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Il est urgent de considérer ce qui est posé comme une menace pour la société : les médias pathologisent la culture, générant diverses formes de malaise, comme des sentiments négatifs, des inhibitions et la rupture des liens sociaux, en alimentant l’intolérance, la ségrégation et l’isolement.
Étant donné que le journalisme jaune fait vendre, augmente l’audimat, des messages agressifs et hostiles sont diffusés de manière excessive et insistante, augmentant la peur, l’angoisse, la terreur et la haine. Les programmes de news et d’« information » produisent de fausses histoires et des théories de conspiration non prouvées sur la suspicion et le complot. Cette pratique soutient la croyance en l’existence d’un ennemi, qui provoque des sentiments de persécution et installe les affects susmentionnés, qui vont fonctionner comme des déclencheurs de la maladie psychique en réveillant le traumatique, selon l’équation des séries complémentaires établies par Freud en 1915.
Une grande partie de l’espace public occupé par les médias est devenu le lieu de la haine et de l’agression entre les gens. L’autre est attaqué, conçu comme un ennemi ou un objet hostile à humilier, dégrader, maltraiter, etc. Un effet d’identification est produit chez les spectateurs qui conduit à une culture transformée en un champ de mines de violence et de haine dans ses diverses expressions. Pour Hanna Arendt, le « mal » revêt diverses formes dans la culture, l’une d’entre elles étant de parler sous l’angle de la haine et de l’agression. Ces deux affections sont préjudiciables aux liens sociaux, ce qui a pour conséquence de miner la santé d’un peuple.
Le droit à la liberté d’expression est parfois confondu avec la liberté d’agression verbale ou de haine dans l’espace public. L’agression, comme l’a établi Freud, est la manifestation de la pulsion de mort dirigée vers l’extérieur. Lorsque cette pulsion est mal accompagnée par son opposé, Eros, elle opère de manière dissolvante dans le registre culturel, car elle conspire et attaque le commun. Elle se présente comme une irruption violente, non régulée, non mesurée, et tend à la rupture, à la dissolution des liens entre les êtres parlants, et, en somme, à la désagrégation du système social en général.
Les médias jouent un rôle crucial, car ils façonnent la réalité et agissent sur les subjectivités en manipulant les significations. Ils produisent et imposent des significations et des connaissances qui fonctionnent comme des vérités et qui, par l’effet de l’identification, se banalisent et forment l’opinion publique. Les médias de masse, connus sous le nom de quatrième pouvoir, ont été fallacieusement installés comme garants de « la vérité ». La croyance en une supposée réalité objective et extérieure qu’un sujet peut représenter est une conception moderne qui coïncide avec l’émergence de la science. Dans la post-modernité, nous savons que la réalité est une production subjective, qu’elle n’est pas extérieure, objective et étrangère à l’agent qui la produit. Le concept de réalité psychique inventé par Freud, fantasmatique, fictionnel et subjectif, a été crucial pour effectuer ce saut épistémologique.
Cependant, contrairement à cela, le préjugé et la croyance que les médias enregistrent objectivement une supposée réalité extérieure, qui est représentée de manière transparente et peut être fidèlement enregistrée, filmée, sont maintenus aujourd’hui. Les facultés cognitives, l’argumentation rationnelle, sont insuffisantes pour justifier le dispositif d’installation de ces croyances qui fonctionnent comme des certitudes. Quel est le mécanisme psychique et social qui rend compte de la captation produite par les médias de masse ? Quelle est la fascination d’un pouvoir qui détermine les identifications, les choix et envoûte ? Pourquoi les gens suivent-ils les ordres et se subordonnent-ils à différents mandats, indépendamment de leur contenu ?
Selon les idées de Freud, les relations sociales sont régies et normalisées par la mise en place d’un opérateur symbolique appelé l’Idéal du Moi. L’individu de la culture de masse met les médias à la place de cet Idéal, ce qui produit une hypnose engourdissante dans laquelle le sujet est transformé en un spectateur passif et captif qui, pris comme objet, se soumet inconsciemment aux messages et aux images qui lui sont proposés. Cette conception remet en cause la prétendue liberté de choix des personnes, car lorsque cette captation a lieu, les messages émis par les médias finissent par s’imposer, conditionnant les opinions, les valeurs et les identifications, ce qui entraîne une manipulation de la subjectivité, conduisant à la maladie psychique. Face à ce panorama, des questions se posent : où sont laissées les catégories de vérité, de décision rationnelle et d’autonomie du sujet pour filtrer et administrer les informations et les affects qu’elles installent ? Qui est responsable des effets pathologiques sur la subjectivité et le lien social ?
Répondre à ces questions est indispensable pour une conception démocratique qui doit inclure non seulement la logique des institutions et de la division des pouvoirs, mais aussi un débat pluriel, jamais épuisé ni annulé, entre les différents acteurs sociaux concernés. Il est très sain que la pluralité des voix se fasse entendre, en évitant la monopolisation de la parole et l’installation d’un discours unique, en assurant la transmission libre des messages mais en garantissant le droit des citoyens à une information véridique, responsable et rationnelle.
Compte tenu de la pathologie que génèrent les médias et afin de protéger la santé de la population, il est nécessaire de prêter attention aux effets négatifs qu’ils produisent. Il ne s’agit pas de censure ou d’approche morale, mais de prendre une décision responsable et fondamentale en faveur de la préservation de la santé mentale de la communauté.
L’État, ses représentants et ses institutions, doivent incarner une fonction symbolique de contention et de pacification au niveau individuel et social, capable de garantir le bien commun, la réduction de la violence et de l’hostilité dans les liens sociaux.
source : Pagina 12
traduction Estelle et Carlos Debiasi pour El Correo de la Diaspora
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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