par Jacques Vuillemin.
Cher futur,
Puisqu’il n’est pas possible de modifier le passé, difficile d’agir sur le présent je m’adresse à toi, cher futur.
Toi seul peut dessiner les promesses de notre avenir.
Le futur n’est pas ce qui arrivera, mais ce que nous en ferons.
Ecrire à un futur que ne sera pas le mien, que je ne connaîtrai pas puisque j’arrive au bout de mon chemin, quelle drôle d’idée !
J’entends déjà les critiques de ceux qui ne jurent que par les certitudes d’experts en tout, ou les avis de cabinets conseils.
Peu de gens savent être vieux, et moi pas davantage que les autres.
Je pourrais me réfugier dans le confort du silence ou de l’indifférence mais trop de cris se bousculent dans ma tête.
Il me faut les libérer.
Dans cette époque livrée à toutes les peurs que pouvons-nous faire ?
Sinon écrire, écrire encore même si l’on a mesuré depuis longtemps l’impuissance des mots.
« Quand le navire sombre, tout passager devient matelot » écrivait Victor Hugo.
Qui peut nier que notre navire, et celui du monde ne sont pas en train de sombrer ?
Confinée dans le secret d’un conseil de défense à l’écoute d’experts en tout qui ignorent les avis des élus et des citoyens, notre démocratie va mal.
Quel est l’état d’une société fracturée, déshumanisée, fragilisée par les épreuves traversées, partagée entre plusieurs camps plus impatients de combattre que de débattre ?
Une société où le profit est plus important que la dignité d’une personne âgée.
Une société qui a peur est une société bloquée.
L’Europe, qui fit rêver ma génération, est toujours une éternelle promesse, une terre promise où l’on n’arrive jamais.
La terre brûle partout.
Le monde va mal, car la peur est partout.
Elle est chez nous, dans la rue, peur de la pandémie, peur des réfugiés, de ceux qui ne sont pas pareils, peur de la barbarie aveugle qui peut surgir à tout moment ;
Elle est en Europe avec la guerre, et la menace nucléaire.
De partout dans le monde montent des cris que l’on refuse d’entendre.
Les cris des femmes afghanes abandonnées aux Taliban.
Les cris d’enfants qui jouent dans des ruines où rode la mort.
Les cris de réfugiés qui fuient la guerre et la misère.
Le XXIe siècle sera celui des grandes migrations climatiques. Il faut s’y préparer. Mais tout le monde s’en fout.
Notre destin est-il de subir toutes ces peurs, sans réagir ?
Et l’histoire, et toi aussi le futur, retiendront que pendant ce temps-là en France on débat du sort des non vaccinés, des étrangers qu’il faut chasser, de la dette qu’il faut réduire pour ne pas la laisser à nos enfants. Mais quand la jeunesse descend dans la rue ce n’est pas pour nous presser de rembourser la dette, mais d’agir plus vite pour le climat.
On débat aussi de l’inflation qui fait peur, des marchés qu’il faut rassurer, alors que c’est la terre qu’il faut rassurer.
L’urgence climatique bouleverse les priorités actuelles et nous impose de changer rapidement de cap pour affronter les vrais défis.
Voilà cher futur, ce que je voulais te dire.
Le tableau est sombre j’en conviens, tu sais je ne me fais guère d’illusions, j’aurai essayé de t’influencer en laissant une trace.
Comme l’écrit Romain Gary dans « le grand vestiaire »
« Mon pauvre ami ; que voulez-vous prouver ?
Je ne cherche pas à prouver, je veux seulement que demeure une trace de mes pas
À quoi servira-t-elle ?
À éviter seulement qu’on ne nous suive »
Pour que ceux qui viendront après nous ne les suivent pas et ouvrent leur propre chemin.
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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