L’auteur est membre des Artistes pour la Paix
Le film Je vous salue salope, avec des exemples tonitruants et troublants de misogynie au temps du numérique qui, par leur accumulation, quittent le domaine de l’anecdote, pose une question historique déterminante : l’humanité arrivera-t-elle à se libérer de la mainmise des hommes sur les armées, les affaires et la religion?
La qualité de montage des films de La Ruelle est légendaire : comment ne pas admirer aujourd’hui un film présent dans cinq pays différents, avec un discours cohérent pour nous du Québec? Car au départ, il décrit sans complaisance la situation de nos jeunes encore à l’école, assaillies sur facebook par des commentaires du genre « sale chienne », « t’es laide », « m’a t’violer avec ma gang ». Et le film s’attache à Laurence Gratton dont on voit l’évolution dramatique dans son corps, d’abord de belle grande fille au regard allumé d’intelligence, puis de victime éteinte et désemparée par cinq années de harcèlement d’un camarade de classe jaloux, que la police se déclare impuissante à accuser derrière le statut LIBÂRTÉ d’expression de Facebook, dont Éric Duhaime est le seul des chefs de partis à ne pas vouloir éliminer les membres anonymes. À la fin du film, on découvre celle qui est passée à travers et enseigne maintenant à des jeunes filles aussi brillantes qu’elle. Laurence fut applaudie sur la scène du cinéma Outremont, avec l’ex-politicienne afro-américaine Kiah Morris, l’héroïne du film qui a fait le voyage du Vermont avec son touchant mari, qui ont dû déménager et sortir de la politique vénéneuse de Donald « grab them by the pussy! » Trump. Peut-on seulement imaginer une seconde ce que ses consœurs démocrates vivent dans les États racistes du Sud, avec les nouvelles lois anti-avortement et la Cour Suprême aux mains des suprémacistes blancs anti-GIEC?
Des « pacifistes » au discours à l’eau de rose seront choqués par les nombreux exemples de discours haineux de misogynie du film, au lieu de s’insurger contre leur violence et leurs conséquences tragiques sur les femmes qui en sont victimes : le moment le plus déchirant étant le discours du père de Rehtaeh Parsons, dont je ne vous dis rien pour ne pas divulgâcher ce rare moment d’un discours masculin respectueux. Les réalisatrices ont justement plaidé : « On veut que les gens comprennent, mais surtout qu’ils ressentent ce que ces femmes vivent, qu’ils se mettent dans leur peau, qu’ils vivent leur cauchemar ».
La féministe française Marion Seclin a reçu plus de 40 000 messages sexistes et menaces de viol et de mort après avoir lancé une vidéo youtube sur le harcèlement de rue (minimisé par l’intellectuelle française Catherine Millet).
L’ex-présidente du Parlement italien, la démocrate ancienne porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Laura Boldrini, est menacée de mort et de viol par un maire de droite qu’elle poursuit et le lendemain de sa victoire judiciaire qu’elle publicise en souriant au pays entier, elle reçoit par la poste une balle de pistolet et son effigie est brûlée en pleine rue!
L’autrice et spécialiste de la misogynie en ligne Donna Zuckerberg, la sœur de Mark, fondateur de Facebook, critique l’inaction coupable des plateformes numériques, y compris celle de son frère, en matière de cyberharcèlement et de messages haineux.
« Pour que les choses changent, il faut sensibiliser les gens à ce phénomène grave. On souhaite que notre film soit utilisé comme un outil de prévention, d’éducation pour contrer la banalisation de la misogynie en ligne », espère Léa Clermont-Dion, dont le doctorat portait justement sur les discours antiféministes en ligne.
Les réalisatrices ont essuyé de nombreux refus et désistements à la toute dernière minute de certaines femmes craignant pour leur sécurité. Elles-mêmes ont subi des appels anonymes, lors des annonces de leur projet, mais estiment ne plus pouvoir se défiler, après avoir partagé ces histoires cauchemardesques souvent banalisées par les autorités policières et autres, qui ne savent comment contrer le harcèlement sexuel, particulièrement développé chez les militaires américains, comme on le découvre dans la partie consacrée à la courageuse Kiah Morris (aux États-Unis, il y a eu pendant la COVID 30% d’augmentation des viols et autres agressions dans l’armée).
Les Artistes pour la Paix espèrent de tout cœur que l’impact du film soit tel qu’il forcera la population et nos instances gouvernementales à réagir.
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