sommaire
Chernus (Ira), Dr. Strangegod: On the Symbolic Meaning of Nuclear Weapons, University of South Carolina Press, Columbia (États-Unis), 1986.
Jaspers (Karl), La bombe atomique et l’avenir de l’Homme : conscience politique de notre temps, Éditions Buchet/Chastel, Paris, 1963 (1958 en allemand).
Labelle (Marc), Le sacré transmuté par le feu nucléaire (mémoire de maîtrise), 1999 ; Le feu nucléaire transmuté par le sacré (thèse de doctorat), 2004.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec