Marx avait raison — Craig MURRAY

Marx avait raison — Craig MURRAY

La crise du capitalisme est désormais à nos portes. Il n’y a pas de mesures palliatives qui rendront la situation supportable.

Je ne me suis jamais considéré comme un marxiste. Je suis devenu adulte à la fin de la seule période de 40 ans de l’histoire de la civilisation occidentale où le fossé entre les riches et les gens ordinaires s’est réduit. En conséquence, j’ai cru qu’une société tolérable pouvait être atteinte en prenant juste des mesures simples pour améliorer le capitalisme.

J’ai grandi avec la propriété publique des services publics, des monopoles naturels et des industries stratégiques, avec la gratuité des soins de santé et des médicaments, la gratuité des études universitaires avec de bonnes bourses d’études, des écoles sous le contrôle de conseils locaux élus, des loyers équitables contrôlés, y compris dans le secteur privé, et un nombre important de logements sociaux. Nous pensions que cela durerait toujours.

En 1973, j’ai rejoint le parti libéral. Je peux encore croire aujourd’hui à une grande partie du manifeste du parti libéral de 1974. Les éléments susmentionnés, tels que la propriété publique des services publics et des principales industries et la gratuité de l’enseignement, ne figuraient pas dans le manifeste parce qu’ils n’avaient pas besoin d’y figurer : ils existaient déjà et constituaient la structure de base.

Le manifeste a ajouté des éléments tels qu’un revenu de base garanti pour tous les membres de la société, des participations obligatoires des travailleurs dans les industries non nationalisées, des conseils de travailleurs et un gel des loyers dans les secteurs public et privé.

Je ne prétends pas qu’il s’agisse d’un grand document socialiste : il y a des signes d’une pensée de droite qui s’insinuent, comme le passage sur la fiscalité indirecte. Mais la vérité est que le manifeste du parti libéral de 1974 était au moins aussi à gauche que celui de l’ancien leader travailliste Jeremy Corbyn. Certaines de ses idées étaient très en avance sur leur temps, comme l’idée que la croissance économique continue et l’augmentation de la consommation ne sont ni durables ni souhaitables.

Croyant essentiellement aux mêmes choses aujourd’hui, je me retrouve cependant à l’extrême gauche du spectre politique, sans avoir jamais bougé mentalement !

Voici quelques extraits du manifeste libéral de 1974 qui pourraient vous surprendre. Vous n’entendrez pas ce genre de langage de la part du parti travailliste de Keir Starmer, en fait, vous risqueriez probablement de vous faire jeter [si vous le disiez à haute voix] :

La première chose est de recréer, dans notre société et nos institutions politiques une loyauté envers le « bien commun » auquel tous les intérêts partisans et sectaires, quelle que soit leur valeur intrinsèque, doivent être subordonnés. Mais tous les efforts en direction d’un tel consensus, en direction de ce « bien commun » serait inutiles et ratés s’ils ne sont pas accompagnés par la reconnaissance que notre société actuelle est extrêmement injuste dans sa distribution des privilèges et des récompenses matérielles entre le capital et le travail, entre classes et entre individus. Ce n’est que quand il sera évident que la restructuration de notre société est en marche et qu’une société plus équitable est en vue que le nécessaire consensus politique sera à portée de main.

Les objectifs d’une politique libérale

Établir le droit universel à un revenu minimum, équilibré par une meilleure répartition des richesses, grâce au système fiscal et aux garanties de revenu minimum.

Créer une relation d’égal à égal entre employés et employeurs en reconnaissance de l’importance équivalente de leurs contributions au succès de l’industrie.

Décentraliser le gouvernement et donner du pouvoir politique à l’Écosse, le Pays de Galles et les régions anglaises pour s’assurer que les décisions soient prises au plus près du peuple.

Inciter les gens à exercer leur influence au sein de leur communauté en y participant et encourager les consultations pour l’exercice des responsabilités nationales au niveau de la santé, de l’éducation et du bien être social.

Briser les monopoles, politiques et économiques, de façon à ce que l’initiative individuelle ne soit pas supprimée.

Économiser et protéger les ressources limitées pour le bénéfice final de toute la communauté.

Tous ces buts ont un objectif ; servir l’individu et créer les conditions dans lesquelles il peut développer au mieux sa personnalité.

Ce parti libéral a bien sûr disparu, tout comme les traditions radicales, anti-guerre et anti-syndicalistes du libéralisme britannique. Elles ont été diluées par la fusion avec le parti social-démocrate et finalement tuées par l’ancien vice-premier ministre Nick Clegg, aujourd’hui président des affaires mondiales de Meta Platforms, et les « Orange Bookers » qui ont fait du parti hybride un parti entièrement néo-libéral, avec une doctrine qui n’a presque aucune ressemblance avec le libéralisme qu’il prétend réaffirmer.

Les âmes robustes qui suivent et soutiennent ce blog assistent aux derniers coups de boutoir de l’héritage de la pensée politique légué par John Stuart Mill, William Hazlitt, John Ruskin, John A. Hobson, Charles Kingsley, Bertrand Russell, William Beveridge et bien d’autres, assaisonné de Piotr Kropotkin et Pierre-Joseph Proudhon.

Je ne pense pas que la prochaine génération qui tentera d’être active en politique développera sa vision du monde avec ces penseurs là comme source principale d’inspiration.

Mais le but de ce babillage égocentrique est de vous faire savoir que je ne suis pas marxiste et que je ne viens pas d’un milieu ou d’une mentalité syndicaliste ou socialiste.

La doctrine du néolibéralisme

La pensée clé vers laquelle je m’achemine à travers ces explications est la suivante : j’ai grandi à une époque où le capitalisme était suffisamment modéré par des mesures palliatives pour qu’il semble être une façon raisonnable de conduire la société.

Cette époque a pris fin dans les années 80, lorsque la doctrine du néolibéralisme s’est imposée dans le monde occidental. Au Royaume-Uni, cette doctrine contrôle désormais fermement les partis conservateur, libéral démocrate, travailliste et national écossais et est promue sans relâche par les médias d’État et d’entreprise.

Le résultat de cette domination néolibérale a été une expansion massive et accélérée du fossé entre les ultra riches et le reste de la société, à tel point que les gens ordinaires, autrefois de la classe moyenne, luttent pour payer les factures nécessaires pour simplement vivre. La situation est devenue insoutenable.

En bref, il s’avère que Marx avait raison. La crise du capitalisme est désormais à nos portes. Le néolibéralisme (un autre mot pour désigner la conception de systèmes étatiques visant délibérément à conduire à d’incroyables concentrations de richesses au milieu de la pauvreté générale) arrive au bout de sa course.

Il n’existe pas de mesures palliatives qui rendront la situation supportable. Seul un changement radical dans la propriété des actifs permettra de remédier à la situation, en commençant par la propriété publique de toutes les entreprises du secteur de l’énergie, depuis les extracteurs d’hydrocarbures comme Shell et BP, en passant par les producteurs et fabricants de gaz, d’électricité et de carburant, les distributeurs et les détaillants.

Il ne s’agit là que d’un secteur et d’un début. Mais c’est un bon début. Je passe souvent devant la raffinerie de Grangemouth et je suis stupéfait de voir que tous ces terrains, ces équipements massifs, tous ces produits chimiques et ces processus profitent essentiellement à l’homme le plus riche de Grande-Bretagne, Sir James Arthur Ratcliffe, qui envisage d’acheter Manchester United comme dernier jouet (propriétaire de l’OGC Nice, il réside à Monaco), tandis que ses travailleurs protestent contre une nouvelle baisse de salaire en termes réels. Cette obscénité ne peut pas durer éternellement.

Les guerres ne sont pas accessoires au néolibéralisme. Elles sont une partie essentielle du programme, car le consumérisme sans limites nécessite l’acquisition massive de ressources naturelles. Les guerres constantes ont pour l’élite mondiale l’avantage secondaire utile de générer des profits massifs pour le complexe militaro-industriel.

Le coût en termes de misère humaine et de mort est maintenu à une distance discrète du monde occidental, à l’exception des flux de réfugiés, qui rencontrent une réponse de plus en plus fondée sur le déni de l’humanité.

La promotion de la guerre continuelle a conduit à l’accélération de la crise. Une grande partie de l’explosion actuelle du coût de la vie peut être directement attribuée à la guerre provoquée, prolongée et inutile en Ukraine, tandis que la doctrine néolibérale interdit le contrôle de l’énorme profit actuel qu’engrangent les entreprises énergétiques.

Au printemps, la colère du public sera d’une force et d’une portée jamais vues de mon vivant. Les ultra riches et leurs serviteurs politiques le savent, et c’est pourquoi des mesures énergiques sont prises pour prévenir toute protestation publique.

La nouvelle loi sur le maintien de l’ordre fait partie d’une série de mesures visant à restreindre les possibilités d’expression libre du mécontentement public. Les manifestations peuvent être simplement interdites si elles sont « bruyantes » ou « gênantes » . La marche réunissant 2 millions de personnes contre la guerre en Irak à Londres, par exemple, aurait pu être interdite pour ces deux motifs.

J’ai rencontré et discuté le week-end dernier au Festival Beautiful Days avec l’admirable Steve Bray ; nous ne sommes pas d’accord sur tout mais sa préoccupation publique est authentique. Il s’habitue à être expulsé par la police de la place du Parlement après avoir été spécifiquement visé par la législation. Je lui ai rappelé – et je vous rappelle – que le gouvernement Blair avait également interdit les manifestations près du parlement de Westminster.

L’intolérance à l’égard de la dissidence est une caractéristique du néolibéralisme moderne, comme en témoignent les gens au Canada et en Nouvelle-Zélande – ou comme Julian Assange pourrait vous le dire.

Mais outre les attaques législatives et étatiques contre la contestation, l’État néolibéral renforce également ses éléments de contrôle plus subtils. Les services de sécurité ne cessent de se développer. Les médias ne sont pas seulement de plus en plus concentrés, ils sont de plus en plus sous l’influence directe des services de sécurité – l’Initiative pour l’intégrité, les révélations de Paul Mason et les frayeurs à peine déguisées de Luke Harding et Mark Urban sont autant de petits éléments d’une toile massive conçue pour contrôler l’imagination populaire.

Craig Murray a été ambassadeur britannique en Ouzbékistan d’août 2002 à octobre 2004 et recteur de l’université de Dundee de 2007 à 2010.

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.


Note de Geb.

Premio, pour bien comprendre de quoi il parle il faut savoir que « liberal » en Britannia ça signifie « progressiste version nationalisation des Services publics », contrairement à l’USAnistan ou ça signifie exactement contraire ; soit « de droite dure pour la destruction de toute influence de l’Etat dans les Services publics ».

Ne me demandez pas « pourquoi il en est ainsi » dans deux entités qui utilisent la même langue comme « officielle ». Ca doit être pour mieux enfumer ce qui reste de gens qui « cherchent » à décoder.

Deuxio, le mec, (Ancien Ambassadeur britannique, et ancien Recteur d’une Université, SVP), en plus il raconte tranquillou à tout ceux, (pauvres gueux), qui se sont fait enfiler en l’écoutant, (et en le pensant « qualifié » pendant qu’il vilipendait un Marx dont ils pensaient qu’il l’avait lu et étudié à leur place pour leur plus grand bien), que durant des années il a fait et raconté n’importe quoi payé par leurs deniers publics.

Ca a dû leur faire un choc aux Britons quand ils ont compris à la suite de ce texte qu’il avait « étudié » Marx dans Tintin chez les Soviets. ((- :

Enfin, s’il l’ont compris, ce qui est loin d’être certain.

Et il va faire quoi maintenant ? Léguer tout le pognon qu’il a encaissé indûment au titre de sous-bite de La City aux mineurs gallois victimes de la Politique scélérate de Tatcher ?

Ah c’est vrai. Il était « sincère ».

Comme quoi il vaut mieux avoir affaire à une ordure déclarée qu’à une personne « sincère » qui ne comprend rien à rien et qu’on écoute parce qu’il a l’air gentil.

Au moins on sait qu’il faut juste faire le contraire de ce que préconise le premier pour être dans le vrai.

Et on n’est pas contraints de se farcir ses excuses geignardes et ses méa-culpa inutiles à postériori après qu’il vous ait bien mis au fond du trou à vos frais.

6 septembre 2022

Source Consortium News

»» https://lesakerfrancophone.fr/marx-avait-raison

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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